La Edad de Oro (L’ Age d’Or) Don Quijote

Don Quichotte v 1868 Munich Neue Pinakothek

DISCURSO DE LA EDAD DE ORO: Primera parte, capítulo XI.
(Don Quijote De la Mancha, Miguel de Cervantes)

“Después que don Quijote hubo bien satisfecho su estómago, tomó un puño de bellotas en la mano y, mirándolas atentamente, soltó la voz a semejantes razones:
– Dichosa edad y siglos dichosos aquellos a quien los antiguos pusieron nombre de dorados, y no porque en ellos el oro, que en esta nuestra edad de hierro tanto se estima, se alcanzase en aquella venturosa sin fatiga alguna, sino porque entonces los que en ella vivían ignoraban estas dos palabras de tuyo y mío. Eran en aquella santa edad todas las cosas comunes: a nadie le era necesario para alcanzar su ordinario sustento tomar otro trabajo que alzar la mano y alcanzarle de las robustas encinas, que liberalmente les estaban convidando con su dulce y sazonado fruto. Las claras fuentes y corrientes ríos, en magnífica abundancia, sabrosas y transparentes aguas les ofrecían. En las quiebras de las peñas y en lo hueco de los árboles formaban su república las solícitas y discretas abejas, ofreciendo a cualquiera mano, sin interés alguno, la fértil cosecha de su dulcísimo trabajo. Los valientes alcornoques despedían de sí, sin otro artificio que el de su cortesía, sus anchas y livianas cortezas, con que se comenzaron a cubrir las casas, sobre rústicas estacas sustentadas, no más que para defensa de las inclemencias del cielo. Todo era paz entonces, todo amistad, todo concordia: aún no se había atrevido la pesada reja del corvo arado a abrir ni visitar las entrañas piadosas de nuestra primera madre; que ella sin ser forzada ofrecía, por todas las partes de su fértil y espacioso seno, lo que pudiese hartar, sustentar y deleitar a los hijos que entonces la poseían. Entonces sí que andaban las simples y hermosas zagalejas de valle en valle y de otero en otero, en trenza y en cabello, sin más vestidos de aquellos que eran menester para cubrir honestamente lo que la honestidad quiere y ha querido siempre que se cubra, y no eran sus adornos de los que ahora se usan, a quien la púrpura de Tiro y la por tantos modos martirizada seda encarecen, sino de algunas hojas verdes de lampazos y yedra entretejidas, con lo que quizá iban tan pomposas y compuestas como van agora nuestras cortesanas con las raras y peregrinas invenciones que la curiosidad ociosa les ha mostrado. Entonces se decoraban los concetos amorosos del alma simple y sencillamente, del mesmo modo y manera que ella los concebía, sin buscar artificioso rodeo de palabras para encarecerlos. No había la fraude, el engaño ni la malicia mezcládose con la verdad y llaneza. La justicia se estaba en sus proprios términos, sin que la osasen turbar ni ofender los del favor y los del interese, que tanto ahora la menoscaban, turban y persiguen. La ley del encaje aún no se había sentado en el entendimiento del juez, porque entonces no había qué juzgar ni quién fuese juzgado. Las doncellas y la honestidad andaban, como tengo dicho, por dondequiera, sola y señera, sin temor que la ajena desenvoltura y lascivo intento le menoscabasen, y su perdición nacía de su gusto y propia voluntad. Y agora, en estos nuestros detestables siglos, no está segura ninguna, aunque la oculte y cierre otro nuevo laberinto como el de Creta; porque allí, por los resquicios o por el aire, con el celo de la maldita solicitud, se les entra la amorosa pestilencia y les hace dar con todo su recogimiento al traste. Para cuya seguridad, andando más los tiempos y creciendo más la malicia, se instituyó la orden de los caballeros andantes, para defender las doncellas, amparar las viudas y socorrer a los huérfanos y a los menesterosos. Desta orden soy yo, hermanos cabreros, a quien agradezco el gasaje y buen acogimiento que hacéis a mí y a mi escudero. Que aunque por ley natural están todos los que viven obligados a favorecer a los caballeros andantes, todavía, por saber que sin saber vosotros esta obligación me acogistes y regalastes, es razón que, con la voluntad a mí posible, os agradezca la vuestra.”

