Juan Ramón Jiménez – Charles Baudelaire

J’ai reçu hier le magnifique livre de Juan Ramón Jiménez (1881-1958), Guerra en España: Prosa y verso (1936-1954). Athenaica Ediciones. 2024. 1065 pages.

Une première édition de cet ouvrage fut élaborée et éditée par le poète Ángel Crespo (1926-1995) en 1985. Il faut rappeler qu’il s’agit du traducteur en espagnol du Livro do Desassossego de Fernando Pessoa pour Seix Barral (1984). Cette édition fut reprise par Soledad González Ródenas en 2009. Celle d’avril 2024 est encore plus complète. Elle a travaillé comme Ángel Crespo sur les archives du poète conservées à Puerto Rico.

De son vivant, Juan Ramón Jiménez avait commencé à réunir des aphorismes, des poèmes, des traductions, des articles, des conférences, des manifestes, des critiques, des lettres, des entretiens, des brouillons, des notes, des photos, des articles de journaux. Dans son idée, cet énorme collage sur la guerre et l’exil permettrait de transmettre son expérience du conflit et sa lutte incessante contre ses ennemis.

On oublie trop souvent que le Prix Nobel de Littérature 1956 fut un poète engagé aux côtés de La République, contre la Guerre et contre le Franquisme.

“Todo cambia… Las cosas y las personas, pero hay algo que es permanente: la vocación de libertad. Jamás he sido político en el mezquino sentido de simple afiliación a partidos. Me he educado con Cossío, con Giner, con aquellos grandes hombres de la Institución Libre de Enseñanza y al espíritu de los maestros le sigo siendo fiel…Lo demás, no importa…Lo esencial es vivir con decencia entre personas honradas y en un régimen de libertad.”

Pour le moment, je n’ai pu que le feuilleter. J’y ai trouvé une belle traduction du poème de Baudelaire La musique.

La Musique

La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;

Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Sur l’immense gouffre
Me bercent. D’autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !

Les Fleurs du mal. 1861.

La música

La música me coje a veces como la mar!
A mi pálida estrella,
bajo un techo de bruma o en una vasta atmósfera
yo me hago a la vela.

El pecho adelantado y llenos los pulmones
lo mismo que la lona,
escalo el lomo de la ola amontonada
que la noche me borra.

Siento vibrar en mí la pasión multiforme
de un navío que sufre;
la bonanza, la tempestad y sus convulsiones

sobre la inmensa cava
me mecen. ¡ Y otra vez calma plena, ancho espejo,
de mi desesperanza!

Traduction : Juan Ramón Jiménez.

Juan Ramón Jiménez a traduit tout au long de sa vie des poètes comme Ibsen, Verlaine, Moréas, Pierre Louÿs, Leopardi, Shelley, Shakespeare, Trelawny. Robert Frost, Yeats, Synge, Mallarmé, Blake, Eliot, Goethe, Baudelaire, Santayana, Ezra Pound et Edgar A. Poe, entre autres.

Juan Ramón Jiménez

Juan Ramón Jiménez (1881-1958) (Daniel Vázquez Díaz)

Distinto

Lo querían matar
los iguales,
porque era distinto.

Si veis un pájaro distinto,
tiradlo;
si veis un monte distinto,
caedlo;
si veis un camino distinto,
cortadlo;
si veis una rosa distinta,
deshojadla;
si veis un río distinto,
cegadlo…
si veis un hombre distinto,
matadlo.

¿Y el sol y la luna
dando en lo distinto?

Altura, olor, largor, frescura, cantar, vivir
distinto
de lo distinto;
lo que seas que eres,
distinto
(monte, camino, rosa, río, pájaro, hombre):
si te descubren los iguales,
huye a mí,
ven a mi ser, mi frente, mi corazón distinto.

Una colina meridiana, 1942-1950. Huerga y Fierro editores, 2003.

Juan Ramón Jiménez, Prix Nobel de littérature 1956.

(Merci à Félix Molina / Ofelia)

Juan Ramón Jiménez

Juan Ramón Jiménez. Photo publiée dans le journal argentin La Nación. Auteur inconnu.

Un poème de Juan Ramón Jiménez, prix Nobel de littérature 1956.

