Pablo Neruda I

Pablo Neruda

Ricardo Eliécer Neftalí Reyes Basoalto (Pablo Neruda) est né le 12 juillet 1904 à Parral (province de Linares) dans le sud du Chili. Sa mère, Rosa Neftalí Basoalto Opazo, institutrice, meurt de tuberculose deux mois après sa naissance. Son père, José del Carmen Reyes Morales, est employé des chemins de fer chiliens.

La famille s’installe à Temuco, capitale de la région d’Araucanie et de la province de Cautín, à 670 km de Santiago en 1905. Le jeune Ricardo y passe son enfance. Son père se remarie en 1906 en secondes noces avec doña Trinidad Candia Malverde (La mamadre).

«Mi infancia son zapatos mojados, troncos rotos
caídos en la selva, devorados por lianas
y escarabajos, dulces días sobre la avena,
y la barba dorada de mi padre saliendo
hacia la majestad de los ferrocarriles. » (Canto general, 1950)

«J’eus pour enfance des souliers mouillés, des troncs brisés
tombés dans la forêt, dévorés par les lianes
et les scarabées, j’eus des journées douces sur l’avoine
et la barbe dorée de mon père partant
pour la majesté des chemins de fer. » (Chant général, 1977 pour la traduction française de Claude Couffon, Editions Gallimard)

Il aurait choisi en 1920 son nom de plume après la lecture des Contes de Mala Strana de l’écrivain et poète tchèque Jan Neruda (1834-1891 (le patronyme Neruda signifiant en tchèque «pas de la famille»).

En 1924, il publie Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée (Veinte poemas de amor y una canción desesperada). En 1927, il devient diplomate, consul ad honorem à Rangoon. Il commence à rédiger le recueil Résidence sur la terre (Residencia en la tierra), publié en septembre 1935 à Madrid.

À partir de 1935, il est consul en Espagne où il entretient des relations amicales avec Federico García Lorca qu’il avait connu à Buenos Aires en octobre 1933 et les poètes de la génération de 1927. Il s’installe à Madrid dans la «Maison des fleurs», dans le quartier d’Argüelles.

En 1939, il organise l’immigration au Chili de plus de 2 000 républicains espagnols à bord du Winnipeg.

Après Gabriela Mistral en 1945 et Miguel Ángel Asturias en 1967, Pablo Neruda devient le troisième écrivain d’Amérique latine à obtenir le prix Nobel de littérature le 21 octobre 1971.

Le coup d’État du 11 septembre 1973 au Chili renverse le président Salvador Allende. La maison de Pablo Neruda à Santiago est saccagée et ses livres brûlés. Le poète meurt le 23 septembre 1973 à la clinique Santa María de Santiago, officiellement d’un cancer de la prostate. L’inhumation de son corps, transporté depuis sa maison saccagée jusqu’au cimetière central de Santiago, devient, malgré la surveillance policière, la première manifestation publique de protestation contre la junte militaire dirigée par Augusto Pinochet.

Madrid, Casa de las Flores.

Julio Cortázar (1914-1984)

Julio Cortázar.

Cette Lettre ouverte à Pablo Neruda  fut écrite par Julio Cortázar en  introduction à la version française de Residencia en la tierra, publiée dans la Collection Poésie/Gallimard en 1972 .Traduction de Laure Guille-Bataillon.

