Jean-Noël Pancrazi est né en 1949 à Sétif. Il a passé les dix premières années de sa vie à Batna avec ses parents et sa sœur. Ses années d’enfance pendant la guerre d’Algérie jouent un grand rôle dans son œuvre. Il a quitté comme beaucoup son pays en 1962. (Je voulais leur dire mon amour, Gallimard, 2018)
Il est revenu en Algérie pour la première fois cinquante ans plus tard à l’occasion du festival de cinéma méditerranéen d’Annaba (anciennement Bône). Il comptait profiter de cette occasion pour revoir sa terre mais un événement étrange en a décidé autrement. Il a été expulsé de son pays natal, sans explication.
«Cela faisait plus de cinquante ans que je n’étais pas revenu en Algérie où j’étais né, d’où nous étions partis sans rien. J’avais si souvent répété que je n’y retournerais jamais. Et puis une occasion s’est présentée : un festival de cinéma méditerranéen auquel j’étais invité comme juré à Annaba, une ville de l’Est algérien, ma région d’origine. J’ai pris en décembre l’avion pour Annaba, j’ai participé au festival, je m’y suis senti bien, j’ai eu l’impression d’une fraternité nouvelle avec eux tous. Mais au moment où, le festival fini, je m’apprêtais à prendre comme convenu la route des Aurès pour revoir la ville et la maison de mon enfance, un événement est survenu, qui a tout arrêté, tout bouleversé. C’est le récit de ce retour cassé que je fais ici.» (Quatrième de couverture)
Jean-Noël Pancrazi.
Le cinéma joue un très grand rôle dans tout le récit, à la fois dans l’évocation de l’ enfance et la description du festival.
J’avais été touché par certains de ses récits:
Madame Arnoul, 1995. Prix Inter (Folio, n° 2749)
Renée Camps, 2001. (Folio n°3684)
La Montagne, 2012. Prix Méditerranée (Folio n° 6035)
L’émission Le Masque et la Plume (France Inter) a présenté le livre Jean-Noël Pancrazi le 7 janvier 2018. Les critiques littéraires n’ont pas très tendres, me semble-t-il. Arnaud Viviant était de très mauvaise foi. Michel Crépu l’a bien défendu. Olivia de Lamberterie a dit: «C’est un livre très élégant, ce qui est à la fois sa vertu et aussi, un peu, son verrou.»
https://www.franceinter.fr/emissions/le-masque-et-la-plume/le-masque-et-la-plume-07-janvier-2018
«Je voulais toucher au bout de l’escalier extérieur le sable, la terre pour me dire que c’était bien l’Algérie comme si le nom devait s’ancrer enfin, devenir solide, réel; ce n’était pas du cinéma, elle était là, dans ma main, la terre sous laquelle les morts et les anciens dormaient même s’ils ne m’entendaient pas quand je disais que j’étais là.» (page 16)
«C’était eux qui pouvaient le mieux comprendre – le même air âcre et doux des hauts plateaux que j’avais respiré, les cigognes, les blés, les sauterelles, la neige, le sirocco de juillet – ce que j’avais été, ce que je restais: un enfant qui courait sans fin, tête nue au soleil pendant des heures…» (page 21)
«Mais il restait le bruit de la bombe – ce bruit unique, concentré et large à la fois (…), l’esprit s’était arrêté, la mémoire devenait très lente, centenaire, on devenait neutre, presque insensible s’il n’y avait cette clameur après qui amenait le malheur; ce bruit qui vous habitait toute la vie, qui, même assourdi par le temps, revenait inchangé, avec son mystère, sa sécheresse de foudre même sous un ciel très bleu ou dans la nuit sans nuages…» (page 67)
«J’allais sur la terrasse, tant de douceur dans la baie et le ciel; je pourrais rester ici toute la vie…» (page 86)
Hippone (Hippo Regius) est le nom antique de la ville d’Annaba, au Nord-Est de l’Algérie. Elle devint l’une des principales cités de l’Afrique romaine. Saint Augustin (354-430) fut évêque de la ville de 395 jusqu’à sa mort en 430.