Pablo Neruda est né le 12 juillet 1904 à Parral (province de Linares, région du Maule). Il perd sa mère qui meurt de tuberculose le 14 septembre 1904. Son père, José del Carmen Reyes Morales (1872-1938), employé des chemins de fer chiliens, déménage en 1905 avec son fils à Temuco, petite ville de la province de Cautín, region d’ Araucanie. Il se remarie en 1906 avec Trinidad Candia Marverde, la « mamadre » (1869-1938).
Le premier apprentissage du poète c’est la nature de l’Araucanie. La pluie est omniprésente. Elle peut être dangereuse mais a aussi un grand pouvoir poétique.
«Mi infancia son zapatos mojados, troncos rotos caídos en la selva, devorados por lianas y escarabajos, dulces días sobre la avena, y la barba dorada de mi padre saliendo hacia la majestad de los ferrocarriles. » (Canto general, 1950)
«J’eus pour enfance des souliers mouillés, des troncs brisés tombés dans la forêt, dévorés par les lianes et les scarabées, j’eus des journées douces sur l’avoine et la barbe dorée de mon père partant pour la majesté des chemins de fer. » (Chant général, 1977. Traduction de Claude Couffon)
Il l’évoque aussi dans ce poème sur l’Île de Pâques.
XIV El gran océano
VII. La lluvia (Rapa Nui)
No, que la reina no reconozca tu rostro, es más dulce así, amor mío, lejos de las efigies, el peso de tu cabellera en mis manos, recuerdas el árbol de Mangareva cuyas flores caían sobre tu pelo? Estos dedos no se parecen a los pétalos blancos: míralos, son como raíces, son como tallos de piedra sobre los que resbala el lagarto. No temas, esperemos que caiga la lluvia, desnudos, la lluvia, la misma que cae sobre Manu Tara.
Pero así como el agua endurece sus rasgos en la piedra, sobre nosotros cae llevándonos suavemente hacia la oscuridad, más abajo del agujero de Ranu Raraku. Por eso que no te divise el pescador ni el cántaro. Sepulta tus pechos de quemadura gemela en mi boca, y que tu cabellera sea una pequeña noche mía, una oscuridad cuyo perfume mojado me cubre.
De noche sueño que tú y yo somos dos plantas que se elevaron juntas, con raíces enredadas, y que tú conoces la tierra y la lluvia como mi boca, porque de tierra y de lluvia estamos hechos. A veces pienso que con la muerte dormiremos abajo, en la profundidad de los pies de la efigie, mirando el Océano que nos trajo a construir y a amar.
Mis manos no eran férreas cuando te conocieron, las aguas de otro mar las pasaban como a una red; ahora agua y piedras sostienen semillas y secretos.
Ámame dormida y desnuda, que en la orilla eres como la isla: tu amor confuso, tu amor asombrado, escondido en la cavidad de los sueños, es como el movimiento del mar que nos rodea.
Y cuando yo también vaya durmiéndome en tu amor, desnudo, deja mi mano entre tus pechos para que palpite al mismo tiempo que tus pezones mojados en la lluvia.
Canto general, 1950.
XIV. Le grand océan
VII . La pluie (Rapa Nui)
Non, que la reine n’identifie pas ton visage il est plus doux ainsi, mon amour, loin des effigies, le poids de ta chevelure dans mes mains, te souviens-tu de l’arbre de Mangareva, avec ses fleurs tombant sur tes cheveux ? Ces doigts que tu vois ne ressemblent pas aux blancs pétales : regarde-les ils sont pareils à des racines, pareils à des tiges de pierre sur lesquelles le lézard glisse. Ne t’effraie pas, attendons nus que la pluie tombe, la pluie, la même pluie qui tombe sur Manu Tara.
Mais l’eau, de même qu’elle durcit ses traits sur la pierre, tombe sur nous et tout doucement nous entraîne vers la nuit, plus bas que la fosse de Ranu Raraku : il ne faut pas que le pêcheur ou que la jarre t’aperçoivent. Enfouis tes seins de brûlures jumelles dans ma bouche et que ta chevelure soit pour moi nuit miniature, obscurité me recouvrant de son parfum mouillé.
La nuit je rêve que nous sommes toi et moi deux plantes qui, leurs racines mêlées, grandirent ensemble, et que tu connais la terre et la pluie comme ma bouche, puisque nous sommes faits de terre et pluie. Il m’arrive de penser que la mort venue nous dormirons dans la profondeur des pieds de l’image, regardant l’Océan qui nous a poussés à construire, à aimer.
Mes mains quand elle te connurent n’étaient pas de fer. Les eaux d’une autre mer les traversaient comme un filet ; et maintenant eau et pierres soutiennent graines et secrets.
Aime-moi nue et endormie, car sur la rive tu es pareille à l’île : ton amour confus, surpris, ton amour caché dans le creux des rêves, ressemble au mouvement marin qui nous entoure.
Et lorsque je m’endormirai, nu, à mon tour, dans ton amour, laisse ma main entre tes seins : qu’elle palpite en même temps que leurs bourgeons mouillés de pluie.
Ahu Tongariki est le plus grand « ahu » (plateforme cérémonielle) de Rapa Nui – Ile de Pâques. Quinze moaï se trouvent là, dont le plus lourd existant (86 tonnes). Le site se trouve au bord de la baie d’Hotuiti, dans la partie orientale de l’île.
Le poète Miguel Hernándezest mort de tuberculose le 28 mars 1942 dans la prison Reformatorio de Alicante, il y a 80 ans. Aujourd’hui, l’aéroport d’Alicante-Elche porte son nom, ainsi que l’Université d’Elche et la récente gare TGV (AVE) d’Orihuela, sa ville natale. Le maire conservateur de Madrid, José Luis Martínez-Almeida (Partido Popular), lui, n’a rien trouvé de mieux que de détruire le monument qui, au cimetière de La Almudena, rappelait qu’entre 1939 et 1945 plus de 2500 personnes condamnées à mort par les tribunaux militaires furent fusillées là. On pouvait aussi y lire des vers du poète.
V. A Miguel Hernández, asesinado en los presidios de España (Pablo Neruda)
Llegaste a mí directamente del Levante. Me traías, pastor de cabras, tu inocencia arrugada, la escolástica de viejas páginas, un olor a Fray Luis, a azahares, al estiércol quemado sobre los montes, y en tu máscara la aspereza cereal de la avena segada y una miel que medía la tierra con tus ojos.
También el ruiseñor en tu boca traías. Un ruiseñor manchado de naranjas, un hilo de incorruptible canto, de fuerza deshojada. Ay, muchacho, en la luz sobrevino la pólvora y tú, con ruiseñor y con fusil, andando bajo la luna y bajo el sol de la batalla.
Ya sabes, hijo mío, cuánto no pude hacer, ya sabes que para mí, de toda la poesía, tú eras el fuego azul. Hoy sobre la tierra pongo mi rostro y te escucho, te escucho, sangre, música, panal agonizante.
No he visto deslumbradora raza como la tuya, ni raíces tan duras, ni manos de soldado, ni he visto nada vivo como tu corazón quemándose en la púrpura de mi propia bandera.
Joven eterno, vives, comunero de antaño, inundado por gérmenes de trigo y primavera, arrugado y oscuro como el metal innato, esperando el minuto que eleve tu armadura.
No estoy solo desde que has muerto. Estoy con los que te buscan. Estoy con los que un día llegarán a vengarte. Tú reconocerás mis pasos entre aquellos que se despeñarán sobre el pecho de España aplastando a Caín para que nos devuelva los rostros enterrados. (…)
Primera publicación: Cultura y democracia (París). Febrero de 1950. Canto general,XII, Los ríos del canto. 1950.
