La librairie Lagun ( compañero en euskera ) de San Sébastien (Donostia, Urdaneta, 3 où elle se trouve depuis 2001 ) va fermer ce week-end définitivement à cause de la baisse de son chiffre d’affaires.
Créée en 1968, pendant 55 ans elle a été un symbole de culture et de liberté. Ses fondateurs Ignacio Latierro, María Teresa Castells (1935-2017) et Ramón Recalde (1930-2016) étaient des démocrates antifranquistes. Elle s’est installée d’abord Plaza de la Constitución, dans la vieille ville, fief des nationalistes. Elle a dû subir dans les années 70 les bombes incendiaires de l’extrême droite (Guerrilleros de Cristo Rey), puis dans les années 90 les menaces et les attaques des nationalistes radicaux qui soutenaient l’ETA (militants de la kale borroka). Ces derniers en vinrent même à saccager la boutique et à brûler des livres au milieu de la place, y compris les manuels d’euskera (11 janvier 1997).
Ignacio Latierro a confirmé la décision de fermeture. La librairie avait été fondée dans le contexte d’effervescence culturelle qui a marqué les dernières années du franquisme. Elle vendait les romans du boom latino-américain, mais aussi les livres de sciences humaines et d’histoire, interdits par la dictature (ainsi ceux de Ruedo Ibérico, la maison d’édition installée à Paris en 1961 par cinq réfugiés espagnols, dont José Martínez Guerricabeitia, principal animateur de la maison. Sa librairie se trouvait rue de Latran n°6. V arrondissement. Elle disparaîtra en 1982.)
Les trois fondateurs étaient des militants engagés et très courageux. Ramón Recalde fut mitraillé par les terroristes de l’ETA le 14 septembre 2000 quand il rentrait chez lui. Cet avocat, militant du FLP, puis du PSOE, emprisonné et torturé pendant la période franquiste survécut, mais garda de graves séquelles après cet attentat. La librairie dut fermer pendant plusieurs mois. Recalde a publié en 2004 Fe de vida, XVII Prix Comillas de biographie.
Les photos prises pendant la guerre civile espagnole par Robert Capa, Gerda Taro ou Agustí Centelles sont aujourd’hui très célèbres. On a découvert plus récemment celles d’ Antoni Campañá (1906-1989). La plus connue est : Barcelone. Milicienne sur une barricade au carrefour des Ramblas et de la Calle Hospital le 25 juillet 1936.
On connaît depuis peu son identité. Il s’agit d’Anita Garbín Alonso, une couturière anarchiste. Elle se trouve sur une barricade devant le drapeau rouge et noir des anarchistes de la CNT-FAI. On voit au fond La Casa de los Paraguas. Cette maison insolite, remodelée parJosep Vilaseca en 1883, est ornée d’ombrelles et d’un dragon. C’ est aujourd’hui une succursale bancaire. Le cliché a été souvent reproduit par les anarchistes sur des affiches, des livres, des fresques. On a même surnommé cette femme, jusque-là anonyme, “ la Madona anarquista ”.
Ce n’est qu’en 2018 que l’on a su qui était l’auteur de la photographie : Antoni Campañà. Son petit-fils, Toni Monné a découvert alors deux caisses rouges qui contenaient des milliers de photos de la guerre (1200 copies et 5000 négatifs) lorsqu’on allait détruire la vieille maison familiale de San Cugat del Vallès. Le photographe les a cachées jusqu’à sa mort en 1989. Pendant la dictature franquiste, Campañá était surtout connu pour ses photos artistiques, ses photos de sport, de fêtes et des clichés qui mettaient en valeur le développement touristique. Pendant la guerre, ce n’était pas un photographe engagé. Il photographiait les réfugiés qui fuyaient la répression franquiste, mais aussi les églises détruites et les religieuses assassinées. Il venait d’une famille bourgeoise, nationaliste et catholique. En 1944, Francisco Lacruz a utilisé certaines de ses photos dans son livre El alzamiento, la revolución y el terror en Barcelona 19 de julio de 1936 – 26 de enero de 1939. A ce moment-là, Campañà a décidé de cacher les autres photos prises pendant la guerre. Et il a été un peu oublié.
