Ouverture au public de l’institut Giacometti le lundi 26 juin 2018 au 5, rue Victor-Schœlcher, Paris XIVe.
Du 26 juin au 16 septembre 2018, exposition inaugurale: L’atelier d’Alberto Giacometti vu par Jean Genet.
Ouvert sur réservation en ligne par créneau horaire.
Alberto Giacometti (1901-1966) a vécu et travaillé de 1926 à 1966, dans un tout petit atelier au 46, rue Hippolyte-Maindron (XIVe arrondissement), un modeste atelier d’artisan de 24 m², avec mezzanine, au rez-de-chaussée d’une cour. Le confort était spartiate. Pas de cuisine et des toilettes dans la cour. Giacometti y emménage le 1er décembre 1926. De nationalité suisse, il est arrivé à Paris en janvier 1922 pour suivre les cours d’Antoine Bourdelle (1861-1929) à l’Académie de la Grande Chaumière.
L’Institut Giacometti est installé dans l’ancien hôtel particulier de l’artiste-décorateur Paul Follot (1877-1941), près du cimetière du Montparnasse. Cette maison de 350 m², classée aux monuments historiques depuis 2000, a été dessinée par un des pères de l’ Art déco français, beau-frère du grand couturier Paul Poiret (1879-1944). Construite entre 1910 et 1913 avec le concours de l’architecte Pierre Selmersheim, des mosaïques ornent la porte d’entrée et forment un bandeau le long de la façade. Les ferronneries sont attribuées à Edgar Brandt. L’architecte contemporain Pascal Grasso a été chargé de le réaménager tout en conservant ses décors historiques.
L’atelier de Giacometti a été reconstitué au rez-de-chaussée.
Blaise Pascal est né le 19 juin 1623 à Clermont-Ferrand). Il est mort le 19 août 1662 à Paris.
Pensées (Pensée 172 B)
« Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l’arrêter comme trop prompt: si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont plus rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent, d’ordinaire, nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu’il nous afflige ; et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver.
Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent; et, si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais.»
La Sonate au clair de lune (H. Bordeaux)
Les murs sont bons (H. Bordeaux)
Les Beaux draps (L.-F. Céline)
Oeuvres (P.-L. Courier)
” Le courrier qui, souvent, fait bien les choses, m’apporte en même temps deux volumes d’Henry Bordeaux et un livre de M. L.-F. Céline. Ainsi j’ai le choix entre la restriction et l’indigestion. C’est qu’en effet ces deux auteurs ont plus d’un point commun. Leur clientèle est, à peu près, la même et l’excès de l’un correspond aux déficiences de l’autre. Je trouve chez tous deux le besoin d’écrire pour ne pas dire grand’chose. Mais que penser de la vertu sans passion que nous propose M. Bordeaux et de la passion sans vertu que nous recommande M. Céline ? En vérité, si le premier a le souffle court, le second n’a pas de souffle du tout : il est boursouflé et voilà tout. Ses colères sentent le bistro et en cela il est, comme beaucoup d’hommes de lettres, intoxiqué par la moleskine et le zinc. Tout ici est puéril chez l’académicien comme chez son confrère et ce sera un utile sujet de méditation pour nos descendants que la coexistence de ces deux écrivains identiques, d’expression différente.
Je n’ai jamais, pour ma part, pu lire jusqu’au bout un seul de leurs livres. L’ennui, l’ennui total me force à dormir dès les premières pages. Et tous les deux représentent les éléments principaux de notre défaite par l’injustice même de leurs succès. Ah ! qu’un écrivain comme Bernanos donne des leçons à l’un de foi religieuse et à l’autre de férocité ! Mais Bernanos est un « monsieur » et il n’est pas nécessaire d’être d’accord avec lui pour l’aimer et l’admirer. Tandis que les colères de Céline évoquent les fureurs grotesques des ivrognes, tandis que la morale de M. Bordeaux ferait exalter le vice en tant qu’école de vertu. Brave homme l’un, brave gars l’autre ? Je veux bien… Mais à quoi bon… à quoi bon les lire? Je vois bien pour qui ils écrivent. Je ne vois pas pourquoi.