V. A Miguel Hernández, assassiné dans les prisons d’Espagne
Tu vins à moi. Tu arrivais droit du Levant. Tu m’apportais, ô chevrier, ton innocence pleine de rides, la scolastique de vieilles pages, un doux relent de Fray Luis, d’orangers en fleur, de fumier brûlé sur les collines, et sur ton masque la céréale aspérité de l’avoine fauchée, un miel qui mesurait la terre avec les yeux.
Et ta bouche apportait aussi le rossignol. Un rossignol taché d’oranges, le filet d’un chant incorruptible, d’une force effeuillée. Hélas ! dans la clarté on vit surgir la poudre et l’on te vit porter rossignol et fusil sous la lune et sous le soleil de la bataille.
Tu sais, Miguel, tout ce que j’ai pu faire, tu sais bien que de toute la poésie tu étais pour moi le feu bleu. Aujourd’hui contre terre je colle mon visage et j’écoute, je t’écoute, musique, sang, rayon de ruche agonisant.
Je n’ai vu race plus éblouissante que la tienne, ni racines plus dures, ni mains plus dures de soldat, je n’ai rien vu de plus vivant que ton coeur quand il brûla dans la pourpre de mon propre drapeau.
Jeune éternel, tu vis, comunero d’antan, inondé de germes de blé et de printemps, plissé, obscur comme le métal né, en attendant l’instant de lever ton armure.
Non, je ne suis pas seul depuis que tu es mort. Je suis avec ceux qui te cherchent. Avec ceux qui un jour arriveront pour te venger. Tu reconnaîtras mes pas au milieu des pas qui, déferlant sur la poitrine de l’Espagne, écraseront Caïn pour qu’il nous rende les visages enterrés. (…)
Chant général. XII, Les Fleuves du Chant. Gallimard, 1977. Traduction Claude Couffon.
Mar Campelo Moreno, la petite-fille de la soeur du poète, Elvira, a publié le 26 mars une belle lettre à sa grand-mère dans le journal d’information numérique, Público.
Miguel Hernández en la memoria
A Elvira Hernández Gilabert, mi abuela
Querida abuela:
Hace más de 25 años que te fuiste y hoy se cumplen 80 de la última vez que viste a tu hermano Miguel con vida, pero no he olvidado las anécdotas que me contaste una y otra vez desde que era una niña hasta que la maldita enfermedad se llevó tus recuerdos; aunque, incluso cuando habías perdido la capacidad de expresarte, abrías los ojos y algo se removía dentro de ti si veías una foto de tu hermano.
Cómo te reías cuando me contabas las regañinas que le echabas cada vez que “se le iba el santo al cielo” en sus excursiones a la sierra de Orihuela para leer o escribir y tenías que justificarlo con cualquier excusa, o cuando clavaste las contraventanas para que no las abriera en las horas de calor.
También se reía él cuando leías sus poemas y le hacías que te explicara lo que se escondía en cada juego retórico, no descansabas hasta que lo entendías todo. Y cuando lo reprendías por sus expresiones subidas de tono. Siempre sonreías cuando hablabas de vuestra niñez y juventud, se te iluminaban los ojos reviviéndolo y dibujabas la imagen de un muchacho alegre, espontáneo, cariñoso y vital, con una enorme empatía con el sufrimiento ajeno.
Fuisteis compañeros de juegos y siempre cómplices, amigos. Te hablaba de sus lecturas, de su pasión creadora –fuiste la primera lectora de muchos de sus poemas-, de su deseo vehemente de ir a Madrid, pero también de sus vivencias, de sus amigos, de las mujeres a las que amó… Con esa atención al detalle que tenías que reprimir entre risas pudorosas: “Miguel, no me cuentes esas cosas”.
Con esa sonrisa tuya de medio lado, me contabas que tu madre y tú ordeñabais las cabras por segunda vez para sacar unas perricas que le enviabais a Miguel para que sobreviviera en Madrid.
Te casaste y te fuiste a Madrid con tu marido y tu hija (mi madre); el tío Miguel volvió a Madrid en esa misma época y, aunque vivía en una pensión, iba casi a diario a tu casa a comer y a que le lavaras la ropa.
Cuando leíste la elegía que le escribió a su amigo Manolo, que había muerto ahogado, le pediste que no la publicara porque causaría más dolor y te la regaló para que hicieras con ella lo que quisieras. Tú la guardaste en tu carpeta de los tesoros, la que contenía todos los recortes de prensa en los que se hablaba de él; esa carpeta que fue creciendo durante el resto de tu vida con cada carta suya, cada foto, cada publicación, cada referencia a tu hermano por mínima que fuera.
¿Por qué tuvo que volver a Orihuela cuando acabó la guerra? ¿Por qué no escuchó a vuestro padre cuando le dijo “vete, Miguel, que ahora viene el exterminio”? Porque quería abrazar a su familia y se sabía inocente. Y lo encarcelaron en el Seminario, en esa sierra en la que le gustaba perderse para escribir, para leer, para empaparse de naturaleza.
Sus cartas desde la cárcel trataban de transmitir esperanza, incluso se permitía alguna broma; os ocultó que lo habían condenado a muerte hasta que le conmutaron la pena por cadena perpetua. Esas cartas que llegaban censuradas o escondidas en el borde de las lecheras, escritas en papel higiénico. Y tú escribías o visitabas a cualquiera que pudiera interceder para su excarcelación.
Ya vivías en Alicante cuando lo trasladaron al Reformatorio de Adultos, la que sería su última cárcel. Caminabas hasta allí cada vez que se permitía una “comunicación” y le llevabas los alimentos que enviaban tus padres desde Orihuela y los que podías conseguir a través del estraperlo; esas lecheras que tanto costaba llenar y que los carceleros dejaban caer.
El día de las Mercedes los niños podían visitar a los presos y entraban su hijo y los tres tuyos. Mi madre, con siete años, era la mayor y le hacías memorizar los mensajes que querías transmitirle. Cuando salían, la interpelabas para que repitiera cada palabra de tu hermano.
Me hablabas de aquel día que fuiste a verlo con Josefina: no tenía fuerzas para caminar y se apoyaba en dos compañeros. Cuando os vio, se irguió, hinchó el pecho y sonrió:
Miguel, qué bien te veo, ¿estás mejor?
Han venido a ofrecerme dinero y la libertad si me retracto de todo lo que he escrito y pongo mi pluma al servicio del régimen.
¡Habrás dicho que sí!
He dicho que no.
“Ése era mi hermano”, concluías.
Su salud empeoraba. Recorrías Alicante de punta a punta sin descanso buscando una recomendación que traspasara el bloqueo para que lo visitara un médico, hasta que lo conseguiste. Lo ayudó a respirar mejor aunque, sin los medios suficientes, no podía hacer más. Lo ideal era trasladarlo al sanatorio para tuberculosos de Porta Coeli, donde, fuera de la insalubridad de la prisión, se recuperaría. Pero mientras tu hermano no accediera a volver al seno de la iglesia, era imposible.
Se te rompía el corazón cuando entrabas a visitarlo a la enfermería y lo encontrabas ahogándose entre suciedad. Lo lavabas, lo vestías con ropa limpia y le extraías el líquido de los pulmones como te había enseñado el médico.
Consciente de que se acercaba el final, accedió a casarse por la iglesia, postrado en la cama, para proteger a su familia (los matrimonios civiles habían quedado invalidados). Pocos días después se aprobó el traslado a Porta Coeli, pero ya era tarde.
La noche del 27 de marzo fuiste a visitarlo con Josefina, se te quebraba la voz cuando me contabas que lo aseaste y lo ayudaste a respirar por última vez. Murió esa madrugada.
