Miguel Hernández Gilabert est né le 30 octobre 1910 à Orihuela (province d’Alicante).
Il fait partie d’une famille de sept enfants, dont trois meurent en bas âge. Il passe son enfance et son adolescence entre l’école et le troupeau de chèvres de son père. Il doit abandonner ses études à 14 ans, mais passe de longs moments à la bibliothèque où il lit avec passion tous les auteurs du Siècle d’or espagnol.
Il commence par publier ses poèmes dans la presse locale et régionale dès 1929. Il se rend par deux fois à Madrid. Lors du deuxième voyage, Vicente Aleixandre et Pablo Neruda, qui obtiendront plus tard tous les deux le Prix Nobel de Littérature, deviennent ses grands amis. En 1936, il s’engage dans l’armée républicaine. Le 9 mars 1937, il épouse Josefina Manresa. Il aura deux fils. L’aîné, Manuel Ramón, né en décembre 1937, meurt à l’automne 1938. Á la fin de la guerre, il essaie de se rendre au Portugal, mais il est arrêté à la frontière par la police portugaise et remis à la Garde civile.
Le 18 janvier 1940, un Conseil de Guerre le condamne à mort l’accusant du délit d’adhésion à la rébellion dans une parodie de procès (Sumarios 21001 y 4407). La sentence est commuée en 30 ans d’emprisonnement le 9 juillet 1940. Miguel Hernández connaît les prisons de Madrid, Palencia, Ocaña, Alicante. Les conditions déplorables de détention ont raison de sa santé. Atteint de tuberculose, il meurt le 28 mars 1942 dans la prison Reformatorio de Alicante par manque de soins. Josefina Manresa et son second fils, Manuel Miguel (1939-1984) vivront ensuite à Elche dans une grande pauvreté.
Aujourd’hui l’aéroport d’ Alicante-Elche porte le nom du poète ainsi que l’Université d’Elche. Mais sa condamnation n’avait toujours pas été annulée par le Tribunal Suprême.
La famille, représentée par sa belle-fille, Lucía Izquierdo, et ses enfants a enfin obtenu la semaine dernière que le gouvernement annule ce jugement. Le ministre de Política Territorial y Memoria Democrática, Miguel Ángel Torres, a signé 29 déclarations d’annulation de jugements contre des personnes condamnées par la régime franquiste. Miguel Hernández en fait partie.
Une cérémonie officielle aura lieu le 31 octobre 2024 à Madrid en présence de la famille.
Un long processus va enfin de terminer. En effet, la famille avait obtenu préalablement, non sans difficultés, le soutien de la mairie d’Elche, de la Diputación de Alicante et de la Generalidad Valenciana. Mais une motion dans le même sens avait été rejetée le 26 septembre par la municipalité de sa ville natale, Orihuela, dirigée par le Partido Popular et Vox.
Las cárceles
I
Las cárceles se arrastran por la humedad del mundo, van por la tenebrosa vía de los juzgados: buscan a un hombre, buscan a un pueblo, lo persiguen, lo absorben, se lo tragan.
Je lis toujours la correspondance de Federico García Lorca. On n’y trouve qu’une seule lettre adressée à Miguel Hernández. Les deux grands poètes espagnols, qui moururent si tragiquement, se connaissaient, mais ne s’appréciaient guère. Perito en lunas, le premier recueil de Miguel Hernández, imprimé le 20 janvier 1933, connut un succès limité. Federico et Miguel se rencontrèrent pour la première fois à Murcie le 2 janvier 1933 chez Raimundo de los Reyes, éditeur et directeur du journal La Verdad de Murcia (Calle de la Merced número 2). Federico, déjà très célèbre, était alors en tournée dans cette région avec la troupe universitaire de LaBarraca. Il apprécia certains poèmes de Perito en lunas. Les deux poètes échangèrent leurs adresses. Miguel Hernández écrivit une première lettre, le 10 avril 1933, se plaignant du manque d’écho que recevait son recueil. Federico lui répondit probablement à la fin du mois. C’est la seule lettre que nous connaissions de Federico à Miguel. Il lui promit son aide, mais émettait aussi certaines réserves. Il lui demanda d’être plus patient. Miguel lui répondit le 30 mai 1933. Il lui écrivit à nouveau en décembre 1934 et le 1 février 1935. Il lui faisait part de ses difficultés économiques. Federico ne l’aimait pas. Il ne répondit à aucune de ces lettres. Par la suite, il évitait de le rencontrer. En revanche, Vicente Aleixandre et Pablo Neruda établirent avec le poète d’Orihuela une très forte amitié. María Zambrano dans un chapitre de son livre, Andalucía, sueño y realidad, affirme: “Toda aquella pléyade de poetas lo acogió como mejor podía, con excepción de un poeta prometido al sacrificio en modo fulgurante, que experimentaba una especie de alergia por su presencia personal. Y de ello poco supe, pues Miguel acusaba la tristeza, mas no la causa.” On peut dire qu’aussi bien Federico García Lorca que Luis Cernuda, poètes raffinés et d’origine bourgeoise, supportaient mal la rudesse de Miguel Hernández, d’origine paysanne, portant toujours un pantalon de velours et des espadrilles. En 1937, néanmoins, dans Viento del pueblo, ce dernier publia un hommage au poète de Grenade : Elegíaprimera (A Federico García Lorca, poeta).
