Charlotte Delbo est née le 10 août 1913 à Vigneux-sur-Seine. Elle est morte le 1er mars 1985 à Paris. Issue d’une famille d’ouvriers italiens, elle adhère en 1932 aux Jeunesses communistes, puis en 1936 à l’Union des jeunes filles de France fondée par Danielle Casanova. A l’Université ouvrière, elle rencontre en 1934 son futur mari, le militant communiste Georges Dudach, formé à Moscou, qu’elle épouse en 1936. Elle travaille avant la guerre comme assistante du metteur en scène Louis Jouvet. Pendant l’Occupation, après avoir hésité, elle part avec lui et la troupe de l’Athénée en Amérique du Sud en mai 1941. Elle revient à Paris le 15 novembre1941. Elle s’engage alors dans la Résistance avec son mari. Ils font partie du «groupe Politzer», chargé de la publication des Lettres françaises dont Jacques Decour est le rédacteur en chef. Charlotte Delbo est chargée de l’écoute de Radio Londres et de Radio Moscou qu’elle prend en sténo ainsi que de la dactylographie des tracts et revues. Charlotte Delbo et son mari sont arrêtés le 2 mars 1942 au 93 rue de la Faisanderie (16e arrondissement de Paris) par les Brigades spéciales,. Georges Dudach est fusillé au fort du Mont-Valérien le 23 mai 1942, à l’âge de 28 ans. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943 parmi 230 femmes. Elle sera l’une des 49 rescapées de ce convoi. Elle écrira des années plus tard son indispensable trilogie Auschwitz et après. Aucun de nous ne reviendra (1965) Une connaissance inutile (1970) Mesure de nos jours (1971)
De 1965 à 1972, j’ai habité Vigneux-sur-Seine. Charlotte Delbo est enterré dans le même cimetière que mon père et ma seconde mère.
Ô vous qui savez… Ô vous qui savez saviez-vous que la faim fait briller les yeux que la soif les ternit Ô vous qui savez saviez-vous qu’on peut voir sa mère morte et rester sans larmes Ô vous qui savez saviez-vous que le matin on veut mourir que le soir on a peur Ô vous qui savez saviez-vous qu’un jour est plus qu’une année une minute plus qu’une vie Ô vous qui savez saviez-vous que les jambes sont plus vulnérables que les yeux les nerfs plus durs que les os le cœur plus solide que l’acier Saviez-vous que les pierres du chemin ne pleurent pas qu’il n’y a qu’un mot pour l’épouvante qu’un mot pour l’angoisse Saviez-vous que la souffrance n’a pas de limite l’horreur pas de frontière Le saviez-vous Vous qui savez.
Auschwitz et après : Aucun de nous ne reviendra (Editions de Minuit, 1970)
De nombreux écrivains sont nés en Sicile: Empédocle, Giovanni Verga, Luigi Pirandello, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Salvatore Quasimodo, Elio Vittorini, Vitaliano Brancati, Gesualdo Bufalino, Leonardo Sciascia, Andrea Camilleri, Vincenzo Consolo.
Le jeudi 8 juin 2017, lors de notre voyage en Sicile, nous avons visité les villes du baroque tardif du Val di Noto: Raguse, Modica et Noto, classées au patrimoine mondial de l’Unesco en 2002.
J’avais pensé alors à Quasimodo et à Antonioni.
Salvatore Quasimodo, le poète italien, est né à Modica. Il apparaît brièvement dans le film La Notte (1961) de Michelangelo Antonioni. Ce même metteur en scène a situé une partie de l’intrigue de L’Avventura à Noto (1960).
J’ai relu ces derniers jours quelques poèmes de Quasimodo, auteur bien oublié et même critiqué en Italie, car il reçut le Prix Nobel de littérature en 1959, alors qu’ à la même époque il y avait Giuseppe Ungaretti (1888-1970) ou Eugenio Montale (1896-1981).
Salvatore Quasimodo est né le 20 août 1901 à Modica (Province de Raguse) en Sicile. Il est mort le 14 juin 1968 à Naples.