Y llegaron los años del silencio, del miedo a pronunciar su nombre, de la hipocresía, de los libros de Losada llegados misteriosamente desde Argentina, de las conversaciones a media voz. Te indignaba la injusticia, el odio y las mentiras, siempre las mentiras. Me hablabas del tío Miguel entre murmullos y me pedías que bajara la voz cuando te pedía detalles: “No cuentes nada”, “no te signifiques”. Pues ahora lo estoy contando, abuela, mi memoria es tu memoria.
Ya en democracia, ibas a todos los actos y accedías a casi cualquier entrevista. Te quedabas exhausta, pero era tu “deber” homenajear y propagar el nombre y la obra de tu hermano. Esa fue la labor de toda tu vida.
Te habría encantado saber que 2017 fue el “Año de Miguel Hernández”, a ti que te preocupaba tanto que lo hicieran desaparecer. Que de vez en cuando doy una charla sobre ese legado de recuerdos que me regalaste. Que publiqué la elegía a Manolo, como tú querías. Que la cama de tu hermano (que te acompañó a todos los lugares donde viviste) está ahora en su cuarto, en la casa de la calle de Arriba, que ahora se llama de Miguel Hernández, y que es su casa-museo. No lo han olvidado, abuela, hasta la estación de tren lleva su nombre, y un aeropuerto, y una universidad, y colegios, y centros culturales.
Descansa en paz, abuela, la poesía de tu hermano resuena en todo el mundo; su nombre está marcado a fuego; y yo seguiré compartiendo este legado que me transmitiste hasta dejarlo grabado en mi memoria. Miguel Hernández es, indiscutiblemente, un gran poeta; pero para mí siempre será el tío Miguel.
Elvira Hernández, la soeur du poète (1908-1996), fleurit la tombe du poète.
Pablo Neruda (Ricardo Eliécer Neftalí Reyes-Basoalto) est né le 12 juillet 1904 à Parral (Chili). Il entre dans la carrière diplomatique en 1927 et devient consul à Rangoun (Birmanie) . Il est en poste ensuite à Colombo (Sri Lanka), Batavia (aujourd’hui Djakarta, en Indonésie), Calcutta (Inde) et Buenos Aires (Argentine) où il fait la connaissance de Federico García Lorca. Il est consul général du Chili d’abord à Barcelone en 1934, puis à Madrid en 1935. Il dirige la revue Caballo verde para la poesía, créée par Manuel Altolaguirre (1905-1959) et Concha Méndez (1898-1986). Cette revue, à la typographie très soignée, connaîtra six numéros. Chaque numéro commence par un texte en prose de Pablo Neruda. Elle accueille des poètes espagnols (Vicente Aleixandre, Federico García Lorca, Jorge Guillén, Miguel Hernández o Leopoldo Panero), latinoaméricains ou européens, liés à la Génération de 1927. Dès le premier numéro, Pablo Neruda défend une poésie « impure » :
Sobre una poesía sin pureza. Manifiesto.
“La confusa impureza de los seres humanos se percibe en ellos, la agrupación, uso y desuso de los materiales; las huellas del pie y los dedos, la constancia de una atmósfera inundando las cosas desde lo interno y lo externo. Así sea la poesía que buscamos, gastada como por un ácido por los deberes de la mano, penetrada por el sudor y el humo, oliente a orina y a azucena salpicada por las diversas profesiones que se ejercen dentro y fuera de la ley. Una poesía impura como un traje, como un cuerpo, con manchas de nutrición, y actitudes vergonzosas, con arrugas, observaciones, sueños, vigilia, profecías, declaraciones de amor y de odio, bestias, sacudidas, idilios, creencias políticas, negaciones, dudas, afirmaciones, impuestos. La sagrada ley del madrigal y los decretos del tacto, olfato, gusto, vista, oído, el deseo de justicia, el deseo sexual, el ruido del océano, sin excluir deliberadamente nada, sin aceptar deliberadamente nada.”
La Casa de las Flores bombardée.
Pablo Neruda a vécu de 1934 à 1936 dans un appartement au cinquième étage de La Casa de las Flores, ensemble de bâtiments en briques de cinq étages, situé dans le quartier d’Argüelles à Madrid (calles Princesa, Hilarión Eslava, Rodríguez San Pedro, Gaztambide y Meléndez Valdés) et conçu en 1931 par l’architecte Secundino Zuazo Ugalde (1887-1971) dans un esprit rationaliste. On y trouve 288 logements et trois patios au centre. La répartition des espaces avec un couloir paysager a servi de modèle à des générations d’étudiants en architecture. Les bâtiments sont décorés de balcons et de jardinières fleuries. Le poète Rafael Alberti qui vit à l’époque dans ce même quartier trouve là un appartement libre pour son ami chilien qui vient d’être nommé à Madrid. Neruda y reçoit beaucoup. Cet ensemble a beaucoup souffert des bombardements pendant la Guerre civile, le front se situant dans cette zone de la ville, proche de la cité universitaire. Après une mission à Paris, il revient dans la capitale espagnole en 1937. Il raconte ainsi dans ses mémoires (Confieso que he vivido, 1974) son retour dans son appartement devasté avec le poète Miguel Hernández : « Por fin llegamos a Madrid. Mientras los visitantes recibían bienvenida y alojamiento, yo quise ver de nuevo mi casa que había dejado intacta hacía cerca de un año. Mis libros y mis cosas, todo había quedado en ella. Era un departamento en el edificio llamado “Casa de las Flores”, a la entrada de la ciudad universitaria. Hasta sus límites llegaban las fuerzas avanzadas de Franco. Tanto que el bloque de departamentos había cambiado varias veces de mano. Miguel Hernández, vestido de miliciano y con su fusil, consiguió una vagoneta destinada a acarrear mis libros y los enseres de mi casa que más me interesaban. Subimos al quinto piso y abrimos con cierta emoción la puerta del departamento. La metralla había derribado ventanas y trozos de pared. Los libros se habían derrumbado de las estanterías. Era imposible orientarse entre los escombros. De todas maneras, busqué algunas cosas atropelladamente. Lo curioso era que las prendas más superfluas e inaprovechables habían desaparecido; se las habían llevado los soldados invasores o defensores. Mientras las ollas, la máquina de coser, los platos, se mostraban regados en desorden, pero sobrevivían, de mi frac consular, de mis máscaras de Polinesia, de mis cuchillos orientales no quedaba ni rastro. -La guerra es tan caprichosa como los sueños, Miguel. Miguel encontró por ahí, entre los papeles caídos, algunos originales de mis trabajos. Aquel desorden era una puerta final que se cerraba en mi vida. Le dije a Miguel: -No quiero llevarme nada. -¿Nada? ¿Ni siquiera un libro? -Ni siquiera un libro –le respondí. Y regresamos con el furgón vacío.»
L’ensemble a été restauré dans les années 40 et déclaré monument national en 1981.
La Casa de las Flores aujourd’hui.
Explico algunas cosas
Preguntaréis: Y dónde están las lilas? Y la metafísica cubierta de amapolas? Y la lluvia que a menudo golpeaba sus palabras llenándolas de agujeros y pájaros?
Os voy a contar todo lo que me pasa.
Yo vivía en un barrio de Madrid, con campanas, con relojes, con árboles.
Desde allí se veía el rostro seco de Castilla como un océano de cuero.
Mi casa era llamada la casa de las flores, porque por todas partes estallaban geranios: era una bella casa con perros y chiquillos. Raúl, te acuerdas? Te acuerdas, Rafael? Federico, te acuerdas debajo de la tierra, te acuerdas de mi casa con balcones en donde la luz de Junio ahogaba flores en tu boca?
Hermano, hermano!