Federico García Lorca a Miguel Hernández
[abril de 1933]
Mi querido poeta: No te he olvidado. Pero vivo mucho y la pluma de las cartas se me va de las manos. Me acuerdo mucho de ti porque sé que sufres con esas gentes puercas que te rodean y me apeno de ver tu fuerza vital y luminosa encerrada en el corral y dándose topetazos por las paredes. Pero así aprendes. Así aprenderás a superarte, en ese terrible aprendizaje que te está dando la vida. Tu libro está en el silencio, como todos los primeros libros, como mi primer libro, que tanto encanto y tanta fuerza tenía. Escribe, lee, estudia. ¡LUCHA! No seas vanidoso de tu obra. Tu libro es fuerte, tiene muchas cosas de interés y revela a los buenos ojos pasión de hombre, pero no tiene más cojones, como tú dices, que los de casi todos los poetas consagrados. Cálmate. Hoy se hace en España la más hermosa poesía de Europa. Pero por otra parte la gente es injusta. No se merece Perito en Lunas ese silencio estúpido, no. Merece la atención y el estímulo y el amor de los buenos. Ése lo tienes y lo tendrás porque tienes la sangre de poeta, y hasta cuando en tu carta protestas tienes en medio de cosas brutales (que me gustan) la ternura de tu luminoso y atormentado corazón. Yo quisiera que pudieras superarte de la obsesión de esa obsesión de poeta incomprendido por otra obsesión más generosa política y poética. Escríbeme. Yo quiero hablar con algunos amigos para ver si se ocupan de Perito en lunas. Los libros de versos, querido Miguel, caminan muy lentamente. Yo te comprendo perfectamente y te mando un abrazo mío fraternal, lleno de cariño y de camaradería.
Federico
(Escríbeme) T/C/ Alcalá, 102.
Federico García Lorca a Miguel Hernández
[Première moitié de 1933]
Mon cher poète,
Je ne t’ai pas oublié. Mais je vis intensément et devant une feuille la plume me tombe des mains. Je pense beaucoup à toi parce que je sais que tu souffres à cause des dégoûtants personnages qui t’entourent et je suis navré de voir ta lumineuse force vitale tenue captive et qui se cogne la tête aux murs. Mais ainsi tu apprends. Tu apprends à te dépasser, dans ce terrible apprentissage que la vie t’impose. Ton livre est dans le silence, comme mon premier livre qui avait tant de charme et tant de force. Écris, lis, étudie. Lutte ! Ne sois pas vaniteux de ton œuvre. Ton livre est fort, intéressant en bien des endroits, et révèle aux yeux avertis une passion d’homme (des couilles, comme tu dis) mais pas plus que la majorité des poètes consacrés. Calme-toi. Aujourd’hui on écrit en Espagne la plus belle poésie d’Europe. Mais d’autre part les gens sont injustes. Ton Perito de Lunas ne mérite pas ce silence stupide, non. Il mérite l’attention, les encouragements et l’amour des meilleurs. Tu les as et tu les auras parce que tu es poète dans le sang, et même lorsque tu protestes dans ta lettre avec une brutalité – qui me plaît – on sent la tendresse de ton coeur lumineux et tourmenté. J’aimerais que tu puisses dominer cette obsession de poète incompris au moyen d’une autre obsession plus généreuse, politique ou poétique. Écris-moi. Je vais demander à quelques amis de s’occuper de ton recueil. Les livres de vers, mon cher Miguel, font leur chemin bien lentement. Je te comprends parfaitement et t’envoie une accolade fraternelle pleine d’affection et de camaraderie.
El dramaturgo Buero Vallejo recuerda a su compañero de cárcel (Carmen Santamaría)
El 28 de marzo de 1942 moría en el Reformatorio de Adultos de Alicante el poeta Miguel Hernández. Había sido detenido por la policía portuguesa cuando intentaba refugiarse en el país vecino, y entregado a las autoridades españolas. Juzgado y condenado a muerte, Miguel pasó por varios centros penitenciarios hasta desembocar en el de su patria chica, donde la enfermedad acabaría con su peregrinación. Fue enterrado en el nicho número 1.009 de la ciudad de Alicante. Durante su estancia en la prisión de Conde de Toreno, en Madrid, Miguel Hernández tuvo una amistad singular, la del entonces pintor Antonio Buero Vallejo, a quien debemos el dibujo más conocido del poeta. Buero Vallejo recuerda en esta entrevista aquella relación entre rejas cuando se cumplen cuarenta años de la desaparición de su compañero Miguel Hernández.
“Yo conocí a Miguel en el último año de la guerra”, declara Buero Vallejo. “Le conocí en Benicasim; yo estaba en unas oficinas de trabajos diversos, y él había sido conducido al hospital. No tenia ninguna herida, pero estaba muy fatigado y necesitaba reponerse. Durante los veinte o treinta días que permaneció allí nos vimos poco, nada más que en las comidas, porque nos sentábamos a la misma mesa. Fue una relación superficial. Terminada la guerra, yo ingresé en la prisión de Conde de Toreno, y tiempo después llegó él. Me di a reconocer, me recordó enseguida y, entonces sí, entablamos una buena amistad que duró todo el tiempo que estuvimos juntos. Yo estaba ya en la galería de condenados a muerte, y él, como también fue condenado, vino a parar a la misma galería.
Pregunta. ¿Cómo se desarrolló su amistad? ¿Qué hacían ustedes cuando estaban juntos?
Respuesta. Hablábamos mucho; hablábamos sobre la tensa situación que vivíamos, hablábamos sobre los temas que para el hombre con inquietudes culturales son tan esenciales como el comer. Hablábamos de la poesía del 27, de la que él era como el benjamín, de la literatura en general, de su propia literatura. Yo entonces no me dedicaba todavía a escribir, pero hacía retratos, y ambos nos sabíamos artistas. Paseábamos por el palio de la cárcel, y él me recitó muchas de sus poesías, probablemente algunas concebidas en las noches de cárcel, porque él era muy mental, muy reflexivo, y tengo la impresión de que elaboraba sus poemas casi por completo de forma memorística antes de pasarlas al papel. Repasábamos juntos nuestro francés; a él le habían mandado las Cartas de Mme. de Sevigné, y durante bastantes días estuvimos leyéndolas juntos, corrigiéndonos mutuamente.
