Juan Luis Arsuaga Ferreras est né à Madrid en 1954. C’est un paléoanthropologue espagnol. Il est l’un des découvreurs de l’espèce Homo antecessor, le plus ancien représentant du genre Homo en Europe occidentale. Il date d’environ 850 000 ans. Les fossiles ont été mis au jour à Atapuerca (Burgos) en Espagne.
Ce site fut révélé lors de la construction d’une tranchée pour la construction d’une voie de chemin de fer, reliant Burgos à des mines de charbon. Les découvertes se limitèrent alors à du matériel de l’Âge du bronze et à des peintures rupestres.
L’ingénieur des mines, Trino Torres, et l’anthropologue, Emiliano Aguirre, trouvent en 1976 dans la montagne des fossiles d’ours préhistoriques, ainsi que plusieurs fossiles humains. Les fouilles commencent véritablement en 1978 dans deux des trois gisements principaux, Gran Dolina et Sima de los Huesos. A partir de 1982, Juan Luis Arsuaga est membre de l’équipe de recherche de ces gisements du Pléistocène. L’équipe de recherche reçoit le Prix Prince des Asturies (Recherche scientifique et technique) en 1997. Le site est inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco en 2000.
On peut aussi visiter à Burgos Le Musée de l’Évolution Humaine (MEH) Ce bâtiment, conçu par l’architecte Juan Navarro Baldeweg (1939-), est construit de 2006 à 2010. Il est inauguré le 13 juillet 2010. Il présente notamment les trouvailles de la Sierra d’Atapuerca et les restes fossiles de l’Homo antecessor.
Burgos. Museo de la Evolución Humana. 2010 (Juan Navarro Baldeweg).
Portrait de Sigmund Freud. 1926. (Ferdinand Schmutzer 1870-1928)
Le malaise dans la culture. 1930. PUF 1971.
«Quels sont les desseins et les objectifs vitaux trahis par la conduite des hommes, que demandent-ils à la vie, et à quoi tendent-ils ? On n’a guère de chance de se tromper en répondant: ils tendent au bonheur; les hommes veulent être heureux et le rester. Cette aspiration a deux faces, un but négatif et un but positif: d’un côté éviter douleur et privation de joie, de l’autre rechercher de fortes jouissances. En un sens plus étroit, le terme «bonheur» signifie seulement que ce second but a été atteint. En corrélation avec cette dualité de buts, l’activité des hommes peut prendre deux directions, selon qu’ils cherchent – de manière prépondérante ou même exclusive – à réaliser l’un ou l’autre. On le voit, c’est simplement le principe du plaisir que détermine le but de la vie, qui gouverne dès l’origine les opérations de l’appareil psychique; aucun doute ne peut subsister quant à son utilité, et pourtant l’univers entier – le macrocosme aussi bien que le microcosme – cherche querelle à son programme. Celui-ci est absolument irréalisable ; tout l’ordre de l’univers s’y oppose; on serait tenté de dire qu’il n’est point entré dans le plan de la « Création » que l’homme soit ” heureux ” .
Ce qu’on nomme bonheur, au sens le plus strict, résulte d’une satisfaction plutôt soudaine de besoins ayant atteint une haute tension, et n’est possible de par sa nature que sous forme de phénomène épisodique. Toute persistance d’une situation qu’a fait désirer le principe du plaisir n’engendre qu’un bien-être assez tiède ; nous sommes ainsi faits que seul le contraste est capable de nous dispenser une jouissance intense, alors que l’état lui-même ne nous en procure que très peu. Ainsi nos facultés de bonheur sont déjà limitées par notre constitution. Or, il nous est beaucoup moins difficile de faire l’expérience du malheur.
La souffrance nous menace de trois côtés : dans notre corps qui, destiné à la déchéance et à la dissolution, ne peut même se passer de ces signaux d’alarme que constituent la douleur et l’angoisse ; du côté du monde extérieur, lequel dispose de forces invincibles et inexorables pour s’acharner contre nous et nous anéantir ; la troisième menace enfin provient de nos rapports avec les autres êtres humains. La souffrance issue de cette source nous est plus dure peut-être que toute autre ; nous sommes enclins à la considérer comme un accessoire en quelque sorte superflu, bien qu’elle n’appartienne pas moins à notre sort et soit aussi inévitable que celles dont l’origine est autre.
Ne nous étonnons point si sous la pression de ces possibilités de souffrance, l’homme s’applique d’ordinaire à réduire ses prétentions au bonheur (un peu comme le fit le principe du plaisir en se transformant sous la pression du monde extérieur en ce principe plus modeste qu’est celui de la réalité), et s’il s’estime heureux déjà d’avoir échappé au malheur et surmonté la souffrance ; si d’une façon très générale la tâche d’éviter la souffrance relègue à l’arrière-plan celle d’obtenir la jouissance. La réflexion nous apprend que l’on peut chercher à résoudre ce problème par des voies très diverses ; toutes ont été recommandées par les différentes écoles où l’on enseignait la sagesse ; et toutes ont été suivies par les hommes.»
