Je remercie Marie Paule et Raymond Farina qui ont posté hier sur Facebook le poème Pierre philosophale (Pedra filosofal) d’Antonio Gedeão, tiré de Movimento Perpetuo, 1956. Je reproduis ici les six derniers vers.
Eles não sabem, nem sonham,
que o sonho comanda a vida,
que sempre que um homem sonha
o mundo pula e avança
como bola colorida
entre as mãos de uma criança.
Ils ne savent pas, eux, et ils ne rêvent pas,
Que le rêve est le moteur de la vie
Que chaque fois qu’un homme rêve
Le monde roule et s’embellit
Comme une balle colorée
Dans les mains d’un enfant.
Traduction: Alain Lane.
Dans l’anthologie de Max de Carvalho, La poésie du Portugal des origines au XX ème siècle (Chandeigne), publiée en septembre 2021, on trouve quatre poèmes de cet auteur: Fleur de chair (Flor de carne), Poème pour Galilée (Poema para Galileu), La machine du monde (Máquina do mundo), Poème de la mort apparente (Poema da morte aparente). Voici les deux derniers:
Máquina do mundo
O universo é feito essencialmente de coisa nenhuma.
Intervalos, distâncias, buracos, porosidade etérea.
Espaço vazio, em suma.
O resto, é a matéria.
Daí, que este arrepio,
este chamá-lo e tê-lo, erguê-lo e defrontá-lo,
esta fresta de nada aberta no vazio,
deve ser um intervalo.
Máquina de fogo, 1961.
La machine du monde
L’Univers se compose, pour l’essentiel, de néant.
Intervalles, distances, trous, porosité éthérée.
Un espace vide, en somme.
Le reste, c’est la matière.
D’où il résulte que ce frisson,
pour qu’il advienne et soit, pour le soulever et le regarder en face,
que cet interstice de rien béant sur le vide,
doit être un intervalle.
Traduction Max de Carvalho.
Poema da morte aparente
Nos tempos em que acontecia o que está acontecendo agora,
e os homens pasmavam de isso ainda acontecer no tempo deles,
parecia-lhes a vida podre e reles
e suspiravam por viver agora.
A suspirar e a protestar morreram.
e agora, quando se abrem as covas,
encontram-se às vezes os dentes com que rangeram,
tão brancos como se as dentaduras fossem novas.
Linha de força, 1967.
Poème de la mort apparente
Aux temps où se passait la même chose que maintenant,
et où les hommes étaient stupéfaits que cela fût encore possible à leur époque,
la vie leur semblait pourrie et vile,
et ils soupiraient d’avoir à vivre maintenant.
En soupirant, en protestant, ils moururent,
Et maintenant, quand on ouvre leurs tombes,
on retrouve parfois ces dents qu’ils firent grincer,
aussi blanches que des dentures neuves.
Traduction Max de Carvalho.
António Gedeão s’appelait en réalité Rómulo Vasco da Gama de Carvalho. Né à Lisbonne le 24 novembre 1906, cet enseignant de physique-chimie et historien des sciences a participé à la divulgation des connaissances scientifiques au Portugal. Il ne publie ses premiers poèmes qu’en 1956, à la cinquantaine. On retrouve ses intérêts dans sa poésie qui s’inscrit dans la réalité de son époque et dans le contexte angoissant de l’après-guerre. Il est décédé dans la capitale portugaise le 19 février 1997. Depuis 1996, le jour de sa naissance est commémoré au Portugal sous le nom de Jour national de la Culture scientifique (Dia Nacional da Cultura Científica).