P. ¿Cómo era y se comportaba Miguel Hernández, el hombre, en aquel período?
R. El era un hombre de exterior abierto, expansivo, rotundo, amigo del chiste, de risa fácil. Era un introvertido profundo que a veces se quedaba ensimismado, distraido y un tanto melancólico, pero de forma espontánea pasaba a la broma, al pitorreo, al canturreo. Cantaba lo mismo cancioncillas ingenuas y vulgares que canciones de guerra que tenían letra suya.
P. ¿Recuerda usted algún hecho especial, alguna anécdota curiosa de aquel contacto carcelario con Miguel?
R. Hay una anécdota que da idea de cómo era este hombre por dentro; por dentro y por fuera. Cuando él entró en nuestra galería, yo comía con un compañero de expediente. Comer significaba compartir con otro u otros las cosas que mandaba la familia, quitándoselo quizá de la boca. Era una costumbre de los presos comer en república. Había mucha hambre, y el hambre era una obsesión primordial. El hambre es una piedra de toque para ver cómo es una persona. Como Miguel apenas recibía alimentos de fuera, mi compañero y yo pensamos invitarle a comer con nosotros. Yo fui a su petate y se Io propuse; él pareció aceptar, pero yo añadí: “Naturalmente, nos vamos a repartir la miseria, pero lo haremos con mucho gusto”. Me pareció un comentario lógico, pero para Miguel tuvo mas trascendencia de lo que imaginé. A la hora del rancho le esperamos, pero no apareció. Yo fui a buscarle, y entonces me dijo: “Mira, no, lo he pensado, y vosotros también estáis muy necesitados…”. Le insistí y no hubo manera de convencerle. Esto es un comportamiento insólito. Que una persona muy hambrienta, como era Miguel en aquel período, muy necesitada, dijese que no a una invitación de este tipo era insólito. Ofrecer lo poco que se tenía era normal, pero rechazarlo era de una abnegación y un desprendimiento inaudito. Era tal la sensibilidad de Miguel que no se permitía aceptar algo sabiendo que restaba: alimento a una persona que también estaba necesitada.
José Marín Gutiérrez (Ramón Sijé) (Orihuela, 16 novembre 1913 – Orihuela, 24 décembre 1935), est un écrivain, essayiste, journaliste et avocat espagnol. Tout jeune, il est l’ ami de Miguel Hernández (1910-1942). Ils partagent les mêmes intérêts pour la littérature et la politique. Ramón Sijé fonde à Orihuela (Alicante) la revue Voluntad et El Gallo Crisis. Il est l’auteur d’un essai antiromantique La decadencia de la flauta y el reinado de los fantasmas, publié en 1973. Il est marqué par une idéologie catholique conservatrice. Le 13 décembre 1935, il tombe malade (infection intestinale, septicémie) et meurt onze jours plus tard. Le 14 avril 1936, Miguel Hernández lit sa célèbre élégie pour l’inauguration de la Place Ramón Sijé dans leur ville natale, Orihuela. ( Voir Miguel Hernández. Evocando a Sijé. En el ambiente de Orihuela, La Verdad, Murcia, 7 mai 1936 ).
Elegía a Ramón Sijé
(En Orihuela, su pueblo y el mío, se me ha muerto como del rayo Ramón Sijé, a quien tanto quería…)
Yo quiero ser llorando el hortelano de la tierra que ocupas y estercolas, compañero del alma, tan temprano.
Alimentando lluvias, caracolas y órganos mi dolor sin instrumento, a las desalentadas amapolas
daré tu corazón por alimento. Tanto dolor se agrupa en mi costado que por doler me duele hasta el aliento.
Un manotazo duro, un golpe helado, un hachazo invisible y homicida, un empujón brutal te ha derribado.
No hay extensión más grande que mi herida, lloro mi desventura y sus conjuntos y siento más tu muerte que mi vida.
Ando sobre rastrojos de difuntos, y sin calor de nadie y sin consuelo voy de mi corazón a mis asuntos.
Temprano levantó la muerte el vuelo, temprano madrugó la madrugada, temprano estás rodando por el suelo.
No perdono a la muerte enamorada, no perdono a la vida desatenta, no perdono a la tierra ni a la nada.
En mis manos levanto una tormenta de piedras, rayos y hachas estridentes sedienta de catástrofes y hambrienta.
Quiero escarbar la tierra con los dientes, quiero apartar la tierra parte a parte a dentelladas secas y calientes.
Quiero minar la tierra hasta encontrarte y besarte la noble calavera y desamordazarte y regresarte.
Volverás a mi huerto y a mi higuera: por los altos andamios de las flores pajareará tu alma colmenera de angelicales ceras y labores. Volverás al arrullo de las rejas de los enamorados labradores.
Alegrarás la sombra de mis cejas, y tu sangre se irá a cada lado disputando tu novia y las abejas. Tu corazón, ya terciopelo ajado, llama a un campo de almendras espumosas mi avariciosa voz de enamorado.
A las aladas almas de las rosas del almendro de nata te requiero, que tenemos que hablar de muchas cosas, compañero del alma, compañero.
10 de enero de 1936.
El rayo que no cesa, 1936.
Élégie
(Á Orihuela, son village et le mien, j’ai perdu Ramón Sijé, foudroyé avec qui j’aimais tant.)
Je veux être le jardinier en pleurs De cette terre que tu occupes et que tu nourris, Compagnon de mon âme si tôt parti.
Alimentant de pluies, de coquillages Et d’orgues ma douleur sans instrument, Aux coquelicots découragés,
Je donnerai ton cœur an pâture. Tant de douleur se ramasse en mon flanc, Que j’en ai mal jusqu’à mon souffle.