Un gos abandonat va carretera enllà buscant l’esclavitud en el perill. Panteixant, al capvespre, li queda encara força per bordar els primers fars, que l’enlluernen. La carretera passa vora el mar en una costa abrupta. El món pot ser bellíssim però ha de portar inclosa l’humiliació. Somiar no és res més que buscar un amo.
Amar es dónde. Visor, 2015.
Lejos
Un perro abandonado va por la carretera,
busca la esclavitud en el peligro.
Cuando anochece,
jadeante, le quedan aún fuerzas
para ladrar a los primeros faros,
que lo deslumbran.
La carretera pasa junto al mar
en una costa abrupta.
El mundo puede ser bellísimo,
pero tiene que incluir la humillación.
Soñar tan sólo es
buscar un amo.
Amar es dónde. Visor, 2015.
Loin
Un chien errant marche sur la route,
cherchant sa soumission dans le danger.
Haletant, au crépuscule, il lui reste encore des forces
pour aboyer aux premiers phares qui l’éblouissent.
La route longe la mer
sur une côte abrupte.
Le monde peut être magnifique
mais doit porter en lui l’humiliation.
Rêver n’est que chercher un maître.
Leçons de vertige, anthologie établie par Noé Pérez-Núñez, poèmes traduits du catalan, édition bilingue français-catalan, éditions Les Hauts-Fonds, 2016.
Walter Benjamin, 1933. Dessin de Jean Selz (1904-1997)
Sur le concept d’histoire, 1940. Ce texte publié par l’Institut de recherches sociales (En mémoire de Walter Benjamin. Los Angeles, 1942) après la mort de l’écrivain a été rédigé dans les premiers mois de 1940. Il reprend et développe des idées autour desquels la réflexion de l’auteur tournait depuis plusieurs années.
Oeuvres III. Folio Essais n° 374. 2000. Page 431 (Traduction de Maurice de Gandillac).
VI
«Faire œuvre d’historien ne signifie pas savoir «comment les choses se sont réellement passées». Cela signifie s’emparer d’un souvenir, tel qu’il surgit à l’instant du danger. Il s’agit pour le matérialisme historique de retenir l’image du passé qui s’offre inopinément au sujet historique à l’instant du danger. Ce danger menace aussi bien les contenus de la tradition que ses destinataires. Il est le même pour les uns et pour les autres, et consiste pour eux à se faire l’instrument de la classe dominante. À chaque époque, il faut chercher à arracher de nouveau la tradition au conformisme qui est sur le point de la subjuguer. Car le messie ne vient pas seulement comme rédempteur; il vient comme vainqueur de l’antéchrist. Le don d’attiser dans le passé l’étincelle de l’espérance n’appartient qu’à l’historiographe intimement persuadé que, si l’ennemi triomphe, même les morts ne seront pas en sûreté. Et cet ennemi n’a pas fini de triompher.»
Traduction de Michael Löwy.
«Articuler historiquement le passé ne signifie pas le connaître «tel qu’il a été effectivement», mais bien plutôt devenir maître d’un souvenir tel qu’il brille à l’instant d’un danger. Au matérialisme historique il appartient de retenir fermement une image du passé telle qu’elle s’impose, à l’improviste, au sujet historique à l’instant du danger. Le danger menace tout aussi bien l’existence de la tradition que ceux qui la reçoivent. Pour elle comme pour eux, il consiste à les livrer, comme instruments, à la classe dominante. A chaque époque il faut tenter d’arracher derechef la tradition au conformisme qui veut s’emparer d’elle. Le Messie ne vient pas seulement comme rédempteur ; il vient aussi comme vainqueur de l’Antéchrist. Le don d’attiser dans le passé l’étincelle de l’espérance n’échoit qu’à l’historiographe parfaitement convaincu que, devant l’ennemi, s’il vainc, mêmes les morts ne seront point en sécurité. Et cet ennemi n’a pas cessé de vaincre.»
Une version française, due à Walter Benjamin figure dans le volume, Ecrits français, Gallimard. 1991. Folio Essais n°418. 2003.
«Décrire le passé tel qu’il a été» voilà, d’après Ranke, la tâche de l’historien. C’est une définition toute chimérique. La connaissance du passé ressemblerait plutôt à l’acte par lequel à l’homme au moment d’un danger soudain se présentera un souvenir qui le sauve. Le matérialisme historique est tout attaché à capter une image du passé comme elle se présente au sujet à l’improviste et à l’instant même d’un danger suprême. Danger qui menace aussi bien les données de la tradition que les hommes auxquels elles sont destinées. Il se présente aux deux comme un seul et même: c’est-à-dire comme danger de les embaucher au service de l’oppression. Chaque époque devra, de nouveau, s’attaquer à cette rude tâche: libérer du conformisme une tradition en passe d’être violée par lui. Rappelons-nous que le messie ne vient pas seulement comme rédempteur mais comme le vainqueur de l’antéchrist. Seul un historien, pénétré qu’un ennemi victorieux ne va même pas s’arrêter devant les morts – seul cet historien-là saura attirer au cœur même des événements révolus l’étincelle d’un espoir. En attendant, et à l’heure qu’il est, l’ennemi n’a pas encore fini de triompher.