«…parce que contre vents et marées l’homme défend et sauve un territoire commun, une zone de rencontre où merveilleusement nous renonçons à la défense et au secret, où un poème, une peinture, un solo de trompette sont aussi importants que la rencontre du corps de l’homme et de la femme, que le cri des hirondelles aux dernières lumières du jour, que le frémissement d’un champs de blé que j’ai tellement aimé là-bas dans l’île de Tenglo, en 42, la première fois que j’ai vu ton Chili et me suis promené dans ses montagnes et dans ses îles et, sur une place de Valparaíso, un soir de chaleur et de tristesse, j’ai lu assis sur un banc ton Espagne au coeur qui devait par la suite faire partie de Troisième Résidence mais qui était alors un livre de grand format bien mal commode à trimbaler sauf lorsqu’il avait atteint la poitrine, cette région cachée et crépusculaire où vont peut-être bien mourir les éléphants et les oiseaux…
Voilà longtemps déjà que je répète monotonément que nous n’arriverons pas à nouer le destin auquel nous avons droit (…) si nous ne commençons pas par descendre au plus profond de nous-mêmes, hommes et choses, matières et mots, idéaux et tabous, discriminations raciales et sexuelles, tous ces drapeaux de pacotille et ces nationalismes de championnat. Comment ne pas sentir alors que tes premières Résidences sont, sur ton terrain de poète, cette descente aux enfers sans laquelle tu ne serais jamais remonter a riveder le stelle? Dans les années 40, en une période où presque tous les poètes suivaient une voie lyrique sans surprise, il tombe sur une génération sud-américaine stupéfaite, émerveillée ou furieuse, une énorme alluvion de mots chargés de matière épaisse, de pierres et lichens, de sperme sidéral, de vents du large et de mouettes de fin du monde, une nomenclature de bois et de métaux, de peignes et de femmes, de falaises et de bourrasques, et tout cela nous arrive, comme tant d’autres fois, de l’autre côté du monde, où un poète regarde par-dessus la mer son lointain Chili et le comprend et le connaît tellement mieux que d’autres qui ont le nez dessus.»

«…porque contra viento y marea el hombre defiende y salva un territorio común, una zona de encuentro donde maravillosamente renunciamos a la veda y al secreto, donde un poema o una pintura o un solo de trompeta valen como el encuentro de los cuerpos de la mujer y del hombre, como el silbar de las golondrinas en la última luz de la tarde, como el temblor de un trigal que amé en la isla Tenglo allá por el año cuarenta y dos cuando conocí tu Chile y anduve por sus tierras y sus islas y en una plaza de Valparaíso, una noche de calor y de tristeza, leí sentado en un banco tu España en el corazón que luego habría de entrar en la Tercera Residencia pero que entonces era un libro de grandísimo formato, tan incómodo de llevar salvo cuando ganaba el pecho, la región solapada y crepuscular donde acaso van a morir de verdad los elefantes y los pájaros…
Hace ya muchísimos años que insisto monótonamente en que no llegaremos a cuajar nuestro destino legítimo (…) si no empezamos por bajar a lo más hondo de nosotros mismos, hombres y cosas, materias y palabras, ideales y tabúes, descriminaciones y machismos, banderas de pacotilla y nacionalismos de campeonato. Cómo no sentir entonces que tus primeras Residencias son en tu terreno de poeta esa bajada a los infiernos sin la cual jamás habrías retornado «a riveder le stelle». En la cuarta década del siglo, en un periodo en el que casi todos los poetas continuaban una vía lírica sin sorpresas, cae sobre una genración latinoamericana estupefacta, maravillada o enfurecida, un enorme aluvión de palabras cargadas de materia espesa, de piedras y de líquenes, de esperma sideral, de vientos litorales y gaviotas de fin de mundo, un inventario de ruinas y nacimientos, una nomenclatura de maderas y metales y peines y mujeres y farallones y espléndidas borrascas, y todo eso, como tantas otras veces, desde el otro lado del mundo donde un poeta mira por encima del mar su Chile remotísimo y lo conoce tanto mejor que otros con las narices pegadas al cerro Santa Lucía o a los lagos australes.»

Valparaíso, Escalera Templeman. We are not Hippies, we are Happies (Art+Believe).

Pablo Neruda

Pablo Neruda.

No hay olvido (Sonata) 

Si me preguntáis en dónde he estado
debo decir “Sucede”.
Debo de hablar del suelo que oscurecen las piedras,
del río que durando se destruye:
no sé sino las cosas que los pájaros pierden,
el mar dejado atrás, o mi hermana llorando.
Por qué tantas regiones, por qué un día
se junta con un día? Por qué una negra noche
se acumula en la boca? Por qué muertos?
Si me preguntáis de dónde vengo, tengo que conversar con
cosas rotas,
con utensilios demasiado amargos,
con grandes bestias a menudo podridas
y con mi acongojado corazón.