Mais le même courrier m’apportait en même temps l’admirable édition par M. Maurice Allem des Oeuvres complètes de Paul-Louis Courier. Cette collection de la Pléiade est un chef-d’oeuvre. Je vais faire des économies pour me la procurer. Lisible, pratique, savante sans pédanterie, c’est un des motifs d’orgueil les plus légitimes de l’édition française.
Mais aussi quel réconfort que de lire Courier (que j’ai omis de citer la semaine dernière dans une liste hâtive d’écrivains militaires dont il est précisément l’exemple le plus typique)! La phrase est directe, simple, savante, fleurie sans être ornée. Elle va droit au but comme une flèche. Elle fait appel à toutes les ressources de la langue. Comme je comprends que Stendhal ait aimé ces opuscules où quatre ou cinq pages en disent plus que les pesants volumes de M. Céline, déplorable disciple d’Honoré d’Urfé, de M. Céline qui écrit gras exactement comme on écrivait précieux au XVIIè siècle. Je voudrais que tous les Français lisent Courier. C’est une école de civisme et, pour employer un mot cher à Corneille, d’esprit républicain. Je retrouve en lui le goût de la justice et du droit qui caractérise les Français. C’est ce goût qui fait notre valeur et justifie l’existence de notre nation. Oui, nous aimons les procès mais, en conséquence, nous aimons les lois, les lois justes et nous sommes tous plus ou moins experts en lois. Au surplus, Paul-Louis Courier apprend moins à penser qu’à s’exprimer. Et cela est bien, car nous avons suffisamment de sources de pensée en France. On a dit qu’il devait ce style vif et délié à l’emploi des vers blancs, aux citations – elles sont nombreuses – dont son oeuvre est semée. Cette caractéristique, nous la retrouvons dans un style bien différent et bien admirable aussi: celui de Michelet. Mais les vers blancs de Courier semblent empruntés à une tragédie classique et ceux de Michelet à un drame romantique. Arrêtons-nous ici, cela nous entraînerait trop loin… Mais lisez Paul-Louis Courier, je vous promets de belles surprises. ”
Robert DESNOS, Aujourd’hui (Interlignes), 3 mars 1941
Sommation
L’an mille neuf cent quarante et un, le 4 mars, à la requête de M. Louis Destouches, dit Louis-Ferdinand Céline, demeurant à Paris, 11, rue Marsollier (2 ème) etc.
J’ai, Lucien Poré, huissier près du Tribunal civil de la Seine, etc. (…) Que, dans le numéro dudit journal (Aujourd’hui), en date du lundi 3 mars 1941, etc. a paru un article «Interlignes», etc. Pourquoi j’ai, huissier susdit et soussigné, fait sommation… d’avoir à insérer… la réponse ci-dessous transcrite :
“Monsieur le Rédacteur en chef,
Votre collaborateur Robert Desnos est venu dans votre numéro 3 du 3 mars 1941 déposer sa petite ordure rituelle sur les « Beaux draps ». Ordure bien malhabile si je la compare à tant d’autres que mes livres ont déjà provoquées – un de mes amis détient toute une bibliothèque de ces gentillesses. Je ne m’en porte pas plus mal, au contraire, de mieux en mieux. M. Desnos me trouve ivrogne, « vautré sur moleskine et sous comptoirs », ennuyeux à bramer moins que ceci… pire que cela…Soit ! Moi je veux bien, mais pourquoi M. Desnos ne hurle-t-il pas plutôt le cri de son cœur, celui dont il crève inhibé… « Mort à Céline et vivent les Juifs ! » M. Desnos mène, il me semble, campagne philoyoutre ( et votre journal ) inlassablement depuis juin. Le moment doit être venu de brandir enfin l’oriflamme. Tout est propice. Que s’engage-t-il, s’empêtre-t-il dans ce laborieux charabia ?… Mieux encore, que ne publie-t-il, M. Desnos, sa photo grandeur nature face et profil, à la fin de tous ses articles ?
