Publication de la Correspondance d’André Breton
– Lettres à Simone Kahn (1920-1960), édité par Jean-Michel Goutier, Paris, Gallimard, coll. «Blanche», 2016.
– Lettres à Jacques Doucet (1920-1926), édité par Étienne-Alain Hubert, Paris, Gallimard, coll. «Blanche», 2016.
– André Breton et Benjamin Péret, Correspondance 1920-1959, présentée et éditée par Gérard Roche, Paris, Gallimard, 2017.
– Correspondance avec Tristan Tzara et Francis Picabia 1919-1924, présentée et éditée par Henri Béhar, Paris, Gallimard, 2017.
La correspondance avec Tristan Tzara et Francis Picabia couvre surtout la période comprise entre 1919 et 1924. Il s’agit donc essentiellement de la période Dada. Michel Sanouillet (Dada à Paris, Pauvert 1965) et Henri Béhar (Oeuvres complètes de Tristan Tzara, Flammarion, 1975-91; André Breton le grand indésirable, Paris, Calmann-Lévy, 1990, nouvelle édition, Fayard, 2005; Tristan Tzara, essai, Paris, Oxus, 2005, coll. «Les Roumains de Paris») ont déjà bien étudié leurs rapports. Breton qui venait de perdre son ami Jacques Vaché attendait Tzara comme le messie. («Je vous attends, je n’attends plus que vous.» 26 décembre 1919) Tzara apportera au groupe réuni autour de Breton, d’Aragon, et de Soupault une radicalité présente à Zürich et Berlin. Rapidement pourtant, le mouvement se désagrège et se divise en deux clans : les disciples de Tzara, et ceux de Breton. Breton veut instaurer le règne de l’esprit nouveau en explorant avec méthode le domaine du rêve .Tzara refuse de participer à cette première étape du surréalisme. (André Breton, Manifeste du surréalisme, 1924; Tristan Tzara, Sept manifestes Dada, 1924, recueil de manifestes lus ou écrits entre 1916 et 1924.)
Grande actualité Dada cette année aussi dans le prolongement du centenaire de ce mouvement.
Au Musée de l’Orangerie (Paris) «Dada Africa, sources et influences extra-occidentales» du 18 octobre 2017 au19 février 2018.
Après «Qui a peur des femmes photographes?», «Apollinaire, le regard du poète», et «La peinture américaine des années 1930», nous y avons vu une autre belle exposition sur un sujet méconnu. Le musée de l’Orangerie est né de la collection du marchand d’art Paul Guillaume. C’était un grand marchand d’art africain. Il a joué un rôle de premier plan dans la confrontation entre art moderne et arts premiers.
Dada fut un mouvement artistique subversif mais divers. Il naît à Zürich pendant la Guerre de 14-18 et se déploie ensuite à Berlin, Paris, New York… Par leurs œuvres nouvelles – poésie sonore, danse, collages, performance –, les artistes dadaïstes interrogent la société occidentale aux prises avec la Grande Guerre, et s’approprient les formes culturelles et artistiques de cultures non occidentales (Afrique, Océanie, Amérique). Gauguin, Picasso et les artistes de Die Brücke avaient fait de même.
Le Musée de l’Orangerie a proposé une exposition sur ces échanges en confrontant œuvres africaines, amérindiennes et asiatiques et celles, dadaïstes, de Hannah Höch, Jean Arp, Sophie Taeuber-Arp, Marcel Janco, Hugo Ball, Tristan Tzara, Raoul Hausmann, Man Ray, Francis Picabia…
Diversité, inventivité et radicalité des productions Dada – textiles, graphisme, affiches, assemblages, reliefs en bois, poupées et marionnettes – face à la beauté étrange et la rareté d’œuvres non occidentales…
Une place particulière a été donnée à Hannah Höch (1889-1978), une des compagnes de Raoul Hausmann (1886-1971). Elle a réussi à préserver une partie des archives du dadaïsme de la destruction nazie. Il faut noter que la critique de la guerre et du bellicisme fut davantage le fait des artistes allemands (Grosz, Heartfield, Hausmann) que des français. «Nous cherchions un art élémentaire qui devait, pensions-nous, sauver les hommes de la folie furieuse de ces temps», déclarait Hans (Jean) Arp en 1940.