Todo eran grandes voces, sal de mercaderías, aglomeraciones de pan palpitante, mercados de mi barrio de Argüelles con su estatua como un tintero pálido entre las merluzas: el aceite llegaba a las cucharas, un profundo latido de pies y manos llenaba las calles, metros, litros, esencia aguda de la vida, pescados hacinados, contextura de techos con sol frío en el cual la flecha se fatiga, delirante marfil fino de las patatas, tomates repetidos hasta el mar.
Y una mañana todo estaba ardiendo y una mañana las hogueras salían de la tierra devorando seres, y desde entonces fuego, pólvora desde entonces, y desde entonces sangre.
Bandidos con aviones y con moros, bandidos con sortijas y duquesas, bandidos con frailes negros bendiciendo venían por el cielo a matar niños, y por las calles la sangre de los niños corría simplemente, como sangre de niños.
Chacales que el chacal rechazaría, piedras que el cardo seco mordería escupiendo, víboras que las víboras odiaran!
Frente a vosotros he visto la sangre de España levantarse para ahogaros en una sola ola de orgullo y de cuchillos!
Generales traidores: mirad mi casa muerta, mirad España rota: pero de cada casa muerta sale metal ardiendo en vez de flores, pero de cada hueco de España sale España, pero de cada niño muerto sale un fusil con ojos, pero de cada crimen nacen balas que os hallarán un día el sitio del corazón.
Preguntaréis por qué su poesía no nos habla del sueño, de las hojas, de los grandes volcanes de su país natal?
Venid a ver la sangre por las calles, venid a ver la sangre por las calles, venid a ver la sangre por las calles!
España en el corazón: himno a la glorias del pueblo en la guerra. 1937.
J’explique certaines choses
Vous allez demander : Où sont donc les lilas ? Et la métaphysique couverte de coquelicots ? Et la pluie qui frappait si souvent vos paroles les remplissant de brèches et d’oiseaux?
Je vais vous raconter ce qui m’arrive.
Je vivais dans un quartier
de Madrid, avec des cloches,
avec des horloges, avec des arbres.
De ce quartier on apercevait le visage sec de la Castille ainsi qu’un océan de cuir.
Ma maison était appelée la maison des fleurs, parce que de tous côtés éclataient les géraniums : c’était une belle maison avec des chiens et des enfants. Raúl, te souviens-tu ? Te souviens-tu, Rafael ? Federico, te souviens-tu sous la terre, te souviens-tu de ma maison et des balcons où la lumière de juin noyait des fleurs sur ta bouche ? Frère, frère ! Tout n’était que cris, sel de marchandises, agglomérations de pain palpitant, marchés de mon quartier d’Argüelles avec sa statue comme un encrier pâle parmi les merluches : l’huile arrivait aux cuillères, un profond battement de pieds et de mains emplissait les rues, métros, litres, essence profonde de la vie, poissons entassés, contexture de toits cernés d’un soleil froid dans lequel la flèche se fatigue, délirant ivoire des fines pommes de terre, tomates recommencées jusqu’à la mer.
Et un matin tout était en feu
et un matin les bûchers
sortaient de terre
dévorant les êtres vivants,
et dès lors ce fut le feu,
ce fut la poudre,
et ce fut le sang.
Des bandits avec des avions, avec des maures,
des bandits avec des bagues et des duchesses,
des bandits avec des moines noirs pour bénir
tombaient du ciel pour tuer des enfants,
et à travers les rues le sang des enfants
coulait simplement, comme du sang d’enfants.
Chacals que le chacal repousserait,
pierres que le dur chardon mordrait en crachant,
vipères que les vipères détesteraient !
Face à vous j’ai vu le sang
de l’Espagne se lever
pour vous noyer dans une seule vague
d’orgueil et de couteaux !
Généraux
de trahison :
regardez ma maison morte,
regardez l’Espagne brisée :
mais de chaque maison morte surgit un métal ardent
au lieu de fleurs,
mais de chaque brèche d’Espagne
surgit l’Espagne,
mais de chaque enfant mort surgit un fusil avec des yeux,
mais de chaque crime naissent des balles
qui trouveront un jour l’endroit
de votre coeur.
Vous allez demander pourquoi votre poésie
ne parle-t-elle pas du rêve, des feuilles,
des grands volcans de votre pays natal ?
Venez voir le sang dans les rues,
venez voir
le sang dans les rues,
venez voir le sang
dans les rues !
Résidence sur la Terre, Éditions Gallimard, 1969. Traduction : Guy Suarès.
J’ai lu, il y a quelques jours, sur le journal d’information en ligne El Español, un article plein de paradoxes du polémique et grand poète chilien Raúl Zurita : “ENTREVISTA AL POETA Raúl Zurita: “Soy un comunista en 2020: quiero una revolución y una sociedad sin clases” (27/11/2020)
Il a reçu en 2020 le Prix Reina Sofía de Poesie Iberoamericaine. C’est un partisan de l’art total. “Zurita realizó variadas acciones utilizando su cuerpo como medio de expresión. El 2 de junio de 1982, su obra creativa da un nuevo paso con el poema La vida nueva, escrito en los cielos de Nueva York, mediante cinco aviones que trazaban las letras con humo blanco y las cuales se recortaban contra el azul del cielo. Esta creación estaba compuesta por quince frases de 7-9 kilómetros de largo cada una, en español. El trabajo fue registrado en vídeo por el artista Juan Downey. Otra acción artística consistió en plasmar en el desierto de Chile la frase “Ni pena ni miedo”, en 1993, cuya fotografía cierra el libro La vida nueva y que por su extensión, 3.140 metros, solo puede ser leída desde lo alto. “
Quelques passages de cet article:
P.- ¿Sigue siendo usted comunista? ¿Se puede ser comunista en 2020?
R.- Soy un comunista en 2020.
El machismo en la poesía P.- ¿Cree usted que el mundo de la poesía ha sido machista?
R.- ¡Por supuesto que ha habido machismo, no tengo ninguna duda! Ha habido muchas mujeres poetas sobresalientes que han sido apocadas o apartadas definitivamente por ser mujeres. ¡No está tan lejana la época de la quema de brujas…! Sí creo que están en todos los planos y en el artístico también, muy fuerte.
P.- ¿Y si hacemos una revancha histórica?
R.- Bueno, entiendo que puedan querer una revancha histórica, estarían en todo su justo derecho. Ahora, yo creo que el mundo será femenino y masculino o no será. Masculino y femenino con todos los grados que hay entremedio: el mundo tiene que ir con todas las opciones personales, sexuales, políticas… y mientras tú no violentes a otro, está todo bien.
Al poeta le gusta leer a Idea Vilariño. “Es una maravilla. Era tan buena como Onetti y sin embargo ese machismo estuvo ahí…”, resopla, y comienza a recitar en alto su poema más crudo e inolvidable, Ya no: “No te veré morir”, paladea, con cierto desapego. Y rápidamente se repone de la traza de nostalgia: “Pero yo creo que en la gente más joven todo esto está cambiando, ya los tipos comparten lo del lavar los platos, tengo esa sensación”, guiña.
El Neruda violador Como admira tanto a Neruda, le pregunto por ese episodio sangrante y horrible de su biografía: cuando confesó que había violado a una mujer pobre que ejercía de sirvienta. “Anne Carson dijo algo extremadamente sabio: menos mal que no sabemos nada de la vida personal de Platón. ¡Si ahora prohibimos a Platón se nos cae todo, se nos cae Occidente, lo que estamos hablando ahora…! Sería una confusión tremenda… radical… Neruda fue un violador sin duda y no se jactó, se arrepintió. El tipo lo dijo y se sintió pésimo con la chica de Indonesia. Se sintió lo peor, literalmente, y nunca más. Eso está dicho”, cuenta.