La nature signe toutes ses œuvres – « Desnos », cela ne veut rien dire.
Va-t-on demander au serpent ce qu’il pense de la mangouste ? Ses sentiments sont bien connus, naturels, irrémédiables, ceux de M. Desnos aussi. Le tout est un peu de franchise. Voici tout ce qu’il m’importait de faire savoir à vos lecteurs, réponse que je vous prie d’insérer, en même lieu et place, dans votre prochain numéro.
Veuillez agréer, je vous prie, monsieur le Rédacteur en chef, l’assurance de mes parfaits sentiments. ”
L.-F. Céline
Lui déclarant, etc.
Dont acte sous toutes réserves, etc. Le tout conformément à la loi. Coût : soixante dix-huit francs quarante centimes.
Nous avons communiqué la sommation ci-dessus à notre collaborateur Robert Desnos, dont nous publions les quelques lignes suivantes :
” La réponse de M. Louis Destouches, dit « Louis-Ferdinand Céline », est trop claire pour qu’il soit nécessaire de commenter chaque phrase. Au surplus, les lecteurs n’auront qu’à se référer à mon article de lundi dernier. Je crois utile cependant de souligner la théorie originale suivant laquelle un « critique littéraire » n’a qu’une alternative : ou crier «Mort à Céline ! » ou crier : « Mort aux Juifs ! ». C’est là une formule curieuse et peu mathématique dont je tiens à laisser la responsabilité à M. Louis Destouches, dit « Louis-Ferdinand Céline ». Robert Desnos dit « Robert Desnos »
Robert Desnos fait « la drôle de guerre » comme sergent en Lorraine. Il stigmatise « les bobards de ceux qui, pour éviter la fascisation de la France, laisseraient volontiers Hitler triompher. On se demande s’ils sont fous » (Lettre du 11 janvier 1940). Il est lucide en juin 1940 et affirme déjà ce que sera son attitude pendant l’Occupation : « Il faut prendre les événements sérieusement mais pas désespérément (…). Les Allemands instituent une nouvelle règle du jeu et la jouent rigidement. Maintenant, nous allons tricher. » (Lettre à Youki du 7 juin 1940) Prisonnier, il pense à l’avenir et relativise la défaite : « Il faut mettre les choses au pire. C’est-à-dire victoire d’Hitler et garder de côté nos espoirs, sûr: puissance de l’Angleterre; possible: attitude des USA; douteux: intervention des URSS. (…) L’histoire d’un pays vivant est faite de cela [les défaites] et quant aux pertes de territoires elles sont la rançon de l’activité et de la vie (…). Non ce qui importe c’est le degré de vassalité auquel nous serons réduits et partant de combien nos libertés seront hypothéquées et notre vie sociale diminuée. En ce sens il nous faudra du courage mais je suis dès maintenant sûr d’en sortir en deux ou trois ans. » (Lettre du 3 juillet 1940)
Il est démobilisé le 22 août. Il rentre à Paris et débute comme chef des informations au quotidien Aujourd’hui, commandité par Roger Capgras. Ses rédacteurs en chef sont Henri Jeanson et Robert Perrier. L’espoir d’y maintenir une certaine liberté de parole est de courte durée. En effet, Henri Jeanson est arrêté en novembre, ayant refusé de publier des articles favorables à la loi sur le « statut des Juifs », adoptée le 3 octobre par Vichy, ainsi qu’à l’entrevue de Montoire du 24 octobre. A partir du 3 décembre, le journal est contrôlé par les Allemands. Georges Suarez, qui sera fusillé le 9 novembre 1944 pour faits de collaboration, devient son directeur politique. En accord avec Jeanson, Desnos