Le coup d’une main dure, un coup glacé, Un coup de hache invisible et homicide, Une poussée brutale t’as abattu.
Nulle étendue n’est plus grande que ma blessure, Je pleure ma misère et tout ce qu’elle entraîne Et je ressens ta mort plus que ma propre vie.
Je marche sur des chaumes de défunts, Sans chaleur de personne et sans consolation, Je vais de mon cœur à ma vie quotidienne.
Très tôt se leva le vol de la mort, Très tôt apparut la pointe du jour, Très tôt te voilà roulant sur le sol.
Je ne pardonne pas à la mort amoureuse, Je ne pardonne pas à la vie indifférente, Je ne pardonne ni à la terre ni au néant.
Dans mes mains, je soulève un orage De pierres, d’éclairs et de haches stridents, Affamé et assoiffé de catastrophes.
Je veux fouiller la terre avec mes dents, Je veux écarter la terre bloc par bloc Á force de morsures sèches et chaudes.
Je veux miner la terre jusqu’à te retrouver Et embrasser ton humble crâne T’enlever le bâillon, te faire revenir.
Tu reviendras à mon jardin, à mon figuier: Sur les hauts échafaudages des fleurs Oisellera ton âme butineuse De cire et de besognes angéliques. Tu reviendras aux murmures des grilles Des paysans amoureux.
Tu égaieras l’ombre de mes sourcils, Et ton sang te sera disputé Moitié par ta fiancée, moitié par les abeilles. Ton coeur, maintenant velours fané, Ma voix avare d’amoureux L’appelle vers un champ d’amandes écumeuses.
Aux âmes ailées des roses De l’amandier de crème viens sans tarder, Nous avons à parler de tant de choses, Compagnon de mon âme, compagnon.
10 janvier 1936.
Anthologie bilingue de la poésie espagnole. NRF Gallimard. Bibliothèque de la Pléiade. Traduction: Yves Aguila.
Le poète Miguel Hernándezest mort de tuberculose le 28 mars 1942 dans la prison Reformatorio de Alicante, il y a 80 ans. Aujourd’hui, l’aéroport d’Alicante-Elche porte son nom, ainsi que l’Université d’Elche et la récente gare TGV (AVE) d’Orihuela, sa ville natale. Le maire conservateur de Madrid, José Luis Martínez-Almeida (Partido Popular), lui, n’a rien trouvé de mieux que de détruire le monument qui, au cimetière de La Almudena, rappelait qu’entre 1939 et 1945 plus de 2500 personnes condamnées à mort par les tribunaux militaires furent fusillées là. On pouvait aussi y lire des vers du poète.
V. A Miguel Hernández, asesinado en los presidios de España (Pablo Neruda)
Llegaste a mí directamente del Levante. Me traías, pastor de cabras, tu inocencia arrugada, la escolástica de viejas páginas, un olor a Fray Luis, a azahares, al estiércol quemado sobre los montes, y en tu máscara la aspereza cereal de la avena segada y una miel que medía la tierra con tus ojos.
También el ruiseñor en tu boca traías. Un ruiseñor manchado de naranjas, un hilo de incorruptible canto, de fuerza deshojada. Ay, muchacho, en la luz sobrevino la pólvora y tú, con ruiseñor y con fusil, andando bajo la luna y bajo el sol de la batalla.
Ya sabes, hijo mío, cuánto no pude hacer, ya sabes que para mí, de toda la poesía, tú eras el fuego azul. Hoy sobre la tierra pongo mi rostro y te escucho, te escucho, sangre, música, panal agonizante.
No he visto deslumbradora raza como la tuya, ni raíces tan duras, ni manos de soldado, ni he visto nada vivo como tu corazón quemándose en la púrpura de mi propia bandera.
Joven eterno, vives, comunero de antaño, inundado por gérmenes de trigo y primavera, arrugado y oscuro como el metal innato, esperando el minuto que eleve tu armadura.
No estoy solo desde que has muerto. Estoy con los que te buscan. Estoy con los que un día llegarán a vengarte. Tú reconocerás mis pasos entre aquellos que se despeñarán sobre el pecho de España aplastando a Caín para que nos devuelva los rostros enterrados. (…)
Primera publicación: Cultura y democracia (París). Febrero de 1950. Canto general,XII, Los ríos del canto. 1950.
V. A Miguel Hernández, assassiné dans les prisons d’Espagne
Tu vins à moi. Tu arrivais droit du Levant. Tu m’apportais, ô chevrier, ton innocence pleine de rides, la scolastique de vieilles pages, un doux relent de Fray Luis, d’orangers en fleur, de fumier brûlé sur les collines, et sur ton masque la céréale aspérité de l’avoine fauchée, un miel qui mesurait la terre avec les yeux.
Et ta bouche apportait aussi le rossignol. Un rossignol taché d’oranges, le filet d’un chant incorruptible, d’une force effeuillée. Hélas ! dans la clarté on vit surgir la poudre et l’on te vit porter rossignol et fusil sous la lune et sous le soleil de la bataille.
Tu sais, Miguel, tout ce que j’ai pu faire, tu sais bien que de toute la poésie tu étais pour moi le feu bleu. Aujourd’hui contre terre je colle mon visage et j’écoute, je t’écoute, musique, sang, rayon de ruche agonisant.
Je n’ai vu race plus éblouissante que la tienne, ni racines plus dures, ni mains plus dures de soldat, je n’ai rien vu de plus vivant que ton coeur quand il brûla dans la pourpre de mon propre drapeau.
Jeune éternel, tu vis, comunero d’antan, inondé de germes de blé et de printemps, plissé, obscur comme le métal né, en attendant l’instant de lever ton armure.