Sueños

Que yo estoy en la tierra,
que yo soy calle oscura y mala,
jaula fría y mohosa,
campo cerrado siempre
¿quién lo podrá negar?

Que tú estás por el cielo,
que tú eres nube de colores,
pájaro errante y libre,
brisa de última hora,
¿quién lo podrá negar?

Arte menor, 1909.

(Merci à La cueva de los locos)

Dessin (Juan Ramón Jiménez) v 1896.

Pablo Picasso – Paul Valéry – Mathilde Pomés – Juan Ramón Jiménez

Ady Fidelin, Marie Cuttoli, Man Ray, Paul Cuttoli, Pablo Picasso, Dora Maar. Antibes, 1937.

Mardi 14 décembre, dans l’exposition Picasso l’étranger au Musée de l’Histoire de l’immigration (4 novembre 2021 – 13 février 2022) (Commissariat: Annie Cohen-Solal, assistée d’Elsa Rigaux.), j’ai remarqué une lettre manuscrite d’Henri Laugier du 1 janvier 1961 envoyée à Pablo Picasso et accompagnée d’une copie manuscrite d’un texte de Paul Valéry (Paris, Musée national Picasso), Fortune selon l’esprit. Henri Laugier (1888-1973) est un physiologiste et haut fonctionnaire, très lié à Marie Cuttoli (1879-1973), collectionneuse, gérante de l’atelier de tapis d’art Myrbor et amie de Picasso qu’elle reçoit avant-guerre dans sa villa Shady Rock d’Antibes.

Minotaure 1935. Tapisserie des ateliers d’Aubusson (Marie Cuttoli), d’après un papier collé de Picasso du 1 janvier 1928. Antibes, Musée Picasso.

Fortune selon l’esprit (Paul Valéry)

Je ne demanderai à la fortune que les conditions physiques et chimiques de la liberté de l’esprit – le tiède, le frais, le calme, l’espace, le temps, le mouvement – selon le besoin. Un robinet que l’on ouvre ou que l’on ferme, et d’où coulent la solitude ou le monde, les montagnes ou les forêts, la mer ou bien la femme. Et des instruments de travail.
Le luxe m’est indifférent. Je ne regarde pas les « belles choses ». C’est en faire qui m’intéresse, en imaginer, en réaliser. Une fois faites, ce sont des déchets. Nourrissez-vous de nos déchets. Transformer le désordre en ordre. Mais une fois l’ordre créé, mon rôle est terminé. Vixi. L’œuvre d’art me donne des idées, des enseignements, pas de plaisir. Car mon plaisir est de faire, non de subir. Mais l’ouvrage qui m’impose du plaisir, son bon plaisir, m’inspire vénération, terreur, sentiment d’une force supérieure.

Mélange, Gallimard, 1941.

Mathilde Pomés, 1931.

La recherche de ce texte m’a mis sur la piste de Mathilde Pomés (1886-1977), hispaniste et traductrice, dont je connaissais les contacts avec les écrivains espagnols de la Génération de 1898, mais aussi avec ceux de la Génération de 1927. Amie d’Henry de Montherlant et de Paul Valéry, c’est la première femme à obtenir l’agrégation masculine d’espagnol (major en 1916). Elle publie Poètes espagnols d’aujourd’hui aux éditions Labor de Bruxelles en 1934 et chez Stock en 1957 une Anthologie de la Poésie Espagnole. Un hommage lui est rendu par de nombreux écrivains espagnols au restaurant Buenavista de Madrid le 10 avril 1931. Vicente Aleixandre, Prix Nobel de Littérature en 1977, considérait Mathilde Pomés comme “el verdadero cónsul de la poesía española en Europa”

Elle a légué un millier de lettres de 160 correspondants à ses amis Manuel Sito Alba, directeur de la Biblioteca española de París, et Elisa Ruiz García, son épouse, catedrática emérita de la Facultad de Geografía e Historia de la Universidad Complutense de Madrid. Ceux-ci les ont données à la Bibliothèque Nationale de Madrid qui a organisé une exposition du 30 septembre 2016 au 8 janvier 2017 : Cartas a una mujer: Mathilde Pomès (1886-1977).

https://elpais.com/cultura/2016/08/21/actualidad/1471772906_197753.html

Madrid, Residencia de Estudiantes 1913-1915 (Antonio Flórez Urdapilleta 1877-1941).