No son recuerdos los que se han cruzado
ni es la paloma amarillenta que duerme en el olvido,
sino caras con lágrimas,
dedos en la garganta,
y lo que se desploma de las hojas:
la oscuridad de un día transcurrido,
de un día alimentado con nuestra triste sangre.

He aquí violetas, golondrinas,
todo cuanto nos gusta y aparece
en las dulces tarjetas de larga cola
por donde se pasean el tiempo y la dulzura.
Pero no penetremos más allá de esos dientes,
no mordamos las cáscaras que el silencio acumula,
porque no sé qué contestar:
hay tantos muertos,
y tantos malecones que el sol rojo partía,
y tantas cabezas que golpean los buques,
y tantas manos que han encerrado besos,
y tantas cosas que quiero olvidar.

Residencia en la tierra, (1925–1931). Madrid, Ediciones del Árbol, 1935.

Il n’y a pas d’oubli (Sonate)

Si vous me demandez où j’étais
je dois dire: «Il arrive que».
Je dois parler du sol que les pierres obscurcissent,
du fleuve qui en se prolongeant se détruit:
je ne connais que les choses perdues par les oiseaux,
la mer laissée en arrière, ou ma sœur qui pleure.
Pourquoi tant de régions, pourquoi un jour
se joint-il à un jour? Pourquoi une nuit noire
s’accumule-t-elle dans la bouche? Pourquoi des morts?
Si vous me demandez d’où je viens, je dois parler
avec les choses brisées,
avec des ustensiles trop amers,
avec de grandes bêtes souvent pourries
et avec mon coeur tourmenté.

Ce ne sont pas les souvenirs qui se sont croisés
ni la colombe jaunâtre qui dort dans l’oubli,
mais des visages avec des larmes,
des doigts dans la gorge,
et ce qui s’effondre des feuilles:
l’obscurité d’un jour écoulé,
d’un jour nourri de notre triste sang.

Voici des violettes, des hirondelles,
tout ce que nous aimons et qui figure
sur de douces cartes à longue traîne
où se promènent le temps et la douceur.
Mais ne pénétrons pas au-delà de ces dents,
ne mordons pas aux écorces que le silence accumule,
car je ne sais que répondre:
il y a tant de morts,
et tant de jetées que le soleil rouge transperçait,
et tant de têtes qui frappent les bateaux,
et tant de mains qui ont enfermé des baisers,
et tant de choses que je veux oublier.

Résidence sur la terre, (1925–1931) (1935) , traduit par Guy Suarès .Paris, Gallimard,«Du monde entier», 1969. réédition dans une traduction nouvelle de Guy Suarès, préface de Julio Cortázar, Paris, Gallimard, «Poésie» n°83, 1972;

Pablo Neruda

Pablo Neruda.

Le poète chilien, Pablo Neruda, Prix Nobel de littérature 1971, visita Machu Picchu le 22 octobre 1943 avec sa seconde épouse  Delia del Carril.

El poeta chileno, Pablo Neruda, Premio Nobel de literatura en 1971, visitó Machu Picchu el 22 de octubre de 1943 con su segunda esposa Delia del Carril.

“Pero antes de llegar a Chile hice otro descubrimiento que agregaría un nuevo estrato al desarrollo de mi poesía.

Me detuve en el Perú y subí hasta las ruinas de Machu Picchu. Ascendimos a caballo. Por entonces no había carretera. Desde lo alto vi las antiguas construcciones de piedra rodeadas por las altísimas cumbres de los Andes verdes. Desde la ciudadela carcomida y roída por el paso de los siglos se despeñaban torrentes. Masas de neblina blanca se levantaban desde el río Wilcamayo. Me sentí infinitamente pequeño en el centro de aquel ombligo de piedra; ombligo de un mundo deshabitado, orgulloso y eminente, al que de algún modo yo pertenecía. Sentí que mis propias manos habían trabajado allí en alguna etapa lejana, cavando surcos, alisando peñascos.

Me sentí chileno, peruano, americano. Había encontrado en aquellas alturas difíciles, entre aquellas ruinas gloriosas y dispersas, una profesión de fe para la continuación de mi canto.

Allí nació mi poema “Alturas de Machu Picchu”.