Y continúa: “Yo he vivido en un país y un continente donde la mayor parte de los hijos son producto de violaciones. Del conquistador a la conquistada, del español hacia la india. Neruda es el mejor poeta en lengua castellana para mí. Ahora quieren derribar su nombre y alzar a Gabriela Mistral, que es muy buena, pero no es Neruda. Soy nerudiano. Es un genio. Y si Neruda hubiese sido mujer me hubiese importado un pepino, habría sido una gran poeta igual”, zanja.”
Je reviens donc une fois de plus aux poèmes de Pablo Neruda que je relis ces derniers temps. Pas le Neruda politique, mais le Neruda sceptique, âgé, fatigué. Un Neruda pour temps de pandémie.
Y cuánto vive ?
Cuánto vive el hombre, por fin ?
Vive mil días o uno solo ?
Una semana o varios siglos ?
Por cuánto tiempo muere el hombre ?
Qué quiere decir «Para Siempre» ?
Preocupado por este asunto
me dediqué a aclarar las cosas.
Busqué a los sabios sacerdotes, los esperé después del rito, los aceché cuando salían a visitar a Dios y al Diablo.
Se aburrieron con mis preguntas.
Ellos tampoco sabían mucho,
eran sólo administradores.
Los médicos me recibieron,
entre una consulta y otra,
con un bisturí en cada mano,
saturados de aureomicina,
más ocupados cada dia.
Según supe por lo que hablaban
el problema era como sigue :
nunca murió tanto microbio,
toneladas de ellos caían,
pero los pocos que quedaron
se manifestaban perversos.
Me dejaron tan asustado
que busqué a los enterradores.
Me fui a los ríos donde queman
grandes cadáveres pintados,
pequeños muertos huesudos,
emperadores recubiertos
por escamas aterradoras,
mujeres aplastadas de pronto
por una ráfaga de cólera.
Eran riberas de difuntos
y especialistas cenicientos.
Cuando llegó mi oportunidad
les largué unas cuantas preguntas,
ellos me ofrecieren quemarme :
era todo lo que sabían.
En mi país los enterradores me contestaron, entre copas: —« Búscate una moza robusta, y déjate de tonterías. »
Nunca vi gentes tan alegres.
Cantaban levantando el vino
por la salud y por la muerte.
Eran grandes fornicadores.
Regresé a mi casa más viejo después de recorrer el mundo.
No le pregunto a nadie nada.
Pero sé cada día menos.
Estravagario, 1958.
Et combien vit-il?
Combien vit l’homme, enfin ?
Vit-il mille jours ou un seul ?
Pour combien de temps l’homme meurt-il ?
Que veut dire « pour toujours » ?
Préoccupé par cette affaire je me suis consacré à élucider les choses.
J’ai recherché les prêtres savants, je les ai attendus après le rite, je les ai guettés lorsqu’ils sortaient pour rendre visible à Dieu et au Diable. Ils se lassèrent de mes questions. Eux non plus ne savaient pas grand-chose, Ils n’étaient que des administrateurs. Les médecins me reçurent, entre une consultation et une autre, avec un bistouri dans chaque main, saturés d’auréomycine, chaque jour plus occupés Selon ce que j’appris à travers ce qu’ils disaient le problème était le suivant : jamais n’est mort tant de microbes il en tombait des tonnes, mais le peu qui resta se révélait pervers.
Ils m’effrayèrent tant
que j’ai cherché les fossoyeurs.
Je partis aux fleuves où ils brûlent
de grands cadavres peints,
de petits morts osseux,
des empereurs recouverts
d’écailles terrifiantes,
des femmes aplaties tout à coup
par une rafale de colère.
C’étaient des rives de défunts
et des spécialistes cendreux.
Quand vint mon tour
je leur posai quelques questions,
ils me proposèrent de me brûler :
c’était tout ce qu’ils savaient.
Dans mon pays les fossoyeurs
me répondirent, entre deux verres :
— « Trouve-toi donc une jeune fille robuste,
et laisse tomber toutes ces sottises. »
Je n’ai jamais vu de gens si joyeux.
Ils chantaient en levant le vin
à la santé et à la mort.
C’étaient de grands fornicateurs.
Je rentrai chez moi plus vieux
après avoir parcouru le monde.
Je ne demande rien à personne.
mais je sais chaque jour moins de choses.
Vaguedivague. Gallimard. 1971. Traduction Guy Suarès.
Jean-Marie Laclavetine évoque la mémoire de son ami, l’homme de théâtre et traducteur Guy Suarès (1932-1996), dans son livre La vie des morts, Gallimard, 2021. ” J’aurais tant voulu qu’il reste longtemps parmi nous. Il me manque. Tu l’aurais aimé. D’abord parce qu’il était d’ascendance hispanique, avait joué et mis en scène Federico García Lorca et Rafael Alberti, connu et traduit Neruda et José Bergamín. et puis, parce qu’il était impossible de ne pas l’aimer, voilà tout. (…) J’ai connu Guy à France Culture. il administrait le bureau de lecture des dramatiques radiopĥoniques. (…) Il avait créé et dirigé entre 1962 et 1971, à la demande d’André Malraux, une compagnie de théâtre, la Comédie de la Loire.” (pages 109-110)
Visite hebdomadaire chez Gibert. J’achète quelques livres dont La vie des morts (Gallimard, 2021) de Jean-Marie Laclavetine. J’avais lu son livre précédent Une amie de la famille (Gallimard, 2019). Le 1 novembre 1968, sur les rochers qui surplombent la Chambre d’Amour à Biarritz, sa sœur aînée Annie avait été emportée par une vague. Elle avait vingt ans, lui quinze. Un demi-siècle plus tard, il a pu évoquer ce jour et partir à la recherche d’Annie. Dans ce nouveau livre, il décide de dire à Annie ce que les vivants lui ont raconté d’elle, de lui montrer à quel point elle est restée présente. « La vie des morts ». Les proches décédés continuent de lui parler.
Deux citations en exergue: Pablo Neruda et Tennesse Williams.
On peut y lire quinze vers du deuxième poème de Vaguedivague (Estravagario).
Pido silencio
Ahora me dejen tranquilo.
Ahora se acostumbren sin mí.
Yo voy a cerrar los ojos.
Y sólo quiero cinco cosas,
cinco raíces preferidas.
Una es el amor sin fin.
Lo segundo es ver el otoño.
No puedo ser sin que las hojas
vuelen y vuelvan a la tierra.
Lo tercero es el grave invierno,
la lluvia que amé, la caricia
del fuego en el frío silvestre.
En cuarto lugar el verano
redondo como una sandía.
La quinta cosa son tus ojos,
Matilde mía, bienamada,
no quiero dormir sin tus ojos,
no quiero ser sin que me mires:
yo cambio la primavera
por que tú me sigas mirando.
Amigos, eso es cuanto quiero.
Es casi nada y casi todo.
Ahora si quieren se vayan.
He vivido tanto que un día
tendrán que olvidarme por fuerza,
borrándome de la pizarra:
mi corazón fue interminable.
Pero porque pido silencio
no crean que voy a morirme:
me pasa todo lo contrario:
sucede que voy a vivirme.
Sucede que soy y que sigo.
No será, pues, sino que adentro
de mí crecerán cereales,
primero los granos que rompen
la tierra para ver la luz,
pero la madre tierra es oscura:
y dentro de mí soy oscuro:
soy como un pozo en cuyas aguas
la noche deja sus estrellas
y sigue sola por el campo.
Se trata de que tanto he vivido
que quiero vivir otro tanto.
Nunca me sentí tan sonoro,
nunca he tenido tantos besos.
Ahora, como siempre, es temprano.
Vuela la luz con sus abejas.
Déjenme solo con el día.
Pido permiso para nacer.
Estravagario, 1958.