Elle décrit ainsi la visite de Paul Valéry à Madrid au printemps 1924.

Paul Valéry et l’Espagne (Mathilde Pomés)

Le voyage, au temps de la jeunesse de Paul Valéry, n’était point article forfaitaire. C’était une entreprise individuelle, avec ses risque et ses profits singuliers. Uni à l’Italie pas des liens de famille, Valéry se déplace volontiers de sa Sète natale à Gênes, dont il a tracé de prestes, chatesques, odorants croquis.
Marié, il se rend en voyage de noces en Belgique et à Cologne. Puis commence cette longue période de silence, de travail, de constitution de trésor qui durera jusqu’à l’après-guerre ; période simplement coupée de quelques déplacements intérieurs, que l’on peut dire sédentaire.
Tout à coup la gloire se lève, envahit sa vie, l’écartèle. Valéry ne se possède plus ; on se dispute sa présence, on se l’arrache. C’est avant le plus fort de cette ruée qu’il reçoit son baptême espagnol. Venant d’Italie par Toulon et Montpellier, il passe pour la première fois les Pyrénées le 16 Mai 1924.
La société de Cours et Conférences, que préside le duc d’Albe, lui a demandé deux conférences. Á Madrid le conférencier loge à la Residencia de Estudiantes, rue del Pinar, sur cette douce colline que le grand poète Juan Ramón Jiménez quand, en 1915, avant son mariage, il y résidait lui-même, avait baptisée « la colline des peupliers ». Valéry y parle les 17 et 20 mai, sur « Baudelaire et sa postérité » (dans l’intervalle, à l’Institut français, sur « Ronsard et l’esprit de la Pléiade »)
La jeunesse intellectuelle se presse autour de lui. La courtoisie, l’empressement de ses hôtes ne le laissent pas seul. Il ne court pas la ville, ne flâne pas ; il ne visite même pas à son gré le Prado. On ne lui fait grâce ni de l’Escorial, ni de Tolède, ni d’Aranjuez. Après quoi, il faut prolonger chaque soirée jusqu’à quatre ou cinq heures du matin, c’est à dire jusqu’au moment où, d’habitude, Valéry se lève.
Il revient étourdi de veilles, de questions, de remarques, de vivacité, d’esprit. Il n’a retenu que des hommes. Quels êtres que ces Espagnols ! Toujours tendus, à la pointe d’eux-mêmes, vibrants, nerveux, prêts à voler ! Les fameux frondeurs d’Annibal, c’est eux-mêmes qu’ils lançaient.

– Qu’avez-vous vu à Madrid ?

– Ortega, Marichalar, Morente, Jiménez Fraud…

– Et la poésie ? Et Juan Ramón Jiménez !

– Sous les espèces de roses…

– Vous dites ?

– Que je n’ai vu ce grand poète que sous la plus belle apparence qu’il pût prendre, celle des merveilleuses roses qu’il m’a envoyées…

Á cette rencontre manquée, Valéry supplée par un compliment en vers :

À Juan Ramón Jiménez (Paul Valéry)

que me envió tan preciosas rosas…

…Voici la porte refermée
Prison des roses de quelqu’un ?…
La surprise avec le parfum
Me font une chambre charmée…

Seul et non seul, entre ces murs,
Dans l’air les présents les plus purs
Font douceur et gloire muette –
J’y respire un autre poète.

Madrid, Miércoles 21 de Mayo 1924.

Carmen Laforet – Juan Ramón Jiménez

La romancière espagnole Carmen Laforet est née il y a tout juste 100 ans le 6 septembre 1921 à Barcelone.
Elle reçoit le 6 janvier 1945 le Prix Nadal pour son roman Nada. Elle avait alors 23 ans. Ce roman reflète assez bien l’ atmosphère étouffante de l’après-guerre civile.
Elle se marie en 1948 avec le journaliste et critique Manuel Cerezales. Elle aura cinq enfants : Marta, Cristina, Silvia, Manuel, Agustín. Ils se séparent à la fin de l’été 1970.
Elle meurt le 28 février 2004 à Majadahonda (Communauté de Madrid) à 82 ans.

