Bertolt Brecht – Cécile Vargaftig

Lecture de En URSS avec Gide. Mon journal de Cécile Vargaftig. Arthaud, 2021.

Le livre reconstruit le voyage d’André Gide en URSS du 16 juin au 23 août 1936. “Le contemporain capital” est accompagné de Pierre Herbart, Eugène Dabit, Louis Guilloux, Jef Last et Jacques Schiffrin. Eugène Dabit meurt à l’hôpital de Sébastopol le 21 août 1936 (de scarlatine, de typhus exanthématique?). A son retour, Gide publie Retour de l’URSS (Gallimard, novembre 1936) dans lequel il dénonce le stalinisme. 150 000 exemplaires vendus en quelques semaines. « Que le peuple des travailleurs comprenne qu’il est dupé par les communistes, comme ceux-ci le sont aujourd’hui par Moscou » Retouches à mon « Retour de l’U.R.S.S. » paraît en juin 1937 et se veut une réponse aux critiques et aux injures dont Gide a été victime après la parution de son récit. « Du haut en bas de l’échelle sociale reformée, les mieux notés sont les plus serviles, les plus lâches, les plus inclinés, les plus vils. Tous ceux dont le front se redresse sont fauchés ou déportés l’un après l’autre. Peut-être l’armée rouge reste-t-elle un peu à l’abri ? Espérons-le ; car bientôt, de cet héroïque et admirable peuple qui méritait si bien notre amour, il ne restera plus que des bourreaux, des profiteurs et des victimes. »

Cécile Vargaftig, qui est aussi scénariste, est la fille du poète communiste Bernard Vargaftig (1934-2012), membre du PCF de 1951 à 1984 et proche de Louis Aragon. Elle se remémore l’histoire familiale et sa relation au père. En août 2009, Bernard Vargaftig, pris de bouffées délirantes, est interné d’abord trois semaines à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, puis transféré à l’hôpital psychiatrique de Montfavet-Avignon. Il est mort le 27 janvier 2012.

En URSS avec Gide est construit en brefs chapitres. Une cinquantaine de dates le rythment.

« Je crois que ce livre est né d’une collusion, dans mon esprit (…), de la folie de mon père et de la fiction communiste. »

“… et j’ai l’impression que c’est seulement aujourd’hui, en écrivant ce livre, que je peux enfin clore l’étrange dialogue de sourds que fut notre vie ensemble, avec nos différences et nos différends.”

” Aucune vie ne peut juger aucune autre vie. Aucun temps ne peut juger aucun autre temps.”

Deux critiques intéressantes sont parues récemment dans Le Monde des Livres (27 janvier 2021) et dans L’Humanité (4 février 2021):

https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/01/27/en-urss-avec-gide-mon-journal-de-cecile-vargaftig-echos-toujours-sensibles-du-voyage-d-andre-gide-en-union-sovietique_6067810_3260.html

https://www.humanite.fr/la-chronique-litteraire-de-jean-claude-lebrun-cecile-vargaftig-y-voir-plus-clair-699686

Cécile Vargaftig évoque deux célèbres poèmes de Bertolt Brecht.

Bertolt Brecht. (Adolf Hoffmeister), 1961.

