Raoul Hausmann, Un regard en mouvement. Exposition du 6 février
au 20 mai 2018 au Jeu de Paume, Paris.
L’exposition rassemble plus de cent quarante tirages d’époque, réalisés par l’artiste lui-même, provenant surtout de la Berlinische Galerie, du Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart (Haute-Vienne) et du Musée national d’Art moderne. .
Raoul Hausmann est né en 1886 à Vienne (Autriche) C’est un des fondateurs du mouvement Dada à Berlin au cours de la première guerre mondiale. C’est aussi un des pionniers du collage, un des inventeurs du photomontage et un des initiateurs de la poésie sonore. A partir de 1927, il devient un photographe prolifique. En 1933, déclaré artiste dégénéré par les nazis, il doit fuir l’Allemagne. Il trouve d’abord refuge à Ibiza, puis en 1939 en France. Il s’installe dans le Limousin et y reste jusqu’à sa mort le 1 février 1971.
Son oeuvre a été connue en France bien tard, car il dut abandonner en route beaucoup de ses clichés et de ses oeuvres. Son ex-compagne, Hannah Höch, enterra même dans son jardin certaines de celles-ci. August Sander, Raoul Ubac, Elfriede Stegemeyer et Lázló Moholy-Nagy furent ses amis.
On voit chez Raoul Hausmann ce qui différencie Dada Berlin de Dada Zürich ou Dada Paris: l’engagement social et politique lié au contexte historique (défaite allemande de 1918, spartakisme, échec de la révolution). Il fera, lui, toujours preuve d’un certain anarchisme “individualiste”.
On peut qualifier le travail photographique d’Hausmann à la fois d’expérimental et de classique. On trouve au Jeu de Paume les photographies qu’il a prises au bord de la Baltique ou de la Mer du Nord (corps nus, plantes, rochers, sable, herbes, troncs d’arbres) et celles d’Ibiza (maisons à l’architecture méditerranéenne, types humains, coutumes).
Dans le Manifeste “Appel pour un Art élémentaire” qu’il publie en 1921 avec Hans Arp, Jean Pougny et Lázló Moholy-Nagy, il écrit: “L’artiste est l’interprète des énergies qui mettent en forme le monde.” Ailleurs, il affirme: “Edifie toi-même les limites de ton univers.”
Ses nus ont une véritable puissance. Cela est dû, certainement à la personnalité hors du commun de son modèle, Vera Broido (1907-2004), fille de deux juifs russes révolutionnaires. Elle partagea la vie de Raoul Hausmann et de son épouse, Hedwig Mankiewitz de 1928 à 1934. Sa mère, Eva L’vovna Gordon Broido (1876 ou 1878-1941), membre du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (fraction menchévique), connut l’exil en Sibérie à l’époque tsariste (1914-1917) et le Goulag sous Staline. Elle fut exécutée. En 1941, Vera Broido épousa l’historien britannique Norman Cohn (1915-2007). Ils eurent en 1946 un fils, Nick Cohn, célèbre critique de rock. Elle publia en 1967 les mémoires de sa mère (Memoirs of a Revolutionary. Oxford University Press) et ses propres souvenirs en 1999 (Daughter of the Revolution: A Russian Girlhood Remembered. Constable).