Je demande le silence
Qu’on me laisse tranquille à présent.
Qu’on s’habitue sans moi à présent.
Je vais fermer les yeux.
Et je ne veux que cinq choses,
cinq racines préférées.
L’une est l’amour sans fin.
La seconde est de voir l’automne.
Je ne peux être sans que les feuilles
volent et reviennent à la terre.
La troisième est le grave hiver,
La pluie que j’ai aimé, la caresse
Du feu dans le froid sylvestre.
Quatrièmement l’été
rond comme une pastèque.
La cinquième chose ce sont tes yeux,
ma Mathilde bien aimée,
je ne veux pas dormir sans tes yeux,
je ne veux pas être sans que tu me regardes:
je change le printemps
afin que tu continues à me regarder.
Amis, voilà ce que je veux.
C’est presque rien et c’est presque tout.
A présent si vous le désirez partez.
J’ai tant vécu qu’un jour
vous devrez m’oublier inéluctablement,
vous m’effacerez du tableau :
mon coeur n’a pas de fin.
Mais parce que je demande le silence
ne croyez pas que je vais mourir :
c’est tout le contraire qui m’arrive
il advient que je vais me vivre.
Il advient que je suis et poursuis.
Ne serait-ce donc pas qu’en moi
poussent des céréales,
d’abord les grains qui déchirent
la terre pour voir la lumière,
mais la terre mère est obscure,
et en moi je suis obscur :
Je suis comme un puits dans les eaux
duquel la nuit dépose ses étoiles
et poursuis seul à travers la campagne.
Le fait est que j’ai tant vécu
que je veux vivre encore autant.
je ne me suis jamais senti si vibrant,
je n’ai jamais eu tant de bécots.
A présent, comme toujours, il est tôt.
La lumière vole avec ses abeilles.
Laissez-moi seul avec le jour.
Je demande la permission de naître.
Vaguedivague, Gallimard, 1971. Traduction de Guy Suarès. Collection Poésie/Gallimard n° 485, 2013.
Santiago de Chile. Quartier Bellavista de la commune de Providencia. La Chascona, maison que Pablo Neruda fit construire pour Matilde Urrutia à partir de 1953. Architecte: Germán Rodríguez Arias. Aujourd’hui siège de la Fondation Pablo Neruda.
Necesito del mar porque me enseña : no sé si aprendo música o conciencia : no sé si es ola sola o ser profundo o sólo ronca voz o deslumbrante suposición de peces y navíos. El hecho es que hasta cuando estoy dormido de algún modo magnético circulo en la universidad del oleaje. No son sólo las conchas trituradas como si algún planeta tembloroso participara paulatina muerte, no, del fragmento reconstruyo el día, de una racha de sal la estalactita y de una cucharada el dios inmenso.
Lo que antes me enseñó lo guardo ! Es aire, incesante viento, agua y arena.
Parece poco para el hombre joven que aquí llegó a vivir con sus incendios, y sin embargo el pulso que subía y bajaba a su abismo, el frío del azul que crepitaba, el desmoronamiento de la estrella, el tierno desplegarse de la ola despilfarrando nieve con la espuma, el poder quieto, allí, determinado como un trono de piedra en lo profundo, substituyó el recinto en que crecían tristeza terca, amontonando olvido, y cambió bruscamente mi existencia : di mi adhesión al puro movimiento.
Memorial de Isla Negra, 1964.
La mer
J’ai besoin de la mer car elle est ma leçon : je ne sais si elle m’enseigne la musique ou la conscience : je ne sais si elle est vague seule ou être profond ou seulement voix rauque ou bien encore conjecture éblouissante de navires et de poissons. Le fait est que même endormi par tel ou tel art magnétique je circule dans l’université des vagues. Il n’y a pas que ces coquillages broyés comme si une planète tremblante annonçait une lente mort, non, avec le fragment je reconstruis le jour, avec le jet de sel, la stalactite, et avec une cuillerée de mer, la déesse infinie.
Ce qu’elle m’a appris, je le conserve ! C’est l’air, le vent incessant, l’eau et le sable.
Cela semble bien peu pour l’homme jeune qui vint ici vivre avec ses feux et ses flammes, et pourtant ce pouls qui montait et descendait à son abîme, le froid du bleu qui crépitait et l’effritement de l’étoile, le tendre éploiement de la vague qui gaspille la neige avec l’écume, le pouvoir paisible et bien ferme comme un trône de pierre dans la profondeur, remplacèrent l’enceinte où grandissait la tristesse obstinée, accumulant l’oubli, et soudain mon existence changea : j’adhérai au mouvement pur.
Mémorial de l’Ile Noire, Gallimard, 1977. Traduction Claude Couffon.
Libros sagrados y sobados, libros devorados, devoradores, secretos, en las faltriqueras: Nietzsche, con olor a membrillos, y subrepticio y subterráneo, Gorki caminaba conmigo. Oh aquel momento mortal en las rocas de Víctor Hugo cuando el pastor casa a su novia después de derrotar al pulpo, y El Jorobado de París sube circulando en las venas de la gótica anatomía. Oh, María, de Jorge Isaacs, beso blanco en el día rojo de las haciendas celestes que allí se inmovilizaron con el azúcar mentiroso que nos hizo llorar de puros.
Los libros tejieron, cavaron, deslizaron su serpentina y poco a poco, detrás de las cosas, de los trabajos, surgió como un olor amargo con la claridad de la sal el árbol del conocimiento.
Memorial de Isla Negra, 1964.
Les livres
Livres sacrés et tout écornés, livres dévorés, dévorants, secrets, dans les poches : Nietzsche sentait le coing, et comme en fraude et souterrain Gorki m’accompagnait. Ô ce moment fatal où, sur les rochers de Victor Hugo, le berger marie sa promise après avoir vaincu la pieuvre ou lorsque le Bossu de Notre-Dame circule en volant sur les veines de la gothique anatomie. Ô María de Jorge Isaacs, baiser tout blanc dans le jour rouge des haciendas célestes qui s’immobilisèrent avec ce sucre mensonger qui nous fit pleurer, nous étions si purs.
Les livres tissèrent, creusèrent,
déroulèrent leur serpentin
et peu à peu, derrière
les choses, les travaux,
surgit comme une odeur amère
et avec la clarté du sel
l’arbre du savoir.
Mémorial de l’Île Noire, Gallimard, 1970. Traduction: Claude Couffon.
Lors d’une conférence de presse du gouvernement le 14 décembre, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a glissé une citation de Pablo Neruda: «Le printemps est inexorable.» Le monde de la culture croule sous les problèmes, mais cela ira mieux au printemps. Un peu vague, non? De plus, cette phrase est tirée des mémoires du poète, publiées après sa mort par sa veuve, Matilde Urrutia. Le texte est une ode à la lutte des communistes et se trouve à la fin de ce livre. Bizarre, bizarre…Ce n’est pas vraiment ce que Pablo Neruda a écrit de meilleur. Son œuvre est immense, mais inégale. J’aime beaucoup certains de ses poèmes et je place très haut Residencia en la tierra comme le faisait Julio Cortázar. Pourtant, la qualité de ce texte me semble pour le moins discutable.
