Cristina Piña et Patricia Venti ont publié cette année chez Lumen une biographie : Alejandra Pizarnik, biografía de un mito que je suis en train de lire. Cette poétesse argentine est née le 29 avril 1936 à Avellaneda (Argentine) au sein d’une famille d’immigrants juifs ukrainiens. Elle a séjourné à Paris de 1960 à 1964, puis brièvement en 1968. Elle s’est suicidée à l’aube du 25 septembre 1972 à l’âge de 36 ans. Elle est très célèbre dans son pays, moins en France. La maison d’édition Ypsilon a traduit ces derniers temps plusieurs de ses livres, la plupart traduits par le grand Jacques Ancet. La biographie est très décevante et manque de rigueur, à mon avis. Néanmoins, elle note l’influence de Gérard de Nerval, qu’Alejandra Pizarnik a lu et étudié avec attention, dans son oeuvre. La poétesse argentine admirait particulièrement Aurelia. Elle avait choisi comme épigraphe d’un roman qu’elle ne put jamais terminer ces vers de Nerval:
” Quoi, toujours ? Entre moi sans cesse et le bonheur !”
Le point noir
Quiconque a regardé le soleil fixement
Croit voir devant ses yeux voler obstinément
Autour de lui, dans l’air, une tache livide.
Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux,
Sur la gloire un instant j’osai fixer les yeux :
Un point noir est resté dans mon regard avide.
Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil,
Partout, sur quelque endroit que s’arrête mon oeil,
Je la vois se poser aussi, la tache noire !
Quoi, toujours ? Entre moi sans cesse et le bonheur !
Oh ! c’est que l’aigle seul – malheur à nous, malheur !
Contemple impunément le Soleil et la Gloire.
Odelettes, 1853.
Alejandra Pizarnik
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Es un cerrar los ojos y jurar no abrirlos. En tanto afuera se alimenten de relojes y de flores nacidas de la astucia. Pero con los ojos cerrados y un sufrimiento en verdad demasiado grande pulsamos los espejos hasta que las palabras olvidadas suenan mágicamente.
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Zona de plagas donde la dormida come
lentamente
su corazón de medianoche.
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alguna vez
alguna vez tal vez
me iré sin quedarme
me iré como quien se va
A Ester Singer
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la pequeña viajera
moría explicando su muerte
sabios animales nostálgicos
visitaban su cuerpo caliente
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Vida, mi vida, déjate caer, déjate doler, mi vida, déjate enlazar de fuego, de silencio ingenuo, de piedras verdes en la casa de la noche, déjate caer y doler, mi vida.
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en la jaula del tiempo
la dormida mira sus ojos solos
el viento le trae
la tenue respuesta de las hojas
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más allá de cualquier zona prohibida
hay un espejo para nuestra triste transparencia
Árbol de Diana (1962)
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C’est fermer les yeux et jurer de ne pas les ouvrir. Tandis qu’au-dehors ils se nourriront d’horloges et de fleurs nées de la ruse. Mais, les yeux fermés et une souffrance trop grande en vérité nous jouons des miroirs jusqu’à ce que les paroles oubliées résonnent magiquement.
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Zone de fléaux où la dormeuse mange
lentement
son cœur de minuit.
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Un jour
un jour peut-être
je m’en irai sans reste
je m’en irai comme qui s’en va
À Ester Singer
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La petite voyageuse
mourait en expliquant sa mort
de sages animaux nostalgiques
visitaient la chaleur de son corps
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vie, oh ma vie, laisse-toi tomber, laisse-toi souffrir, ma vie, laisse-toi envelopper de feu, de silence ingénu, de pierres vertes dans la maison
de la nuit, laisse-toi tomber et souffrir, oh ma vie.
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dans la cage du temps
la dormeuse regarde ses yeux seuls
le vent lui apporte
ténue la réponse des feuilles
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par-delà toute zone interdite
il y a un miroir pour notre triste transparence
Arbre de Diane. Traduction Jacques Ancet. Ypsilon éditeur, 2014. Pages 43-49.