(Je remercie vivement Nathalie Raoux qui a publié aujourd’hui sur Twitter la fin de la citation de Walter Benjamin dans la traduction de Maurice de Gandillac.)
Retrato de Baltasar Gracián que se conserva en Graus (Huesca), restaurado. El escritor fue destinado al colegio jesuita de Graus a comienzos de 1658 como represalia por la publicación de las tres partes del Criticón (1651, 1653, 1657). El retrato estuvo en el colegio grausino de la Compañía de Jesús, anexo a la iglesia de los jesuitas, que fue desmantelado en los años 1960. Sin embargo el retrato había sido trasladado anteriormente a la iglesia parroquial de San Miguel de Graus.
Primera edición del Oráculo Manual y Arte de la Prudencia, publicado en Huesca, Aragón, en 1647.
CXXX
Hacer y hacer parecer
«Las cosas no pasan por lo que son, sino por lo que parecen. Valer y saberlo mostrar es valer dos veces. Lo que no se ve es como si no fuese. No tiene su veneración la razón misma donde no tiene cara de tal. Son muchos más los engañados que los advertidos: prevalece el engaño y júzganse las cosas por fuera. Hay cosas que son muy otras de lo que parecen. La buena exterioridad es la mejor recomendación de la perfección interior.»
L’homme de cour. Traduction par Amelot de la Houssaie. 1684.
CXXX
Faire et faire paraître
«Les choses ne passent point pour ce qu’elles sont, mais pour ce qu’elles paraissent être. Savoir faire et le savoir montrer, c’est double savoir. Ce qui ne se voit point est comme s’il n’était point. La raison même perd son autorité, lorsqu’elle ne paraît pas telle. Il y a bien plus de gens trompés que d’habiles gens. La tromperie l’emporte hautement, d’autant que les choses ne sont regardées que par le dehors. Bien des choses paraissent tout autres qu’elles ne sont. Le bon extérieur est la meilleure recommandation de la perfection intérieure.»
Ce texte est cité en partie par Pierre Michon dans Trois auteurs (Premier texte: Le temps est un grand maigre (Balzac). Éditions Verdier. 1997.
Merci à Colette W. qui relit toute l’oeuvre de Pierre Michon.
Gallimard avait publié en 1970 les Écrits de Jacques Rigaut, réunis et présentés par Martin Kay. La présentation de l’époque disait: «L’ensemble éclaire ainsi la figure de ce Chamfort noir, l’insolence glacée, l’obsession «méticuleuse» du suicide, et cette extraordinaire distance avec soi-même, avec les autres, avec la vie qui donne à la voix de Rigaut son ton métallique, froid, fascinant, inoubliable.» Jean-Luc Bitton, après quinze ans de recherche, a sorti enfin en octobre 2019 chez le même éditeur une grande biographie, Jacques Rigaut Le suicidé magnifique, illustrée de nombreuses photographies et de documents inédits. Alain Jaubert dans la revue En attendant Nadeau reproche à l’auteur son obsession des détails.
J’avais souligné à l’époque beaucoup de ses pensées :
«Le rire est le propre de l’imbécile. RENÉ DESCARTES»
«Que faut-il pour être heureux? Un peu d’encre!»
«Vous croyez!»
«Comptez vos sous, comptez vos maîtresses, additionnez-les et félicitez-vous.»
«Toutes les monnaies ont cours; bien sûr, il n’y a que de la fausse monnaie.»
«Le dernier qui rira n’est pas celui qu’on pense.»
«Il oubliait pour boire.»
«Parlez les premiers, Messieurs les idiots.»
«Un livre devrait être un geste.»
«Je m’explique; quand je dis: je m’explique, je ne m’explique rien du tout, cela va de soi.»
«Le jour se lève, ça vous apprendra.»
«Dormir c’est regarder un point.»
«Autant d’acquis, autant de perdu.»
«Mes actes se suivent et ne se ressemblent pas, les morts se suivent et se ressemblent, les vivants se suivent et se ressemblent, les vivants suivent les morts, les morts ressemblent aux vivants, etc.»
«Je serai mon propre savon.»
«Quand je me réveille, c’est malgré moi.»
«La fatigue engendre les plus séduisantes grimaces.»
«Ne perdez pas votre temps à tendre l’autre joue et autres jeux d’accommodation. Si vous cherchez un siège à votre taille, la mort vous va comme un gant.»