Anita Garbín Alonso, elle, est née à Almería, en Andalousie en 1915. Ses parents ont émigré à Barcelone en 1920. Elle a 21 ans en 1936. Elle est divorcée d’un premier mari et a une fille de trois ans, Liberty. A la fin de la Guerre Civile, avec ses cinq frères et soeurs, elle a fui en France et a vécu à Béziers. Comme beaucoup d’exilés, cette couturière n’est jamais retournée en Espagne. Elle est morte en 1977 et est enterrée dans le cimetière de la ville. Anita appartenait à une famille anarchiste, mais elle était aussi catholique. Elle allait régulièrement à l’église, allumait des cierges et priait.
Une sélection des photos de Campañà a été exposée en 2021 au Musée national d’Art de Catalogne (MNAC) de Barcelone (La guerra infinita. Antoni Campañà. La tensión de la mirada. 1906-1989). François Gómez Garbín, neveu d’ Anita, et son épouse, Liliane Hoffman, ont visité l’exposition et ont reconnu leur tante Anita. Ils ont rencontré aussi Toni Monné.
Une autre exposition (Icônes cachées. Les images méconnues de la guerre d’Espagne) vient de commencer à Montpellier ( du 29 juin au 24 septembre 2023 au Pavillon Populaire, Esplanade Charles de Gaulle ). L’ identité de cette icone anarchiste a été révélée par les journaux espagnols ces jours-ci.
Pepito Lumbreras Garbín, fils d’Anita et de José Lumbreras, un communiste espagnol, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, comme ses cousins Alain Gómez Garbín et François Gómez Garbín sont aujourd’hui retraités. Ils ont récupéré la nationalité espagnole grâce à la Loi de Mémoire Historique (Ley de Memoria Histórica) de 2007. Chez les Garbín, on ne parlait jamais de la guerre civile. La mère était anarchiste, le père communiste. Le passé était trop douloureux.
Le 18 juin 2023, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, le 21 février 2024, 80 ans après son exécution. Il sera accompagné de son épouse Mélinée Manouchian. Missak Manouchian est né en 1906 en Arménie. Il rejoint la France en 1925 après le génocide arménien. Écrivain et poète, il adhère au Parti communiste en 1934. En 1943, il devient le chef des FTP-MOI de la région parisienne. Le 16 novembre 1943, à l’issue d’une filature policière de plusieurs mois, il est arrêté alors qu’il avait rendez-vous avec Joseph Epstein. Interrogé et torturé, il est condamné à mort et fusillé avec ses 21 camarades au Mont-Valérien le 21 février 1944. Olga Bancic, seule femme du groupe condamnée à mort avec eux, est, elle, transférée en Allemagne et guillotinée. A travers leur entrée au Panthéon, c’est l’engagement des étrangers en résistance qui est enfin mis en lumière. (Hauts lieux de la mémoire en Île-de-France.)
Hommage à Joseph Epstein, chef des FTPF de l’Île-de-France, fusillé le le 11 avril 1944 au Mont-Valérien et à Celestino Alfonso, communiste, volontaire en Espagne républicaine, résistant FTP-MOI.
Dernière lettre écrite de Missak Manouchian à sa femme Mélinée le 21 février 1944 à la prison de Fresnes, quelques heures avant qu’il soit fusillé au fort du Mont Valérien.
21 février 1944
Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous… J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération.
Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine.
Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu.
Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel
P.S. J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène.
Cette lettre n’a été envoyée à la famille que le 28 novembre 1944.
Louis Aragon, Strophes pour se souvenir, 1955 (chanson de Léo Ferré, 1959). J’ai toujours aimé la version chantée par Marc Ogeret…
L’hispaniste, d’origine irlandaise, Ian Gibson, a remporté le XXXV Prix Comillas 2023 pour son livre autobiographique Un carmen En Granada. Memorias de un hispanista dublinés. Tusquets Editores. Ce prix est remis tous les ans à des biographies ou à des mémoires.