Los comunistas …Han pasado unos cuantos años desde que ingresé al partido…Estoy contento…Los comunistas hacen una buena familia…Tienen el pellejo curtido y el corazón templado…Por todas partes reciben palos…Palos exclusivos para ellos…Vivan los espiritistas, los monarquitas, los aberrantes, los criminales de varios grados…Viva la filosofía con humo pero sin esqueletos…Viva el perro que ladra y que muerde, vivan los astrólogos libidinosos, viva la pornografía, viva el cinismo, viva el camarón, viva todo el mundo, menos los comunistas…Vivan los cinturones de castidad, vivan los conservadores que no se lavan los pies ideológicos desde hace quinientos años…Vivan los piojos de las poblaciones miserables, viva la fosacomún gratuita, viva el anarcocapitalismo, viva Rilke, viva André Gide con su corydoncito, viva cualquier misticismo…Todo está bien…Todos son heroicos…Todos los periódicos deben salir…Todos pueden publicarse, menos los comunistas…Todos los políticos deben entrar en Santo Domingo sin cadenas…Todos deben celebrar la muerte del sanguinario, del Trujillo, menos los que más duramente lo combatieron…Viva el carnaval, los últimos días del carnaval…Hay disfraces para todos…Disfraces de idealista cristiano, disfraces de extremo izquierda, disfraces de damas benéficas y de matronas caritativas…Pero, cuidado, no dejen entrar a los comunistas…Cierren bien la puerta…No se vayan a equivocar…No Tienen derecho a nada…Preocupémonos de lo subjetivo, de la esencia del hombre,de la esencia de la esencia…Así estaremos todos contentos…Tenemos libertad… Qué grande es la libertad…Ellos no la respetan, no la conocen…La libertad para preocuparse de la esencia…De lo esencial de la esencia… …Así han pasado los últimos años…Pasó el jazz, llegó el soul, naufragamos en los postulados de la pintura abstracta, nos estremeció y nos mató la guerra…En este lado todo quedaba igual… ¿O no quedaba igual?…Después de tantos discursos sobre el espíritu y de tantos palos en la cabeza, algo andaba mal…Muy mal… Los cálculos habían fallado… Los pueblos se organizaban…Seguían las guerrillas y las huelgas… Cuba y Chile se independizaban…Muchos hombres y mujeres cantaban la Internacional… Qué raro…Qué desconsolador…Ahora la cantaban en chino, en búlgaro, en español de América…Hay que tomar urgentes medidas…Hay que proscribirlo… Hay que hablar más del espíritu…Exaltar más el mundo libre… Hay que dar más palos…Hay que dar más dólares… Esto no puede continuar…Entre la libertad de Los palos y el miedo de Germán Arciniegas…Y ahora Cuba… En nuestro propio hemisferio, en la mitad de nuestra manzana, estos barbudos con la misma canción…Y para qué nos sirve Cristo?… De qué modo nos han servido los curas? … Ya no se puede confiar en nadie…Ni en los mismos curas … No ven nuestros puntos de vista… No ven cómo bajan nuestras acciones en la Bolsa… …Mientras tanto trepan los hombres por el sistema solar…Quedan huellas de zapatos en la luna…Todo lucha por cambiar, menos los viejos sistemas…La vida de los viejos sistemas nació de inmensas telarañas medioevales…Telarañas más duras que los hierros de la maquinaria…Sin embargo, hay gente que cree en un cambio, que ha practicado el cambio, que ha hecho triunfar el cambio, que ha florecido el cambio…Caramba!…La primavera es inexorable!
Confieso que he vivido. Memorias. 1974.
“…Pendant ce temps les hommes grimpent dans l’espace…Ils laissent des traces de souliers sur la lune…Tout lutte pour changer, hormis les vieux systèmes…La vie des vieux systèmes a éclos dans les énormes toiles d’araignée du Moyen Age… Des toiles d’araignée plus résistantes que l’acier des machines…Pourtant, il existe des gens qui croient au changement, des gens qui ont pratiqué le changement, qui l’ont fait triompher, qui l’ont fait fleurir… Mince alors!… Le printemps est inexorable!”
J’avoue que j’ai vécu. Mémoires. Gallimard, 1975. Folio n°1822. Traduction de Claude Couffon.
Madrid depuis la terrasse du Cercle des Beaux-Arts.
Le poète chilien Pablo Neruda (1904-1973. Prix Nobel de littérature 1971) devient diplomate en 1927. Il occupe successivement des postes de consul à Rangoun (Birmanie), Colombo (Sri Lanka), Batavia (aujourd’hui Jakarta en Indonésie), Calcutta (Inde), puis Buenos Aires. Á partir de 1935, il est consul en Espagne, d’abord à Barcelone, puis à Madrid.
Son séjour à Madrid sera une expérience décisive dans sa vie et dans son oeuvre. Témoin des premières batailles et des bombardements meurtriers lors de la guerre civile, il est évacué vers la France en 1937. Il fonde alors le Comité hispano-américain pour le soutien à l’Espagne avec César Vallejo et l’Alliance des intellectuels chiliens pour la défense de la culture. En 1939, mandaté par le président chilien Pedro Aguirre Cerda, il organise le départ de 2400 réfugiés espagnols à bord du cargo Winnipeg.
Il découvre son attachement à l’Espagne, à sa culture. Cette expérience inoubliable devient pour lui vitale. La perte de ses amis Federico García Lorca y Miguel Hernández le déchire totalement.
Le souvenir de la ville perdue grandit avec le temps. Le poète souffre d’un véritable exil. Dans Memorial de Isla Negra (1964), l’impossibilité de revoir Madrid à cause de la dictature franquiste responsable de la mort de ses amis, est une souffrance. Il évoque le paysage, la ville, les rues, les boutiques des artisans et leurs produits, les tavernes, le bruit des enfants, l’odeur du pain qui sort des boulangeries, les chariots et l’ami poète, jamais revu, Vicente Aleixandre. Ce paradis perdu est toujours présent dans son esprit.
¡Ay! mi ciudad perdida
Me gustaba Madrid y ya no puedo verlo, no más, ya nunca más, amarga es la desesperada certidumbre como de haberse muerto uno también al tiempo que morían los míos, como si se me hubiera ido a la tumba la mitad del alma, y allí yaciere entre llanuras secas, prisiones y presidios, aquel tiempo anterior cuando aún no tenía sangre la flor, coágulos la luna. Me gustaba Madrid por arrabales, por calles que caían a Castilla como pequeños ríos de ojos negros: era el final de un día calles de cordeleros y toneles, trenzas de esparto como cabelleras, duelas arqueadas desde donde algún día iba a volar el vino a un ronco reino, calles de los carbones, de las madererías, calles de las tabernas anegadas por el caudal del duro Valdepeñas y calles solas, secas, de silencio compacto como adobe, e ir y saltar los pies sin alfabeto, sin guía, ni buscar, ni hallar, viviendo aquello que vivía callando con aquellos terrones, ardiendo con las piedras y al fin callado el grito de una ventana, el canto de un pozo, el sello de una gran carcajada que rompía con vidrios el crepúsculo, y aún más acá, en la garganta de la ciudad tardía, caballos polvorientos, carros de ruedas rojas, y el aroma de las panaderías al cerrarse la corola nocturna mientras enderezaba mi vaga dirección hacia Cuatro Caminos, al número 3 de la calle Wellingtonia en donde me esperaba bajo dos ojos con chispas azules la sonrisa que nunca he vuelto a ver en el rostro – plenilunio rosado – de Vicente Aleixandre que dejé allí a vivir con sus ausentes.
Memorial de Isla Negra, 1964.