Une partie traduite en français par Aline Schulman (Le Seuil, Collection Points)
“Heureuse époque, siècles bénis que les Anciens ont nommés l’âge d’or ! Et non point parce que ce métal, tant estimé en ce siècle de fer qu’est le nôtre, se trouvait facilement, mais parce que ceux qui vivaient alors ignoraient le sens de ces deux mots: tien et mien. En ces temps bénis, tout était commun à tous. Pour trouver sa nourriture, il suffisait à l’homme de lever la main pour cueillir le fruit doux et savoureux que le chêne robuste lui tendait gracieusement. Les sources claires, les rivières rapides lui offraient, dans une généreuse abondance, une eau transparente et pure. Aux fentes des rochers, aux creux des troncs, s’établissaient les abeilles laborieuses, abandonnant au premier venu, sans rien exiger en retour, leur fertile et délicieuse récolte. Le chêne-liège se dépouillait, sans autre incitation que la courtoisie, de son écorce légère ; c’est elle qui servit à couvrir les premières cabanes, érigées sur des pieux grossièrement taillés, pour que l’homme pût se défendre des inclémences du ciel. Tout n’était que paix, harmonie et concorde. Le soc pesant et courbe de la charrue n’osait encore ouvrir et fouiller les entrailles bienfaisantes de notre mère originelle, qui, sans y être forcée, offrait toutes les ressources de son sein vaste et fécond pour satisfaire, pour nourrir, pour réjouir ses enfants. Alors les chastes et jolies bergères s’en allaient de vallée en vallée et de colline en colline, cheveux au vent, juste assez vêtues pour couvrir ce que la pudeur exige, et a toujours exigé, que l’on tienne couvert. Elles ne cherchaient pas comme aujourd’hui à rehausser leurs toilettes de pourpre de Tyr, de soie ou de brocart, mais de feuilles vertes de bardane entrelacées à du lierre ; et elles étaient sans doute tout aussi richement et élégamment parées que le sont nos dames de cour avec ces étranges artifices que leur suggèrent l’oisiveté et la coquetterie.

Alors, les sentiments amoureux s’exprimaient aussi simplement que l’âme les avait conçus : nul tour recherché, nul embellissement superflu. La vérité et la sincérité n’avaient à craindre ni la fraude, ni la fourberie, ni la malice. La justice remplissait sa fonction, sans être menacée par l’intérêt et la faveur qui la persécutent et la déshonorent si fréquemment de nos jours. Les juges ne se laissaient point guider par la loi du bon plaisir, car il n’y avait alors rien ni personne à juger. Les jeunes filles et l’innocence marchaient de compagnie, la tête haute, comme je l’ai dit plus haut, sans avoir à redouter les assauts de l’effronté ni l’audace du lascif ; et elles ne pouvaient imputer leur perte qu’à leur propre vouloir et à leur seul désir.”

La Douleur (Emmanuel Finkiel)

La Douleur (Emmanuel Finkiel, 2017)

Vu dimanche 11 février à La Ferme du Buisson (Noisiel) La Douleur d’ Emmmanuel Finkiel.

La France est sous l’Occupation allemande. L’écrivain Robert Antelme, résistant, est arrêté le 1 juin 1944 et déporté à Buchenwald. Son épouse Marguerite, écrivain elle aussi, est tiraillée par l’angoisse de ne pas avoir de ses nouvelles et sa liaison secrète avec son amant Dyonis. Elle rencontre un agent français de la Gestapo, Rabier. Elle est prête à tout pour retrouver son mari. Commence alors une relation ambiguë avec cet homme trouble qui seul peut l’aider. La fin de la guerre et le retour des camps annoncent à Marguerite le début d’une insoutenable attente, lente et silencieuse.