«Guidez vos propres pas, pionniers du mensonge, vous n’en êtes pas à une …près, vous qui ne craignez pas de donner à Dieu des conseils, de lui apprendre son métier: «Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien, pardonnez-nous nos offenses et si vous avez quelques faveurs en trop, n’oubliez pas votre serviteur.» Vous appelez cela une prière.»
«Aidez-moi, j’aiderai le ciel.»
« L’erreur date de l’origine: Dieu créa l’homme à son image. Vrai premier miroir. Désormais l’idée d’un homme sans miroir devient inintelligible. Il ne s’agit plus que de séduire ce partenaire qu’il n’est pas défendu d’appeler d’un nom différent, le voisin, le public, la postérité, la conscience, Dieu. Il ne s’agit plus que de plaire à son image; la vie serait cette seule passion.
Les fous sont ceux qui ont perdu leur miroir.
Supprimez les miroirs.»
«Dieu s’aigrit, il envie à l’homme sa mortalité.»
«Demain la fin
La fin demain,
A demain la fin
La fin à demain
Demain, à la fin.»
«…Je suis le raté-étalon. Mais donnez-vous la peine de songer à ce que toute réussite implique de sotte naïveté, de courte vue chez son auteur…»
«…Il y a dans le sentiment de la responsabilité une présomption démesurée. Ceux qui disent: J’ai bien fait, j’ai mal fait…Tout de même, qu’est-ce que vous avez jamais fait?»
«Être, le premier des verbes réfléchis; je suis, non mais, je me suis.»
« Pour une nouvelle fois, j’aspire la vie, j’avale la vie. Je sais ce que c’est que l’air dans les poumons et le sang dans les veines. Je sais ce que c’est que la santé.
Je vais bazarder mes livres, mon smoking, mes camarades et ma chasteté. Je veux faire des sports et l’amour. Je suis simple. Je suis honnête. Et je devine, mon ami, à tes côtés une promenade fraternelle, avec dans le fond de l’oeil quelque chose d’un peu troublé.»
« (…) Le plus bel homme du monde ne peut vous donner que ce que vous avez…»
«Toutes les initiatives, toutes les tentatives d’évasion, tous les efforts vers la liberté, toutes les réactions, toutes les révolutions, toutes les révoltes, toutes les colères, toutes les haines, ça n’est pas plus amusant que l’épouvantable pitrerie où vous vous complaisez. Il est bon d’avoir aperçu l’inexistence d’un ordre, d’avoir tenté d’y échapper.»
«Vous êtes tous des poètes et moi je suis du côté de la mort. Mariez-vous, faites des romans, achetez des automobiles, où trouverai-je le courage de me lever de mon fauteuil ou de résister à la demande d’un ami, ou de faire aujourd’hui autrement qu’hier? Et ma chasteté, c’est absolument comme un vieux collage. Comme vous, je me loue d’être tel que je suis, sans volonté. Votre volonté, ça suffit, vous avez perdu le droit de me juger. Un peu gênant qu’il soit à la portée de tous les gens aigris, mais le parti pris est probablement la seule attitude valable. On ne peut pourtant pas me confondre avec les chevaux de retour. J’ai vingt-deux ans, je n’ai pas eu un amour malheureux, je n’ai pas la syphilis.»
«En tout cas je ne regrette rien, il n’y pas un incident, pas une heure d’ennui, pas un effort inutile que je voudrais retrancher de ma vie, ou que je préférerais différent.»
«(…) toutes les monnaies ont cours; il n’ y a pas de fausse monnaie ou bien il n’y a que de la fausse monnaie.(…)
Pour beaucoup, cet écrivain aura pour toujours les traits de Maurice Ronet dans le film de Louis Malle, Le feu follet (1963), inspiré du roman homonyme de Pierre Drieu la Rochelle (1931).
Je remercie une fois de plus M P. F. qui poste sur Facebook de magnifiques poèmes, toujours excellemment illustrés. Elle m’ a fait rechercher les recueils de poésies d’Eliseo Diego qui se trouvent dans ma bibliothèque.
Ce grand poète cubain fait partie d’une grande famille d’écrivains et de musiciens: sa femme, Bella García Marruz, son fils Eliseo Alberto (Lichi) (1951-2011), sa fille Josefina de Diego (Fefé), son beau frère, Cintio Vitier (1921-2009), sa belle soeur Fina García Marruz (1923), ses neveux musiciens Sergio Vitier (1948-2016) et José María Vitier (1954).
Eliseo Diego, Cintio Vitier, Virgilio Piñera (1912-1979) étaient parmi les fondateurs de la revue Orígenes, dirigée par José Lezama Lima (1910-1976) et José Rodríguez Feo (1920-1993). Quarante numéros furent publiés entre 1944 y 1956. C’était la publication culturelle cubaine la plus importante de cette époque.
Eliseo Diego a obtenu le Prix national de Littérature de Cuba en 1986 et le Prix Juan Rulfo de littérature latino-américaine pour l’ensemble de son oeuvre poétique en 1993.