Le jeune Quasimodo venait d’une famille modeste. Il ne put finir les études d’ingénieur qu’il avait entreprises à Rome où il vécut de 1919 à 1926. Un diplôme de physique en poche, il y exerça plusieurs métiers et publia ses premiers vers. Il apprit alors les langues classiques en autodidacte. En 1929, il rejoignit à Florence sa sœur Rosa et son beau-frère, Elio Vittorini (1908-1966). Il fréquenta les milieux intellectuels de la capitale toscane et collabora à la revue “Solaria”. Sa poésie dite “ermetica” porte la marque de la culture sicilienne traditionnelle, méditerranéenne, avec sa composante arabe.
En 1934, il connut ses premiers succès littéraires à Milan. D’une relation avec la danseuse Maria Cumani, naquit son fils Alessandro en 1939. Au début des années 40, Il remporta un vrai succès avec ses traductions en hendécasylabes des Lyriques grecs. En 1941, le régime fasciste le nomma professeur de littérature italienne au conservatoire Giuseppe Verdi de Milan.
La guerre marqua une rupture. Sa poésie, jusqu’alors influencée par l’hermétisme d’Ungaretti, fut alors envahie par l’histoire, la réalité, la chronique. En 1945, il adhéra au Parti Communiste Italien. Il rêva comme d’autres d’une poésie solidaire qui pût transformer le monde.
Il reçut de nombreux prix littéraires, dont le Viareggio pour La terra impareggiabile (1958), sans réussir jamais à faire l’unanimité parmi les critiques italiens. Il publia Il Poeta e il Politico en 1960, livre-plaidoyer face aux polémiques apparues dans son pays.
Avec Giuseppe Ungaretti et Eugenio Montale, il est l’un des grands poètes italiens du xxe siècle et l’une des grandes figures de l’hermétisme, un “ermetismo” naturel à l’italienne, émergeant des grands mythes ancestraux de son île: une Sicile grecque, immuable. Les thèmes de sa poésie sont la mémoire, l’enfance, l’île. Cette île perdue est reconquise un instant par la vision mélancolique du poète.
Il a aussi traduit les poètes latins (Catulle, Ovide), Molière, Shakespeare et e. e. cummings (1894-1962).
Oeuvres poétiques: Acque e terre. Poesie, Florence, Edizioni di “Solaria”, 1930. Oboe sommerso, Gênes, Edizioni di “Circoli”, 1932. Odore di eucalyptus ed altri versi, Florence, Antico Fattore, 1933. Erato e Apòllìon, Milan, Scheiwiller, 1936. Poesie, Milan, éd. Primi Piani, 1938. Ed è subito sera, Milan-Vérone, A. Mondadori, 1942. Giorno dopo giorno, Milan, A. Mondadori, 1947. La vita non è sogno, Milan, A. Mondadori, 1949. Il falso e vero verde, Milan, Schwarz, 1956. La Terra impareggiabile, Milan, A. Mondadori, 1958. Dare e avere. 1959-1965, Milan, A. Mondadori, 1966.
Ognuno sta solo sul cuor della terra
Traffito da un raggio di sole:
Ed è subito sera.
Acqua e terra, 1930
Et c’est d’un coup le soir
Chacun est seul sur le coeur de la terre Traversé d’un rayon de soleil et c’est, d’un coup, le soir
Traduit de l’italien par Jean Orizet. Revue “Poésie 1, N° 33, Mars 2003” Le Cherche-midi éditeur, 2003.
ISOLA
Io non ho che te
cuore della mia razza.
Di te amore m’attrista,
mia terra, se oscuri profumi
perde la sera d’aranci,
o d’oleandri, sereno,
cammina con rose il torrente
che quasi n’è tocca la foce.
Ma se torno a tue rive
e dolce voce al canto
chiama da strada timorosa
non so se infanzia o amore,
ansia d’altri cieli mi volge,
e mi nascondo nelle perdute cose.
Oboe sommerso, Edizioni di Circoli, Genova, 1932, in Salvatore Quasimodo, Tutte le poesie con uno scritto di Elio Vittorini, Oscar grandi classici, Oscar Mondadori Editore, 1995, pagina 60.
ÎLE
JE N’AI QUE TOI, CŒUR de MA RACE.