A ceux qui viendront après nous

I
Vraiment, je vis en de sombre temps!
Un langage sans malice est signe
De sottise, un front lisse
D’insensibilité. Celui qui rit
N’a pas encore reçu la terrible nouvelle.
Que sont donc ces temps, où
Parler des arbres est presque un crime
Puisque c’est faire silence sur temps de forfaits!
Celui qui là-bas traverse tranquillement la rue
N’est-il donc plus accessible à ses amis
Qui sont dans la détresse?
C’est vrai: je gagne encore de quoi vivre.
Mais croyez-moi: c’est pur hasard. Manger à ma faim,
Rien de ce que je fais ne m’en donne le droit.
Par hasard je suis épargné. (Que ma chance me quitte et je suis perdu.)
On me dit: mange, toi, et bois! Sois heureux d’avoir ce que tu as!
Mais comment puis-je manger et boire, alors
Que j’enlève ce que je mange à l’affamé,
Que mon verre d’eau manque à celui qui meurt de soif?
Et pourtant je mange et je bois.
J’aimerais aussi être un sage.
Dans les livres anciens il est dit ce qu’est la sagesse:
Se tenir à l’écart des querelles du monde
Et sans crainte passer son peu de temps sur terre.
Aller son chemin sans violence
Rendre le bien pour le mal
Ne pas satisfaire ses désirs mais les oublier
Est aussi tenu pour sage.
Tout cela m’est impossible:
Vraiment, je vis en de sombres temps!

II
Je vins dans les villes au temps du désordre
Quand la famine y régnait.
Je vins parmi les hommes au temps de l’émeute
Et je m’insurgeai avec eux.
Ainsi se passa le temps
Qui me fut donné sur terre.
Mon pain, je le mangeais entre les batailles,
Pour dormir je m’étendais parmi les assassins.
L’amour, je m’y adonnais sans plus d’égards
Et devant la nature j’étais sans indulgence.
Ainsi se passa le temps
Qui me fut donné sur terre.
De mon temps, les rues menaient au marécage.
Le langage me dénonçait au bourreau.
Je n’avais que peu de pouvoir. Mais celui des maîtres
Était sans moi plus assuré, du moins je l’espérais.
Ainsi se passa le temps
Qui me fut donné sur terre.
Les forces étaient limitées. Le but
Restait dans le lointain.
Nettement visible, bien que pour moi
Presque hors d’atteinte.
Ainsi se passa le temps
Qui me fut donné sur terre.

III
Vous, qui émergerez du flot
Où nous avons sombré
Pensez
Quand vous parlez de nos faiblesses
Au sombre temps aussi
Dont vous êtes saufs.
Nous allions, changeant de pays plus souvent que de souliers,
A travers les guerres de classes, désespérés
Là où il n’y avait qu’injustice et pas de révolte.
Nous le savons:
La haine contre la bassesse, elle aussi
Tord les traits.
La colère contre l’injustice
Rend rauque la voix. Hélas, nous
Qui voulions préparer le terrain à l’amitié
Nous ne pouvions être nous-mêmes amicaux.
Mais vous, quand le temps sera venu
Où l’homme aide l’homme,
Pensez à nous
Avec indulgence.

Poèmes – Tome 6. Poèmes d’exil, poèmes ne figurant pas dans des recueils, chansons et poèmes extraits des pièces (1941-1947).

Questions que se pose un ouvrier qui lit

Qui a construit Thèbes aux sept portes ?
Dans les livres, on donne les noms des rois.
Les rois ont-ils traîné les blocs de pierre ?
Babylone, détruite plusieurs fois,
Qui tant de fois l’a reconstruite ? Dans quelles maisons
De Lima la dorée logèrent les ouvriers du bâtiment ?
Quand la muraille de Chine fut terminée,
Où allèrent ce soir-là les maçons ? Rome la grande
Est pleine d’arcs de triomphe. De qui
Les Césars ont-ils triomphé ? Byzance la tant chantée,
N’avait-elle pour ses habitants
Que des palais? Même en la légendaire Atlantide,
La nuit où la mer l’engloutit, ils hurlaient
Ceux qui se noyaient, ils appelaient leurs esclaves.

Le jeune Alexandre conquit les Indes.
Seul?
César vainquit les Gaulois.
N’avait-il pas à ses côtés au moins un cuisinier?

Quand sa flotte fut coulée, Philippe d’Espagne
Pleura. Personne d’autre ne pleurait?
Frédéric II gagna la guerre de sept ans.
Qui, à part lui était gagnant?