Trois exemples de sa poésie:
El oscuro esplendor
Juega el niño con unas pocas piedras inocentes
en el cantero gastado y roto
como paño de vieja.
Yo pregunto:
qué irremediable catástrofe separa
sus manos de mi frente de arena,
su boca de mis ojos impasibles.
Y suplico
al menudo señor que sabe conmover
la tranquila tristeza de las flores, la sagrada
costumbre de los árboles dormidos.
Sin quererlo
el niño distraídamente solitario empuja
la domada furia de las cosas, olvidando
el oscuro esplendor que me ciega y él desdeña.
El oscuro esplendor, 1966.
L’obscure splendeur
L’enfant joue avec quelques innocents cailloux sur la plate-bande usée et trouée comme un fichu de vieille.
Moi je demande quelle irrémédiable catastrophe sépare ses mains de mon front de sable, sa bouche de mes yeux impassibles.
Et je supplie le petit maître qui sait émouvoir la tranquille tristesse des fleurs, la sainte coutume des arbres endormis.
Sans le vouloir l’enfant, distraitement solitaire, pousse la fureur subjuguée des choses, sans se douter de l’obscure splendeur qui m’aveugle et que lui dédaigne.
L’obscure splendeur. Edition de la Différence, Orphée. 1996. Traduit par Jean-Marc Pelorson.
No es más
por selva oscura
Un poema no es más
que una conversación en la penumbra
del horno viejo, cuando ya
todos se han ido, y cruje
afuera el hondo bosque; un poema
no es más que unas palabras
que uno ha querido, y cambian
de sitio con el tiempo, y ya
no son más que una mancha, una
esperanza indecible;
un poema no es más
que la felicidad, que una conversación
en la penumbra, que todo
cuanto se ha ido, y ya
es silencio.
El oscuro esplendor, 1966.
Ce n’est que por selva oscura… Le poème ce n’est qu’une conversation dans la pénombre du vieux fourneau, lorsque déjà tout le monde s’en est allé, et que frémit dehors le profond bois; un poème
ce n’est que quelques mots
qu’on a chéris, et qui changent
de place avec le temps, pour n’être désormais
qu’une tache, qu’une
indicible espérance;
un poème ce n’est que le bonheur, qu’une conversation dans la pénombre, que tout ce qui s’en est allé, et n’est plus que silence.
L’obscure splendeur. Edition de la Différence, Orphée. 1996. Traduit par Jean-Marc Pelorson.
Versiones
La muerte es esa pequeña jarra, con flores
pintadas a mano, que hay en todas las casas y que
uno jamás se detiene a ver.
La muerte es ese pequeño animal que ha
cruzado en el patio, y del que nos consuela la
ilusión, sentida como un soplo, de que es sólo el gato
de la casa, el gato de costumbre, el gato que ha
cruzado y al que ya no volveremos a ver.
La muerte es ese amigo que aparece en las
fotografías de la familia, discretamente a un lado,
y al que nadie acertó nunca a reconocer.
La muerte, en fin, es esa mancha en el muro
que una tarde hemos mirado, sin saberlo, con un poco
de terror.
Versiones, 1970.
Versions
La mort est cette petite jarre, couverte
de fleurs peintes à la main, qui est dans toutes
les maisons, et sur qui jamais ne s’arrêtent les yeux.
La mort est ce petit animal qui est
passé dans la cour et dont on se remet en se
disant dans une bouffée d’illusion que ce n’est
que le chat de maison, le chat de toujours, le
chat qui est passé et qu’on ne reverra plus.
La mort est cet ami qu’on voit sur les
photos de famille, discrètement marginal, et
que personne n’a jamais réussi à reconnaître.
La mort, enfin, c’est cette tache sur le
mur qu’un soir nous avons regardée, sans le
savoir, avec un soupçon de terreur.
L’obscure splendeur. Edition de la Différence, Orphée. 1996. Traduit par Jean-Marc Pelorson.
J’ai lu un post de Valérie M-A dans le Club de la Cause Littéraire: « Je porte en moi la mélancolie des races barbares, avec ses instincts de migration et ses dégoûts innés de la vie, qui leur faisaient quitter leur pays, pour se quitter eux-mêmes. » Cette citation de Gustave Flaubert est reprise dans la présentation de la biographie de Michel Winock (2013. Folio n°5971 2015). Elle m’ a fait rechercher dans son oeuvre et surtout dans sa Correspondance certaines phrases du même type, bien caractéristiques du caractère de ce géant de la littérature.
Portrait de Gustave Flaubert (Gaston Bigard) . Médaille de bronze 1921.