L’amour que j’ai de toi m’attriste,
ô ma terre, quand le soir laisse filer
d’obscurs parfums d’oranges,
de lauriers roses et que, serein,
le torrent charrie des roses qu’il emporte
presque jusqu’à l’embouchure.
Mais quand je me tourne vers tes rives
et qu’une douce voix chantante
s’élève d’une rue pour m’appeler craintive
je ne sais si me touche l’enfance ou l’amour
ou l’angoisse d’autres cieux
et je me cache dans les choses perdues.
Et soudain c’est le soir, Librairie Elisabeth Brunet, Rouen, novembre 2005, pp. 116-117. Traduit de l’italien par Patrick Reumaux.
Julio Cortázar narrando su “Torito”, cuento que es un homenaje al boxeador argentino Justo Suárez, alias “el Torito de Mataderos”, que recibiera este apodo por ser del barrio porteño de Mataderos. Originalmente, se publicó este cuento en “Final del Juego”, libro de Cortázar de 1956, y a su vez esta narración del propio autor vería la luz en el LP “Cortázar Por Él Mismo: Un Libro Sonoro”, de 1970, y que fuera grabado en París (de hecho Julio hace las erres muy francesas en el mismo) en febrero de tal año. En el minuto 2:01 empieza la dedicatoria a Jacinto Cúcara con la que empezara el cuento, comenzando este en sí en el minuto 2:12.
Quand je te vois passer, ô ma chère indolente,
Au chant des instruments qui se brise au plafond
Suspendant ton allure harmonieuse et lente,
Et promenant l’ennui de ton regard profond;
Quand je contemple, aux feux du gaz qui le colore,
Ton front pâle, embelli par un morbide attrait,
Où les torches du soir allument une aurore,
Et tes yeux attirants comme ceux d’un portrait,
Je me dis: Qu’elle est belle! et bizarrement fraîche!
Le souvenir massif, royale et lourde tour,
La couronne, et son cœur, meurtri comme une pêche,
Est mûr, comme son corps, pour le savant amour.
Es-tu le fruit d’automne aux saveurs souveraines?
Es-tu vase funèbre attendant quelques pleurs,
Parfum qui fait rêver aux oasis lointaines,
Oreiller caressant, ou corbeille de fleurs?
Je sais qu’il est des yeux, des plus mélancoliques,
Qui ne recèlent point de secrets précieux;
Beaux écrins sans joyaux, médaillons sans reliques,
Plus vides, plus profonds que vous-mêmes, ô Cieux!
Mais ne suffit-il pas que tu sois l’apparence,
Pour réjouir un cœur qui fuit la vérité?
Qu’importe ta bêtise ou ton indifférence?
Masque ou décor, salut! J’adore ta beauté.
Les Fleurs du mal. Tableaux parisiens. 1861.
Les promesses d’un visage
J’aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés,
D’où semblent couler des ténèbres,
Tes yeux, quoique très noirs, m’inspirent des pensers
Qui ne sont pas du tout funèbres.
Tes yeux, qui sont d’accord avec tes noirs cheveux,
Avec ta crinière élastique,
Tes yeux, languissamment, me disent : ” Si tu veux,
Amant de la muse plastique,
Suivre l’espoir qu’en toi nous avons excité,
Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
Depuis le nombril jusqu’aux fesses ;
Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds,
Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
Bistré comme la peau d’un bonze,
Une riche toison qui, vraiment, est la soeur
De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t’égale en épaisseur,
Nuit sans étoiles, Nuit obscure ! “
«Diálogo con García Lorca». 10 de junio de 1936. Diario El Sol. Encuentro entre el periodista , pintor, dibujante y caricaturista catalán Luis Bagaría i Bou (1882-1940). y Federico García Lorca.
El 19 de agosto de 1936, Federico García Lorca fue asesinado por los franquistas en Víznar (Granada) . Luis Bagaría se exilió, primero a París y después a La Habana, donde falleció en 1940.
“Tú que has dado categoría lírica a la calabaza de Gil Robles y has visto el búho de Unamuno y el perro sin amo de Baroja, ¿me quieres decir el sentido que tiene el caracol en el paisaje puro de tu obra?