Pablo Neruda, Confieso que he vivido, 1974.

Alturas de Machu Picchu

XII

Sube a nacer conmigo, hermano…

Dame la mano desde la profunda
zona de tu dolor diseminado.
No volverás del fondo de las rocas.
No volverás del tiempo subterráneo.
No volverá tu voz endurecida.
No volverán tus ojos taladrados.
Mírame desde el fondo de la tierra,
labrador, tejedor, pastor callado:
domador de guanacos tutelares:
albañil del andamio desafiado:
aguador de las lágrimas andinas:
joyero de los dedos machacados:
agricultor temblando en la semilla:
alfarero en tu greda derramado:
traed a la copa de esta nueva vida
vuestros viejos dolores enterrados.
Mostradme vuestra sangre y vuestro surco,
decidme: aquí fui castigado,
porque la joya no brilló o la tierra
no entregó a tiempo la piedra o el grano:
señaladme la piedra en que caísteis
y la madera en que os crucificaron,
encendedme los viejos pedernales,
las viejas lámparas, los látigos pegados
a través de los siglos en las llagas
y las hachas de brillo ensangrentado.
Yo vengo a hablar por vuestra boca muerta.
A través de la tierra juntad todos
los silenciosos labios derramados
y desde el fondo habladme toda esta larga noche,
como si yo estuviera con vosotros anclado,
contadme todo, cadena a cadena,
eslabón a eslabón, y paso a paso,
afilad los cuchillos que guardasteis,
ponedlos en mi pecho y en mi mano,
como un río de tigres amarillos,
como un río de tigres enterrados,
y dejadme llorar, horas, días, años,
edades ciegas, siglos estelares.

Dadme el silencio, el agua, la esperanza.

Dadme la lucha, el hierro, los volcanes.

Apegadme los cuerpos como imanes.

Acudid a mis venas y a mis bocas.

Hablad por mis palabras y mi sangre.

Canto General, 1950.

Les Hauteurs de Machu Picchu

XII

Monte naître avec moi, mon frère.

Donne-moi la main, de cette profonde
zone de ta douleur disséminée.
Tu ne reviendras pas du fond des roches.
Tu ne reviendras pas du temps enfoui sous terre.
Non, ta voix durcie ne reviendra pas.
Ne reviendront pas tes yeux perforés.

Regarde-moi du tréfonds de la terre,
laboureur, tisserand, berger aux lèvres closes:
dresseur de tutélaires güanacos:
maçon de l’échafaudage défié:
porteur d’eau de larmes andines:
joaillier des doigts écrasés:
agriculteur qui trembles dans la graine:
potier répandu dans ta glaise:
apportez à la coupe de la vie nouvelle
vos vieilles douleurs enterrées.
Montrez-moi votre sang, votre sillon,
dites-moi: en ce lieu on m’a châtié
car le bijou n’a pas brillé ou car la terre
n’avait pas donné à temps la pierre ou le grain:
Désignez-moi la pierre où vous êtes tombés
et le bois où vous fûtes crucifiés,
illuminez pour moi les vieux silex,
les vieilles lampes, les fouets collés
aux plaies au long des siècles
et les haches à l’éclat ensanglanté.
Je viens parler par votre bouche morte.
Rassemblez à travers la terre
toutes vos silencieuses lèvres dispersées
et de votre néant, durant toute cette longue nuit, parlez-moi
comme si j’étais ancré avec vous,
racontez-moi tout, chaîne à chaîne,
maillon à maillon, pas à pas,
affûtez les couteaux que vous avez gardés,
mettez-les sur mon cœur et dans ma main,
comme un fleuve jaune d’éclairs,
comme un fleuve des tigres enterrés,
et laissez-moi pleurer, des heures, des jours, des années,
des âges aveugles, des siècles stellaires.

Donnez-moi le silence, l’eau, l’espoir.

Donnez-moi le combat, le fer et les volcans.

Collez vos corps à moi ainsi que des aimants.

Accourez à ma bouche et à mes veines.

Parlez avec mes mots, parlez avec mon sang.

Chant général. Traduction: Claude Couffon, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1977.