À chaque page une victoire.
Qui cuisinait les festins?
Tous les dix ans un grand homme.
Les frais, qui les payait?

Autant de récits,
Autant de questions.

Histoires d’almanach. 1949. Traduction de Maurice Régnault.

Bertolt Brecht

Bertolt Brecht.

Contre la séduction

Ne vous laissez pas séduire
Car il n’est pas de retour.
Déjà le jour approche
Le vent de la nuit souffle
Mais le matin ne viendra pas.


Ne vous laissez pas conter
que la vie est peu de choses.
Buvez la vie en grands traits
Il sera toujours trop tôt
Quand vous devrez la quitter.


Ne vous laissez pas rouler
Vous n’avez pas trop de temps.
Laissez pourrir les cadavres
La vie l’emporte toujours
Et l’on ne vit qu’une fois.


Ne vous laissez pas traîner
Aux corvées et aux galères.
De quoi donc auriez-vous peur?
Vous mourrez comme les bêtes
Après la mort le néant.

Sermons domestiques (Hauspostille, 1927).

Traduction de Jean-Claude Hémery, B. Brecht, Poèmes, L’Arche tome I, p. 139-140 reproduite dans Walter Benjamin, Oeuvres III (Commentaires de quelques poèmes de Brecht) Folio essais n°374. Pages 235-236. 2000.

« Le poète a grandi dans un faubourg dont la population était en majorité catholique; toutefois les ouvriers des grandes usines situées dans le périmètre urbain se mêlaient déjà aux éléments petits-bourgeois. Cela explique la teneur et le vocabulaire du poème Contre la séduction. Les gens étaient mis en garde par le clergé contre les tentations qui leur coûteraient cher dans une seconde vie, après leur mort. Le poète les met en garde contre les tentations qui leurs coûtent cher dans cette vie même. Il conteste qu’il y ait une autre vie. Le ton de sa mise en garde n’est pas moins solennel que celui des curés; ses affirmations sont tout aussi apodictiques. Comme les curés, il emploie le terme de tentation dans un sens absolu, sans complément; il leur emprunte leurs accents édifiants. Le ton solennel du poème peut ainsi vous induire à ne pas prendre garde à certains passages qui admettent plusieurs lectures et recèlent des beautés cachées.» ( Walter Benjamin, Oeuvres III (Commentaires de quelques poèmes de Brecht) Folio essais n°374. Pages 235-236. 2000.

Contra la seducción

No os dejéis seducir:
no hay retorno alguno.
El día está a las puertas,
hay ya viento nocturno:
no vendrá otra mañana.

No os dejéis engañar
con que la vida es poco.
Bebedla a grandes tragos
porque no os bastará
cuando hayáis de perderla.

No os dejéis consolar.
Vuestro tiempo no es mucho.
El lodo, a los podridos.
La vida es lo más grande:
perderla es perder todo.

Bertolt Brecht et Walter Benjamin. Skovsbostrand (Danemark) 1934.

Hannah Arendt – Bertolt Brecht – Walter Benjamin

Port Bou. Monument à Walter Benjamin. Passages (Dani Karavan) 1990-94.