Amigo Federico me preguntas el por qué de esa predilección por los caracoles de mis dibujos. Pues muy sencilla: para mí, el caracol tiene un recuerdo sentimental de mi vida. Una vez, estando dibujando, se acercó mi madre, y al contemplar mis garabatos me dijo: “Hijo mío: Me moriré sin poder comprender cómo te puedes ganar la vida haciendo caracoles”. Desde entonces, yo a mis dibujos los bauticé así. Aquí tienes saciada tu curiosidad, poeta García Lorca. Poeta García Lorca, sutil y profundo, pues tu verso tenue y bello, verso con alas de acero bien templado, horada la entraña de la tierra. ¿Crees tú, poeta, en el arte por el arte o, en caso contrario, el arte debe ponerse al servicio de un pueblo para llorar con él cuando llora y reír cuando este pueblo ríe?
A tu pregunta, grande y tierno Bagaría, tengo que decir que este concepto del arte es una cosa que sería cruel si no fuera, afortunadamente, cursi. Ningún hombre verdadero cree ya en esta zarandaja del arte puro, arte por el arte mismo. En este momento dramático del mundo, el artista debe llorar y reír con su pueblo. Hay que dejar el ramo de azucenas y meterse en el fango hasta la cintura para ayudar a los que buscan las azucenas. Particularmente, yo tengo un ansia verdadera por comunicarme con los demás. Por eso llamé a las puertas del teatro y al teatro consagro toda mi sensibilidad.
¿Crees tú que al engendrar la poesía se produce un acercamiento hacia un futuro más allá, o al contrario, hace que se alejen más los sueños de la otra vida?
Esta pregunta insólita y difícil nace de la aguda preocupación metafísica que llena tu vida y que sólo los que te conocen comprenden. La creación poética es un misterio indescifrable, como el misterio del nacimiento del hombre. Se oyen voces no se sabe dónde, y es inútil preocuparse de dónde vienen. Como no me he preocupado de nacer, no me preocupo de morir. Escucho a la Naturaleza y al hombre con asombro, y copio lo que me enseñan sin pedantería y sin dar a las cosas un sentido que no sé si lo tienen. Ni el poeta ni nadie tienen la clave y el secreto del mundo. Quiero ser bueno, sé que la poesía eleva, y siendo bueno con el asno y con el filósofo, creo firmemente que si hay un más allá tendré la agradable sorpresa de encontrarme en él. Pero el dolor del hombre y la injusticia constante que mana del mundo, y mi propio cuerpo y mi propio pensamiento, me evitan trasladar mi casa a las estrellas.
¿No crees, poeta, que sólo la felicidad radica en la niebla de una borrachera, borrachera de labios de mujer, de vino, de bello paisaje, y que al ser coleccionista de momentos de intensidad se crean momentos de eternidad, aunque la eternidad no existiera y tuviera que aprender de nosotros?
Yo no sé, Bagaría, en qué consiste la felicidad. Si voy a creer al texto que estudié en el Instituto, del inefable catedrático Ortí y Lara, la felicidad no se puede hallar más que en el cielo; pero si el hombre ha inventado la eternidad, creo que hay en el mundo hechos y cosas que son dignos de ella, y por su belleza y transcendencia, modelos absolutos para un orden permanente. ¿Por qué me preguntas estas cosas? Tú lo que quieres es que nos encontremos en el otro mundo y sigamos nuestra conversación bajo el techo de un prodigioso café de música con alas, risa y eterna cerveza inefable. Bagaría: no temas… ten la seguridad de que nos encontraremos.
Te extrañarás, poeta, de las preguntas de este caricaturista salvaje. Soy, como sabes, un ser con muchas plumas y pocas creencias, salvaje con dolorida materia; y piensa, poeta, que todo este equipaje trágico del vivir floreció en un verso que balbucearon los labios de mis padres. ¿No crees que tenía más razón Calderón de la Barca cuando decía “Pues el delito mayor/ del hombre es haber nacido” que el optimismo de Muñoz Seca?
Tus preguntas no me extrañan nada. Eres un verdadero poeta, que en todo momento pone la llaga en el dedo. Te contesto con verdadera sinceridad, con simpleza, y si no acierto y balbuceo, sólo es por ignorancia. Las plumas de tu salvajismo son plumas de ángel, y detrás del tambor que lleva el ritmo de tu danza macabra hay una lira rosa de las que pintaron los primitivos italianos. El optimismo es propio de las almas que tienen una sola dimensión; de las que no ven el torrente de lágrimas que nos rodea, producido por cosas que tienen remedio.