Non, je ne suis pas seul depuis que tu es mort. Je suis avec ceux qui te cherchent. Avec ceux qui un jour arriveront pour te venger. Tu reconnaîtras mes pas au milieu des pas qui, déferlant sur la poitrine de l’Espagne, écraseront Caïn pour qu’il nous rende les visages enterrés. (…)
Chant général. XII, Les Fleuves du Chant. Gallimard, 1977. Traduction Claude Couffon.
Mar Campelo Moreno, la petite-fille de la soeur du poète, Elvira, a publié le 26 mars une belle lettre à sa grand-mère dans le journal d’information numérique, Público.
Miguel Hernández en la memoria
A Elvira Hernández Gilabert, mi abuela
Querida abuela:
Hace más de 25 años que te fuiste y hoy se cumplen 80 de la última vez que viste a tu hermano Miguel con vida, pero no he olvidado las anécdotas que me contaste una y otra vez desde que era una niña hasta que la maldita enfermedad se llevó tus recuerdos; aunque, incluso cuando habías perdido la capacidad de expresarte, abrías los ojos y algo se removía dentro de ti si veías una foto de tu hermano.
Cómo te reías cuando me contabas las regañinas que le echabas cada vez que “se le iba el santo al cielo” en sus excursiones a la sierra de Orihuela para leer o escribir y tenías que justificarlo con cualquier excusa, o cuando clavaste las contraventanas para que no las abriera en las horas de calor.
También se reía él cuando leías sus poemas y le hacías que te explicara lo que se escondía en cada juego retórico, no descansabas hasta que lo entendías todo. Y cuando lo reprendías por sus expresiones subidas de tono. Siempre sonreías cuando hablabas de vuestra niñez y juventud, se te iluminaban los ojos reviviéndolo y dibujabas la imagen de un muchacho alegre, espontáneo, cariñoso y vital, con una enorme empatía con el sufrimiento ajeno.
Fuisteis compañeros de juegos y siempre cómplices, amigos. Te hablaba de sus lecturas, de su pasión creadora –fuiste la primera lectora de muchos de sus poemas-, de su deseo vehemente de ir a Madrid, pero también de sus vivencias, de sus amigos, de las mujeres a las que amó… Con esa atención al detalle que tenías que reprimir entre risas pudorosas: “Miguel, no me cuentes esas cosas”.
Con esa sonrisa tuya de medio lado, me contabas que tu madre y tú ordeñabais las cabras por segunda vez para sacar unas perricas que le enviabais a Miguel para que sobreviviera en Madrid.
Te casaste y te fuiste a Madrid con tu marido y tu hija (mi madre); el tío Miguel volvió a Madrid en esa misma época y, aunque vivía en una pensión, iba casi a diario a tu casa a comer y a que le lavaras la ropa.
Cuando leíste la elegía que le escribió a su amigo Manolo, que había muerto ahogado, le pediste que no la publicara porque causaría más dolor y te la regaló para que hicieras con ella lo que quisieras. Tú la guardaste en tu carpeta de los tesoros, la que contenía todos los recortes de prensa en los que se hablaba de él; esa carpeta que fue creciendo durante el resto de tu vida con cada carta suya, cada foto, cada publicación, cada referencia a tu hermano por mínima que fuera.
¿Por qué tuvo que volver a Orihuela cuando acabó la guerra? ¿Por qué no escuchó a vuestro padre cuando le dijo “vete, Miguel, que ahora viene el exterminio”? Porque quería abrazar a su familia y se sabía inocente. Y lo encarcelaron en el Seminario, en esa sierra en la que le gustaba perderse para escribir, para leer, para empaparse de naturaleza.
Sus cartas desde la cárcel trataban de transmitir esperanza, incluso se permitía alguna broma; os ocultó que lo habían condenado a muerte hasta que le conmutaron la pena por cadena perpetua. Esas cartas que llegaban censuradas o escondidas en el borde de las lecheras, escritas en papel higiénico. Y tú escribías o visitabas a cualquiera que pudiera interceder para su excarcelación.
Ya vivías en Alicante cuando lo trasladaron al Reformatorio de Adultos, la que sería su última cárcel. Caminabas hasta allí cada vez que se permitía una “comunicación” y le llevabas los alimentos que enviaban tus padres desde Orihuela y los que podías conseguir a través del estraperlo; esas lecheras que tanto costaba llenar y que los carceleros dejaban caer.
El día de las Mercedes los niños podían visitar a los presos y entraban su hijo y los tres tuyos. Mi madre, con siete años, era la mayor y le hacías memorizar los mensajes que querías transmitirle. Cuando salían, la interpelabas para que repitiera cada palabra de tu hermano.
Me hablabas de aquel día que fuiste a verlo con Josefina: no tenía fuerzas para caminar y se apoyaba en dos compañeros. Cuando os vio, se irguió, hinchó el pecho y sonrió:
Miguel, qué bien te veo, ¿estás mejor?
Han venido a ofrecerme dinero y la libertad si me retracto de todo lo que he escrito y pongo mi pluma al servicio del régimen.
¡Habrás dicho que sí!
He dicho que no.
“Ése era mi hermano”, concluías.
Su salud empeoraba. Recorrías Alicante de punta a punta sin descanso buscando una recomendación que traspasara el bloqueo para que lo visitara un médico, hasta que lo conseguiste. Lo ayudó a respirar mejor aunque, sin los medios suficientes, no podía hacer más. Lo ideal era trasladarlo al sanatorio para tuberculosos de Porta Coeli, donde, fuera de la insalubridad de la prisión, se recuperaría. Pero mientras tu hermano no accediera a volver al seno de la iglesia, era imposible.
Se te rompía el corazón cuando entrabas a visitarlo a la enfermería y lo encontrabas ahogándose entre suciedad. Lo lavabas, lo vestías con ropa limpia y le extraías el líquido de los pulmones como te había enseñado el médico.