Oeuvres principales :
1944 Nada (Prix Nadal 1944) — Traduction française : Rien, Éditions Bartillat, 2004. Traducteurs : Marie-Madeleine Peignot Mathilde Pomès, Maria Guzmán.
1950 La isla y los demonios — Traduction française : L’île et ses démons, Éditions Bartillat, 2006. Traducteur : André Gabastou.
1955 La mujer nueva (Prix national de Narration 1955) — Traduction française : Une nouvelle femme, Éditions Bartillat, 2009. Traducteur : André Gabastou.
1963 La insolación.
2003 Puedo contar contigo (1965-1975) Correspondance avec Ramón J. Sender.
2004 Al volver la esquina.

En épigraphe de son célèbre roman Nada, on trouve la première strophe de ce poème de Juan Ramón Jiménez qui appréciera beaucoup le livre comme Azorín.

Nada

A veces un gusto amargo,
un olor malo, una rara
luz, un tono desacorde,
un contacto que desgana,
como realidades fijas
nuestros sentidos alcanzan
y nos parece que son
la verdad no sospechada.

Volvemos luego a lo otro
y, baja, la nube ¿pasa?
No es posible gustar ya,
oler, ver, oír, tocar la
miseria que nos sumía
en sus profundas entrañas.
Pero hay un fondo vano
donde todo aquello para,
y aunque no se sepa, sigue
allí, sucia la amenaza.

« Felicidad (dice el día)
tu gloria está terminada ».
El corazón y la frente
lo repiten : «¡Terminada!».
Pero en el nadir más triste,
por su cuenta, no en palabras
repite un eco soez :
«¡Nada, nada, nada, nada!»

Canción, 1916.

Juan Ramón Jiménez, Prix Nobel de Littérature en 1956 écrira cette lettre à la jeune romancière:

“Querida Carmen Laforet:
Acabo de leer “Nada”, este primer libro suyo, que me llegó, en segunda edición, de Madrid. Le escribo para decirle que le agradezco la belleza tan humana de su libro, belleza de su sentimiento; mucha parte, sin duda, un libro es uno mismo más de lo que suele creerse, sobre todo un libro como el de usted, que se le ve nutrirse, hoja tras hoja, de la sustancia propia de la escritora.
… El primer libro de una muchacha y en particular el suyo… está hecho, es claro, de pedazos entrañables, como todo lo que hace la juventud, y con tanta jenerosidad de ofrecimiento público…En los libros juveniles hay siempre algo relijioso, esa fresca espontaneidad de un noviciado libre, y en su caso, de una novicia de la novela…
Yo siempre he sido un gozador del defecto… Bendito el llamado defecto, que no lo es, ¡y que nos salva de la odiosa perfección! En su libro me gustan los defectos… Y he pensado muchas veces que me gustaría que toda mi obra fuese como un defecto de un andaluz. ¡Qué horror esos muchachos que empiezan a escribir “correctos”!… Porque ¡Dios del verbo, del sustantivo y del adjetivo, ¿cómo escribirán Pérez de Ayala y Jorge Guillén cuando tengan (y que Dios se los dé) 80 años!
Le quiero señalar, entre lo que considero más completo de su “Nada”, el extraordinario capítulo 4, con su diálogo tan natural y revelador, entre la abuela y Gloria; el 15, que es un cuento absoluto, como lo son también otros. A mí me parece que su libro no es una novela en el sentido más usual de la palabra… sino una serie de cuentos tan hermosos alguno de ellos como los de Gorki, Eça de Queiróz, Unamuno o Hemingway…
Necesito volver a lo del estilo. ¿Qué es un estilo cuidado? ¿En qué consiste ese cuidado?… Creo yo que son los de los novelistas del 98, que no solamente acertaron en su juventud, sino que mejoraron con el tiempo. Azorín, por ejemplo, escribe mejor cada vez, y en los libros últimos de Pío Baroja hay pájinas magníficas…Miguel de Unamuno murió escribiendo en plena hermosura… Y son buenos y bellos porque consiguen su propósito estético de síntesis idiomáticas. Y Ramón Gómez de la Serna, de la jeneración siguiente a Miró, sigue siendo tan profundamente natural y verde como una higuera…
Siempre me ha obsesionado el asunto del estilo. Ahora yo, que estoy repasando toda mi obra escrita para una edición definitiva (y no mirarla más), me deleito en quitar todas las palabras menos naturales, “estío” por verano… “gualdo” por amarillo… “albo” por blanco… Y he vuelto a poner repeticiones que eran necesarias donde las había quitado. Yo creo que el estilo se hace con la expresión, hablando; escribiendo, con los puntos y las comas. Con puntos y comas se adornan todos los estilos. Por eso gente del pueblo que no sabe escribir según ella cree, ha puesto a veces todos los puntos y las comas al final de una carta, para que el lector los coloque donde los necesite. Y por eso ilustres filólogos que yo conozco, dejan la puntuación al cuidado de un exijente corrector de pruebas…
Se me olvidaba decirle que “Nada” la hemos leído mi mujer y yo juntos. Muchas veces leemos juntos cuando el libro es novela o teatro. La poesía o el ensayo requieren para mí lectura individual y ojos. A mí se me pegan tanto los ojos a cualquier libro, que a veces tardo meses en leer veinte pájinas. Cuando leo con otra persona, releo luego con los ojos lo que recuerdo más con el oído, y este modo de leer tiene para mí la ventaja a veces de comprobar sólo lo mejor.
Vamos a ver si podemos interesar a algún editor norteamericano en su libro y que sea traducido y publicado aquí. Para eso necesito dos o tres ejemplares de “Nada”. Me parece que gustaría de veras, porque “Nada”, como todo lo auténtico, es de aquí también, y de hoy, y será de mañana.
Juan Ramón. Washington, marzo de 1946.”