Sensible y humano poeta Lorca: seguimos hablando de cosas del más allá. Soy repetidor del mismo tema, porque también el tema se repite él mismo. A los creyentes que creen en una futura vida, ¿les puede alegrar encontrarse en un país de almas que no tengan labios carnales para poder besar? ¿No es mejor el silencio de la nada?
Bonísimo y atormentado Bagaría: ¿No sabes que la Iglesia habla de la resurrección de la carne como el gran premio a sus fieles? El profeta Isaías lo dice en un versículo tremendo: “Se regocijarán en el Señor los huesos abatidos”. Y yo vi en el cementerio de San Martín una lápida en una tumba ya vacía, lápida que colgaba como un diente de vieja del muro destrozado, que decía así: “Aquí espera la resurrección de la carne doña Micaela Gómez”. Una idea se expresa y es posible porque tenemos cabeza y manos. Las criaturas no quieren ser sombras.
¿Tú crees que fue un momento acertado devolver las llaves de tu tierra granadina?
Fue un momento malísimo aunque digan lo contrario en las escuelas. Se perdieron una civilización admirable, una poesía, una astronomía, una arquitectura y una delicadeza únicas en el mundo para dar paso a una ciudad pobre, acobardada; a una “tierra del chavico”, donde se agita actualmente la peor burguesía de España.
¿No cree, Federico, que la patria no es nada, que las fronteras están llamadas a desaparecer? ¿Por qué un español malo tiene que ser más hermano nuestro que un chino bueno?
Yo soy español integral, y me sería imposible vivir fuera de mis límites geográficos; pero odio al que es español por ser español nada más. Yo soy hermano de todos y execro al hombre que se sacrifica por una idea nacionalista abstracta por el solo hecho de que ama a su patria con una venda en los ojos. El chino bueno está más cerca de mí que el español malo. Canto a España y la siento hasta la médula; pero antes que esto soy hombre del mundo y hermano de todos. Desde luego, no creo en la frontera política. Amigo Bagaría: No siempre los interviuvadores van a preguntar. Creo que también tienen derecho los interviuvados. ¿A qué responde esta ansia, esta sed de más allá que te persigue? ¿Tienes verdaderamente deseos de sobrevivirte? ¿No crees que esto está ya resuelto y que el hombre no puede hacer nada, con fe o sin ella?
Conformes, desgraciadamente, conformes. Yo soy en el fondo un descreído hambriento de creer. Es tan trágicamente doloroso el desaparecer para siempre. ¡Salud, labios de mujer, vaso del buen vino que supiste hacer olvidar la trágica verdad: paisaje, luz que hiciste olvidar la sombra! En el trágico fin sólo desearía una perduración: que mi cuerpo fuera enterrado en una huerta: que por lo menos mi más allá fuese un más allá de abono.
¿Me quieres decir por qué tienen carne de rana todos los políticos que caricaturizas?
Porque la mayoría vive en las charcas.
¿En qué prado corta Romanones las inefables margaritas de su nariz?
Querido poeta: aludes a una de las cosas que llegan más al fondo de mi alma. ¡Nariz de Romanones, excelsa nariz! La de Cyrano era una nariz desaparecida al lado de la nariz de mis amores. Rostand gozó menos que yo con la mía. ¡Oh “panneaux” para mis visiones decorativas! Mis margaritas se fueron cuando las entregaron en una solitaria estación, camino de Fontainebleau.
Nunca te habrán preguntado, porque ya no es moda, cuál es tu flor preferida. Como yo ahora he estudiado el lenguaje de las flores, te pregunto: ¿Cuál es la flor qué prefieres? ¿Te la has puesto alguna vez en la solapa?
Querido amigo: ¿Es que piensas dar conferencias como García Sanchíz para preguntar esas cosas?
¡Dios me libre! No aspiro a tocar mal el violoncelo. ¿A qué responde, querido Bagaría, el sentimiento humano que imprimes a los animales que pintas?
