Ida Vitale est née le 2 novembre 1923 à Montevideo (Uruguay). Elle vient donc d’avoir cent ans aujourd’hui même. Lauréate du Prix Cervantès en 2018, elle est toujours active.
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François Maspero avait entrepris de traduire Ida Vitale. Il est mort brusquement le 12 avril 2015. Silvia Baron Supervielle a pris le relais. Elle a choisi et traduit la plupart des poèmes qui composent l’ anthologie Ni plus, ni moins (Le Seuil, La Librairie Du XX ème Siecle, 2016).
Relisons trois de ses poèmes :
Traducir
Alguien desborda,
al centro de la noche.
Ante un orden de palabras ajenas,
rebelde sometido,
ofrece el canto de toda su memoria,
las reviste de nueva piel
y con amor
las duerme en nueva lengua.
Apagada la luz,
el viento se pregona entre los árboles
y junto a la ventana hay frío
y la certeza de que todo paisaje
adentro se interrumpe
como frase que alcanza la madriguera
del terrible sentido.
No hay dispuesto
en el yermo
un benévolo guía.
Los pasos son a ciegas,
el cielo sin estrellas.
Y el pensamiento anticipa las fieras.
Traduire
Quelqu’un déborde
au cœur de la nuit.
Face à un ordre de mots étrangers,
rebelle soumis,
il leur offre l’éventail de toute sa mémoire,
les revêt d’une nouvelle peau
et avec cet amour
les couche en langue neuve.
Éteinte la lumière,
le vent tempête dans les arbres,
et il fait froid près de la fenêtre
et la certitude que tout paysage
intérieur se brise
comme une phrase qui atteint le fond
du redoutable sens.
Il n’y a pas
de guide bienveillant
dans le désert.
Les pas sont aveugles,
le ciel est sans étoiles.
Et l’esprit anticipe les fauves.
Ni plus Ni Moins. Éditions du Seuil. 2016. Traduction : Silvia Baron Supervielle & François Maspero.
Se elige
Diezmada, desangrada,
cortada en tantas partes
como sueños,
quiero,
no obstante,
ésta y no otra manera
de estar viva;
ésta y no otra manera de morir;
este sobresalto
y no más la habitual
duermevela.
Como una sombra de uno mismo
o como incendiado fósforo violento.
No hay otra alternativa,
ni más signo de identificación.
No otra muerte.
No mayor vida.
On choisit
Décimée, desséchée,
coupée en plusieurs parties
comme les rêves,
je veux cependant
celle-ci, et non une autre façon
d’être vivante ;
celle-ci, et non une autre façon de mourir ;
ce soubresaut,
et non plus l’habituel demi-sommeil.
Comme une ombre de soi-même
ou comme la flamme violente d’une allumette.
Il n’y a pas d’autre alternative
ni autre signe identifiant.
Pas d’autre mort.
Pas de plus grande vie.
Ni plus Ni Moins. Éditions du Seuil. 2016. Traduction : Silvia Baron Supervielle & François Maspero.
Misterios
Alguien abre una puerta
y recibe el amor
en carne viva.
Alguien dormido a ciegas,
a sordas, a sabiendas,
encuentra entre su sueño,
centelleante,
un signo rastreado en vano
en la vigilia.
Entre desconocidas calles iba,
bajo cielos de luz inesperada.
Miró, vio el mar
y tuvo a quién mostrarlo.
Esperábamos algo:
y bajó la alegría,
como una escala prevenida.
Mystères
Quelqu’un ouvre une porte
et reçoit l’amour
en plein cœur.
Quelqu’un qui dort en aveugle,
en sourdine, en conscience,
trouve dans son rêve
scintillant
un signe cherché en vain
durant la veille.
Il allait par des rues inconnues,
sous des cieux de lumière inespérée.
Il regarda, vit la mer
et eut à qui la montrer.
Nous attendions quelque chose :
et la joie descendit
comme une escale avertie.
Ni plus Ni Moins. Éditions du Seuil. 2016. Traduction : Silvia Baron Supervielle & François Maspero.