reste au journal comme « courriériste littéraire ». Il dispose d’un salaire fixe, d’un Ausweis professionnel qui lui permet de circuler la nuit et capte des informations recueillies au journal avant censure. Désormais, il peut « tricher » . Dans les articles qu’il publie, il n’abdique pas ses idées: « Si je n’écris pas tout ce que je pense, je pense tout ce que j’écris », écrit-il à François Mauriac le 3 janvier 1941. Dès le 14 septembre 1940, il a fustigé l’esprit de délation qui règne dans Paris par un article intitulé « J’irai le dire à la Kommandantur. » Dans sa chronique du 3 mars 1941, il n’épargne pas Les Beaux draps de Céline qui le 7 mars suivant fait insérer par sommation d’huissier une protestation dans laquelle Desnos est accusé de mener une « campagne philoyoutre » et d’être juif lui-même : « Que ne publie-t-il, M. Desnos, sa photo grandeur nature, face et profil, à la fin de tous ses articles? . » Le 16 septembre 1942, Desnos critique sans aménité la traduction des Poèmes d’Edgar Poe par Pierre Pascal, rédacteur du journal pronazi L’ Appel. Ce dernier envoie une lettre vengeresse à Suarez et à Desnos. Il traite le poète d’ « antifasciste, enjuivé, perdu de tout ». En avril 1942, Robert Desnos gifle Alain Laubreaux, journaliste fasciste et antisémite à Je suis partout, qui jouera un rôle déterminant en 1944 dans sa déportation. En 1943, il ne publie que des critiques de disques, mais restera dans le journal jusqu’à son arrestation.
Après la « rafle du Vel d’hiv », en juillet 1942, il s’engage dans le réseau de renseignement « Agir » , créé par Michel Hollard. Du 25 juillet 1942 au 22 février 1944, il transmet des informations recueillies au journal, fabrique de fausses pièces d’identité pour les membres du réseau et des Juifs en difficulté et cache chez lui des réfractaires au STO ou des résistants. A l’automne 1943, le réseau est menacé par l’infiltration d’agents doubles. Par l’intermédiaire de Jacques Prévert, Desnos rencontre André Verdet, membre du réseau Combat, venu de la zone Sud pour constituer un groupe d’action immédiate. Il accepte d’apporter son concours à ce groupe, tout en continuant à appartenir à Agir. En février 1944, les deux réseaux sont démantelés.
Le 22 février, un coup de téléphone l’avertit de l’arrivée imminente de la Gestapo chez lui, mais Desnos refuse de fuir de crainte qu’on emmène Youki, sa compagne, qui se droguait à l’éther. Interrogé rue des Saussaies, il est envoyé à la prison de Fresnes. Il y reste du 22 février au 20 mars. Il est ensuite transféré au camp de Compiègne. Le 27 avril, le poète fait partie d’un convoi de mille sept cents hommes, le fameux convoi dit « Pucheu », direction Auschwitz où il arrive le 30 avril au soir. Il est ensuite emmené à Buchenwald. Il y est le 14 mai et repart deux jours plus tard pour Flossenbürg. Le convoi qui ne compte plus qu’un millier d’hommes y arrive le 25 mai. Les 2 et 3 juin, un groupe de quatre-vingt-cinq hommes, dont Desnos, est acheminé vers le camp de Flöha, en Saxe. Les prisonniers fabriquent des carlingues de Messerschmitt 109. Le 14 avril 1945, le camp est évacué. Beaucoup de prisonniers meurent épuisés par les marches forcées ou sont abattus par les gardiens. Le 7-8 mai, les rescapés – dont Desnos – arrivent au camp de concentration de Terezín (Theresienstadt) en Tchécoslovaquie.