Ce film m’a intéressé et parfois ennuyé. Il m’a semblé long et répétitif. On s’intéresse au personnage de Marguerite Duras et on la déteste. Elle n’est pas authentique du tout. Elle emploie toujours de grosses ficelles, mais dit néanmoins parfois des choses vraies. Elle écrit: «La littérature m’a fait honte.» Cette réflexion vaut aussi pour les adeptes actuels de l’autofiction.

Marguerite Duras commence à écrire ses Cahiers de la guerre (Cahiers de la guerre et autres textes), Pol-Imec 2006 (Folio n°4698) entre 1943 et 1949. Son mari, Robert Antelme, déporté aux camps de Buchenwald et de Dachau, ne sera libéré que grâce à l’intervention providentielle de François Mitterrand en avril 1945. Il était épuisé et malade du typhus. C’est à partir du journal rédigé à cette période qu’en 1980 Marguerite Duras écrit La Douleur (1985, P.O.L. puis Folio n°2469), recueil d’histoires en partie autobiographiques, en partie inventées. La plus longue, La Douleur, est l’histoire de l’attente de son mari. Ce livre, lors de sa parution, m’avait davantage intéressé que L’Amant qui connut pourtant un immense succès, couronné par le Prix Goncourt 1984.

Emmanuel Finkiel a relié dans son scénario deux histoires du recueil: La douleur et Monsieur X. dit ici Pierre Rabier. Il est en gros fidèle au texte de la romancière, même s’il supprime les dernières pages de La Douleur qui, selon lui, n’étaient pas filmables car Robert Antelme avait atteint le dernier degré avant la mort. Le metteur en scène montre la honte, la souffrance, l’amour, la haine, la perversité, la dépendance. Marguerite s’enferme dans cette souffrance. L’absence devient concrète alors qu’elle est toujours très entourée. Ses rapports avec Dionys Mascolo sont souvent brutaux et ambigus. Il finit par lui dire: «Êtes-vous plus attachée à votre douleur ou à Robert Antelme?» La Libération de Paris ne change rien à ce qu’elle ressent. Son mari est absent, il est aimé. Quand il revient, elle ne peut ni ne veut le voir. Elle n’aime plus Robert. Elle en aime un autre. «Je savais qu’il savait qu’à chaque heure de chaque jour, je le pensais: «Il n’est pas mort au camp de concentration.»

Emmanuel Finkiel représente Paris de manière à la fois réaliste et irréelle. Il parvient à noircir les édifices, mais abuse des longues focales, du flou. Cela tourne au procédé, ce qui devient gênant pour le spectateur.

« Au fond, on ne fait rien d’autre que des documentaires. » (Positif, janvier 2018)
« – Par quoi vos films sont-ils obsédés ? – Par le manque.» (Télérama, 11/04/2012)

Filmographie d’Emmanuel Finkiel (né en 1961)

Assistant de Jean-Luc Godard et de Krzysztof Kieślowski. Professeur à la Fémis.
– 1999: Voyages. (Prix Louis Delluc. César du meilleur premier film)
– 2006: En marge des jours – TV
– 2009: Nulle part, terre promise (Prix jean Vigo)
– 2012: Je suis
– 2016: Je ne suis pas un salaud
– 2017 :La Douleur

Pierre Rabier, en réalité Charles Delval, sera jugé et fusillé au début de 1945. Marguerite Duras témoignera deux fois à son procès: une fois à charge, et l’autre en sa faveur.