Vu vendredi 23 février à la Ferme du Buisson (Noisiel) Gaspard va au mariage d’Antony Cordier. Int: Félix Moati, Laetitia Dosch, Christa Théret, Johan Heldenbergh, Guillaume Gouix, Marina Foïs, Elodie Bouchez.
Après avoir vécu loin de sa famille pendant des années, Gaspard, 25 ans, revient vers elle à l’annonce du remariage de son père. Il est accompagné de Laura, une fille fantasque qu’il a rencontré dans un train et qui accepte de jouer sa petite amie le temps du mariage. Il retrouve le zoo provincial de ses parents, les singes et les fauves qui l’ont vu grandir… et sa famille: un père cavaleur, un frère raisonnable et une sœur bien belle. Il n’a pas conscience qu’il s’apprête à vivre les derniers jours de son enfance.
C’est un conte, une fable. Un groupe d’écologistes s’enchaîne sur une voie ferrée. Le personnage principal demande dans le train à une fille fofolle de l’accompagner au mariage de son père. C’est un train d’hier ou d’avant-hier avec ses couloirs et compartiments enfumés. Le père, cavaleur, soigne ses plaies dans un aquarium bleuté rempli de petits poissons. Sa sœur s’enveloppe dans une peau d’ours et erre dans le parc. Une meute de chiens sauvages s’en prend aux animaux. Pourquoi pas? Mais 103 minutes, c’est vraiment bien long. Les acteurs jouent laborieusement leur rôle de farfelus sans profondeur. Je mettrai à part Marina Foïs, presque toujours excellente. Mais, ici, son personnage de vétérinaire est sacrifié. Elle ne fait pas vraiment partie de la Famille.
Je crois que le cinéma français souffre de l’existence de tels films inutiles. J’avais déjà souffert, il y a quelque temps en voyant Jeune femme de Léonor Serraille avec Laetitia Dosch déjà. Caméra d’or au Festival de Cannes de 2017, quand même. J’aime le cinéma français. Je ne le critique pas systématiquement, mais il ne faudrait pas en dégoûter un peu plus les jeunes…Naturalisme ou Féérie: je ne crois à cette alternative.
La critique bien-pensante compare Antony Cordier à Wes Anderson, un metteur en scène que je n’aime pas beaucoup (La Famille Tenenbaum, À bord du Darjeeling Limited, Moonrise Kingdom, The Grand Budapest Hotel). Wes Anderson c’est Orson Welles à côté.
Gallimard a ouvert une galerie, 30 rue de l’Université, Paris (VII). Ce nouveau lieu est consacré aux oeuvres graphiques, éditions originales et photographies. Du 19 janvier au 7 mars 2018: Jacques Ferrandez l’oeuvre d’Albert Camus en bande dessinée. Exposition-vente.
Je suis passé par hasard cette semaine Rue de l’Université. J’ai vu ce lieu et je suis rentré admirer les planches de ce dessinateur.
Né en 1955 à Alger, il s’est exprimé d’abord par la bande dessinée. Il a essayé de raconter les liens complexes entre l’Algérie et la France à travers ses Cahiers d’Orient : 10 tomes publiés par Casterman de 1987 à 2009.
Il a pu aussi mettre en images récemment les oeuvres d’Albert Camus: – L’Hôte (nouvelle tirée de L’exil et le royaume en 2009. – L’étranger en 2013. – Le premier homme en 2017. Un défi: mettre un visage sur le personnage de Meursault, faire sentir la brûlure du soleil d’Alger en été.