Querido Lorca: te voy a preguntar por las dos cosas que creo tienen más valor en España: el canto gitano y el toreo. Al canto gitano, el único defecto que le encuentro es que en sus versos sólo se acuerda de la madre; y al padre, que lo parta un rayo. Y eso me parece una injusticia. Bromas aparte, creo que este canto es el gran valor de nuestra tierra.
Muy poca gente conoce el canto gitano, porque lo que se da frecuentemente en los tablados es el llamado flamenco, que es una degeneración de aquél. No cabe en este diálogo decir nada, porque sería demasiado extenso y poco periodístico. En cuanto a lo que tú dices, con gracia de que los gitanos sólo se acuerdan de su madre, tienes cierta razón, ya que ellos viven un régimen de matriarcado, y los padres no son tales padres, sino que son siempre y viven como hijos de sus madres. De todos modos, hay en la poesía popular gitana admirables poemas dedicados al sentimiento paternal; pero son los menos. El otro gran tema porque me preguntas, el toreo, es probablemente la riqueza poética y vital mayor de España, increíblemente desaprovechada por los escritores y artistas, debido principalmente a una falsa educación pedagógica que nos han dado y que hemos sido los hombres de mi generación los primeros en rechazar. Creo que los toros es la fiesta más culta que hay hoy en el mundo. Es el drama puro, en el cual el español derrama sus mejores lágrimas y su mejor bilis. Es el único sitio adonde se va con la seguridad de ver la muerte rodeada de la más deslumbradora belleza. ¿Qué sería de la primavera española, de nuestra sangre y de nuestra lengua si dejaran de sonar los clarines dramáticos de la corrida? Por temperamento y por gusto poético soy un profundo admirador de Belmonte.
¿Qué poetas te gustan más de la actualidad española?
Hay dos maestros: Antonio Machado y Juan Ramón Jiménez. El primero, en un plano puro de serenidad y perfección poética, poeta humano y celeste, evadido ya de toda lucha, dueño absoluto de su prodigioso mundo interior. El segundo, gran poeta turbado por una terrible exaltación de su yo, lacerado por la realidad que lo circunda, increíblemente mordido por cosas insignificantes, con los oídos puestos en el mundo, verdadero enemigo de su maravillosa y única alma de poeta. Adiós, Bagaría. Cuando te vuelvas a tus chozas con las flores, las fieras y las torrentes, diles a tus compañeros salvajes que no se fíen de viajes de ida y vuelta a nuestras ciudades; a las fieras que tú has pintado con ternura franciscana, que no tengan un momento de locura y se hagan animales domésticos, y a las flores, que no galleen demasiado su hermosura, porque les pondrán esposas y las harán vivir sobre los vientres corrompidos de los muertos.
Tienes razón, poeta. Vuelvo a mi selva, a rugir con mis rugidos, más amables que las bellas palabras de los amigos, que a veces son blasfemias en baja voz.”
(…) Trois d’entre eux, ignorant combien coûtera un jour à leur repos et à leur bonheur la connaissance des corruptions de deçà, et que de ce commerce naîtra leur ruine, comme je présuppose qu’elle soit déjà avancée, bien misérables de s’être laissé piper au désir de la nouvelleté, et avoir quitté la douceur de leur ciel pour venir voir le nôtre, furent à Rouen, du temps que leur feu roi Charles neuvième y était. Le Roi parla à eux longtemps; on leur fit voir notre façon, notre pompe, la forme d’une belle ville. Après cela, quelqu’un en demanda à leur avis, et voulut savoir d’eux ce qu’ils y avaient trouvé de plus admirable;ils répondirent trois choses, d’où j’ai perdu la troisième, et en suis bien marri; mais j’en ai encore deux en mémoire. Ils dirent qu’ils trouvaient en premier lieu fort étrange que tant de grands hommes, portant barbe, forts et armés, qui étaient autour du Roi (il est vraisemblable qu’ils parlaient des Suisses de sa garde), se soumissent à obéir à un enfant, et qu’on ne choisissait plutôt quelqu’un d’entre eux pour commander; secondement (ils ont une façon de leur langage telle, qu’ils nomment les hommes moitié les uns des autres) qu’ils avaient aperçu qu’il y avait parmi nous des hommes pleins et gorgés de toutes sortes de commodités, et que leurs moitiés étaient mendiants à leurs portes, décharnés de faim et de pauvreté; et trouvaient étrange comme ces moitiés ici nécessiteuses pouvaient souffrir une telle injustice, qu’ils ne prissent les autres à la gorge, ou missent le feu à leurs maisons.