La Shoah est évoqué par l’intermédiaire du personnage de Madame Katz qui attend le retour de sa fille handicapée. Marguerite Duras ne parle presque jamais du sort des Juifs. Robert Antelme (1917-1990), lui, sera l’auteur de plusieurs ouvrages, dont un livre de référence sur les camps de concentration: L’Espèce humaine, paru en 1947 aux éditions de la Cité Universelle (aujourd’hui, Gallimard, collection Tel). Le livre est dédié à Marie-Louise, sa sœur, morte en déportation.

Robert Antelme, L’Espèce humaine.
«L’homme n’est rien d’autre qu’une résistance absolue, inentamable, à l’anéantissement.»
Il n’y a pas de différence de nature entre le régime “normal” d’exploitation de l’homme et celui des camps. Le camp est simplement l’image nette de l’enfer plus ou moins voilé dans lequel vivent encore tant de peuples.»

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19575874&cfilm=253410.html

Le vin

Portrait de Charles Baudelaire (Gustave Courbet) 1848-49

L’âme du vin (Charles Baudelaire)

Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles:
“Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité!

Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,

Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.

Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content;

J’allumerai les yeux de ta femme ravie;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.

En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! ”

Les Fleurs du mal, 1857.

Isla Negra Café Restaurante El rincón del poeta Oda al vino (Pablo Neruda)

ODA AL VINO (Pablo Neruda)

Vino color de día,
vino color de noche,
vino con pies de púrpura
o sangre de topacio,
vino,
estrellado hijo
de la tierra,
vino, liso
como una espada de oro,
suave
como un desordenado terciopelo,
vino encaracolado
y suspendido,
amoroso,
marino,
nunca has cabido en una copa,
en un canto, en un hombre,
coral, gregario eres,
y cuando menos, mutuo.
A veces
te nutres de recuerdos
mortales,
en tu ola
vamos de tumba en tumba,
picapedrero de sepulcro helado,
y lloramos
lágrimas transitorias,
pero
tu hermoso
traje de primavera
es diferente,
el corazón sube a las ramas,
el viento mueve el día,
nada queda
dentro de tu alma inmóvil.
El vino
mueve la primavera,
crece como una planta la alegría,
caen muros,
peñascos,
se cierran los abismos,
nace el canto.
Oh tú, jarra de vino, en el desierto
con la sabrosa que amo,
dijo el viejo poeta.
Que el cántaro de vino
al beso del amor sume su beso.

Amor mio, de pronto
tu cadera
es la curva colmada
de la copa,
tu pecho es el racimo,
la luz del alcohol tu cabellera,
las uvas tus pezones,
tu ombligo sello puro
estampado en tu vientre de vasija,
y tu amor la cascada
de vino inextinguible,
la claridad que cae en mis sentidos,
el esplendor terrestre de la vida.

Pero no sólo amor,
beso quemante
o corazón quemado
eres, vino de vida,
sino
amistad de los seres, transparencia,
coro de disciplina,
abundancia de flores.
Amo sobre una mesa,
cuando se habla,
la luz de una botella
de inteligente vino.
Que lo beban,
que recuerden en cada
gota de oro
o copa de topacio
o cuchara de púrpura
que trabajó el otoño
hasta llenar de vino las vasijas
y aprenda el hombre oscuro,
en el ceremonial de su negocio,
a recordar la tierra y sus deberes,
a propagar el cántico del fruto.

Odas elementales, 1954.

Buenos Aires Café Tortoni Jorge Luis Borges

Soneto del vino (Jorge Luis Borges)

¿En qué reino, en qué siglo, bajo qué silenciosa
Conjunción de los astros, en qué secreto día
Que el mármol no ha salvado, surgió la valerosa
Y singular idea de inventar la alegría?

Con otoños de oro la inventaron. El vino
Fluye rojo a lo largo de las generaciones
Como el río del tiempo y en el arduo camino
Nos prodiga su música, su fuego y sus leones.

En la noche del júbilo o en la jornada adversa
Exalta la alegría o mitiga el espanto
Y el ditirambo nuevo que este día le canto

Otrora lo cantaron el árabe y el persa.
Vino, enséñame el arte de ver mi propia historia
Como si ésta ya fuera ceniza en la memoria,

El otro, el mismo, 1964.