Bien que je n’apprécie pas particulièrement la bande dessinée, j’ ai lu avec grand plaisir ses oeuvres cet hiver. Il me manque Le premier homme.
Jacques Ferrandez a publié aussi en 2017 au Mercure de France, Entre mes deux rives. Livre inclassable: essai, mémoires, autobiographie, dessins. Tout se mêle.
«Je suis comme un enfant trouvé de la Méditerranée, ballotté d’un bord à l’autre. Je suis né sur la rive sud, j’ai vécu sur la rive nord. Les deux m’appartiennent et j’appartiens aux deux. C’est le creuset. C’est la mer, la mère, la matrice à tous les sens du terme. Mer natale. Aujourd’hui, il est temps pour moi d’interroger, à travers mon rapport à Camus, tout ce qui me relie à l’Algérie et plus généralement à la Méditerranée. D’une rive à l’autre. De mes deux rives. Entre mes deux rives.»
” Je ne suis pas nostalgique de ce qui a été, mais plutôt de ce qui n’a pas été.”
Vu mardi 20 février au Cinéma L’Epée de Bois, Rue Mouffetard, 75005-Paris Carré 35 d’Eric Caravaca.
Carré 35: Casablanca. Cimetière européen. C’est là qu’est enterrée la sœur aînée du metteur en scène, Christine, morte à l’âge de trois ans (1960-1963), et qu’il n’a pas connue. Ses parents ne lui en ont jamais parlé, n’ont gardé aucune image d’elle: ni photo, ni film. Christine était trisomique et souffrait d’une malformation cardiaque, la maladie bleue, souvent associée à la trisomie. L’ histoire familiale se mêle à celle de la colonisation. Les parents du réalisateur ont vécu au Maroc et en Algérie, au moment de la décolonisation. Le documentariste devient détective et historien, reliant le déni de ses parents face à la perte de leur petite fille et celui la France, face aux crimes commis par l’armée en Afrique du Nord.
Ce documentaire autobiographique est émouvant et dérangeant. Eric Caravaca interroge sa mère, enfermée dans le déni. Il questionne aussi son père, malade, et qui va mourir d’une tumeur au cerveau. Ils ne lui donnent pas la même version. Un cousin viendra lui apporter la confirmation de la trisomie inavouable de Christine: «Tout tourne autour de ça…» Carré 35 parle de la mort, mais aussi de la honte, de la honte d’une femme. On est étonné, choqué par l’attitude de cette personne forte, mais on finit par la comprendre. A cette époque, une femme devait donner de beaux enfants. Un point c’est tout!
Eric Caravaca utilise des images nombreuses et diverses: photos, films de famille (le mariage de ses parents, les bains de mer, l’oncle qui s’est noyé aux Baléares), la maison de Casablanca (hier et aujourd’hui), les images d’archives historiques.
A la fin du film, sa sœur existe à nouveau. La photo a été remise sur la tombe du cimetière de Casablanca. Un documentaire d’une heure sept minutes existe.
Ce film me touche particulièrement. Eric Caravaca a réussi son coup. C’est son histoire, c’est mon histoire: l’Afrique du Nord, la famille d’origine espagnole, les petits secrets, la mort, le cimetière, la guerre. Une seule et même personne entretient la tombe de sa sœur depuis les années soixante: une femme dont la mère est enterrée juste à côté. Lorqu’il parviendra à la contacter au téléphone (elle vit maintenant en Espagne), elle lui dira que sa mère s’est suicidée après avoir perdu toute sa fortune lors d’un tremblement de terre à Agadir, l’année de la naissance de Christine. «Quand j’ai pu joindre cette femme au téléphone, elle m’a dit :« Vous parlez à une miraculée : je suis restée huit heures sous les décombres de ma maison. » Quel symbole ! C’est une femme exhumée qui s’occupe de la tombe d’une petite fille dont l’existence a été ensevelie deux fois : sous la terre et dans l’inconscient… »
Je me souviens du tremblement de terre d’Agadir le 29 février 1960 à 23h40. Il dura 15 secondes. Magnitude: 5,9 sur l’échelle de Richter. Il y eut entre 12 000 et 15 000 morts. Un tiers de la population de la ville. Et 25 000 blessés…
Graffiti retrouvé sur les murs des anciens abattoirs de Casablanca en ruine: «It’s all about memories.»
