Cristina Peri Rossi

Cristina Peri Rossi et Julio Cortázar.

Cristina Peri Rossi est une poétesse, traductrice, nouvelliste et romancière. Elle vient de recevoir le Prix Cervantès 2021, la récompense la plus importante pour la littérature en espagnol . Elle est la sixième femme à obtenir ce prix après María Zambrano (1988), Dulce María Loynaz (1992), Ana María Matute (2010), Elena Poniatowska (2013) et Ida Vitale (2018).

Elle est née à Montevideo le 12 novembre 1941.

Après une licence de littérature comparée, elle commence à enseigner. Son premier recueil de nouvelles, Viviendo, paraît en 1963. Elle publie ensuite un recueil de poèmes, Evohé : poemas eróticos (1971), qui fait scandale par son expression du lesbianisme.

Elle s’exile le 4 octobre 1972, sous le gouvernement autoritaire du président Juan María Bordaberry, sa vie étant menacée. En effet, elle est militante du Frente Amplio et collaboratrice de la revue progressiste Marcha. Après le coup d’état du 27 juin 1973, l’armée détient la réalité du pouvoir en Uruguay. Les livres de Cristina Peri Rossi sont interdits. Elle s’installe à Barcelone en 1974 où elle vit encore aujourd’hui. Elle obtient la nationalité espagnole en 1975, tout en conservant sa nationalité uruguayenne.

Cristina Peri Rossi a publié des nouvelles, des romans et de nombreux recueils de poèmes.

Son oeuvre fait souvent allusion à la répression en Amérique latine dans les années 70 et 80, à la dictature dans les pays du Cône Sud et à l’exil. Elle a rendu hommage à Julio Cortázar dont elle fut proche dans Julio Cortázar et Cris, 2014. J’ai relu ce livre hier soir. J’en avais déjà parlé sur ce blog.

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2020/04/24/cristina-peri-rossi-julio-cortazar/

Julio Cortázar avait écrit pour elle 15 poèmes que l’on trouve dans Salvo el crepúsculo (Alfaguara, 1984) : Cinco poemas para Cris, Otros cinco poemas para Cris, Cinco últimos poemas para Cris. Ce livre a été traduit par les Éditions José Corti en 2010 (Crépuscule d’automne. Traduction: Silvia Baron Supervielle. ) Il mêle poésie et prose et avait été assemblé par Cortázar peu avant sa mort le 12 février 1984.

Ouvrages de Cristina Peri Rossi traduits en français :

1976 La tarde del dinosaurio 1980 La rebelión de los niños. Ces deux recueils de nouvelles ont été publiés ensemble sous le titre Le soir du dinosaure. Actes sud, 1985.
1988 Solitario de amor, traduit sous le titre L’Amour sans elle chez Phébus en 1997.

Cinco poemas para Cris (Julio Cortázar)

1.
Ya mucho más allá del mezzo
camin di nostra vita
existe un territorio del amor
un laberinto más mental que mítico
donde es posible ser
lentamente dichoso
sin el hilo de Ariadna delirante
si espumas ni sábanas ni muslos.
Todo se cumple en un reflejo de crepúsculo
tu pelo tu perfume tu saliva.
Y allí del otro lado te poseo
mientras tú juegas con tu amiga
los juegos de la noche.

Julio Cortázar aimait la boxe. Cristina Peri Rossi préférait le football.

Distancia justa (Cristina Peri Rossi)

En el amor y en el boxeo,
todo es cuestión de distancia.
Si te acercas demasiado me excito
me asusto
me obnubilo, digo tonterías
me echo a temblar.
Pero si estás lejos
sufro entristezco
me desvelo
y escribo poemas.

Otra vez Eros, 1994.

Juste distance
 
En amour, et dans la boxe
tout est question de distance.
Si tu t’approches trop je m’excite
m’effraie
m’obnubile, je dis des bêtises
me mets à trembler.
mais si tu es loin
je souffre deviens triste
perds le sommeil
et j’écris des poèmes.

Traduction : Colette Museur.