Georges Bernanos

“Je pense depuis longtemps déjà que si un jour les méthodes de destruction de plus en plus efficaces finissent par rayer notre espèce de la planète, ce ne sera pas la cruauté qui sera la cause de notre extinction, et moins encore, bien entendu, l’indignation qu’éveille la cruauté, ni même les représailles de la vengeance qu’elle s’attire…mais la docilité, l’absence de responsabilité de l’homme moderne, son acceptation vile et servile du moindre décret public. Les horreurs auxquelles nous avons assisté, les horreurs encore plus abominables auxquelles nous allons maintenant assister ne signalent pas que les rebelles, les insubordonnés, les réfractaires sont de plus en plus nombreux dans le monde, mais plutôt qu’il y a de plus en plus d’hommes obéissants et dociles.”

Journal d’un curé de campagne” (1936)

Jean Fautrier Matière et Lumière

Du 26 janvier au 20 mai 2018, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris rend hommage à Jean Fautrier (1898-1964), à travers une grande rétrospective.

Exposition vue mardi 6 février avec mes amis de toujours E. et P.

Biographie
Jean Fautrier est né à Paris en 1898. A la mort de son père, il part à Londres avec sa mère d’origine irlandaise.  Il fera ses études d’art à la Royal Academy of Arts de Londres à partir de 1912. Il est mobilisé dans l’armée française et est gazé.  Il revient à Paris en 1920. Influencé par la peinture expressionniste, il peint alors des tableaux de facture réaliste. Jean Fautrier peint et dessine des portraits, des nus, des bêtes écorchées. Sa première exposition personnelle sera organisée en 1924. Il intéresse des galeristes connus comme Jeanne Castel, Paul Guillaume et Léopold Zborowski.

Dès 1925, Jean Fautrier devient le véritable précurseur de l’art informel (Jean Dubuffet 1901-1985, Wols 1913-1951). Il traverse une période de recherche qu’il qualifiera de « saison en enfer » et réalise une œuvre lyrique, des séries de paysages, de nus noirs dont Jean Paulhan dira qu’ils sont « plus nus que nature ».

Ses quelques succès en peinture ne lui suffisent pas. La crise l’oblige à devenir moniteur de ski à Tignes. En 1934, il crée la une boite de jazz dont il gardera la gestion jusqu’en 1939. De temps en temps, il continue cependant de peindre.

il noue des liens d’amitié avec André Malraux,  Francis Ponge, Paul Eluard, Georges Bataille, Jean Paulhan et André Dubuffet.

Pendant la seconde guerre mondiale, Jean Fautrier revient à Paris. Il se cache à partir de 1943 et habite la maison de Chateaubriand dans la Vallée aux Loups. Il entreprend une série de collages matiéristes, de dessins peints à l’huile sur papier. Ces travaux constituent « Otages » et « Massacres », un ensemble de portraits où l’artiste se veut témoin de la mémoire des victimes. L’historien d’art Michel Ragon les décrit ainsi: ” Chaque tableau était peint de la même manière. Sur un fond vert d’eau, une flaque de blanc épais s’étalait. Un coup de pinceau indiquait la forme du visage. Et c’était tout.” Il renoue avec le succès à partir de son exposition d’ octobre-novembre 1945 à la galerie de René Drouin, place Vendôme à Paris.

Dans les années 50, il reprend des séries de paysages sombres, de sanguines, de sculptures, de lithographies et de gravures. L’artiste,  solitaire, à la marge, travaille ses oeuvres comme une chair vivante. Il reçoit le grand prix de la Biennale de Venise en 1960.

Jean Fautrier meurt en 1964 à Châtenay-Malabry (France).