Machu Picchu.

Pablo Neruda (1904 – 1973)

Pablo Neruda (Ricardo Eliécer Neftalí Reyes Basoalto) nació en Parral (Chile) el 12 de julio de 1904. Murió en la clínica Santa María de Santiago de Chile el 23 de septiembre de 1973, 12 días después del golpe militar. Sus casas fueron saqueadas por los militares.

Isla Negra. Casa Museo Pablo Neruda (arquitecto Germán Rodríguez Arias 1943-1945 + Sergio Soza 1965). Mascarón de proa.

Oda al presente (Pablo Neruda)

Este
presente
liso
como una tabla,
fresco,
esta hora,
este día
limpio
como una copa nueva
—del pasado
no hay una
telaraña—,
tocamos
con los dedos
el presente,
cortamos
su medida,
dirigimos
su brote,
está viviente,
vivo,
nada tiene
de ayer irremediable,
de pasado perdido,
es nuestra
criatura,
está creciendo
en este
momento, está llevando
arena, está comiendo
en nuestras manos,
cógelo,
que no resbale,
que no se pierda en sueños
ni palabras,
agárralo,
sujétalo
y ordénalo
hasta que te obedezca,
hazlo camino,
campana,
máquina,
beso, libro,
caricia,
corta su deliciosa
fragancia de madera
y de ella
hazte una silla,
trenza
su respaldo,
pruébala,
o bien
escalera!
Si,
escalera,
sube
en el presente,
peldaño
tras peldaño,
firmes
los pies en la madera
del presente,
hacia arriba,
hacia arriba,
no muy alto,
tan sólo
hasta que puedas
reparar
las goteras
del techo,
no muy alto,
no te vayas al cielo,
alcanza
las manzanas,
no las nubes,
ésas
déjalas
ir por el cielo, irse
hacia el pasado.

eres
tu presente,
tu manzana:
tómala
de tu árbol,
levántala
en tu
mano,
brilla
como una estrella,
tócala,
híncale el diente y ándate
silbando en el camino.

Nuevas odas elementales (1955)

Isla Negra (Chile). Casa Museo Pablo Neruda. Campanas.

Pablo Neruda

Pablo Neruda jeune.

El vagabundo de Valparaíso

Valparaíso está muy cerca de Santiago y parecen separarlas solo nuestras hirsutas montañas en cuyas cimas se levantan, como obeliscos, gigantescos cactus hostiles y floridos.

Pero la verdad es que algo infinitamente indefinible separa a Valparaíso de Santiago, capital de Chile. Santiago es una ciudad prisionera, cerrada por sus muros de nieve. Valparaíso abre sus puertas al infinito mar, a los gritos de las calles, a los ojos de los niños: todo es allí diferente. En el punto más desordenado de mi juventud nos metíamos de pronto en un tren, siempre de madrugada, siempre sin haber dormido, siempre en un vagón de tercera clase, sin un centavo en los bolsillos, dirigidos por la estrella de Valparaíso. Éramos poetas o pintores de poco más o menos veinte años y entre aquellos cuatro o cinco viajeros reuníamos una valiosa carga de locura irreflexiva que quería emplearse, extenderse, estallar. Valparaíso nos llamaba con su pulso magnético.

Solo muchos años después he sentido desde otra ciudad ese mismo llamado inexplicable. Fue durante mis años de Madrid. De pronto en una cervecería, saliendo de un teatro en la noche o simplemente andando por la calle, oía la voz de Toledo que me llamaba, la muda voz de sus fantasmas, de su silencio. Y a esas altas horas, con mis amigos tan locos como los de mi juventud, nos largábamos hacia la antigua ciudadela calcinada y torcida. Otra vez visitantes sin dinero y sin ningún conocido, dormíamos ahora vestidos sobre las arenas del Tajo, bajo los puentes de piedra.

No sé por qué entre mis viajes fantasiosos a Valparaíso uno se me ha quedado grabado, impregnado por el aroma de hierbas arrancadas a la intimidad de los campos. Contaré la historia.