Là, les survivants sont abandonnés dans des cellules de fortune ou expédiés au Revier, l’infirmerie. Les poux pullulent, le typhus fait rage. Les SS prennent la fuite. L’ Armée rouge et les partisans tchèques pénètrent dans le camp. Plusieurs semaines après la libération, un étudiant tchèque, Joseph Stuna consulte la liste des malades et lit: « Robert Desnos, né en 1900, nationalité française . » Il sait qui est Desnos, car il connaît les surréalistes, a lu André Breton et Paul Éluard. Avec l’aide de l’infirmière Aléna Tesarova, qui parle bien le français, il retrouve le poète et le veille. Desnos aurait appelé ce moment son « matin le plus matinal ». Le 8 juin 1945, à 5 h 30 du matin, Robert Desnos meurt du typhus. Il avait 44 ans. Son corps sera incinéré. Ses cendres seront remises à la France et déposées dans le caveau familial au cimetière Montparnasse.
Source: Desnos, Oeuvres, Gallimard, Quarto 1999. Edition présentée et commentée par Marie-Claire Dumas.
Avec le bois tendre et dur de ces arbres, avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau combien ferait-on de ciels, combien d’océans, combien de pantoufles pour les jolis pieds d’Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau.
Avec le ciel combien ferait-on de regards, combien d’ombres derrière le mur, combien de chemises pour le corps d’Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel.
Avec les océans combien ferait-on de flammes, combien de reflets au bord des palais, combien d’arcs-en-ciel au-dessus de la tête d’Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans.
Avec les pantoufles combien ferait-on d’étoiles, de chemins dans la nuit, de marques dans la cendre, combien monterait-on d’escaliers pour rencontrer Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans, avec les pantoufles.
Mais Isabelle la vague, vous m’entendez, n’est qu’une image du rêve à travers les feuilles vernies de l’arbre de la mort et de l’amour.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau.
Qu’elle vienne jusqu’à moi dire en vain la destinée que je retiens dans mon poing fermé et qui ne s’envole pas quand j’ouvre la main et qui s’inscrit en lignes étranges.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel.
Elle pourra mirer son visage et ses cheveux au fond de mon âme et baiser ma bouche.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans.
Elle pourra se dénuder, je marcherai à ses côtés à travers le monde, dans la nuit, pour l’épouvante des veilleurs. Elle pourra me tuer, me piétiner ou mourir à mes pieds.
Car j’en aime une autre plus touchante qu’Isabelle la vague.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans, avec les pantoufles.
Les ténèbres (1927), paru dans Corps et Biens , Poésie /Gallimard.
“La blasfemia forma parte de la religión popular. Desconfiad de un pueblo donde no se blasfema: lo popular allí es el ateísmo. Prohibir la blasfemia con leyes punitivas, más o menos severas, es envenenar el corazón del pueblo, obligándole a ser insincero en su diálogo con la divinidad. Dios, que lee en los corazones, ¿se dejará engañar? Antes perdona Él -no lo dudéis- la blasfemia proferida que aquella otra hipócritamente guardada en el fondo del alma o, más hipócritamente todavía, trocada en oración.
***
Mas no todo es folklore en la blasfemia, que decía mi maestro Abel Martín. En una facultad de Teología bien organizada es imprescindible – para los estudios del doctorado, naturalmente – una cátedra de Blasfemia, desempeñada, si fuera posible, por el mismo Demonio.
***
-Continúe usted, señor Rodríguez, desarrollando el tema”.
-En una república cristiana – habla Rodríguez, en ejercicio de oratoria – democrática y liberal, conviene otorgar al Demonio carta de naturaleza y de ciudadanía, obligarle a vivir dentro de la ley, prescribirle deberes a cambio de concederle sus derechos, sobre todo el específicamente demoniaco: el derecho a la emisión del pensamiento. Que como tal Demonio nos hable, que ponga cátedra, señores. No os asustéis. El Demonio, a última hora, no tiene razón; pero tiene razones. Hay que escucharlas todas”.
Emmanuel Macron a élevé lundi Daniel Cordier, âgé de 97 ans, au grade de Grand-Croix de la Légion d’honneur. Ils ont assisté ensuite au Mont Valérien aux commémorations de l’Appel du 18 juin, lancé il y a 78 ans par le général De Gaulle.
