La Douleur (Emmanuel Finkiel)

La Douleur (Emmanuel Finkiel, 2017)

Vu dimanche 11 février à La Ferme du Buisson (Noisiel) La Douleur d’ Emmmanuel Finkiel.

La France est sous l’Occupation allemande. L’écrivain Robert Antelme, résistant, est arrêté le 1 juin 1944 et déporté à Buchenwald. Son épouse Marguerite, écrivain elle aussi, est tiraillée par l’angoisse de ne pas avoir de ses nouvelles et sa liaison secrète avec son amant Dyonis. Elle rencontre un agent français de la Gestapo, Rabier. Elle est prête à tout pour retrouver son mari. Commence alors une relation ambiguë avec cet homme trouble qui seul peut l’aider. La fin de la guerre et le retour des camps annoncent à Marguerite le début d’une insoutenable attente, lente et silencieuse.

Ce film m’a intéressé et parfois ennuyé. Il m’a semblé long et répétitif. On s’intéresse au personnage de Marguerite Duras et on la déteste. Elle n’est pas authentique du tout. Elle emploie toujours de grosses ficelles, mais dit néanmoins parfois des choses vraies. Elle écrit: «La littérature m’a fait honte.» Cette réflexion vaut aussi pour les adeptes actuels de l’autofiction.

Marguerite Duras commence à écrire ses Cahiers de la guerre (Cahiers de la guerre et autres textes), Pol-Imec 2006 (Folio n°4698) entre 1943 et 1949. Son mari, Robert Antelme, déporté aux camps de Buchenwald et de Dachau, ne sera libéré que grâce à l’intervention providentielle de François Mitterrand en avril 1945. Il était épuisé et malade du typhus. C’est à partir du journal rédigé à cette période qu’en 1980 Marguerite Duras écrit La Douleur (1985, P.O.L. puis Folio n°2469), recueil d’histoires en partie autobiographiques, en partie inventées. La plus longue, La Douleur, est l’histoire de l’attente de son mari. Ce livre, lors de sa parution, m’avait davantage intéressé que L’Amant qui connut pourtant un immense succès, couronné par le Prix Goncourt 1984.

Emmanuel Finkiel a relié dans son scénario deux histoires du recueil: La douleur et Monsieur X. dit ici Pierre Rabier. Il est en gros fidèle au texte de la romancière, même s’il supprime les dernières pages de La Douleur qui, selon lui, n’étaient pas filmables car Robert Antelme avait atteint le dernier degré avant la mort. Le metteur en scène montre la honte, la souffrance, l’amour, la haine, la perversité, la dépendance. Marguerite s’enferme dans cette souffrance. L’absence devient concrète alors qu’elle est toujours très entourée. Ses rapports avec Dionys Mascolo sont souvent brutaux et ambigus. Il finit par lui dire: «Êtes-vous plus attachée à votre douleur ou à Robert Antelme?» La Libération de Paris ne change rien à ce qu’elle ressent. Son mari est absent, il est aimé. Quand il revient, elle ne peut ni ne veut le voir. Elle n’aime plus Robert. Elle en aime un autre. «Je savais qu’il savait qu’à chaque heure de chaque jour, je le pensais: «Il n’est pas mort au camp de concentration.»

Emmanuel Finkiel représente Paris de manière à la fois réaliste et irréelle. Il parvient à noircir les édifices, mais abuse des longues focales, du flou. Cela tourne au procédé, ce qui devient gênant pour le spectateur.

« Au fond, on ne fait rien d’autre que des documentaires. » (Positif, janvier 2018)
« – Par quoi vos films sont-ils obsédés ? – Par le manque.» (Télérama, 11/04/2012)

Filmographie d’Emmanuel Finkiel (né en 1961)

Assistant de Jean-Luc Godard et de Krzysztof Kieślowski. Professeur à la Fémis.
– 1999: Voyages. (Prix Louis Delluc. César du meilleur premier film)
– 2006: En marge des jours – TV
– 2009: Nulle part, terre promise (Prix jean Vigo)
– 2012: Je suis
– 2016: Je ne suis pas un salaud
– 2017 :La Douleur

Pierre Rabier, en réalité Charles Delval, sera jugé et fusillé au début de 1945. Marguerite Duras témoignera deux fois à son procès: une fois à charge, et l’autre en sa faveur.

La Shoah est évoqué par l’intermédiaire du personnage de Madame Katz qui attend le retour de sa fille handicapée. Marguerite Duras ne parle presque jamais du sort des Juifs. Robert Antelme (1917-1990), lui, sera l’auteur de plusieurs ouvrages, dont un livre de référence sur les camps de concentration: L’Espèce humaine, paru en 1947 aux éditions de la Cité Universelle (aujourd’hui, Gallimard, collection Tel). Le livre est dédié à Marie-Louise, sa sœur, morte en déportation.

Robert Antelme, L’Espèce humaine.
«L’homme n’est rien d’autre qu’une résistance absolue, inentamable, à l’anéantissement.»
Il n’y a pas de différence de nature entre le régime “normal” d’exploitation de l’homme et celui des camps. Le camp est simplement l’image nette de l’enfer plus ou moins voilé dans lequel vivent encore tant de peuples.»

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