Íbamos a despedir a un poeta y a un pintor que tal vez viajarían a Francia en una posibilidad de tercera clase de la P.S.N.C. (Pacific Steam Navegation Company) surto en la bahía. Allí estaba el navío lleno de luces y fumándose su gruesa chimenea: no había duda de que partiría. Como entre todos no teníamos para pagar ni el hotel más ratonil, buscamos a Novoa, uno de nuestros locos favoritos del gran Valparaíso. Sabíamos que él no desteñía y su casa en los cerros estaba siempre abierta de par en par a la locura. Era tarde en la noche cuando emprendimos la marcha. No era tan simple. Subiendo y resbalando interminablemente colinas y colinas hasta el infinito en la oscuridad veíamos imperturbable la silueta de Novoa que nos guiaba. Era un hombre grandísimo, de gruesos bigotazos y barba. Los faldones de su vestimenta oscura eran como alas en las cimas desconocidas de aquella cordillera que subíamos ciegos y abrumados.

Él no dejaba de hablar. Era un santo loco a quien solo nosotros los poetas habríamos canonizado. No daba importancia a esta consagración sino a las secretas relaciones, que solo él sabía, entre la salud corporal y los dones naturales de la tierra. Era, naturalmente, un naturista. Era un vegetariano vegetal, y él, sin dejar de predicarnos mientras marchaba, con voz tonante, hacia atrás, como si fuéramos sus discípulos, avanzaba imponente, tal como un san Cristóbal de los nocturnos, solitarios suburbios.

Por fin llegamos a su casa, que resultó ser una cabaña de dos habitaciones. Una de ellas la ocupaba la cama de nuestro san Cristóbal, la otra estancia la llenaba en gran parte un inmenso sillón de mimbre, obra maestra del siglo victoriano, profusamente entrecruzado por inútiles rosetones de paja y extraños cajoncitos adosados a sus brazos.

Fui designado para ocupar el gran sillón para dormir aquella noche. Mis amigos extendieron en el suelo los diarios de la tarde y se acostaron parsimoniosamente sobre las noticias de la época. Pronto supe, por sus respiraciones y ronquidos, que ya dormían todos. A mí me era difícil dormir sentado en aquel mueble monumental. El cansancio me mantuvo insomne.

Se oía un silencio de altura, de cumbres solitarias: solo algunos ladridos de perros astrales cruzaban la noche, solo algún pitazo lejanísimo de navío que entraba o que salía me confirmaba la noche de Valparaíso.

De pronto sentí una influencia extraña y arrobadora que me invadía. Era una fragancia montañosa a pradera, a vegetaciones que habían crecido con mi infancia y que yo había olvidado en el despeñado fragor de la ciudadanía. Me sentí reconciliado con el sueño, envuelto por la tierra maternal.

Pero, de dónde podía venir aquella palpitación silvestre de la tierra? Estaba impregnándome, se apoderaba de mis sentidos un olor invasor compuesto por una purísima virginidad de aromas. En la oscuridad palpé hacia la armazón de mimbre de mi sillón colosal.

Metiendo los dedos entre sus vericuetos descubrí al tacto innumerables cajoncillos. Y en ellos, sin ver en la oscuridad, con mis manos toqué plantas secas y lisas, ramos ásperos, espinosos, redondos, hojas lanceoladas, tiernas o férreas. Todo un arsenal de la salud de nuestro anfitrión vegetariano, de una vida recogiendo malezas con sus grandes brazos de san Cristóbal abundante y andarín.

Revelado el misterio, me fue fácil dormir entre aquellas hierbas guardianas.

Hoy, en la mañana de este mes de agosto de 1973 en Isla Negra, al recordarlo, compruebo que todos mis amigos de aquella noche extraña y aromática ya se fueron a la muerte cumpliendo cada uno su trágico o tranquilo destino.

PABLO NERUDA, Confieso que he vivido, 1974.

Valparaíso. La Sebastiana, Casa de Pablo Neruda.

Le vin

Portrait de Charles Baudelaire (Gustave Courbet) 1848-49

L’âme du vin (Charles Baudelaire)

Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles:
“Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité!

Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,

Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.

Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content;

J’allumerai les yeux de ta femme ravie;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.

En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! ”

Les Fleurs du mal, 1857.