Juan Ramón Jiménez.

Juan Ramón Jiménez – Aphorismes

Juan Ramón Jiménez (Juan de Echevarría). 1918. Vitoria, Museo de Bellas Artes de Álava.

Il convient de lire Juan Ramón Jiménez et ses “Aforismos líricos”.

On peut les trouver dans le recueil Ideolojía (1897-1957). Metamorfosis, IV. Anthropos, 1990 ou dans un autre, plus récent, Aforismos e ideas líricas. Edición de José Luis Morante Editorial La Isla de Siltolá – Colección aforismos 2018.

« Lo entrevisto es mejor, y dura más que lo visto.

Donde está la ilusión, allí está el mundo.

He vivido lo ideal y he cantado lo real.

Tengo siempre dos obsesiones, en lucha perpetua: el arte y la muerte.

La fe se cura viajando. La duda no es una enfermedad.

Si queremos ser felices, no vayamos nunca tras lo que se va. Quedémonos siempre con lo que se queda.

En poesía, la forma debe ir por dentro, la idea por fuera.

Ironista es el que desciende de lo real. Lírico el que asciende.

Cuidemos nuestra podre, que dentro de ella está la primavera.

Los recuerdos son las siete plagas del indolente.

No hay mejor modo de pasar a la perfección que pasar por lo imperfecto.

No se debe escribir en el idioma de las palabras sino en el de los sentimientos.

En arte conviene estraviarse, pero que sea por poco tiempo.

He soñado mi vida y he vivido mi sueño.

No digas nunca, poeta, que lloras con el alma: porque entonces ¿ qué les dejas a los ciegos ?

En lo material, independencia y equilibrio, en lo moral, independencia y calma.

¿ Por qué no pensar que la muerte no es nuestra tumba sino nuestra cuna ? Es tan sencillo…

Los imitadores son útiles, porque haciéndonos odioso lo que imitan, nos obligan constantemente a renovarnos.

Amo la inquietud en el espíritu y el orden en lo esterior ─ ¡ ya lo he dicho!─ y ustedes, ¡cuánto me desordenan lo esterior y me ordenan el espíritu !

Mi calle no me lleva, mi casa no me limita.

Lejos del poeta el barro.

Con los demás hablad sólo cosas indiferentes, lo trascendental resolvedlo a solas con vosotros.

¡ El necio, con qué convicción dice sus tonterías !

De un idioma a otro se pueden traducir las ideas, no los sentimientos.

El chopo verde con la brisa fresca, la luna clara por el cielo azul ; lo que basta a la vida.