“Ça me bouleverse. Je vais très, très, très bien. Ce qui est curieux c’est que ça dure si longtemps. Mais enfin, je suis prêt à tout”, a ajouté le nonagénaire.
Daniel Cordier, ancien résistant et secrétaire de Jean Moulin, est l’un des cinq derniers Compagnons de la Libération encore en vie, sur les 1.038 qui avaient été distingués pour leur engagement au sein de la France libre. Il défend la mémoire de Jean Moulin depuis la fin des années 70 ( cf. 2009 : Alias Caracalla : mémoires, 1940-1943, Paris, éd. Gallimard).
Les quatre autres – Guy Charmot, Hubert Germain, Pierre Simonet et Edgard Tupët-Thomé – ont entre 96 et 103 ans. Le dernier d’entre eux qui décèdera sera inhumé au Mont-Valérien, à Suresnes (Hauts-de-Seine). Ce site a été le principal lieu d’exécution de résistants et d’otages par l’armée allemande durant la Seconde guerre mondiale. Le général de Gaulle y a inauguré le Mémorial de la France combattante le 18 juin 1960.
Marc Bloch, l’historien et résistant a été assassiné par les Allemands le 16 juin 1944 à Saint-Didier-de-Formans (Ain), en même temps que 29 autres résistants. Cest le fondateur avec Lucien Febvre des Annales d’histoire économique et sociale en 1929.
“Je suis Juif, sinon par la religion, que je ne pratique point, non plus que nulle autre, du moins par la naissance. Je n’en tire ni orgueil ni honte, étant, je l’espère, assez bon historien pour n’ignorer point que les prédispositions raciales sont un mythe et la notion même de race pure une absurdité particulièrement flagrante, lorsqu’elle prétend s’appliquer, comme ici, à ce qui fut, en réalité, un groupe de croyants, recrutés, jadis, dans tout le monde méditerranéen, turco-khazar et slave.
Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisémite.
Mais peut-être les personnes qui s’opposeront à mon témoignage chercheront-elles à le ruiner en me traitant de « métèque ». Je leur répondrai, sans plus, que mon arrière-grand-père fut soldat, en 1793; que mon père en 1870, servit dans Strasbourg assiégé ; que mes deux oncles et lui quittèrent volontairement leur Alsace natale, après son annexion au IIeme Reich; que j’ai été élevé dans le culte de ces traditions patriotiques, dont les Israélites de l’exode alsacien furent toujours les plus fervents mainteneurs; que la France, enfin, dont certains conspireraient volontiers à m’expulser aujourd’hui et peut-être (qui sait?) y réussiront, demeurera, quoi qu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur . J’y suis né, j’ ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux .” L’étrange défaite, 1940.
Testament spirituel de Marc Bloch, écrit le 18 mars 1941:
“Je n’ai point demandé que sur ma tombe fussent récitées les prières hébraïques, dont les cadences pourtant, accompagnèrent vers leur dernier repos tant de mes ancêtres et mon père lui-même. Je me suis, toute ma vie durant efforcé de mon mieux vers une sincérité totale de l’expression et de l’esprit. Je tiens la complaisance envers le mensonge, de quelques prétextes qu’elle puisse se parer, pour la pire lèpre de l’âme. Comme un beaucoup plus grand que moi, je souhaiterais volontiers que, pour toute devise, on gravât sur ma pierre tombale ces simples mots Dilexit Véritatem.”
La Pléiade vient de publier une nouvelle édition des Misérables. Publié en 1862, ce roman est devenu célèbre dès sa publication dans le monde entier. La première édition en Pléiade, sous la direction de Maurice Allem, datait de 1951. L’édition de 2018 a été confiée à Henri Scepi et Dominique Moncond’huy. Elle se fonde sur l’édition originale publiée à Bruxelles, de mars à juin 1862, par Lacroix, Verboeckhoven et Cie. Victor Hugo déclara la même année: “Depuis que j’ai MM. Lacroix, Verboeckhoven et Cie pour éditeurs, c’est toujours l’édition belge princeps qui doit servir de type aux éditions futures”.