Cristina Peri Rossi – Julio Cortázar

J’ai lu avec intérêt le livre de souvenirs de la romancière et poète uruguayenne Cristina Peri Rossi Julio Cortázar y Cris. (Ediciones Cálamo, 2014). Elle rend hommage à Julio Cortázar qu’elle rencontra en 1974. Ils vécurent à Paris et Barcelone une relation intense d’amitié amoureuse jusqu’à la mort de l’écrivain argentin à l’hôpital saint-Lazare le 12 février 1984. Celui-ci écrivit Quince poemas de amor a Cris, publiés en 1984 dans Salvo el crepúsculo (Alfaguara, 1984). Ce livre a été édité en français sous le titre Crépuscule d’automne. Traduction: Silvia Baron Supervielle. Paris, José Corti, 2010.

Quelques citations:

«No me gusta viajar, me gustan las personas»

«La provincia literatura es la provincia vida, son el mismo país.»

«Desde entonces pienso que tendríamos que conservar la voz de nuestros seres queridos como conservamos las fotografías o los objetos fetiche.»

«El tiempo real es el pasado, el tiempo inmediato es el pasado.»

«¿Quién que lee no es un melancólico, quién que escribe no lo es?»

«Lo cierto es que ni a vos ni a mí nos atraía mucho la cala, aunque nos gustaba mirar el mar; más bien nos repelía la arena, ese lugar donde se crían bichos conchudos.»

«-¿Sabés una cosa? A los pocos días de la muerte de Carol, levanté el teléfono y escuché un mensaje grabado. Era de Onetti. Decía: «El de arriba es un Hijo de Puta.»

«Los paranoicos son los únicos que comprenden el misterio de la vida.»

Texte lu à la Maison de l’Améerique Latine en espagnol par Julio Cortázar et en français Laure Bataillon un soir des années 80 après la mort de Carol Dunlop.

Las líneas de la mano (Julio Cortázar)

“De una carta tirada sobre la mesa sale una línea que corre por la plancha de pino y baja por una pata. Basta mirar bien para descubrir que la línea continúa por el piso de parqué, remonta el muro, entra en una lámina que reproduce un cuadro de Boucher, dibuja la espalda de una mujer reclinada en un diván y por fin escapa de la habitación por el techo y desciende en la cadena del pararrayos hasta la calle. Ahí es difícil seguirla a causa del tránsito, pero con atención se la verá subir por la rueda del autobús estacionado en la esquina y que lleva al puerto. Allí baja por la media de nilón cristal de la pasajera más rubia, entra en el territorio hostil de las aduanas, rampa y repta y zigzaguea hasta el muelle mayor y allí (pero es difícil verla, solo las ratas la siguen para trepar a bordo) sube al barco de turbinas sonoras, corre por las planchas de la cubierta de primera clase, salva con dificultad la escotilla mayor y en una cabina, donde un hombre triste bebe coñac y escucha la sirena de partida, remonta por la costura del pantalón, por el chaleco de punto, se desliza hasta el codo y con un último esfuerzo se guarece en la palma de la mano derecha, que en ese instante empieza a cerrarse sobre la culata de una pistola.”

Historias de cronopios y de famas, 1962.

Les lignes de la main

D’une lettre jetée sur la table s’échappe une ligne qui court sur la veine d’une planche et descend le long d’un pied. Si l’on regarde attentivement, on s’aperçoit qu’à terre la ligne suit les lames du parquet, remonte le long du mur, entre dans une gravure de Boucher, dessine l’épaule d’une femme allongée sur un divan et enfin s’échappe de la pièce par le toit pour redescendre dans la rue par le câble du paratonnerre. Là il est difficile de la suivre à cause du trafic mais si l’on s’en donne la peine, on la verra remonter sur la roue d’un autobus arrêté qui va au port… Elle monte sur le bateau aux sonores turbines, glisse sur les planches du pont de première classe, franchit avec difficulté la grande écoutille et, dans une cabine où un homme triste boit du cognac, elle remonte la couture de son pantalon, gagne son pull-over, se glisse jusqu’au coude et, dans un dernier effort, se blottit dans la paume de sa main droite qui juste à cet instant saisit un revolver.

Cronopes et fameux, Gallimard, Collection du Monde entier, 1977. Traduction: Laure Guille-Bataillon. Folio n° 2435, 1992.

Édition hongroise. Institut Cervantes de Budapest.