Raíces, pero que las alas arraiguen y las raíces vuelen.

El optimista por costumbre es tan idiota como el diario amanecer.

La ciencia cristiana : a investigar, a investigar, pero ¡ cuidado con descubrir ! »

Juan Ramón Jiménez

Retrato de Juan Ramón Jiménez (Daniel Vázquez Díaz) 1916.

Diario de un poeta recién casado, 1916. (Journal d’un poète jeune marié) “Uno de los libros más vivos y renovadores de la poesía española.” (Lorenzo Oliván). Celui-ci cite deux poèmes dont Soledad. J’ai retrouvé deux traductions en français: l’une de Guy Lévis-Mano (1904-1980), poète, traducteur de poètes espagnols, typographe, imprimeur et éditeur ami de René Char depuis 1936; l’autre de Victor Martinez.

René Char dira de Guy Lévis-Mano dans Guy Lévis-Mano, artisan superbe, préface au Catalogue abrégé 1933-1952 des éditions GLM, Paris, 1956, (repris dans René Char, Dans l’atelier du poète, Gallimard, collection « Quarto », Paris, 1996, p. 745.): « Lorsque la passion de donner l’existence à un recueil de poèmes s’unit à la connaissance de la poésie et de l’art d’imprimer, cela nous apporte d’admirables réussites et rétablit l’objet dans sa plénitude durable. Guy Lévis-Mano est le seul aujourd’hui qui satisfasse à ce souci hautain. Il y consacre sa foi, sa compétence, sa générosité et son enthousiasme. […] L’oasis G.L.M. sur la carte de la Poésie, c’est l’oasis des méharistes de fond ! »

Soledad

1 de febrero

En ti estás todo, mar, y sin embargo,
¡qué sin ti estás, qué solo,
qué lejos, siempre, de ti mismo!

Abierto en mil heridas, cada instante,
cual mi frente,
tus olas van, como mis pensamientos,
y vienen, van y vienen,
besándose, apartándose,
en un eterno conocerse,
mar, y desconocerse.

Eres tú, y no lo sabes,
tu corazón te late, y no lo siente…
¡Qué plenitud de soledad, mar solo!

Diario de un poeta recién casado, 1916.

Solitude

Tu es toute en toi, mer, et cependant,
comme tu es sans toi, que tu es seule,
et que lointaine, toujours, de toi-même!

Ouverte de mille blessures, sans cesse,
tel mon front,
tes vagues vont, comme mes pensées,
et viennent, vont et viennent,
se baisant, s’écartant,
en un éternel se connaître,
mer, et ne plus se connaître.

Tu es toi, et tu ne le sais,
ton coeur te bat, et ne le sent pas…
Quelle plénitude en solitude, mer seule!

Journal d’un poète jeune marié. Traduction: Guy Lévis-Mano.

Portrait de Guy Lévis-Mano (Valentine Hugo). 1945.

Solitude

En toi tu es toute, mer, et cependant,
comme tu es sans toi, comme tu es seule,
et loin, toujours, de toi-même!

Ouverte de mille blessures, sans cesse,
tel mon front,
tes vagues vont, comme mes pensées,
et viennent, vont et viennent,
se baisant, s’écartant,
en un éternel se connaître,
mer, et ne plus se connaître éternel.

Tu es toi, et tu ne le sais pas,
ton coeur bat, et il ne le sent pas…
Quelle plénitude solitude, mer seule!

Journal d’un poète jeune marié. 2009. Traduit par Victor Martinez.
Librairie La Nerthe éditeur / Collection classique.

Juan Ramón Jiménez

Juan Ramón Jiménez. Vers 1900.

L’œuvre de Juan Ramón Jiménez, prix Nobel de littérature en 1956, n’occupe pas en France la place qui devrait être la sienne. Il a pourtant profondément influencé les membres de la Génération de 1927 : Federico García Lorca, Jorge Guillén, Rafael Alberti et les d’autres.

Les éditions José Corti ont traduit certains recueils du poète dans la collection Ibériques, créée en 1988 par Bernard Sesé. Les livres les plus anciens de cette collection sont aujourd’hui difficilement trouvables.