Consciente de que se acercaba el final, accedió a casarse por la iglesia, postrado en la cama, para proteger a su familia (los matrimonios civiles habían quedado invalidados). Pocos días después se aprobó el traslado a Porta Coeli, pero ya era tarde.
La noche del 27 de marzo fuiste a visitarlo con Josefina, se te quebraba la voz cuando me contabas que lo aseaste y lo ayudaste a respirar por última vez. Murió esa madrugada.
Y llegaron los años del silencio, del miedo a pronunciar su nombre, de la hipocresía, de los libros de Losada llegados misteriosamente desde Argentina, de las conversaciones a media voz. Te indignaba la injusticia, el odio y las mentiras, siempre las mentiras. Me hablabas del tío Miguel entre murmullos y me pedías que bajara la voz cuando te pedía detalles: “No cuentes nada”, “no te signifiques”. Pues ahora lo estoy contando, abuela, mi memoria es tu memoria.
Ya en democracia, ibas a todos los actos y accedías a casi cualquier entrevista. Te quedabas exhausta, pero era tu “deber” homenajear y propagar el nombre y la obra de tu hermano. Esa fue la labor de toda tu vida.
Te habría encantado saber que 2017 fue el “Año de Miguel Hernández”, a ti que te preocupaba tanto que lo hicieran desaparecer. Que de vez en cuando doy una charla sobre ese legado de recuerdos que me regalaste. Que publiqué la elegía a Manolo, como tú querías. Que la cama de tu hermano (que te acompañó a todos los lugares donde viviste) está ahora en su cuarto, en la casa de la calle de Arriba, que ahora se llama de Miguel Hernández, y que es su casa-museo. No lo han olvidado, abuela, hasta la estación de tren lleva su nombre, y un aeropuerto, y una universidad, y colegios, y centros culturales.
Descansa en paz, abuela, la poesía de tu hermano resuena en todo el mundo; su nombre está marcado a fuego; y yo seguiré compartiendo este legado que me transmitiste hasta dejarlo grabado en mi memoria. Miguel Hernández es, indiscutiblemente, un gran poeta; pero para mí siempre será el tío Miguel.
Por el cinco de enero, cada enero ponía mi calzado cabrero a la ventana fría.
Y encontraba los días que derriban las puertas, mis abarcas vacías, mis abarcas desiertas.
Nunca tuve zapatos, ni trajes, ni palabras: siempre tuve regatos, siempre penas y cabras.
Me visitó la pobreza, me lamió el cuerpo el río y del pie a la cabeza pasto fui del rocío.
Por el cinco de enero, para el seis, yo quería que fuera el mundo entero una juguetería.
Y al andar la alborada removiendo las huertas, mis abarcas sin nada, mis abarcas desiertas.
Ningún rey coronado tuvo pie, tuvo gana para ver el calzado de mi pobre ventana.
Toda gente de trono, toda gente de botas se rió con encono de mis abarcas rotas.
Rabié de llanto, hasta cubrir de sal mi piel, por un mundo de pasta y unos hombres de miel.
Por el cinco de enero de la majada mía mi calzado cabrero a la escarcha salía.
Y hacia el seis, mis miradas hallaban en sus puertas mis abarcas heladas, mis abarcas desiertas.
Il a été publié d’abord dans la revue Ayuda, Semanario de la solidaridad, numero 36, Madrid, 2 janvier 1937 et ensuite dans le célèbre recueil Viento del Pueblo.
Viento del pueblo. Valencia, Socorro Rojo Internacional, 1937 (Prólogo de Tomás Navarro Tomás).
Les galoches désertes
Le cinq du mois de janvier, chaque année je mettais mes souliers de berger à la fenêtre froide
et trouvais en ces jours qui font tomber les portes, mes galoches vides, mes galoches désertes.
Jamais eu de chaussures ni costumes, ni mots, toujours des ruisselets, des peines et des chèvres,
vêtu de pauvreté léché par la rivière, je fus des pieds à la tête prairie pour la rosée.
Le cinq du mois de janvier, je souhaitais pour le six que le monde entier fût un magasin de jouets
et en allant dès l’aube retourner le jardin mes galoches sans rien, mes galoches désertes.
Aucun roi couronné n’eut l’idée, n’eut l’envie d’aller voir les souliers de ma pauvre fenêtre.
Tous ces gens bien assis, tous ces gens dans leurs bottes, bien méchamment ont ri de mes vieilles galoches.
Le cinq du mois de janvier de notre bergerie, mes souliers de berger je sortais dans le givre,
jusqu’au six mon regard pouvait voir à la porte mes galoches gelées, mes galoches désertes.
Traduction : Vicente Pradal.
Joan Manuel Serrat a adapté de nombreux textes du poète de Orihuela.
L’ album Hijo de la luz y de la sombra comprend 13 chansons adaptées des poèmes de Miguel Hernández. Il a été produit par Sony Music et est sorti en 2010 à l’occasion du centenaire du poète. Il a été présenté le 23 avril 2010 à Elche (Alicante). (Arrangements et direction musicale : Joan Albert Amargós.)
Abril de 1939: Joaquín de Entrambasaguas (1904-1995), filólogo que presidía la comisión depuradora franquista ordenó la destrucción de los 50.000 ejemplares de El Hombre Acecha de Miguel Hernández imprimidos en la Tipografía moderna (Valencia, calle de Avellanas, 9). Dos ejemplares ocultos permitieron su reedición en 1981. Antonio Rodríguez-Moñino (1910-1970) salvó uno de ellos. Había protegido la Biblioteca Nacional durante la guerra. Fue depurado, despojado de su cátedra e inhabilitado para la enseñanza durante veinte años.