Je parlai à l’un deux fort longtemps; mais j’avais un truchement qui me suivait si mal et qui était si empêché à recevoir mes imaginations par sa bêtise, que je n’en pus tirer guère de plaisir. Sur ce que je lui demandai quel fruit il recevait de la supériorité qu’il avait parmi les siens (car c’était un capitaine, et nos matelots le nommaient Roi), il me dit que c’était marcher le premier à la guerre; de combien d’hommes il était suivi, il me montra un espace de lieu, pour signifier que c’était autant qu’il en pourrait en un tel espace, ce pouvait être quatre ou cinq mille hommes; si, hors la guerre, toute son autorité était expirée, il dit qu’il lui en restait cela que, quand il visitait les villages qui dépendaient de lui, on lui dressait des sentiers au travers des haies de leurs bois, par où il pût passer bien à l’aise.
Tout cela ne va pas trop mal: mais quoi, ils ne portent point de hauts-de-chausses!
Essais, I, 31, 1580-1592. Orthographe modernisée, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade.
J’ai lu avec grand intérêt France Bloch-Sérazin– Une femme en résistance (1913-1943) de l’historien Alain Quella-Villéger, publié par les Editions Les femmes, 296 pages, 18 €. C’est une enquête complète, précise et agréable à lire, malgré parfois quelques approximations et errata ici ou là. Les lettres sont particulièrement émouvantes.
La journaliste et romancière Ania Francos avait publié en 1978, aux éditions Stock, Il était des femmes dans la Résistance avec un beau portrait de France Bloch en couverture. Elle rendait hommage à cette grande résistante et s’interrogeait: «Je me demande pourquoi le parti a pratiquement sanctifié Danielle Casanova et n’a consacré que quelques petites brochures à France. Il est vrai que cette dernière ne dirigeait pas l’Union de jeunes femmes de France.»
France Bloch [France Bloch-Sérazin, après son mariage avec Frédéric Sérazin] est née le 21 février 1913 à Paris. C’était la fille de l’écrivain Jean-Richard Bloch (1884-1947) et de Marguerite Bloch, née Herzog (1886-1975). sa mère était la sœur de l’écrivain André Maurois (1885-1967). France Bloch avait un frère (Michel 1911-2000) et deux sœurs (Marianne 1909-2003 et Claude 1915-2009). Titulaire d’une licence de chimie générale en juin 1934, elle entra comme assistante au Service central de la Recherche scientifique de l’Institut de chimie, rue Pierre Curie à Paris, et poursuivit jusqu’à la guerre des travaux de recherche.
En mai 1939, elle épousa Frédéric Sérazin, ouvrier métallurgiste chez Hispano-Suiza depuis 1935 et militant communiste. Ils eurent un fils, Roland, en janvier 1940.
Cette militante communiste, résistante de la première heure, fut la chimiste de l’Organisation spéciale (OS) puis des Francs-tireurs et partisans. En effet, elle entra en 1941 dans un des premiers groupes FTPF, dirigé par Raymond Losserand (1903-1942), conseiller municipal communiste du XIVe arrondissement de Paris. Elle installa un laboratoire rudimentaire dans un logement de deux pièces, 1 avenue Debidour dans XIXe arrondissement et fabriqua des bombes et des explosifs qui furent utilisés dans la lutte armée. Elle était en liaison avec le groupe de l’Ouest, commandé par le colonel Fabien et le colonel Dumont. Le 16 mai 1942, elle fut arrêtée par la police française en raison de ses activités. Après de terribles interrogatoires, la torture et quatre mois de cellule, elle comparut devant un tribunal spécial allemand. Elle fut condamnée à la peine de mort comme dix-huit autres co-inculpés le 30 septembre 1942. Ces derniers furent immédiatement exécutés au stand de tir de Balard (XVe arr.). France Bloch fut déportée en Allemagne le 10 décembre 1942 et enfermée dans une forteresse à Lübeck Le 12 février 1943, elle fut guillotinée à Hambourg dans la cour de la maison d’arrêt, Elle n’avait pas encore trente ans.