«Ceux qui ont une mémoire peuvent vivre dans le fragile temps présent. Ceux qui n’en ont pas ne vivent nulle part.» Patricio Guzmán, Nostalgie de la lumière.
Le 21 février 1944, les membres du groupe FTP-MOI de Missak Manouchian sont fusillés au Mont Valérien
La liste suivante des 23 membres du groupe Manouchian exécutés par les Allemands signale par la mention (AR) les dix membres que les Allemands ont fait figurer sur l’affiche rouge:
– Celestino Alfonso (AR), Espagnol, 27 ans
– Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944)
– Joseph Boczov [József Boczor; Wolff Ferenc] (AR), Hongrois, 38 ans – Ingénieur chimiste
– Georges Cloarec, Français, 20 ans
– Rino Della Negra, Italien, 19 ans
– Thomas Elek [Elek Tamás] (AR), Hongrois, 18 ans – Étudiant
– Maurice Fingercwajg (AR), Polonais, 19 ans
– Spartaco Fontano (AR), Italien, 22 ans
– Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans
– Emeric Glasz [Békés (Glass) Imre], Hongrois, 42 ans – Ouvrier métallurgiste
– Léon Goldberg, Polonais, 19 ans
– Szlama Grzywacz (AR), Polonais, 34 ans
– Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans
– Cesare Luccarini, Italien, 22 ans
– Missak Manouchian (AR), Arménien, 37 ans
– Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans
– Marcel Rajman (AR), Polonais, 21 ans
– Roger Rouxel, Français, 18 ans
– Antoine Salvadori, Italien, 24 ans
– Willy Schapiro, Polonais, 29 ans
– Amédéo Usséglio, Italien, 32 ans
– Wolf Wajsbrot (AR), Polonais, 18 ans
– Robert Witchitz (AR), Français, 19 ans
Joseph Epstein, dit Colonel Gilles, le supérieur hiérarchique de Missak Manouchian, est arrêté le même jour que lui lors d’un rendez-vous à la gare d’Evry-Petit-Bourg le 16 novembre 1943. Il est torturé pendant plusieurs mois, puis fusillé au fort du Mont-Valérien avec 28 autres résistants, le 11 avril 1944.
Lettre de Missak Manouchian à sa femme, Mélinée
21 février 1944
Ma chère Méline, ma petite orpheline bien aimée,
Dans quelques heures je ne serai plus de ce monde. On va être fusillé cet après midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, j’y ne crois pas, mais pourtant, je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire, tout est confus en moi et bien claire en même temps. Je m’étais engagé dans l’armée de la Liberation en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. Bonheur! à ceux qui vont nous survivre et goutter la douceur de la liberté et de la Paix de demain. J’en suis sûre que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoir dignement. Au moment de mourir je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit. Chacun aura ce qu’il meritera comme chatiment et comme recompense. Le peuple Allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur ! à tous ! — J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendu heureuse. Jaurais bien voulu avoir un enfant de toi comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre sans faute et avoir un enfant pour mon honneur et pour accomplir ma dernière volonté. Marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je lègue à toi et à ta sœur et pour mes neveux. Après la guerre tu pourra faire valoir ton droit de pension de guerre en temps que ma femme, car je meurs en soldat regulier de l’Armée française de la Liberation. Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes ecris qui valent d’être lus. Tu apportera mes souvenirs si possibles, à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades toute à l’heure avec courage et serénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fais mal à personne et si je l’ai fais, je l’ai fais sans haine. Aujourd’hui il y a du soleil. C’est en regardant au soleil et à la belle nature que jai tant aimé que je dirai Adieu! à la vie et à vous tous ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal où qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous à trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendu. Je t’embrasse bien bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaisse de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur.
