Garcilaso de la Vega est un poète et un militaire du Siècle d’or espagnol. Il est né à Tolède en 1501 dans une illustre famille. Il apprend le grec, le latin, l’italien, le français, la musique et l’escrime. Il entre en 1520 au service de Charles Quint comme membre de la Garde royale. Il participe à la répression des Comunidades de Castille (1521), à la prise de Fontarabie (1523), aux sièges de Vienne (1529) et de Tunis (1535). Il est nommé membre de l’Ordre de Santiago. En 1525, il épouse Doña Elena de Zúñiga, dame de compagnie de la reine Éléonore, sœur de Charles Quint. Ils auront cinq enfants. 1526 est une année très importante. il reçoit Charles Quint chez lui à Tolède et rencontre à Grenade Doña Isabel Freyre, dame portugaise dont il tombe amoureux. Elle lui inspire poèmes et églogues. Il l’appelle Elisa. Elle épousera en 1529 un autre homme et mourra en couches en 1533. Garcilaso est blessé en octobre 1536 lors d’un assaut contre la forteresse du Muy, près de Fréjus. Il meurt à Nice, où il avait été transporté, le 13 ou le 14 octobre 1536. Il est l’ami et le disciple du poète catalan Juan Boscán (entre 1485 et 1492-1542). Il imite Pétrarque et Virgile et introduit en Espagne le goût italien. On lui doit trente-huit sonnets, deux élégies, une épître, trois églogues et cinq chansons. Ses oeuvres seront publiées avec celles de Boscán en 1543 à Barcelone. C’est le type même du poète de la Renaissance en Espagne. Il y joue un rôle analogue à celui de Ronsard en France. Sa poésie a marqué Góngora, Luis de León, saint Jean de la Croix, Cervantes, Gustavo Adolfo Bécquer, Luis Cernuda, Rafael Alberti, Miguel Hernández entre autres. Pedro Salinas (1891-1951) lui emprunte le titre de son recueil poétique le plus important, La voz a ti debida (1933). Carlos Saura intitulera une de ces films, Elisa vida mía (1977)
¿Quién me dijera, Elisa, vida mía,
cuando en aqueste valle al fresco viento
andábamos cogiendo tiernas flores,
que había de ver, con largo apartamiento,
venir el triste y solitario día
que diese amargo fin a mis amores?
El cielo en mis dolores
cargó la mano tanto
que a sempiterno llanto
y a triste soledad me ha condenado;
y lo que siento más es verme atado
a la pesada vida y enojosa,
solo, desamparado,
ciego, sin lumbre en cárcel tenebrosa.
Je connais deux traductions :
Première Églogue de Garcilaso, vers 282 : “¡Quién me dijera, Elisa, vida mía !”. Plainte de Nemoroso.
Qui m’eût dit, Élise, ô ma vie,
lorsque dans le vent frais de ce vallon
nous marchions en cueillant de tendres fleurs,
que je verrais avec une si longue absence
venir le triste et solitaire jour
qui mettrait une fin amère à mes amours ?
Le ciel pour ma douleur
eut si lourde la main
qu’à des pleurs éternels
et à triste solitude il m’a condamné ;
et ce qui plus me navre est de me voir lié
à cette vie et pesante et fastidieuse,
tout seul, abandonné,
aveugle, sans lumière, en prison ténébreuse.
Poemas. Poèmes. Bilingue Aubier-Flammarion. 1968. Traduction Paul Verdevoye.
Qui m’aurait dit, Élise, mon amour,
lorsque, dans la fraîcheur de ce vallon,
à tes côtés cueillais de tendres fleurs,
que je verrais, longue séparation,
venir le triste et solitaire jour
qui mettrait fin amère à mon bonheur.
Le ciel pour ma douleur
eut une main si dure
qu’à sanglots qui perdurent
et triste solitude m’a contraint.
Et d’être lié plus encore crains
à cette fâcheuse et pesante vie,
esseulé, sans soutien,
dans l’aveugle prison où rien ne luit.
Anthologie bilingue de la poésie espagnole. NRF Gallimard Bibliothèque de la Pléiade. 1995. Traduction Patrice Bonhomme.
Le film de Carlos Saura est interprété par Fernando Rey, Geraldine Chaplin, Ana Torrent. Fernando Rey a obtenu le Prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes en 1977.