La peinture de Fautrier repose sur la matière, souvenir du sujet et réalité.

cf. Jean Paulhan “Fautrier l’enragé” (Gallimard, 1962)

Le poète Francis Ponge, un de ses grands admirateurs, écrivait à son propos : « Chacun de ses tableaux s’ajoute à la réalité avec vivacité, résolution, naturel. »

«Cela tient du pétale de rose et de la tartine de camembert»

“Le fusillé remplacé le crucifié. L’homme anonyme remplace le Christ des tableaux.”

Les Otages de Jean Fautrier (4 février 1962). Le peintre est interviewé par l’historien d’art et écrivain Michel Ragon.

https://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu06407/les-otages-de-jean-fautrier.html

El Presidente (La Cordillera) (Santiago Mitre)

Vu lundi soir à La Ferme du Buisson (Noisiel) El Presidente (La Cordillera) de Santiago Mitre. Ce film nous a permis de revoir la Cordillère des Andes moins d’une semaine après notre retour du Chili.

Au cours d’un sommet rassemblant les chefs d’état sud-américains dans un hôtel isolé de la Cordillère (Valle Nevado, la station de sports d’hiver la plus étendue d’Amérique latine, située entre 2860 et 3670 mètres), le nouveau président argentin, Hernán Blanco, est rattrapé par une affaire de corruption impliquant son gendre, et indirectement sa fille, divorcée, névrosée, dépressive. Alors qu’il se démène pour échapper au scandale qui menace sa carrière et sa famille, il doit aussi se battre pour conclure un accord primordial pour son pays et le développement économique du sous-continent.

Le film montre un président “normal”, un homme nouveau, issu du peuple, dans sa vie publique et  privée. Il affiche une normalité de façade. Il n’est jamais seul alors qu’il détient le pouvoir. Le pouvoir l’isole, l’enferme. Le décor, la mise en scène évoquent une atmosphère de thriller, presque de film fantastique. Le metteur en scène se réfère à Shining de Stanley Kubrick et aux films de Roman Polanski. La musique d’Alberto Iglesias contribue à cette tension ainsi que les routes en lacets, les baies vitrées donnant sur le vide, les moquettes épaisses, les garages, les couloirs sombres. Tout se trame entre hommes politiques et conseillers. La figure de Faust ou du moins la métaphore faustienne  plane sur le film. Les peuples sont laissés de côté comme d’habitude. Le film se satisfait du doute et ne conclut pas. Le film nous laisse un peu sur notre faim même si Ricardo Darín est remarquable comme toujours.

“- ¿Cree usted en la existencia del Bien y del Mal?

– ¿Usted piensa que si yo no creyera en la existencia del Bien y del Mal podría dedicarme a la política?”

El Presidente (la Cordillera) (2017) 1h54. Réal: Santiago Mitre. Sc: Mariano Llinás, Santiago Mitre. Dir.photo: Javier Julia. Mus: Alberto Iglesias. Int: Ricardo Darín (Hernán Blanco), Dolores Fonzi (sa fille, Marina), Erica Rivas (Luisa Cordero), Elena Anaya (Claudia Klein, la journaliste espagnole), Daniel Giménez Cacho (Sebastián Sastre, le président du Mexique), Alfredo Castro (Desiderio García (le psychiatre hypnotiseur), Gerardo Romano (Castex), Leonardo Franco (le président du Brésil, Oliveira Prete), Christian Slater (Dereck Mc Kinley, le conseiller des Etats-Unis), Paulina García (la présidente du Chili, Paula Scherson)

Filmographie de Santiago Mitre (né en 1980):

2002 : El escondite (court-métrage).
2005 : Un regalo para Carolina (court-métrage).
2005 : El amor – primera parte (coréalisé avec Alejandro Fadel, Martín Mauregui et Juan Schnitman).
2011 : El estudiante.
2013 : Los posibles (moyen-métrage coréalisé avec Juan Onofri Barbato).
2015 : Paulina (La patota). Grand prix de la semaine de la Critique au festival de Cannes.
2017 : El Presidente (La Cordillera).  Présenté en sélection officielle « Un certain regard » lors du Festival de Cannes 2017.

