Iran

Taraneh Alidousti.

« Zan, Zendegi Azadi » en farsi (« Jin, Jiyan, Azadi  » dans sa version originale kurde). Femme, vie, liberté.

Trois figures du cinéma iranien ont été arrêtées ces derniers mois. Vendredi 8 juillet, Mohammad Rasoulof (Ours d’or en 2020, au Festival de Berlin pour Le diable n’existe pas) et son confrère Mostafa Al-Ahmad ont été interpellés chez eux et conduits en détention pour « troubles à l’ordre public », « propagande contre le régime » et « activisme anti-révolutionnaire ». Lundi 11 juillet, ce fut au tour du cinéaste Jafar Panahi (ex assistant d’ Abbas Kiarostami. Lion d’or à Venise en 2000 pour Le Cercle, Ours d’or à Berlin en 2015 pour Taxi Téhéran, prix du scénario à Cannes en 2018 avec Trois visages) venu devant la prison où étaient incarcérés ses deux collègues pour s’inquiéter de leur sort, d’être appréhendé. Ils sont incarcérés au centre de détention d’Evin.

Taraneh Alidousti, actrice iranienne de 36 ans, est très connue dans son pays. Elle y a remporté de nombreux prix et distinctions. Á l’étranger, on se souvient de ses nombreuses collaborations avec Asghar Farhadi. Elle est aussi remarquable dans Leila et ses frères de Saeed Roustaee ( réalisateur aussi de La loi de Téhéran en 2021 ), présenté au Festival de Cannes en 2022 et interdit de projection en Iran.

2002 Moi, Taraneh, 15 ans de Rasoul Sadr Ameli.
2004 Les Enfants de Belle Ville d’Asghar Farhadi.
2006 La Fête du feu d’Asghar Farhadi.
2009 Á propos d’Elly d’Asghar Farhadi.
2016 Le Client d’Asghar Farhadi. Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2017.
2022 Leila et ses frères de Saaed Roustaee. Prix de la critique internationale (FIPRESCI).

En janvier 1920, elle est convoquée par le bureau du procureur du ministère de la Culture et des Médias pour avoir diffusé une vidéo montrant la police des mœurs qui s’en prenait à une femme ne portant pas le hijab. Elle est inculpée « d’activités de propagande contre l’État », et relâchée sous caution. En juin, elle est condamnée à cinq mois de prison pour ces faits, avec un sursis à exécution de deux ans. Elle analyse cette condamnation comme un acte d’intimidation de la part du régime iranien, qu’elle avait critiqué plus tôt dans l’année dans un post sur Instagram : « Nous ne sommes pas des citoyens. Nous ne l’avons jamais été. Nous sommes des captifs. Des millions de captifs. »

Le 9 novembre 2022, dans le cadre des manifestations en Iran à la suite de la mort de Mahsa Amini ( 16 septembre 2022 ), elle poste sur les réseaux sociaux une photo où elle apparaît sans voile et tenant une pancarte sur laquelle est écrit en kurde « Femme, Vie, Liberté », en soutien aux manifestations. Elle promet de rester dans son pays malgré le risque de « payer le prix » pour défendre ses droits. Elle annonce son intention d’arrêter de travailler pour soutenir les familles des personnes tuées ou arrêtées lors de la répression. Elle dénonce le 8 décembre l’exécution de Mohsen Shekari, pendu après avoir été accusé de mener une « guerre contre Dieu ». Elle écrit « Toute organisation internationale qui regarde ce bain de sang sans réagir représente une honte pour l’humanité ». Elle est arrêtée le 17 décembre 2022 et est détenue aussi à la prison d’Evin.

Taraneh Alidousti , Jafar Panahi, Mohammad Rasoulof. Liberté!

Cinéastes iraniens

Ashgar Farhadi. Paris, 2021. (Duchilila)

” Zan, zendigi, azadi.” “Femme, vie, liberté.”