Un jour avant l’entrée de l’armée allemande dans Paris, le 13 juin 1940, Walter Benjamin quitte la capitale et se rend à Lourdes où il arrive le 15 juin. Il y reste deux mois. De là, il part à Marseille à la mi-août et finalement arrive à Port-Vendres le 25 septembre 1940 avec l’intention de fuir en Espagne. Arrivé dans la petite commune des Pyrénées-Orientales, il se fait connaître auprès de Hans et Lisa Fittko (née Elizabeth Eckstein 1909-2005), deux Allemands passés dans la résistance au nazisme, qui peuvent lui faire franchir la frontière clandestinement. Walter Benjamin a quarante-huit ans, il souffre de multiples pathologies. Son dos (sciatique chronique), son cœur (myocardite) font qu’il prend de la morphine afin de soulager ses douleurs. Avec deux autres candidats à l’exil, Henny Gurland (1900-1952, femme photographe rencontrée à Marseille et future épouse du psychanalyste Erich Fromm) et son fils José, âgé de seize ans, conduits par Lisa, ils parviennent au bout d’une dizaine d’heures à Portbou. Il y écrit sa toute dernière lettre en français le 25 septembre 1940: «Dans une situation sans issue, je n’ai d’autre choix que d’en finir. C’est dans un petit village dans les Pyrénées où personne ne me connaît que ma vie va s’achever». Dans la soirée du 26 septembre 1940, après avoir franchi la frontière, Walter Benjamin se suicide à l’hôtel Fonda de Francia en absorbant une forte dose de morphine. Il meurt vers 22 heures.

D’après Lisa Fittko, les autorités espagnoles ont avisé les trois fuyards qu’une nouvelle directive du gouvernement espagnol préconisait la reconduite des apatrides en France, ce que Benjamin n’aurait pas supporté. La nouvelle réglementation ne fut toutefois jamais appliquée et était sans doute déjà annulée quand il se donna la mort.

Les papiers contenus dans la serviette en cuir de Benjamin qui incluait, disait-il, un manuscrit «plus important que sa vie», n’ont pas été retrouvés même s’ils ont été répertoriés comme liasse de manuscrit dans la main courante de la police de Portbou. Le philosophe a aussi écrit une lettre d’adieu à Theodor W. Adorno, dictée à sa compagne de fuite Henny Gurland.

Il est enterré dans le cimetière de Portbou (niche n°563) Son corps est jeté à la fosse commune le 24 décembre 1945, une fois le délai de location de l’emplacement de cinq ans dépassé.

Bien que sa dépouille n’ait jamais été retrouvée, un monument funéraire lui est dédié au cimetière de Portbou. Une œuvre commémorative du sculpteur israélien Dani Karavan intitulée Passages a été érigée en 1990-94 en hommage au philosophe dans le petit port catalan.

Son frère cadet qui exerça toujours la médecine à Berlin meurt dans le camp de concentration de Mauthausen le 26 août 1942.

Hannah Arendt.

(À l’automne 1942, Hannah Arendt écrit ce poême à la mémoire de Walter Benjamin )

Un jour le crépuscule reviendra,
La nuit tombera des étoiles,
Nous reposerons nos membres disloqués
Près d’ici, loin d’ici.
Dans les ténèbres on entend
Poindre de douces mélodies.
Écoutons bien, perdons nos habitudes,
Brisons enfin les rangs.
Voix lointaines, chagrin proche – :
La voix de chacun des morts,
Qui nous précède, messager envoyé
Pour nous conduire au sommeil.

Bertolt Brecht, Paris 1939. (Joseph Breitenbach)

Sur la libre mort de l’exilé W.B. (Bertolt Brecht)

J’apprends que tu as levé la main sur toi-même
Devançant ainsi le bourreau.

Après huit ans d’exil passés à observer le monde de l’ennemi
Rejeté à la fin vers une frontière infranchissable
Tu as franchi, me dit-on, une frontière infranchissable.

Des empires s’écroulent. Les chefs de bande
Paradent en jouant les hommes d’État. Les peuples
Disparaissent, invisibles sous les armements.

Ainsi l’avenir est dans la nuit et les forces des bons
Sont chétives. Tout cela tu le vis
Quand tu détruisis ton corps torturable.

1941. Poèmes VI. 1941-47.

A Walter Benjamin, qui se suicida alors qu’il fuyait devant Hitler (Bertolt Brecht)

Fatiguer l’adversaire était ta tactique préférée
Lors des parties d’échecs à l’ombre du poirier
L’ennemi qui t’a fait quitter tous tes papiers
Par des gens comme nous ne se laisse pas fatiguer.