Aïe! Ma ville perdue
J’aimais Madrid et maintenant je ne peux plus le voir, non, plus jamais, plus jamais plus, ô certitude désespérée aussi amère que d’être mort moi-même au moment où mouraient les miens ou que d’avoir porté en terre la moitié de mon âme, comme si là-bas dans les plaines sèches, les prisons et les bagnes, gisait ce temps d’avant, ce temps où la fleur n’avait pas de sang ni de caillots la lune. J’aimais Madrid pour ses faubourgs, pour ses rues qui allaient se jeter en Castille comme de minces rivières aux yeux noirs: c’était par un jour finissant: des rues de cordiers, de tonneaux et de tresses d’alfa comme des chevelures, de douves arquées d’où un jour le vin s’envolerait vers un rauque royaume, rues du charbon, rues des chantiers vendeurs de bois, rues des tavernes inondées par le flot du dur valdepeñas, rues solitaires, sèches, au silence compact de brique crue, et les pieds qui vont et qui sautent, sans alphabet, sans guide, sans chercher ni trouver, vivant cela qui vivait bouche close avec ces mottes, brûlant avec les pierres et enfin, quand se taisait le cri d’une fenêtre, le chantier d’un puits, le sceau d’un grand éclat de rire qui brisait de ses vitres le crépuscule, et encore plus avant, dans la gorge de la ville tardive, des chevaux couverts de poussière, des voitures aux roues écarlates, et le parfum des boulangeries quand se refermait la corolle nocturne tandis que je modifiais mon vague chemin vers Cuatro Caminos, vers ce 3, rue Wellingtonia où m’attendait sous deux yeux d’étincelles bleues le sourire que je n’ai plus jamais revu sur le visage – rose lune pleine – de Vicente Aleixandre que j’ai laissé là-bas vivre avec ses absents.
Mémorial de l’Île Noire, 1970. Gallimard. Traduction: Claude Couffon.
Isla Negra (Chile). Café Restaurante Rincón del Poeta.
Libro de las preguntas, 1974, Editorial Losada, 1974. Le livre des questions. Editions Gallimard, 1979, Traduction de Claude Couffon. Ce livre singulier de Pablo Neruda, mort le 23 septembre 1973, est un livre posthume. Il se présente comme une série de questions sans réponses. Le poète chilien s’interroge sur la vie, la nature, la mort, la guerre, la politique.
1. Qué cosa irrita a los volcanes que escupen fuego, frío y furia?
Por qué Cristóbal Colón no pudo descubrir a España?
Cuántas preguntas tiene un gato?
Las lágrimas que no se lloran esperan en pequeños lagos?
O serán ríos invisibles que corren hacia la tristeza?
VIII Quel dard irrite les volcans qui crachent feu, froid et fureur?
Et pourquoi Christophe Colomb n’a-t-il pu découvrir l’Espagne?
Combien de questions dans un chat?
Les larmes qu’on ne verse pas attendent-elles en petits lacs?
Ou seraient-elles des rivières coulant cachées vers la tristesse?
11. Hasta cuándo hablan los demás si ya hemos hablado nosotros?
Qué diría José Martí del pedagogo Marinello?
Cuántos años tiene Noviembre?
Qué sigue pagando el Otoño con tanto dinero amarillo?
Cómo se llama ese cocktail que mezcla vodka con relámpagos?
XI Jusqu’à quand parleront les autres si nous avons déjà parlé?
Et que dirait José Marti du magister Marinello?
Combien d’années compte Novembre?
Que continue donc à payer
l’Automne avec ses liasses jaunes?
Quel nom porte-t-il, ce cocktail qui mélange éclairs et vodka
20. Es verdad que el ámbar contiene las lágrimas de las sirenas?
Cómo se llama una flor que vuela de pájaro en pájaro?
No es mejor nunca que tarde?
Y por qué el queso se dispuso a ejercer proezas en Francia?
XX.
Est-il vrai que l’ambre contient
les pleurs versés par les sirènes?
Comment s’appelle cette fleur qui vole d’un oiseau à l’autre?
Ne vaut-il mieux jamais que tard?
Et pourquoi le fromage a-t-il pour ses exploits choisi la France?
27. Murieron tal vez de vergüenza estos trenes que se extraviaron?
Quién ha visto nunca el acíbar?
Dónde se plantaron los ojos del camarada Paul Éluard?
Hay sitio para unas espinas? le preguntaron al rosal.
XXVII Ne seront-ils pas morts de honte ces trains qui se sont fourvoyés?
Qui a jamais vu l’aloès?
Où les a-t-on plantés, les yeux du camarade Paul Éluard?
Acceptez-vous quelques piquants? a-t-on demandé au rosier.
30. Cuando escribió su libro azul Rubén Darío no era verde?
No era escarlata Rimbaud, Góngora de color violeta?
Y Victor Hugo tricolor? Y yo a listones amarillos?
Se juntan todos los recuerdos de los pobres de las aldeas?
Y en una caja mineral guardaron sus sueños los ricos?
XXX En écrivant son livre bleu Rubén Dario n’était-il vert?
Rimbaud n’était-il écarlate? Góngora, couleur de violettes?
Et Victor Hugo, tricolore? Et moi, tout de jaune rayé?
Se groupent-ils, les souvenirs de tous les pauvres des villages?
Et dans un coffre minéral le riche a-t-il rangé ses rêves?
31. A quién le puedo preguntar qué vine a hacer en este mundo?
Por qué me muevo sin querer, por qué no puedo estar inmóvil?
Por qué voy rodando sin ruedas, volando sin alas ni plumas,
y qué me dio por transmigrar si viven en Chile mis huesos?
XXXI Qui interroger sur ce que je suis venu faire en ce monde?
Pourquoi me mouvoir malgré moi,
pourquoi ne puis-je être immobile?
Pourquoi rouler ainsi sans roues et voler sans ailes ni plumes,
et qui m’a poussé vers ailleurs si mes os vivent au Chili?
32. Hay algo más tonto en la vida que llamarse Pablo Neruda?
Hay en el cielo de Colombia un coleccionista de nubes?
Por qué siempre se hacen en Londres los congresos de los paraguas?
Sangre color de amaranto tenía la reina de Saba?
Cuando lloraba Baudelaire lloraba con lágrimas negras?
XXXII S’appeler Pablo Neruda, y a-t-il plus sot dans la vie?
Qui, dans le ciel de Colombie, collectionnera les nuages?
Pourquoi choisit-on toujours Londres pour les congrès de parapluies?
La reine de Saba avait-elle un sang amarante?
Les pleurs versés par Baudelaire quand il pleurait étaient-ils noirs?
35. No será nuestra vida un túnel entre dos vagas claridades?
O no será una claridad entre dos triángulos oscuros?
O no será la vida un pez preparado para ser pájaro?
La muerte será de no ser o de sustancias peligrosas?
XXXV Notre vie n’est-elle un tunnel entre deux clartés imprécises?
Ou serait-elle une clarté entre deux triangles obscurs?
Ou la vie est-elle un poisson prédisposé à être oiseau?
La mort, est-ce de ne pas être, ou d’être des corps dangereux?
44. Dónde está el niño que yo fui, sigue adentro de mí o se fue?
Sabe que no lo quise nunca y que tampoco me quería?
Por qué anduvimos tanto tiempo creciendo para separarnos?
Por qué no morimos los dos cuando mi infancia se murió?
Y si el alma se me cayó por qué me sigue el esqueleto?
XLIV. Où est-il, l’enfant que je fus? Est-il en moi? Est-il parti?
Sait-il que je ne l’ai aimé et qu’il ne m’aimait pas non plus?
Pourquoi tout ce long bout de route, et grandir pour nous séparer?
Pourquoi n’être pas morts tous deux avec la mort de mon enfance?
Pourquoi, si mon âme est tombée, ai-je conservé mon squelette ?
49 Cuando veo de nuevo el mar el mar me ha visto o no me ha visto?
Por qué me preguntan las olas lo mismo que yo les pregunto?
Y por qué golpean la roca con tanto entusiasmo perdido?
No se cansan de repetir su declaración a la arena?
XLIX Quand je vois de nouveau la mer, la mer m’a-t-elle vu ou non ?
Pourquoi, m’interrogeant, les vagues me renvoient-elles mes questions ?
Pourquoi, battant le roc, ont-elles tout cet enthousiasme perdu ?
Lasses ne sont de répéter au sable leur déclaration ?