Lettre à Louise Colet, 13 août 1846, Correspondance tome I, p. 300. «J’ai au fond de l’âme le brouillard du Nord que j’ai respiré à ma naissance. Je porte en moi la mélancolie des races barbares, avec ses instincts de migrations et ses dégoûts innés de la vie, qui leur faisait quitter leur pays comme pour se quitter eux-mêmes. Ils ont aimé le soleil, tous les barbares qui sont venus mourir en Italie ; ils avaient une aspiration frénétique vers la lumière, vers le ciel bleu, vers quelque existence chaude et sonore ; ils rêvaient des jours heureux, pleins d’amours, juteux pour leurs coeurs comme la treille mûre que l’on presse avec les mains. J’ai toujours eu pour eux une sympathie tendre, comme pour des ancêtres. Ne retrouvais-je pas dans leur histoire bruyante toute ma paisible histoire inconnue ? Les cris de joie d’Alaric entrant à Rome ont eu pour parallèle, quatorze siècles plus tard, les délires secrets d’un pauvre coeur d’enfant. Hélas! non, je ne suis pas un homme antique; les hommes antiques n’avaient pas de maladies de nerfs comme moi! Ni toi non plus, tu n’es ni la Grecque, ni la Latine; tu es au delà: le romantisme y a passé. Le christianisme, quoique nous voulions nous en défendre, est venu agrandir tout cela, mais le gâter, y mettre la douleur. Le coeur humain ne s’élargit qu’avec un tranchant qui le déchire. Tu me dis ironiquement, à propos de l’article du Constitutionnel, que je fais peu cas du patriotisme, de la générosité et du courage. Oh non! J’aime les vaincus ; mais j’aime aussi les vainqueurs. Cela est peut-être difficile à comprendre, mais c’est vrai. Quant à l’idée de la patrie, c’est-à-dire d’une certaine portion de terrain dessinée sur la carte et séparée des autres par une ligne rouge ou bleue, non! la patrie est pour moi le pays que j’aime, c’est-à-dire celui que je rêve, celui où je me trouve bien. Je suis autant Chinois que Français, et je ne me réjouis nullement de nos victoires sur les Arabes, parce que je m’attriste à leurs revers. J’aime ce peuple âpre, persistant, vivace, dernier type des sociétés primitives, et qui, aux haltes de midi, couché à l’ombre, sous le ventre de ses chamelles, raille, en fumant son chibouk, notre brave civilisation qui en frémit de rage. Où suis-je? où vais-je? comme dirait un poète tragique de l’école de Delille; en Orient, le diable m’emporte! Adieu, ma sultane!… N’avoir pas seulement à t’offrir une cassolette de vermeil pour faire brûler des parfums quand tu vas venir dormir dans ma couche! Quel ennui! Mais je t’offrirai tous ceux de mon coeur. Adieu, un long, un bien long baiser, et d’autres encore.»
Lettre à Louise Colet, 3 juillet 1852, Correspondance tome II, p.123. «Je suis un Barbare, j’en ai l’apathie musculaire, les langueurs nerveuses, les yeux verts et la haute taille; mais j’en ai aussi l’élan, l’entêtement, l’irascibilité. Normands, tous que nous sommes, nous avons quelque peu de cidre dans les veines; c’est une boisson aigre et fermentée et qui quelquefois fait sauter la bonde.»
Lettre à Louise Colet, 14 décembre 1853, Correspondance tome II, p. 477. « Pourquoi sens-je cet allégement dans la solitude? Pourquoi étais-je si gai et si bien portant (physiquement) dès que j’entrais dans le désert? pourquoi tout enfant m’enfermais-je seul pendant des heures dans un appartement? La civilisation n’a point usé chez moi la bosse du sauvage. – Et malgré le sang de mes ancêtres (que j’ignore complètement et qui sans doute étaient de fort honnêtes gens), je crois qu’il y a en moi du Tartare et du Scythe, du Bédouin, de la Peau-Rouge. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il y a du moine. J’ai toujours beaucoup admiré ces bons gaillards, qui vivaient solitairement, soit dans l’ivrognerie ou dans le mysticisme. Cela était un joli soufflet donné à la race humaine, à la vie sociale, à l’utile, au bien-être commun. Mais maintenant! l’individualité est un crime, le XVIIIe siècle a nié l’âme, et le travail du XIXe sera peut-être de tuer l’homme? Tant mieux de crever avant la fin! car je crois qu’ils réussiront. Quand je pense que presque tous les gens de ma connaissance s’étonnent de la manière dont je vis, laquelle, à moi, me semble être la plus naturelle et la plus normale, cela me fait faire des réflexions tristes sur la corruption de mon espèce! Car c’est une corruption que de ne pas se suffire à soi-même. L’âme doit être complète en soi. -Il n’y a pas besoin de gravir les montagnes ou de descendre au fleuve pour chercher de l’eau. Dans un espace grand comme la main, enfoncez la sonde, et frappez dessus, il jaillira des fontaines. Le puits artésien est un symbole, et les Chinois, qui l’ont connu de tout temps, sont un grand peuple.»
Lettre à Madame Jules Sandeau, 28 novembre 1861, Correspondance, tome III, p.186.