Le Monde, 8 août 1970
L’érudit Antonio Rodriguez-Moñino vient de mourir à Madrid, à l’âge de soixante ans, des suites d’une longue maladie. (Robert Marrast)
Avec lui disparaît une des plus grandes figures de l’hispanisme contemporain. Né en 1910, en Estrémadoure, il avait publié son premier article à quinze ans, et, depuis, n’avait cessé de collaborer aux plus éminentes revues du monde entier. Professeur, membre de la Bibliographical Society de Londres et de la Cambridge Bibliographical Society, il enseigna depuis 1960 à Berkeley (Californie) et donna des conférences aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Europe. Docteur ” honoris causa ” de l’université de Bordeaux, il avait été élu récemment membre de la Real Academia Española.
Sa compétence s’étendait à tous les domaines, particulièrement à ceux de la bibliographie hispanique et du ” romancero ” ; il dirigea plusieurs collections de textes et d’études, et réalisa des éditions définitives et des publications en fac-similé de ” romanceros ” et de ” cancioneros ” dont certains sont uniques au monde. C’est également sur l’étude des ” romances ” que portait la thèse de doctorat qu’il soutint naguère à Salamanque. Il avait créé, voici deux ans, une remarquable collection de classiques espagnols aux éditions Castalia ; en 1965, il publiait, en collaboration avec sa femme, Maria Brey, elle-même hispaniste de valeur, un monumental catalogue des manuscrits de poésie espagnole de la Hispanic Society of America, dont il était le vice-président.
Celui que Marcel Bataillon appelait ” le prince des bibliophiles espagnols ” avait cette qualité rare : il ouvrait largement aux chercheurs venus à lui de partout les inestimables trésors de ses collections de manuscrits et de sa très riche bibliothèque. Les hispanistes de tous les pays se retrouvaient l’après-midi à sa ” tertulia “, au café Lyon de Madrid. Il les accueillait tous, jeunes ou chevronnés, avec bienveillance et courtoisie. Il n’est pas une thèse, un ouvrage d’érudition, un catalogue bibliographique du domaine hispanique des vingt dernières années qui ne lui doivent quelque chose, et souvent beaucoup. Pour tous, Don Antonio était le symbole même de la rigueur intellectuelle et son exemple, autant que celui de son œuvre brutalement interrompue, demeureront longtemps présents auprès des hispanistes et des bibliophiles du monde entier.
Miguel Hernández, après son arrestation à la frontière portugaise (Rosal de la Frontera) le 29 avril 1939, fut livré à la Guardia civil et emprisonné ensuite dans la prison madrilène de Torrijos du 15 mai au 15 septembre 1939.
Cette prison provinciale se trouvait au numéro 65 de la rue de Torrijos (aujourd’hui calle Conde de Peñalver n°53). 3000 personnes y étaient entassées alors. Miguel Hernández se trouvait dans la quatrième galerie, première salle.
Il écrivit à sa femme, Josefina Manresa, le 12 septembre 1939: “También paso mis buenos ratos espulgándome, que familia menuda no me falta nunca, y a veces la crío robusta y grande como el garbanzo. Todo se acabará a fuerza de uña y paciencia, o ellos, los piojos, acabarán conmigo. Pero son demasiada poca cosa para mí, tan valiente como siempre, y aunque fueran como elefantes esos bichos que quieren llevarse mi sangre, los haría desaparecer del mapa de mi cuerpo. ¡Pobre cuerpo! Entre sarna, piojos, chinches y toda clase de animales, sin libertad, sin ti, Josefina, y sin ti, Manolillo de mi alma, no sabe a ratos qué postura tomar, y al fin toma la de la esperanza que no se pierde nunca.”
Les punitions pleuvaient: interdiction de lire, interdiction de jouer aux échecs, interdiction de se doucher. Le poète fut puni plusieurs fois. On lui rasa les cheveux. Il dut balayer la galerie et la cour pendant une semaine parce qu’il n’avait pas chanté correctement l’hymne franquiste, le Cara al sol, ce que les prisonniers devaient faire trois fois par jour.
Pendant cette période, il dessinait la nuit et écrivit de nombreux poèmes: par exemple Nanas de la cebolla et Ascensión de la escoba.
Ascensión de la escoba
Coronada la escoba de laurel, mirto, rosa,
es el héroe entre aquellos que afrontan la basura.
Para librar del polvo sin vuelo cada cosa
bajó, porque era palma y azul, desde la altura.
Su ardor de espada joven y alegre no reposa.
Delgada de ansiedad, pureza, sol, bravura,
azucena que barre sobre la misma fosa,
es cada vez más alta, más cálida, más pura.
¡Nunca! La escoba nunca será crucificada
porque la juventud propaga su esqueleto
que es una sola flauta, muda, pero sonora.
Es una sola lengua, sublime y acordada.
Y ante su aliento raudo se ausenta el polvo quieto,
y asciende una palmera, columna hacia la aurora.
Cárcel de Torrijos. Septiembre de 1939.
Cancionero y romancero de ausencias (1938-1941)
Ascension du balai
Le balai couronné de laurier, myrte, roses
Parmi tous les héros qui affrontent l’ordure
Pour libérer de la poussière toute chose
Est descendu de la hauteur, palme et azur.
Jeune épée guerroyant, jamais ne se repose,
Finesse, ardeur, innocence, soleil, bravoure,
Il est comme le lys et il nettoie la fosse,
Toujours plus élevé, plus chaleureux, plus pur.
Jamais le balai ne sera crucifié
car la jeunesse va, prodigue de ses os,
Flûte unanime de silence et de musique.
Langue sublime d’harmonie, souffle puissant,
Devant eux toute boue retourne à son néant
Et le balai s’envole, colonne, vers l’aurore.