Antoine Compagnon, Professeur de littérature française au Collège de France, a récemment publié chez Gallimard, Les Chiffonniers de Paris. Dans le Nouveau Magazine Littéraire n°5 de Mai 2018, il affirme: “En faisant des chiffonniers les personnages clés de son époque et des Misérables, Victor Hugo exalte le cycle de la matière et s’insurge contre le gaspillage naissant. Le roman lui-même est le grand oeuvre d’un glaneur.”
Notre fumier est or
«La science, après avoir longtemps tâtonné, sait aujourd’hui que le plus fécondant et le plus efficace des engrais, c’est l’engrais humain. Les chinois, disons-le à notre honte, le savaient avant nous. Pas un paysan chinois, c’est Eckeberg qui le dit, ne va à la ville sans rapporter, aux deux extrémités de son bambou, deux seaux pleins de ce que nous nommons immondices. Grâce à l’engrais humain, la terre en Chine est encore aussi jeune qu’au temps d’Abraham. Le froment chinois rend jusqu’à cent vingt fois la semence. Il n’est aucun guano comparable en fertilité au détritus d’une capitale. Une grande ville est le plus puissant des stercoraires. Employer la ville à fumer la plaine, ce serait une réussite certaine. Si notre or est fumier, en revanche, notre fumier est or.
Que fait-on de cet or fumier? on le balaye à l’abîme.
On expédie à grands frais des convois de navires afin de récolter au pôle austral la fiente des pétrels et des pingouins, et l’incalculable élément d’opulence qu’on a sous la main, on l’envoie à la mer. Tout l’engrais humain et animal que le monde perd, rendu à la terre au lieu d’être jeté à l’eau, suffirait à nourrir le monde.
Ces tas d’ordures du coin des bornes, ces tombereaux de boue cahotés la nuit dans les rues, ces affreux tonneaux de la voirie, ces fétides écoulements de fange souterraine que le pavé vous cache, savez-vous ce que c’est? C’est de la prairie en fleur, c’est de l’herbe verte, c’est du serpolet et du thym et de la sauge, c’est du gibier, c’est du bétail, c’est le mugissement satisfait des grands bœufs le soir, c’est du foin parfumé, c’est du blé doré, c’est du pain sur votre table, c’est du sang chaud dans vos veines, c’est de la santé, c’est de la joie, c’est de la vie.»
Victor Hugo, «La terre appauvrie par la mer», Les Misérables, V ème partie, livre II, Ch.I.
Après avoir prévu une longue préface philosophique qu’il laissa inachevée, Victor Hugo choisit pour son plus gros roman la plus courte des préfaces : une seule phrase.
“Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.”
Vu lundi 11 juin au Centre Pompidou l’exposition Jean-Jacques Lebel l’outrepasseur.
J’ y suis allé avec une certaine curiosité. J’avais beaucoup apprécié les pièces que Jean-Jacques Lebel avait présentées dans les expositions collectives, 1917 (Centre Pompidou-Metz, 2013) et Les Désastres de la Guerre (Louvre-Lens, 2014).
Dans ma bibliothèque, j’ai retrouvé La poésie de la Beat Generation (Textes traduits et présentés par Jean-Jacques Lebel. Denoël, 1965) et La Double vue de Robert Lebel (Deyrolle éditeur, 1993 (1ère édition, collection «Le Soleil Noir», 1964). Robert Lebel (1901-1986), son père, historien d’art s’exila à New York en 1939. Il participa aux activités et publications des surréalistes et fut, en 1959, l’auteur de la première monographie consacrée à Marcel Duchamp.