Isla Negra Café Restaurante El rincón del poeta Oda al vino (Pablo Neruda)

ODA AL VINO (Pablo Neruda)

Vino color de día,
vino color de noche,
vino con pies de púrpura
o sangre de topacio,
vino,
estrellado hijo
de la tierra,
vino, liso
como una espada de oro,
suave
como un desordenado terciopelo,
vino encaracolado
y suspendido,
amoroso,
marino,
nunca has cabido en una copa,
en un canto, en un hombre,
coral, gregario eres,
y cuando menos, mutuo.
A veces
te nutres de recuerdos
mortales,
en tu ola
vamos de tumba en tumba,
picapedrero de sepulcro helado,
y lloramos
lágrimas transitorias,
pero
tu hermoso
traje de primavera
es diferente,
el corazón sube a las ramas,
el viento mueve el día,
nada queda
dentro de tu alma inmóvil.
El vino
mueve la primavera,
crece como una planta la alegría,
caen muros,
peñascos,
se cierran los abismos,
nace el canto.
Oh tú, jarra de vino, en el desierto
con la sabrosa que amo,
dijo el viejo poeta.
Que el cántaro de vino
al beso del amor sume su beso.

Amor mio, de pronto
tu cadera
es la curva colmada
de la copa,
tu pecho es el racimo,
la luz del alcohol tu cabellera,
las uvas tus pezones,
tu ombligo sello puro
estampado en tu vientre de vasija,
y tu amor la cascada
de vino inextinguible,
la claridad que cae en mis sentidos,
el esplendor terrestre de la vida.

Pero no sólo amor,
beso quemante
o corazón quemado
eres, vino de vida,
sino
amistad de los seres, transparencia,
coro de disciplina,
abundancia de flores.
Amo sobre una mesa,
cuando se habla,
la luz de una botella
de inteligente vino.
Que lo beban,
que recuerden en cada
gota de oro
o copa de topacio
o cuchara de púrpura
que trabajó el otoño
hasta llenar de vino las vasijas
y aprenda el hombre oscuro,
en el ceremonial de su negocio,
a recordar la tierra y sus deberes,
a propagar el cántico del fruto.

Odas elementales, 1954.

Buenos Aires Café Tortoni Jorge Luis Borges

Soneto del vino (Jorge Luis Borges)

¿En qué reino, en qué siglo, bajo qué silenciosa
Conjunción de los astros, en qué secreto día
Que el mármol no ha salvado, surgió la valerosa
Y singular idea de inventar la alegría?

Con otoños de oro la inventaron. El vino
Fluye rojo a lo largo de las generaciones
Como el río del tiempo y en el arduo camino
Nos prodiga su música, su fuego y sus leones.

En la noche del júbilo o en la jornada adversa
Exalta la alegría o mitiga el espanto
Y el ditirambo nuevo que este día le canto

Otrora lo cantaron el árabe y el persa.
Vino, enséñame el arte de ver mi propia historia
Como si ésta ya fuera ceniza en la memoria,

El otro, el mismo, 1964.

Voyage Chili-Ile de Pâques

Du 16 janvier au 1 février: Voyage au Chili entre cordillère et Pacifique.

  • Santiago de Chile.
  • Isla Negra (El Quisco): Maison de Pablo Neruda.

. Valparaíso.

. Viña del Mar.

  • Puerto Montt. Angelmó.
  • Puerto Varas. Lac Llanquihue. Volcans Osorio, Calbuco.
  • Parc national Pérez Rosales. Chutes de Petrohué. Lac de Todos los Santos.
  • Ile de Chiloé: Chacao. Dalcahue. Castro. Ancud.
  • Calama. San Pedro de Atacama. Quitor. Tulor. Vallée de la Lune.
  • Le Salar. Lac Chaxa.  Les lagunes altiplaniques (Miscanti, Miñiques). Socaire. Toconao.
  • Les geysers du Tatio. Col de las Vizcachas.  Machuca. Vallée de Guatín.
  • Pukará de Lasana. Vallée de l’Arco Iris. Chiu Chiu.
  • Ile de Pâques (Rapa Nui). Hanga Roa.