En soutien aux femmes iraniennes (Asghar Farhadi). 24 septembre 2022. Twitter. Instagram.

https://twitter.com/arminarefi/status/1573941933331910664

” Je suis Ashgar Farhadi, cinéaste. Vous avez sans doute suivi les dernières nouvelles en provenance d’Iran et vu des images de ces courageuses femmes progressistes qui manifestaient pour leurs droits humains, au côté des hommes. Elles défendent ces droits essentiels et inaliénables que l’État leur refuse depuis des années. Ces manifestants, et tout particulièrement les femmes, ont parcouru un âpre et pénible chemin pour parvenir à cette mobilisation, et, à présent, elles ont clairement atteint un seuil irréversible.
Je les ai vues de près, ces dernières nuits. La plupart sont très jeunes : 17 ans, 20 ans… J’ai lu l’indignation et l’espoir sur leur visage et dans la façon dont elles défilaient dans les rues. J’éprouve le plus grand respect pour leur lutte en faveur de la liberté et le droit de choisir leur destinée, en dépit de toute la violence à laquelle elles doivent faire face. Je suis fier des femmes puissantes de mon pays, et j’espère sincèrement que, grâce à leur détermination, elles atteindront leurs buts.
Avec cette vidéo, j’invite tous les artistes, cinéastes, intellectuels et activistes des droits civiques du monde entier, ainsi que tous ceux qui croient en la dignité et en la liberté à apporter des témoignages de solidarité à ces femmes et ces hommes iraniens, par des vidéos, des écrits – ou de tout autre manière.
Il en va de la responsabilité humaine, et tout ceci peut contribuer à la consolidation, dans l’avenir, de l’espoir de tous les Iraniens d’atteindre l’objectif magnifique et fondamental qu’ils recherchent ici, dans ce pays, où les femmes seront, sans nul doute, les pionnières, annonciatrices de transformations majeures.
Pour des lendemains meilleurs,
Ashgar Farhadi .”

Traduction : Baptiste Roux. (Positif n° 741. Novembre 2022. Page 63)

Ashgar Farhadi 2011 Une séparation.
2013 Le passé.
2016 Le client.
2021 Un héros.

Mohammad Rasoulof. Festival international du film de Saint-Sébastien, 19 septembre 2009 (Rafa Rivas).

Trois figures du cinéma iranien ont été arrêtées ces derniers mois. Vendredi 8 juillet, Mohammad Rasoulof (Ours d’or en 2020, au Festival de Berlin pour Le diable n’existe pas) et son confrère Mostafa Al-Ahmad ont été interpellés chez eux et conduits en détention pour «troubles à l’ordre public», «propagande contre le régime» et «activisme anti-révolutionnaire». Lundi 11 juillet, ce fut au tour du cinéaste Jafar Panahi (ex assistant d’ Abbas Kiarostami. Lion d’or à Venise en 2000 pour Le Cercle, Ours d’or à Berlin en 2015 pour Taxi Téhéran, prix du scénario à Cannes en 2018 avec Trois visages) venu devant la prison où étaient incarcérés ses deux collègues pour s’inquiéter de leur sort, d’être appréhendé. Selon le porte-parole de la Justice, Massoud Sétayechi, Jafar Panahi devra purger la peine de six ans de prison émise à son encontre dans un verdict de 2010. Il était depuis en liberté surveillée. Ils sont incarcérés au centre de détention d’Evin.

Jafar Panahi. Téhéran, 30 août 2010 (Atta Kenare)

Un homme intègre (Mohammad Rasoulof)

Un homme intègre (Mohammad Rasoulof) 2017

Très bon film iranien vu hier soir à La Ferme du Buisson (Noisiel).

Filmographie de Mohammad Rasoulof

2002 The Twilight
2005 La Vie sur l’eau
2008 Baad-e-daboor (documentaire)
2009 The White Meadows
2011  Au revoir
2013 Les manuscrits ne brûlent pas
2017 Un homme intègre (Prix Un certain regard au Festival de Cannes)

En 2010, alors que Mohammad Rasoulof tournait en secret un film avec Jafar Panahi (Ours d’or à la Berlinale en 2015 pour Taxi Téhéran) sur le soulèvement postélectoral de 2009, il a été arrêté comme son partenaire et condamné à six ans d’emprisonnement pour rassemblement et connivence contre la sécurité nationale et pour propagande contre le régime. En appel, la peine a été réduite à un an de prison. Elle n’a jamais été exécutée, mais il doit subir encore des pressions constantes. Il y a quelques semaines, il s’est vu confisquer son passeport lors de son retour en Iran après un voyage aux Etats-Unis où il accompagnait son dernier film.