Il a été le coscénariste des films de son compatriote Pablo Trapero (né en 1971) : Leonera (2008), Carancho (2010) et Elefante blanco (2012).

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19575187&cfilm=247636.html

 L’échange des princesses (Marc Dugain)

Vu dimanche au Cinéma L’Epée de Bois, Rue Mouffetard, 75005-Paris L’échange des princesses de Marc Dugain.

1721. Une idée germe dans la tête de Philippe d’Orléans, Régent de France… Louis XV, 11 ans, va bientôt devenir Roi et un échange de princesses permettrait de consolider la paix avec l’Espagne, après des années de guerre qui ont laissé les deux royaumes exsangues.
Il marie donc sa fille, Louise-Élisabeth d’Orléans, dite Mademoiselle de Montpensier, 12 ans, à l’héritier du trône d’Espagne, Luis I, 14 ans, et Louis XV doit épouser l’Infante d’Espagne, Mariana Victoria, âgée de 4 ans. L’entrée précipitée dans la cour des Grands de ces jeunes princesses, sacrifiées sur l’autel des jeux de pouvoirs, aura raison de leur insouciance…Ces unions apparaissent rapidement compromises.

L’échange des princesses (2017) 1 h 40. Scén.: Marc Dugain, Chantal Thomas d’après le roman éponyme de cette dernière (2013). Dir.photo: Gilles Porte. Int: Lambert Wilson (Philippe V), Anamaria Vartolomei (Louise-Elisabeth), Olivier Gourmet (Philippe d’Orléans, le Régent), Catherine Mouchet (Madame de Ventadour), Kacey Mottet-Klein (Don Luis), igor Van Dessel (Louis XV), Juliane Lepoureau (Mariana Victoria), Maya Sansa (Elisabeth Farnèse), Andréa Férréol (la princesse Palatine).

Loin du Grand Siècle, Marc Dugain s’attache à cette période d’incertitude et de flottements de la Régence et des débuts du règne de Louis XV. La France comme l’Espagne sont épuisées par des années de guerre. Les épidémies (la variole, le choléra) et la mort sont omniprésentes. Elles frappent enfants et vieillards. C’est déjà le crépuscule d’un monde qui annonce la fin de la monarchie. Les princes et les rois sont des objets plutôt que des êtres de chair et de sang. Les princesses n’ont plus d’identité. Elles doivent enlever leurs vêtements lors de l’échange à la frontière sur l’île aux Faisans, au milieu de la Bidassoa, et adopter ceux de la Cour où elles vont s’installer. La photographie  nocturne de Gilles Porte est très soignée. La nature est filmée dans des tonalités automnales. Deux choses m’ont gêné: le son (certains acteurs ont une diction assez incompréhensible) et les paysages de la Vieille Castille que je ne reconnais pas. Les scènes espagnoles semblent avoir été tournées en Belgique. C’est pourtant Philippe V qui fit construire le Palais royal de la Granja de San Ildefonso, dans la province de Ségovie, à 80 kilomètres de Madrid. Il y est même enterré. Le roman de Chantal Thomas était plus complexe.

Marc Dugain a réalisé quatre longs métrages :
Une exécution ordinaire (2010), d’après son propre roman.
La Bonté des femmes (2011), téléfilm coréalisé avec Yves Angelo.
La Malédiction d’Edgar (2013), tourné en anglais, d’après son propre roman.
L’Échange des princesses (2017).

Palais royal de la Granja de San Ildefonso

Camille Claudel au Musée d’Orsay

Camille Claudel 1864-1943

Présentation exceptionnelle d’oeuvres de Camille Claudel préemptées le 27 novembre 2017 par l’État lors de la vente Artcurial “Camille Claudel, un trésor en héritage” Paris Musée d’Orsay Galerie Françoise Cachin, niveau 2. 9 janvier – 11 février 2018

Vue le jeudi 8 février.