Jean-Jacques Lebel est né à Paris en 1936. Installé à New York avec sa famille pendant la Seconde Guerre Mondiale, il a rencontré, très jeune, Billie Holliday en 1948, mais aussi André Breton, Benjamin Péret, Max Ernst, Claude Lévi-Strauss, Marcel Duchamp.
Breton l’a aidé à trouver sa place. “Mes parents ne savaient plus quoi faire de moi, Breton est le premier à m’avoir dit : “Vous tenez le bon bout.” Et nous avons commencé à aller aux Puces ensemble, où je cherchais des objets de dépaysement comme ces douilles sculptées par des poilus pendant la Première Guerre mondiale.”
J’ai retrouvé dans les vitrines du Centre Pompidou certains des livres de Jean-Jacques Lebel que je connaissais, par exemple L’Internationale Hallucinex, ensemble de documents dépliants in-8°, sous boîte carton imprimée rouge vif. (Paris, Le Soleil Noir, 1970). Cet ensemble contient des textes de Burroughs, Pélieu, Weissner, Nuttal, Sanders, Goutier, Kahn qui ont eu leur importance dans l’effervescence post-1968.
Jean-Jacques Lebel n’aime pas le mot «exposition». Il préfère le terme de«montrage», concept inventé par le peintre et réalisateur Robert Lapoujade (1921-1993). On retrouve à Beaubourg une partie de son activité des années 1950-60. Exclu du mouvement surréaliste en 1960 avec Alain Jouffroy, à la même époque, il traduit en français et publie William Burroughs, Allen Ginsberg, Michael McClure, Lawrence Ferlinghetti et Gregory Corso.
En 1960, il sera l’auteur, à Venise, de L’Enterrement de « La Chose » de Tinguely, sculpture jetée dans la lagune, ce qui est considéré comme le premier happening européen. Il a publié le premier essai critique en français sur ce type d’actions. En 1979, il lance le festival pluridisciplinaire Polyphonix, mêlant arts plastiques, vidéo, musique, performance, poésie, festival qui existe encore aujourd’hui.
En 1961, il prend l’initiative du Grand Tableau Antifasciste collectif, dont le sujet est la torture pendant la Guerre d’Algérie et sera sequestré par la Questura de Milan pendant 23 ans.
En 1968, Jean-Jacques Lebel prend part aux activités du « Mouvement du 22 mars », puis du Groupe anarchiste « Noir et Rouge » et à « Informations et correspondances ouvrières ». Il suit l’enseignement de Gilles Deleuze à la faculté de Vincennes et sera l’ami de Félix Guattari.
En 2016, Jean-Jacques Lebel a été co-commissaire de l’exposition rétrospective consacrée à la Beat Generation au Musée national d’Art moderne / Centre Georges Pompidou, Paris.
“Ce que l’on demande au regardeur, en somme, c’est de participer à l’insurrection de l’art et de cesser d’être un voyeur, un témoin passif, un consommateur résigné.” (1966)
“La seule chose nécessaire aujourd’hui, c’est de faire irruption dans le monde de l’art pour déciller les yeux, pour ouvrir les regards.”
L’exposition commence assez significativement par un Hommage à Billie Holliday (1959, Collection particulière). Elle est intéressante, mais m’a semblé d’une qualité un peu irrégulière.
J’ai écouté ensuite avec plaisir en podcast l’émission L’Heure bleue de Laure Adler sur France Inter: Jean-Jacques Lebel, engagé, 53’.
Jean-Jacques Lebel explique son parcours et écoute les archives proposées par Laure Adler:
Archive Ina de 1954 (au micro d’Emmanuel Berl et Maurice Clavel): Georges Bataille parle de son enfance. Lebel insiste sur l’importance qu’a eu Georges Bataille sur lui. Il évoque aussi la figure de Simone Weil évoquée dans Le Bleu du ciel.
Archive du 13 janvier 1947: Antonin Artaud. Conférence au Vieux Colombier.
Archive Ina du 22 mars 1996: Allen Ginsberg lit un de ses poèmes.