António Lobo Antunes

António Lobo Antunes. 2010.

(Merci à Colette Weibel et à Léon-Marc Lévy)

http://www.lacauselitteraire.fr/le-cul-de-judas-antonio-lobo-antunes-par-leon-marc-levy?fbclid=IwAR0cGLIlED3Io_GczgEweASEmFgYWfokCIQG_Crdle2LhMGfHmh_Qo_ezzo

António Lobo Antunes est né le 1 septembre 1942 à Lisbonne, dans le quartier de Benfica. Il est issu d’une famille de la grande bourgeoisie portugaise. Son père était neurologue. Il avait cinq frères. Il fait des études de médecine et participe en tant que médecin militaire à la guerre d’Angola de janvier 1971 à avril 1973. Cette expérience est centrale dans ses trois premiers romans : Mémoire d’éléphant (1979), Le Cul de Judas (1979) et Connaissance de l’enfer (1980) . Á son retour d’Angola, il se spécialise en psychiatrie. Il exerce à l’hôpital Miguel Lombarda de Lisbonne jusqu’en 1985. Il obtient le prix Camões en 2007. En France, il est publié chez Christian Bourgois et aux Éditions Métailié.

J’ai lu, il y a longtemps, le livre d’entretiens de Maria Luisa Blanco, Conversation avec António Lobo Antunes (Christian Bourgois éditeur, 2004). Je suis allé le rechercher dans ma bibliothèque ainsi que Le cul de Judas.

Quelques citations:

“En ce qui concerne les livres , c’est ceux qui sont les plus simples en apparence qui s’avèrent être les plus difficiles, comme le Quichotte, par exemple. Cervantes est un des écrivains qui me transportent le plus, qui me laissent toujours bouche bée. Sterne, avec son Tristam Shandy, ce roman extraordinaire, est de ceux-là également.” “Les personnages de mes livres me poursuivent, c’est comme si je vivais entouré de fantômes.”

“Les personnages de mes livres me poursuivent, c’est comme si je vivais entouré de fantômes.”

“Quand j’écris, je dois prendre du valium.”

“Je me souviens de l’écrivain Thomas Wolfe: quand il a fait paraître son premier roman, qui était autobiographique, on lui a demandé comment il pouvait présenter ses parents d’une façon aussi brutale. Il a été déconcerté parce qu’il disait qu’à ses yeux c’étaient des gens de valeur, que c’était ce qu’il s’était efforcé de transmettre, et qu’il ne comprenait pas pourquoi les autres l’avaient interprété autrement. Il était réellement déconcerté. C’est un peu la même chose qui se passe pour moi.”

“Pour moi, la guerre a signifié une très grande souffrance, mais elle m’a beaucoup apporté.”

“Vivre, c’est comme écrire, mais sans pouvoir corriger.”

“Dans mon roman Le Cul de Judas, je raconte beaucoup de choses de ma vie en Afrique. je parle d’un missionnaire basque qui s’est présenté en disant: “Je suis basque, et je suis un ami intime de ce salaud de Francisco Franco” et j’ai reproduit la phrase exactement comme il l’avait dite. Il passait son temps à compiler des proverbes et des poèmes oraux qui étaient d’une beauté extraordinaire, et la police politique l’a tué. il appartenait à un ordre missionnaire, et moi j’ai été impressionné, parce que c’était la première fois que j’entendais un curé dire “salaud”. Cet homme était seulement venu pour tenter d’évangéliser les gens de là-bas.”

“Je me sens terriblement orphelin…”

“Je sens que je ne suis de nulle part…”

“…Quand l’inspiration est très abondante, on ne peut pas tout mettre dans un petit récit. et quand on a lu Tchékhov, Cortázar, Katherine Mansfield, qu’est-ce qu’on peut écrire après avoir lu ce qu’ils ont fait ? Ils ont la concision qu’il me manque.”

“Écrire c’est une drogue dure.”

“…mais le lyrisme ibérique est très difficile à traduire. il est très dionysiaque. Comment traduire Lorca ? et certains poèmes de Machado ? il y a de très bons poètes en langue espagnole. Quevedo, par exemple, saint Jean de la Croix. Quels grand poètes ! Il nous laissent sans voix. Moi, au fond, j’aimerais écrire des romans qui soient comme leurs poèmes.”

“Je continue à aller dans les librairies et à en ressortir chargé de livres parce que j’aime tous les livres, même les mauvais. Je lis tout ce qui est imprimé. C’est une boulimie qui m’a accompagné toute ma vie et qui me tient encore.”

Os Cus de Judas est une phrase toute faite qui pourrait se traduire par quelque chose comme “au diable-vauvert”

“Le suicide est une présence constante. Je suis conscient qu’il existe en moi une dimension autodestructrice.”

“Moi, au fond, je suis un puritain.”

“Je me rappelle quels ont été les vainqueurs du Tour de France d’il y a très longtemps…les équipes de foot. Je me dis parfois que j’emmagasine des choses inutiles, mais c’est bon pour écrire parce que c’est avec la mémoire qu’on écrit.”

“J’envie énormément les poètes. Si j’étais capable d’écrire comme Lorca… Personne n’écrit de romans comme moi, mais je suis un poète raté. J’aime Salinas, Cernuda , j’aime les poètes solaires, lyriques, dionysiaques…Mais surtout Federico García Lorca; il m’émeut: “Cómo canta la noche, cómo canta…/ qué espesura de anémonas levanta…” Vous croyez qu’on peut mieux écrire ? Je n’ai pas la veine poétique. Pour moi, la vie , c’est ça : “Je t’aime tant que l’air me fait mal, et mon coeur, et mon chapeau… ” C’est si vrai, c’est si fort… Il me semble que Lorca est un poète dont on ne reconnaît pas la valeur. Peut-être parce qu’il est trop connu et que nous, les intellectuels, comme vous le savez, nous sommes plus attirés par des poètes plus nobles, plus hermétiques. Mais il y a chez Lorca une pureté, une force… “Sólo el misterio te hace vivir…” J’aurais dû écrire ça, mais je n’ai aucun talent dans ce domaine. Peut-être que les bons romanciers sont des poètes ratés. Je ne sais pas.”