Bertolt Brecht, Walter Benjamin 1934.

Josep Fontana

Josep Fontana, 2017.

L’historien catalan, Josep Fontana i Lázaro, né le 20 novembre 1931 à Barcelone, est  mort dans sa ville natale le 28 août 2018. Ce grand historien marxiste était  professeur émérite de l’université Pompeu Fabra de Barcelone et spécialiste de l’histoire de l’Espagne contemporaine. Il se présentait comme “rojo y nacionalista, que no son dos cosas incompatibles”. Il fut membre du PSUC de 1957 à 1980. Le franquisme l’expulsa de l’université en 1966 à cause de son engagement politique.

Principales oeuvres: – La quiebra de la monarquía absoluta (1814-1820), 1971.

– Historia. Análisis del pasado y proyecto social, 1982.

La crisis del Antiguo Régimen (1808-1832) , 1992.

Hacienda y Estado 1823-1833, 2001.

Por el bien del imperio. Una historia del mundo desde 1945, 2011.

La formació d’una identitat, 2014

El siglo de la revolución. Una historia del mundo desde 1914, 2017.

Ses maîtres furent Ferran Soldevila, Jaume Vicens Vives et Pierre Vilar.

Il avait fait publier en espagnol chez Ariel, puis Crítica de grands historiens comme Eric Hobsbawm, E. P. Thompson, George Rudé, Michele Vovelle, Marc Bloch, Albert Soboul  Mary Beard, Pierre Vilar ou David S. Landes.

Un seul de ses livres a été publié et préfacé en français par Jacques Le Goff au Seuil en 1995 dans la collection Faire l’Europe: L’Europe en procès. Publié en espagnol en 1994:  Europa ante el espejo.

Ce poème de Bertolt Brecht était affiché dans son bureau: ” “Quien todavía esté vivo que no diga jamás: lo que es seguro no es seguro. Todo no será siempre igual. Cuando hayan hablado los opresores, hablarán los oprimidos. El que haya caído, debe levantarse, el que haya perdido, debe luchar. ¿Quién podrá detener al que conoce la verdad? Porque los vencidos de hoy son los vencedores de mañana, y el jamás se va a convertir en ahora mismo”.

Bertolt Brecht.

ELOGE DE LA DIALECTIQUE
L’injustice aujourd’hui s’avance d’un pas sûr.
Les oppresseurs dressent leurs plans pour 10 000 ans.
La force affirme : les choses resteront ce qu’elles sont.
Pas une voix, hormis la voix de ceux qui règnent,
Et sur tous les marchés l’exploitation proclame : c’est maintenant que je commence.
Mais chez les opprimés, beaucoup disent maintenant:
Ce que nous voulons ne viendra jamais.

Celui qui vit encore ne doit pas dire: jamais.
Ce qui est assuré n’est pas sûr.
Les choses ne restent pas ce qu’elles sont.
Quand ceux qui règnent auront parlé,
Ceux sur qui ils régnaient parleront.
Qui donc osé dire: jamais?
De qui dépend que l’oppression demeure ? De nous.
De qui dépend qu’elle soit brisée ? De nous.
Celui qui s’écroule abattu, qu’il se dresse.
Celui qui est perdu : qu’il lutte!
Celui qui a compris pourquoi il en est là, comment le retenir?
Les vaincus d’aujourd’hui sont les vainqueurs de demain.
Et jamais devient : aujourd’hui.”

(Traduction: Maurice Regnaut)

Si nous durions sans fin… (Bertolt Brecht)

Bertolt Brecht.

Si nous durions sans fin…(Bertolt Brecht)

Si nous durions sans fin
Tout changerait sans fin
Or, nos jours sont comptés
Et peu de choses changent.

1956

DAUERTEN WIR UNENDLICH…

Dauerten wir unendlich
So wandelte sich alles
Da wir aber endlich sind
Bleibt vieles beim Alten.

1956