[Croisset, 28 novembre 1861]
(…)Vous avez bien raison d’aimer les voyages. C’est la plus amusante manière de s’ennuyer, c’est-à-dire de vivre, qu’il y ait au monde. Ce goût-là, quand on s’y livre, ne tarde pas à devenir un vice, une soif insatiable. Combien n’ai-je pas perdu d’heures dans ma vie à rêver, au coin de mon feu, de longues journées passées à cheval, dans les plaines de la Tartarie ou de l’Amérique du Sud! Mon sang de peau rouge (vous savez que je descends d’un Natchez ou d’un Iroquois) se met à bouillonner dès que je me trouve au grand air, dans un pays inconnu. J’ai eu quelquefois (et la dernière entre autres, c’était il y a trois ans près de Constantine) des espèces de délire de liberté où j’en arrivais à crier tout haut, dans l’enivrement du bleu, de la solitude et de l’espace. Et cependant, je mène une vie recluse et monotone, une existence presque cellulaire et monacale. De quel côté est la vocation?(…)
Pour Louis Bouilhet, textes édités et annotés par Alan Raitt, University of Exeter Press, 1994, p. 24.
«J’ignore quels sont les rêves des collégiens, mais les nôtres étaient superbes d’extravagance, —expansions dernières du Romantisme arrivant jusqu’à nous, et qui, comprimées par le milieu provincial, faisaient dans nos cervelles d’étranges bouillonnements. Tandis que les cœurs enthousiastes auraient voulu des amours dramatiques, avec gondoles, masques noirs et grandes dames évanouies dans des chaises de poste au milieu des Calabres, quelques caractères plus sombres (épris d’Armand Carrel, un compatriote) ambitionnaient les fracas de la presse ou de la tribune, la gloire des conspirateurs. Un rhétoricien composa une Apologie de Robespierre, qui, répandue hors du collège, scandalisa un monsieur, si bien qu’un échange de lettres s’ensuivit avec proposition de duel, où le monsieur n’eut pas le beau rôle. Je me souviens d’un brave garçon, toujours affublé d’un bonnet rouge; un autre se promettait de vivre plus tard en mohican; un de mes intimes voulait se faire renégat pour aller servir Abd El Kader. Mais on n’était pas seulement troubadour, insurrectionnel et oriental, on était avant tout artiste; les pensums finis, la littérature commençait; et on se crevait les yeux à lire aux dortoirs des romans, on portait un poignard dans sa poche comme Antony; on faisait plus: par dégoût de l’existence, Bar* se cassa la tête d’un coup de pistolet, And* se pendit avec sa cravate. Nous méritions peu d’éloges certainement! mais quelle haine de toute platitude! quels élans vers la grandeur! quel respect des maîtres! comme on admirait Victor Hugo!»
Œuvres complètes, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», tome III, p.877-878. Voyage en Algérie et en Tunisie «Surprise du douar. Femmes au bord des tentes, sans voiles. Je galopais, ma pelisse sur mes genoux, mon takieh sous mon chapeau. Zagarit, coup de fusil, fantasia — le fils du caïd en ceinture rouge, Souk-Ahras! Souk-Ahras! — tout cela envolé dans le mouvement. J’ai ralenti devant les tentes. — Ils vont venir me baiser les mains, me prendre les pieds. — De quelle nature était l’étrange frisson de joie qui m’a pris? J’en ai rarement eu (jamais peut-être?) une pareille. Le fils du caïd et son père galopent longtemps à côté et devant moi. Le père s’en va le premier, le fils me demande deux heures après la permission. La pluie n’en finit. Descente — forêt — un cabaret vide où je demande ma route — les lignes rouges des bâtiments militaires de Souk-Ahras.»
Croisset. Ce petit hameau de Canteleu (Seine-Maritime) doit sa célébrité à Gustave Flaubert qui y vécut pendant 35 ans. Il y écrivit l’essentiel de son œuvre dans une maison située au bord de la Seine. Il ne subsiste presque plus rien de cette habitation qui a été rasée à la fin du XIXe siècle. Un pavillon de jardin a été préservé. Il est aménagé aujourd’hui en petit musée Flaubert.Revers de la médaille, Pavillon-musée à Croisset (1921).
Para Manuel Gonzalez Prada, esta emoción bravía y selecta, una de las que, con más entusiasmo, me ha aplaudido el gran maestro.
Dios mío, estoy llorando el ser que vivo; me pesa haber tomádote tu pan; pero este pobre barro pensativo no es costra fermentada en tu costado: ¡tú no tienes Marías que se van!
Dios mío, si tú hubieras sido hombre,
hoy supieras ser Dios;
pero tú, que estuviste siempre bien,
no sientes nada de tu creación.
¡Y el hombre sí te sufre: el Dios es él!
Hoy que en mis ojos brujos hay candelas,
como en un condenado,
Dios mío, prenderás todas tus velas,
y jugaremos con el viejo dado…
Tal vez ¡oh jugador! al dar la suerte
del universo todo,
surgirán las ojeras de la Muerte,
como dos ases fúnebres de lodo.