Elle rassemble des oeuvres jusqu’alors conservées dans la famille de Camille Claudel et acquises à l’occasion de la vente aux enchères du 27 novembre 2017. L’Etat français a exercé son droit de préemption afin d’acquérir ces lots pour des collections publiques, nationales et territoriales.

Sur 20 pièces, 12 sont revenues à des institutions françaises.

Le musée d’Orsay, le musée Rodin, le musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine, La Piscine-Musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix, le musée Sainte-Croix de Poitiers et la Maison Camille et Paul Claudel de Villeneuve-sur-Fère ont coordonné leurs efforts afin que ces oeuvres viennent enrichir les collections publiques, grâce au soutien de l’Etat, des collectivités territoriales et de donateurs.

Les sculptures rejoindront leurs collections respectives à l’issue de l’exposition.

Toutes issues de l’atelier de Camille Claudel, les sculptures acquises retracent une grande partie de sa carrière, depuis ses débuts à Paris en 1881 comme élève d’Alfred Boucher. S’ensuit la rencontre avec Auguste Rodin, leur liaison amoureuse et l’entrée de Claudel dans l’atelier du maître en 1884, début d’une période d’enrichissement mutuel. Les deux artistes s’éloignent à partir de 1893, avant leur séparation définitive en 1898.

Claudel s’installe en 1899 dans son dernier atelier, quai Bourbon. Sa santé mentale se dégrade autour de 1909. Internée peu après le décès de son père en 1913, elle meurt à Montfavet (Vaucluse) en 1943. Son internement aura duré 30 ans.

Nicanor Parra

Le poète chilien Nicanor Parra, apôtre de l’« antipoésie » et Prix Cervantes 2011, est décédé mardi 23 janvier, à l’âge de 103 ans. La veillée funèbre a eu lieu dans la Cathédrale de Santiago à la demande de la famille même si le poète avait déclaré: “Soy ateo, gracias a Dios”. Les autorités ecclésiastiques ont essayé d’empêcher que résonnent dans la Cathédrale les chansons de sa soeur, Violeta Parra, qui s’est suicidée en 1967, à 49 ans. Le Gouvernement chilien a décrété deux jours de deuil national.

Nicanor Parra

Ultimo brindis

Lo queramos o no
sólo tenemos tres alternativas:
el ayer, el presente y el mañana.

Y ni siquiera tres
porque como dice el filósofo
el ayer es ayer
nos pertenece sólo en el recuerdo:
a la rosa que ya se deshojó
no se le puede sacar otro pétalo.

Las cartas por jugar
son solamente dos:
el presente y el día de mañana.

Y ni siquiera dos
porque es un hecho bien establecido
que el presente no existe
sino en la medida en que se hace pasado
y ya pasó…
como la juventud.

En resumidas cuentas
sólo nos va quedando el mañana:
yo levanto mi copa
por ese día que no llega nunca
pero que es lo único
de lo que realmente disponemos.

Dernier toast (Nicanor Parra)

Que nous le voulions ou non
Nous n’avons que trois possibilités:
L’hier, le présent et le lendemain.

Et pas même trois
Car comme dit le philosophe
L’hier c’est hier
Il n’est à nous que dans le souvenir:
Lorsque la rose a défleuri
On ne peut plus lui ôter de pétale.

Il n’y a que deux
Cartes à jouer:
Le présent et le lendemain.

Et pas même deux
Car c’est un fait bien établi
Que le présent n’existe
Que dans la mesure où il devient passé
Et il est passé…,
comme la jeunesse.

Tous comptes faits
Il ne nous reste que le lendemain:
Je lève mon verre
À ce jour qui n’arrive jamais
Mais qui est le seul
Dont nous disposions en réalité

(Traduction: Bernard Pautrat)