Adieu.
Ton ami Ton camarade Ton mari Manouchian Michel (djanigt).
P.S. Jai quinze mille francs dans la valise de la Rue de Plaisance. Si tu peus les prendre rends mes dettes et donne le reste à Armène. M.M.
*L’orthographe initiale a été conservée.
Le 5 mars 1955, à l’occasion de l’inauguration de la rue du Groupe Manouchian à Paris 20e, L’Humanité, organe central du parti communiste, publie le poème “Groupe Manouchian” de Louis Aragon. Ce poème est repris l’année suivante par Aragon sous le titre “Strophes pour se souvenir” dans le recueil Le Roman inachevé. En 1959, il est mis en musique et chanté par Léo Ferré sous le titre “L’affiche rouge”.
Vous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant
Vu dimanche 18 février à La Ferme du Buisson (Noisiel) In the Fade de Fatih Akin.
Titre français et international: In the Fade («Dans le dépérissement»)
Titre original allemand: Aus dem Nichts («Hors du néant, A partir de rien»)
Int: Diane Kruger(Katja Sekerci) Numan Acar ( Nuri) Denis Moschitto (Danilo Fava, l’avocat de Katja) Johannes Krisch (Haberbeck, l’avocat des Möller) Hanna Hilsdorf (Edda Möller) Ulrich Brandhoff (André Möller) Ulrich Tukur (Jürgen Möller, le père d’André Möller) Samia Muriel Chancrin (Birgit, la sœur de Katja)
Synopsis
L’histoire se passe à Hambourg.
La vie de Katja est bouleversée par la mort de son fils (Rocco) d’une dizaine d’années et de son mari kurde (Nuri Sekerci ) lors d’un attentat à la bombe. Elle l’avait épousé alors qu’il était en prison. Depuis la naissance de leur fils, Nuri a abandonné le trafic de drogue et a fait des études. Il travaille maintenant dans un bureau de traduction et de contrôle d’ affaires fiscales.
Peu de temps avant l’attentat, Katja avait vu une jeune femme blonde quitter les lieux sans cadenasser son vélo.
L’enquête de la police pense d’abord à un acte de vengeance entre trafiquants de drogue. Plus tard, la police arrête deux suspects, André et Edda Möller, un jeune couple de néo-nazis. Les preuves semblent accablantes, mais en raison des doutes du Tribunal, ils sont acquittés. Katja, inconsolable, est d’abord tentée par l’autodestruction, puis suit les coupables en Grèce pour se venger.
Fatih Akin raconte avec efficacité les manquements de l’État, de la justice et de la société allemande en ce qui concerne les attentats perpétrés par les membres du groupuscule néo-nazi Nationalsozialistischer Untergrund (Parti national-socialiste souterrain-NSU) entre 2000 et 2007 , responsables de l’assassinat de huit immigrés turcs, d’un immigré grec et d’une policière. Il insiste aussi sur les liens entre les différents groupes néo-nazis européens.
Diane Kruger , qui a obtenu le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en mai 2017, incarne parfaitement la détresse de cette femme.
Les critiques sans nuances d’une grande partie presse française (Le Monde, Libération, Télérama et même Positif) me semble caricaturales. Le film est loin d’être parfait (effets trop appuyés, utilisation inutile de la caméra à l’épaule ou du ralenti), mais on le regarde sans déplaisir.
Filmographie de Fatih Akin (né en 1973)
– 1998: L’Engrenage (Kurz und schmerzlos).
– 2000: Julie en juillet (Im Juli).
– 2001: Denk ich an Deutschland – Wir haben vergessen zurückzukehren (documentaire).
– 2002: Solino.
– 2004: Head-On (Gegen die Wand).
– 2005: Crossing the Bridge – The Sound of Istanbul (documentaire).