Oeuvres de Juan Ramón Jiménez en français aux Éditions José Corti:

1980 Fleuves qui s’en vont. Traduction: Claude Couffon.
1987 Été. (Estío 1916)
1989 Espace. (Espacio 1982) Traduction: Gilbert Azam.
1990 Pierre et ciel. (Piedra y cielo 1919) Traduction: Bernard Sesé.
2000 Éternité. (Eternidades 1918)
2002 Poésie en vers. 1917-1923. Traduction: Bernard Sesé.
2005 Beauté. (Belleza 1923). Traduction: Bernard Sesé.

Chez d’autres éditeurs:
Sonnets spirituels, Aubier, 1989. Traduction: Bernard Sesé.
Platero et moi, Seghers, 1994. Traduction: Claude Couffon.
Journal d’un poète jeune marié, Libraire La Nerthe éditeur, 2008. Traduction: Victor Martinez.

Federico García Lorca, Zenobia Camprubí, Isabel García Lorca, Emilia Llanos, Juan Ramón Jiménez et Concha García Lorca . Grenade. Paseo de los Cipreses del Generalife, été 1924.

Dialogue entre Federico García Lorca et Luis Bagaría i Bou publiée par le journal El Sol le 10 juin 1936
Quelles sont les poètes que tu préfères actuellement en Espagne?
Il y a deux maîtres : Antonio Machado et Juan Ramón Jiménez. Le premier, sur le plan pur de la sérénité et de la perfection poétique, poète à la fois humain et céleste, hors de toute lutte, maître absolu de son prodigieux monde intérieur; le second, grand poète troublé par une terrible exaltation de son moi, écorché par la réalité qui l’environne, incroyablement déchiré par des riens, à l’affût du moindre bruit, véritable ennemi de son exceptionnelle et merveilleuse âme de poète »

Texte intégral:

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/03/26/luis-bagaria-i-bou-federico-garcia-lorca/

Deux exemples de la poésie de Juan Ramón:

Primavera amarilla

Abril venía, lleno
todo de flores amarillas:
amarillo el arroyo,
amarillo el vallado, la colina,
el cementerio de los niños,
el huerto aquel donde el amor vivía.

El sol unjía de amarillo el mundo,
con sus luces caídas;
¡ay, por los lirios áureos,
el agua de oro, tibia;
las amarillas mariposas
sobre las rosas amarillas!

Guirnaldas amarillas escalaban
los árboles; el día
era una gracia perfumada de oro,
en un dorado despertar de vida.
Entre los huesos de los muertos,
abría Dios sus manos amarillas.

Poemas mágicos y dolientes. 1909.

Printemps jaune

Avril venait,
plein de fleurs jaunes:
jaune le ruisseau,
jaune la haie, la colline,
le cimetière d’enfants,
et ce jardin où vivait l’amour.

Le soleil oignait de jaune le monde,
de ses lumières étalées;
Ah! Dans les iris dorés,
l’eau d’or, tiède;
les jaunes papillons
sur les roses jaunes!

Des guirlandes jaunes escaladaient
les arbres; le jour
était une grâce parfumée d’or,
dans un réveil doré de vie.
Entre les os des morts,
Dieu ouvrait ses mains jaunes.

Poèmes magiques et dolents. Traduction: Guy Lévis-Mano.

Le poème de Jorge Guillén Noche del gran estío qui se trouve dans Cántico (Cantique) répond à la vision du printemps de Juan Ramón.

Mañanas

Lecho prestado

¡Dura, seca, fatídica mañana,
que me despiertas con tu vehemencia
agria de aquel concierto de inocencia,
gala del fondo de mi soberana noche,

revuelta y hez de pena humana,
de deslumbrada y sórdida conciencia,
que tarda en tomar sitio en la paciencia
de esta grotesca farsa cotidiana!

¡Mañana, duerme más; deja que el día
se vaya acostumbrando, hora tras hora,
al pensamiento de la vida triste.

Y que despierte mi melancolía
en descansada paz -¡única aurora!-
que envuelva en lentos oros cuanto existe.

Deuxième section Amistad des Sonetos espirituales. 1914-15.

