Samedi 18 février. Découverte du peintre indien Sayed Haider Raza (1922-2016) que je ne connaissais pas du tout. Le Centre Pompidou présente jusqu’au 15 mai 2023 une exposition de près de 100 œuvres de cet artiste, sur papier et sur toile.
Elle suit de manière chronologique l’évolution de cet artiste : paysages expressionnistes au début, compositions abstraites à la fin. Il naît le 22 février 1922 à Barbaria dans l’actuel état du Madhya Pradesh en Inde dans une famille musulmane. Il fait des études à la prestigieuse école Sir J.J. School of Arts de Bombay (aujourd’hui Mumbai). Il fonde avec d’autres peintres de sa génération (Francis Newton Souza 1924-2002, Maqbool Fida Husain 1915 – 2011) le Progressive Artists’ Group. Il rencontre en 1948 le photographe Henri Cartier-Bresson qui devient son ami. En 1950, il se rend à Paris grâce à une bourse du gouvernement français. Il est élève à l’école des Beaux-Arts. Il expose assez rapidement dans les galeries parisiennes, et de 1955 à 1971 à la galerie Lara Vincy. Il rentre dans son pays natal en 2011 et meurt le 23 juillet 2016 à 94 ans.
L’exposition montre essentiellement des œuvres de 1950 à 1990. J’ai surtout aimé les aquarelles du début et ses œuvres des années 50 et 60 qui sont d’une grande intensité chromatique : rouges vifs, ocres jaunes, verts et bleus moins soutenus.
Philippe Dagen dans Le Monde du 18 février émet beaucoup de réserves : « L’idée est bonne, la réalisation moins. Non qu’elle soit trop abrégée : une centaine d’œuvres sur papier et sur toile – parfois très mal encadrées par leurs propriétaires – se succèdent dans un ordre chronologique. Mais le déséquilibre est flagrant entre les premières décennies et les deux dernières. Il y en a bien trop du début et pas assez ensuite, alors que la dernière période est celle où Raza affronte de plus en plus l’abstraction géométrique, celle des avant-gardes occidentales et, conjointement, celle, symbolique, de l’hindouisme et du bouddhisme se rejoignant dans le tantrisme. »
« Les couleurs, qui ne perdent le plus souvent rien de leur intensité, sont posées en touches appuyées. La composition, de moins en moins assujettie au paysage, s’organise par nuées de taches. Les formats s’agrandissent, sans atteindre l’ampleur des toiles contemporaines de Zao Wou-ki, ni des Américains pour lesquels il manifeste de l’intérêt, Hans Hofmann, Mark Rothko ou Sam Francis. Ces toiles, regardées aujourd’hui, sont très fortement datées et manquent par trop de singularité. »
« Celle-ci [sa singularité] se manifeste d’abord de façon discontinue, puis plus résolue quand Raza commence à ordonner la surface picturale par des bandes parallèles, des carrés et des rectangles jointifs ou emboîtés, des losanges et des cercles, ceux-ci le plus souvent noirs. Ainsi s’approche-t-il de l’art des miniatures rajput et des peintures tantriques. Dans des toiles telles que Maa (1981) ou Saurashtra (1983), Raza trouve sa tonalité propre. La géométrie s’étend jusqu’aux bords de la toile, mais sans tomber dans l’orthogonal strict. Les lignes s’interrompent, les angles ne sont pas tous droits, ni les parallèles parfaites. Les surfaces colorées ne sont pas non plus uniformes, mais semblent flotter ou glisser. Ce sont les chefs-d’œuvre de l’exposition, et leur réussite se voit d’autant mieux que les abstractions strictement régulières de spirales et de cercles concentriques qui les suivent n’ont ni la même vibration ni la même inventivité. »
Il critique pour finir l’absence dans l’exposition d’oeuvres de Janine Mongillat (1930-2002) qu’il a rencontrée aux Beaux-Arts et épousée en 1959.
Cette exposition me semble pourtant réussie, car elle permet de faire connaître cet artiste à un large public.