Dios míos, y esta noche sorda, obscura, ya no podrás jugar, porque la Tierra es un dado roído y ya redondo a fuerza de rodar a la aventura, que no puede parar sino en un hueco, en el hueco de inmensa sepultura.
Los heraldos negros. 1918.
Les dés éternels
Mon Dieu, je pleure sur l’être que je vis ; je regrette d’avoir pris ton pain ; mais la pauvre boue pensive que je suis n’est pas croûte fermentée dans ton flanc : toi tu n’as pas de Maries qui s’en vont !
Mon Dieu, si tu avais été un homme, aujourd’hui tu saurais être Dieu ; mais toi, qui as toujours été bien, tu ne sens rien de ta création. En fait l’homme te souffre : le Dieu c’est lui !
Aujourd’hui que dans mes yeux sorciers luisent des chandelles, comme dans ceux d’un damné, mon Dieu, tu vas allumer tous tes cierges, et nous jouerons avec le vieux dé… Peut-être que, oh joueur ! sortant le chiffre de l’univers entier surgiront les cernes de la Mort, comme deux funèbres as de boue.
Mon Dieu, en cette nuit sourde, obscure, tu ne pourras plus jouer, car la Terre est un dé rongé et désormais rond à force de rouler à l’aventure, qui ne peut s’arrêter que dans un trou, le trou d’une immense sépulture.
Les hérauts noirs –Poésie complète 1919-1937 (Flammarion, 2009)– Traduit de l’espagnol (Pérou) par Nicole Réda-Euvremer.
Manuel González Prada (Lima, 5 janvier 1844 – Lima, 22 juillet 1918) était un philosophe et poète péruvien, auteur d’essais, théoricien radical puis idéologue anarchiste. Directeur de la Bibliothèque nationale du Pérou en 1912, il reçut de jeunes écrivains comme César Vallejo et José Carlos Mariategui. Il défendait toutes les libertés, en particulier la liberté de culte et la liberté d’expression ainsi qu’une éducation laïque. César Vallejo l’avait interviewé en mars 1918, peu avant sa mort.
Fabrice Luchini et son amour de l’art du portrait en littérature. J’écoute parfois Répliques sur France Culture le samedi matin. Quand Alain Finkielkraut parle politique, problèmes de société, c’est insupportable. J’éteins ma radio. Les maoïstes de 1968 et des années 70 ont pour la plupart évolué vers des positions ultra-réactionnaires. Quand notre académicien parle de littérature, je supporte le plus souvent par curiosité. Ce samedi, Alain Finkielkraut + Fabrice Luchini. C’est la deuxième fois. Insupportable. Léchage de bottes. Renvoi d’ascenseur. Tout cela pour parler d’un écrivain de seconde zone, Jean Cau (1925-1993), bien réactionnaire.
Quelle découverte de nos deux intellectuels ! Croquis de mémoire est un livre publié par Julliard en 1985. La très bonne collection La petite vermillon a republié ce recueil en juin 2007. Il figure dans ma bibliothèque et je l’ai lu. Ce n’est pas un grand souvenir. Luchini affirme : « J’ai découvert grâce à Jean Cau, la littérature méchante. » Beaucoup de méchanceté ne fait pas de la grande littérature. Le chapitre concernant Albert Camus (pages 95-96) est une belle saloperie et ce n’est pas la seule.
Jean Cau fut le secrétaire de Jean-Paul Sartre de 1946 à 1957.
Il a reçu le Prix Goncourt en 1961 pour La pitié de Dieu (Gallimard).
Jean Cau fut aussi le compagnon de Louisa Colpeyn (née Colpijn 1918-2015), la mère actrice de Patrick Modiano. Jean Cau préfaça le premier roman de Patrick Modiano, Place de l’Etoile, publié le 28 mars 1968. ” Une sensibilité faite de tant de rires et de tant de douleurs qu’aucun Dieu (fût-il d’Abraham) n’y reconnaîtra les siens “, écrit-il. Cette préface a disparu des éditions suivantes. Jean Cau avait apporté le premier manuscrit de Patrick Modiano chez Gallimard. Il fut publié avec le soutien de Raymond Queneau.
” Chez ma mère, je retrouve le journaliste Jean Cau, protégé par un garde du corps à cause des attentats de l’OAS. Curieux personnage que cet ancien secrétaire de Sartre, à tête loup-cervier et fasciné par les toreros. A quatorze ans, je lui ai fait croire que le fils de Stavisky, sous un faux nom, était mon voisin de dortoir et que ce camarade m’avait confié que son père était encore vivant quelque part en Amérique du Sud. Cau venait au collège en 4 CV, voulant à tout prix connaître le ” fils de Stavisky ” dans l’espoir d’un scoop. ” Patrick Modiano “Un pedigree” (2005) p.77, Folio N°4377.