Résumé du film

Reza, installé à la campagne, dans le nord de l’Iran, avec sa femme, directrice d’école, et son fils, mène une vie retirée. Il se consacre à l’élevage de poissons rouges. Durant les fêtes du Nouvel An, ces poissons symbolisent la vitalité, la chance. Reza est endetté, sa maison hypothéquée.
Une compagnie privée a des visées sur son terrain et est prête à tout pour le contraindre à vendre.
La corruption prospère dans le pays sur la lâcheté, la résignation de tous. Pourra-t-il lutter contre elle et s’en sortir sans se salir les mains?

Très belles scènes: – le personnage principal se réfugie la nuit dans une grotte mystérieuse emplie d’eau chaude. Il y boit le vin de pastèque qu’il fabrique en secret.
– Reza entre dans son étang, hagard au milieu de ses poissons morts, symboles de sa ruine, pendant que planent au-dessus de cette scène de désastre les noirs corbeaux menaçants. Il a de l’eau jusqu’au cou.

Thèmes récurrents: – L’importance de l’école.
– La persécution des Iraniens qui ne sont pas musulmans (par exemple, zoroastrien, juif, sunnite ou membre d’une des nombreuses sectes).
– L’eau omniprésente dans le film.

Le réalisateur s’est engagé devant les autorités à réaliser un film optimiste, mais Reza pleure désespéré à la fin du film dans sa grotte. «Ils ont fini par m’accorder l’autorisation de tourner contre un papier sur lequel je m’engageais à faire un film optimiste, un film qui donne de l’espoir…J’estime que j’ai respecté mon engagement: il y a bien de l’espoir dans ce film.» souligne-t-il dans un interview à la Revue Positif n° 682 (décembre 2017)

Le metteur en scène parle de l’Iran, mais l’histoire qu’il raconte revêt une dimension universelle. On peut faire le rapprochement avec le film Baccalauréat (2016) du roumain Cristian Mungiu.

Il faut enfin souligner la simplicité de la narration et la complexité du tableau que brosse le réalisateur.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19574593&cfilm=255513.html

Mouvement de contestation en Iran dans l’actualité

Une vingtaine de personnes sont mortes durant le mouvement de contestation qui a commencé le 28 décembre à Mashhad, deuxième ville du pays , dont 16 manifestants.

Un millier de personnes ont été arrêtées en six jours, selon des chiffres officiels, dont 450 à Téhéran.

Les Gardiens de la révolution ont proclamé la fin du mouvement, mercredi, et le calme est revenu à Téhéran et dans la plupart des villes du pays.

La République islamique d’Iran est un régime très répressif. D’après le rapport 2016-2017 d’Amnesty International, “les autorités ont imposé des restrictions sévères à la liberté d’expression, d’association, de réunion pacifique et de conviction religieuse”. Le pays figure au deuxième rang, après la Chine, du nombre d’exécutions capitales, avec une estimation de 567 condamnés à mort en 2016. Les femmes y sont victimes de discriminations et de violences.

La colère de la population gronde en fait depuis des années, selon Thierry Coville, chercheur à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) et spécialiste de l’Iran. D’après lui, la première cause réside d’abord dans le chômage endémique, qui concerne 11,4% de la population active et jusqu’à 26,4% des 15-24 ans, d’après la Banque mondiale. Des chiffres sans doute sous-estimés, selon le chercheur.

Il pointe également la corruption: “Il y a un fort sentiment d’injustice, notamment vis-à-vis des entreprises parapubliques [contrôlées en partie par les Gardiens de la révolution] qui échappent totalement au contrôle du gouvernement en ne payant aucun impôt. De manière générale, la population iranienne considère que le système économique et politique ne sert qu’à privilégier certains groupes et dessert tout le pays”.