Son mari fut arrêté en février 1940. Il s’évada deux fois, mais repris à chaque fois. Résistant en zone sud, il fut arrêté par la Milice et la Gestapo à Saint-Étienne (Loire) le 15 juin 1944, torturé et assassiné le même jour. Son cousin germain, Jean-Louis Wolkowitsch, né aussi en 1913, fut arrêté le même jour qu’elle et fusillé comme otage le 11 août 1942 au Mont-Valérien. Sa grand-mère, Louise Laure Bloch, raflée à Néris-les-Bains le 12 mai 1944, mourut à Auschwitz le 4 juin 1944.
Les survivants (Louis Aragon)
A Jean-Richard Bloch
J’ai rencontré portant ses yeux de porcelaine
Celle qui vit son coeur mis en mille morceaux
Et mon ami qui rêve à sa reine lointaine
Dont l’ombre fuit dans les ruisseaux
J’ai rencontré jouet de nos jours mécaniques
Cet autre qui revint pour ne plus retrouver
Son amour emporté par le vent tyrannique
Comme une lettre inachevée
J’ai rencontré l’amant la sœur le fils la mère
Celle qui se refuse à ne pas croire absent
L’enfant qui n’écrit plus et qui tourne en chimère
Á l’horizon couleur du sang
Ils vivent d’une vie étrange et machinale
Le silence est en eux quand ils parlent pourtant
Quel songe déplient-ils en ouvrant le journal
Ô saveur de cendre du temps
Ce que vous pourriez dire ils le savent d’avance
N’allez pas leur parler surtout des disparus
Nuir des propos polis et de la survivance
Voyez-les traverser la rue
Ils vont chez le coiffeur ou font cuire la soupe
Vous n’arriverez pas à les prendre en défaut
Vous n’arriverez pas à faire qu’ils se coupent
Ils font tous les gestes qu’il faut
Ils ont su de la mort qu’ils étaient deux au monde
Quelle force mon Dieu les peut donc habiter
Un bonheur divisé se pourrait-il qu’il fonde
Cette incroyable dignité
Miroir intérieur ma terrible mémoire
Á qui vit sans son coeur tout semble indifférent
Mais tout est différent quand à ce foyer noir
Le feu de la haine reprend
Car il faut la nommer l’inhumaine l’humaine
Sans qui nous ne pourrions ni vivre ni marcher
C’est la sainte vertu qui te porte la haine
Honte à qui s’en voudrait cacher
Cela vous fait frémir Vous n’avez à la bouche
Que les mots de l’amour Comment voulez-vous donc
Aujourd’hui sans objet que ces mots-là nous touchent
Pour un sacrilège pardon
L’amour nous le gardons à ceux-là qui partirent Et dont la voix n’a plus d’écho que notre voix Pardonner ce serait oublier leur martyre Ce serait les tuer deux fois
Le printemps maladif a chassé tristement L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide, Et, dans mon être à qui le sang morne préside L’impuissance s’étire en un long bâillement.
Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu’un cercle de fer serre ainsi qu’un vieux tombeau
Et triste, j’erre après un rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane
Puis je tombe énervé de parfums d’arbres, las, Et creusant de ma face une fosse à mon rêve, Mordant la terre chaude où poussent les lilas,
J’attends, en m’abîmant que mon ennui s’élève… – Cependant l’Azur rit sur la haie et l’éveil De tant d’oiseaux en fleur gazouillant au soleil.
Poésies, 1866.
Stéphane Mallarmé. Lettre du 27 juin 1884 à Léo d’Orfer, parue dans La Vogue, 18 avril 1886. «Définissez la Poésie», lui demande la revue La Vogue en 1884. Par retour du courrier : «La Poésie est l’expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l’existence : elle doue ainsi d’authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle.»
Bertrand Maréchal, professeur à l’Université de Paris-Sorbonne, publie chez Gallimard la Correspondance 1854-1898 de Stéphane Mallarmé. Nouvelle édition augmentée en un volume. 65 euros. 3 340 lettres. Parution: 28 mars 2019.