Matins

Lit emprunté

Dur, sec, fatidique matin,
qui me réveille par ta véhémence
aigre du concert d’innocence
splendeur du fond de ma nuit souveraine,

trouble remous d’humaine peine,
de conscience éblouie et sordide,
trop lente à prendre place en la patience
de cette grotesque farce quotidienne!

Ô matin, dors encore et laisse que le jour
aille s’accoutumant, au fil des heures,
à la pensée de cette vie si triste!

Et que s’éveille ma mélancolie
en paix tranquille -unique aurore! –
enveloppant dans l’or ce qui existe.

Sonnets spirituels. Traduction: Bernard Sesé.

Juan Ramón Jiménez

Retrato de Juan Ramón Jiménez (Daniel Vázquez Díaz), 1916.

En tren

                 I

El tren arranca lentamente…
una opaca, doliente y suave claridad,
perdido entre las gasas azules de la aurora…

Se ven calles sin nadie, con las puertas cerradas,
un reloj da una hora desierta y melancólica,
y, en una pared última, cerca del llano verde,
vacila, polvorienta, una triste farola…

Llovizna…Algunas gotas mueren en el cristal…
Los molinos de viento son vagamente rosas…
Huye más el paisaje… y la ciudad se pierde
allá en el campo inmenso, que un sol difícil dora…

…Desde el lecho, abrazados, sin nostaljia y sin frío,
fundiendo en una sola las ascuas de sus bocas,
dos amantes habrán oído, como en sueños,
este tren lento, lleno de cansancio y de sombra…

Melancolía, 1910-11. Publicado en 1912.

Max Aub – Juan Ramón Jiménez

Max Aub en su despacho de Radio UNAM, Universidad Nacional Autónoma de México, 1962 (Ricardo Salazar)

41 jours de confinement. Je range ma bibliothèque principale. Je retrouve certains livres, délaissés depuis longtemps. Cuerpos presentes de Max Aub. Biblioteca “Max Aub” Fundación Max Aub, 2001. De magnifiques portraits de littérature et de vie. Ceux de Juan Ramón Jiménez et de Luis Cernuda sont à signaler.

J.R.J

” Nunca quise conocerle. Bastábamos los demás; lo que decía de ellos, ellos de él. No le importaban tanto las palabras ajenas como los afectos incondicionales. Además yo tenía por entonces la sospecha de que iba a gustarme la poesía con barba.
Con el tiempo muy pasado, nos escribimos cada vez con mayor cordialidad. Seguía con su manía persecutoria, pero ya no podía ir, por las buenas a su casa.

-¿Vienes?

-No.

Tampoco me pedían explicaciones. Después murieron los dos y algo mío también, y a todos los que les conocieron se les quedó algo muerto dentro.
España fue un país agraciado en el primer tercio del siglo XX; no porque Juan Ramón fuera o no mejor que Eliot o Valéry sino porque uno podía ir o no a su casa o sentarse a perder el tiempo con Valle, con Machado, con Federico o irse a París o quedarse en Madrid para andar y beber con Buñuel, y Dalí era todavía una persona decente. Y Américo Castro y Salinas y Moreno Villa estaban en Medinaceli o en la residencia. Y Ortega daba clases. No es cierto aquello de que «Cualquier tiemo fue mejor». Aquel tiempo, sí.

-¿Vienes?

-No.

O se iba uno a hablar catalán con Rita o López Picó en un café de las Ramblas o al teatro con Canedo.
Hace un tercio de siglo que no he ido a Madrid ni a Barcelona. Sé que rebosan salud y hay de todo en los bares y en las pastelerías, y que puede hablarse sin cuidado tan mal del gobierno como lo hacíamos entonces. Y, sin duda, el Prado sigue siendo el Prado. Pero la cultura no es eso, ni que Valle, Unamuno, Azaña pudieran decir lo que quisieran. Era un aire. Y nadie lo recogió mejor, sin nombrarlo, que Juan Ramón. Todos ellos están mal enterrados, sobre todo, parece mentira, el andaluz universal que debe de llevarse tan mal con muchos del otro mundo como le pasó con algunos de éste.
Hombre difícil de olvidar, sobre todo si no se le conoció, como yo. ¡Qué Juan Ramón aquél ! ¡Qué Juan Ramón éste! ¿Desde cuándo no hubo un poeta como él?”