L’aéroport d’ Alicante-Elche portera le nom de Miguel Hernández. La municipalité de Madrid avait détruit en février 2020 un monument inachevé dans le cimetière de la Almudena qui rappelait les noms des 2937 personnes fusillées à Madrid par la dictature franquiste de 1939 à 1944. Devaient y figurer aussi les douze derniers vers du poème El herido de Miguel Hernández, mort en prison en 1942.
El Herido
II
Para la libertad sangro, lucho, pervivo,
Para la libertad, mis ojos y mis manos,
como un árbol camal, generoso y cautivo,
doy a los cirujanos.
Para la libertad siento más corazones
que arenas en mi pecho: dan espumas mis venas,
y entro en los hospitales, y entro en los algodones
como en las azucenas.
Para la libertad me desprendo a balazos
de los que han revolcado su estatua por el lodo.
Y me desprendo a golpes de mis pies, de mis brazos,
de mi casa, de todo.
Porque donde unas cuencas vacías amanezcan,
ella pondrá dos piedras de futura mirada
y hará que nuevos brazos y nuevas piernas crezcan
en la carne talada.
Retoñarán aladas de savia sin otoño reliquias de mi cuerpo que pierdo en cada herida Porque soy como el árbol talado, que retoño: porque aún tengo la vida.
El hombre acecha, 1938-39.
Miguel Hernández Gilabert est né à Orihuela (Alicante) le 30 octobre 1910. Il fait partie d’une famille de sept enfants dont trois meurent en bas âge. Son père, analphabète, élève des chèvres. Lui doit travailler enfant comme chevrier.
Le jeune Miguel est scolarisé dans la classe pour enfants pauvres du collège de jésuites local (Santo Domingo). Un professeur, le prêtre Luis Almarcha, remarque son intelligence. Son père accepte la scolarisation sous réserve que son fils ne renonce pas à soigner et à garder les chèvres. En raison de la crise économique et malgré les bons résultats scolaires, il retire son fils du collège à 14 ans. Le jeune Miguel a découvert la poésie qu’il aime, et malgré son père, il continue à lire en cachette grâce aux livres prêtés par Don Luis Almarcha, et un autre ami, Ramón Sijé (José Marín Gutiérrez), qui anime un cercle littéraire (Compañero del alma). Le jeune homme s’immerge dans le Siècle d’or espagnol (Cervantès, Calderón, Lope de Vega). Il s’imprégne de la poésie de Luis de Góngora et de Saint Jean de la Croix. Dès l’adolescence, il commence à écrire en cachette des poèmes, tout en gardant ses chèvres. Miguel Hernández est donc essentiellement un poète autodidacte. En 1929, il publie ses premiers poèmes dans les journaux locaux d’Orihuela (El Pueblo) et d’Alicante (El Día) . Afin de briser sa solitude, le jeune homme devenu majeur, décide de se rendre à Madrid en 1931 pour y trouver du travail. Ce voyage est un échec et il doit revenir à Orihuela. Il prend un emploi administratif chez un notaire. Don Luis Almarcha est devenu vicaire général d’Orihuela et finance son premier recueil Perito en lunas en 1933. Miguel Hernández s’installe définitivement à Madrid en 1934 et prend contact avec les poètes de sa génération (Federico García Lorca, Rafael Alberti, José Bergamín). Il se lie étroitement d’amitié avec Pablo Neruda, qui publie ses vers dans sa revue Caballo verde, et Vicente Aleixandre. Il participe aux Misiones pedagógicas et devient le secrétaire de José María de Cossío qui prépare une encyclopédie taurine, Los Toros.
Lorsque la guerre civile éclate en 1936, Miguel Hernández, devenu commmuniste, se met à disposition du 5 ème Régiment et devient commissaire à la culture. Il prend également part aux combats sur les fronts de Teruel, d’Andalousie et d’Estrémadure. Il participe au II Congrès des Écrivains Antifascistes à Valence et Madrid au cours de l’été de 1937.
Le 9 mars 1937, il épouse Josefina Manresa, dont il a un enfant (Manuel Ramón) en décembre 1937. Celui-ci meurt en octobre 1938, à l’âge de dix mois. En janvier 1939, naît son second fils, Manuel Miguel.
Á la fin de la guerre, il cherche à fuir au Portugal, mais il est arrêté par la police de Salazar et remis à la Garde Civile. Il est libéré une première fois en septembre 1939, mais, sur dénonciation, il est à nouveau arrêté à Orihuela et condamné à mort lors d’un procès sommaire en mars 1940. À la suite de l’intervention de divers intellectuels proches du nouveau régime, sa peine est commuée en trente années de détention. Commence alors pour lui la tournée des prisons (une dizaine) de Huelva à Madrid, en passant par Palencia et d’autres.
Miguel Hernández est transféré à la prison d’Alicante en 1940. Par suite des privations et de la faim, il contracte une grave forme de tuberculose pulmonaire. Il meurt le 28 mars 1942 à l’hôpital de la prison d’une fièvre typhoïde, à 31 ans. Il a refusé jusqu’au bout de renoncer à ses convictions politiques et d’adhérer au nouveau régime, ce qui lui aurait permis d’abréger son incarcération. Sa femme, Josefina Manresa, et leur enfant vivront dans une grande pauvreté. Sa tombe se trouve au cimetière d’Alicante.
Oeuvres: 1933 Perito en Lunas. Quien te ha visto y quien te ve (autosacramental). 1934 El torero más valiente. 1935 Los hijos de la piedra. 1936 El rayo que no cesa. 1937 Viento del pueblo. Teatro en la guerra. El labrador de más aire. 1939 Sino sangriento y otros poemas. El hombre acecha. 1951 Seis poemas inéditos y nueve más. 1952 Obra escogida. 1958 Cancionero y romancero de ausencias. 1960 Obras completas.