– 2007: De l’autre côté (Auf der anderen Seite).
– 2009: Soul Kitchen.
– 2012: Polluting Paradise (Müll im Garten Eden) (documentaire).
– 2014: The Cut.
– 2016: Tschick.
– 2017: In the Fade (Aus dem Nichts).
Je n’avais vu jusqu’à présent de ce réalisateur que Head-On (Ours d’or au Festival de Berlin) et De l’autre côté ( Prix du scénario au Festival de Cannes) qui m’avaient paru de bons films. D’autres metteurs en scène allemands comme Volker Schlöndorff (Diplomatie, La Mer à l’aube) Margarethe von Trotta (Hannah Arendt) Edgar Reitz (Heimat- 1: Chronique d’un rêve, Heimat-2: L’Exode) ou Christian Petzold (Barbara, Phoenix) m’intéressent cependant davantage.
Une grande découverte hier au Centre Pompidou: L’exposition Sheila Hicks Lignes de vie 7 février-30 avril 2018. Je ne connaissais du tout pas cette artiste. Les articles de Libération et du Monde avaient attiré mon attention.
Sheila Hicks est née à Hastings (Nebraska) en 1934. Elle étudia à l’université de Yale (Connecticut) durant les années 50 auprès de Joseph Albers (1888-1976), un des piliers du Bauhaus, puisqu’il y enseigna d’octobre 1923 à avril 1933. Sheila Hicks découvrit alors les œuvres d’Anni Albers (1899-1994), artiste textile. Cette dernière, passée maître dans l’art du tissage et de la conception textile, s’est imposée comme la plus grande artiste du XX ème siècle dans cet art.
Sheila Hicks se destinait à la peinture, mais découvrit les textiles du Pérou précolombien. Elle parcourut le Mexique, l’Amérique du Sud, s’initiant aux techniques des tisserands indigènes. Sheila Hicks écrivit une thèse sur les textiles pré-incas et passa sa jeunesse entre le Chili et le Mexique.
Depuis 1964, elle est installée en France.
L’œuvre de Sheila Hicks se situe entre la tapisserie et la sculpture. Elle utilise la laine, le coton et la soie. Aux fils de trame elle ajoute parfois de grosses mèches qui retombent en milieu de panneau sous forme de pompons ou de tresses d’un aspect précieux, quand il s’agit de soie — ou au contraire sauvage, lorsqu’elle travaille la laine brute.
Elle fabrique aussi ce qu’elle appelle des « cordes » et qu’elle fixe sur des fonds tissés ; quand elle les laisse pendre librement, ou quand elle assemble des écheveaux, elle crée avec des fils des objets à trois dimensions. Sheila Hicks travaille dans un atelier situé au fond d’un passage au cœur du Quartier Latin. Elle dirige une petite équipe concentrée sur la réalisation des pièces, souvent destinées à des intégrations architecturales dans le monde entier.
On retrouve dans l’exposition ses lianes, colonnes et empilements de fibre, aux dimensions parfois architecturales, mais aussi les Minimes, petits tissages entrepris dès 1956. Plus d’une centaine sont réunis dans la belle Galerie 3, niveau 1. Elle appelle ses Minimes une “grammaire générative”;
Parmi les 145 oeuvres, créées entre 1957 et aujourd’hui, présentées au Centre Pompidou, figure une vingtaine de pièces données par l’artiste au Musée national d’art moderne.
“Qu’est-ce que mon oeuvre? J’ai étudié la peinture, la sculpture, la photographie et le dessin, mais c’étaient les textiles qui m’attiraient le plus. Je pratique une sorte d’art textile. Je développe des environnements, fabrique des objets avec du fil, tisse des textiles, édifie des sculptures souples, des bas-reliefs; je m’adonne au design et produis des objets utilitaires à partir de fils.”
“Un fil est une ligne qui ne reste pas sur la page, mais que tu tires dans l’espace.”