Né le 21 avril 1939 dans une famille irlandaise, protestante et aisée, son enfance et sa jeunesse ont été marquées par le puritanisme. Il raconte avec courage et honnêteté ses souvenirs d’enfance et d’adolescence. Venu en Espagne en 1965 pour finir sa thèse de doctorat sur l’oeuvre de jeunesse de Federico García Lorca, il s’y est installé définitivement en 1978. Il publie son premier livre en 1971 La represión nacionalista de Granada en 1936 y la muerte de Federico García Lorca (Paris, Ruedo Ibérico), interdit en Espagne par le régime franquiste. Il obtient la nationalité espagnole en 1984. il vit aujourd’hui à Madrid, dans le quartier cosmopolite de Lavapiés.
Oeuvres : 1971 La represión nacionalista de Granada en 1936 y la muerte de Federico García Lorca. 1980 En busca de José Antonio. 1982 La noche que mataron a Calvo Sotelo. 1983 Paracuellos, cómo fue. 1985-87 Federico García Lorca. 1986 Queipo de Llano. Sevilla, verano de 1936. 1989 En Granada, su Granada… Guía a la Granada de Federico García Lorca. 1998 Vida, pasión y muerte de Federico García Lorca. 1998 La vida desaforada de Salvador Dalí. 1999 Lorca-Dalí, el amor que no pudo ser. 2002 Yo, Rubén Darío. Memorias póstumas de un Rey de la Poesía (roman). 2004 Cela, el hombre que quiso ganar. Dalí joven, Dalí genial. 2006 Ligero de equipaje. La vida de Antonio Machado. 2007 Cuatro poetas en guerra. 2008 El hombre que detuvo a García Lorca. Ramón Ruiz Alonso y la muerte del poeta. 2009 Caballo azul de mi locura. Lorca y el mundo gay. 2012 La berlina de Prim (roman). 2013 Luis Buñuel. La forja de un cineasta universal.
J’ai lu avec plaisir son autobiographie, en particulier les trois dernières parties ( IV : Granada y Lorca : el año milagroso 1965-1966. V : Belfast, huida a Londres…y a Europa 1966-1975. VI : Después.)
Deux extraits significatifs :
« Había confirmado mi decisión, además, la lectura de un libro del hispanista francés Claude Couffon, titulado, Á Grenade, sur les pas de García Lorca, publicado en 1962 en París. Reproducía, entre otros, un artículo sensacional del autor sobre las últimas horas del autor del Romancero gitano dado a conocer en Le Figaro Littéraire en 1951. Couffon dejaba deslizar que poseía un ejemplar de la edición original de Impresiones y paisajes, imposible de localizar en tiendas de viejo y solo reproducido parcialmente en las Obras completas de Aguilar. Yo me moría por conocer el texto completo. Encontré su dirección postal en París, le escribí y me invitó a ir a verle. Allí me presenté sin perder tiempo. Vivía con su mujer en las afueras de la capital, a orillas del Sena. Resultó simpatiquísimo, hicimos buenas migas, le encantó mi regalo de dos botellas de Bushmills -el mejor whiskey de Irlanda del Norte – y, cuando hubimos terminado de comer, me dijo que me podía llevar el libro a Belfast y sacar alí una fotocopia. Confío absolutamente en mí, no pareció dudar un segundo de mi honradez ni preocuparle lo más mínimo la posibilidad de que, aunque certificado con todas las garantías, el libro se perdiera en su regreso a casa. Su generosidad me pareció, y me sigue pareciendo, asombrosa, inaudita. Se lo devolví una semana después, le llegó sin contratiempo alguno, y desde aquel momento tuve a Couffon como uno de mis mejores amigos franceses. Confronté enseguida mi fotocopia completa de Impresiones y paisajes con la edición de Aguilar y descubrí que allí, sin avisar al lector, se habían suprimido pasajes del libro en que el joven Lorca criticaba duramente la vida monástica, tanto de hombres como de mujeres. Le parecía una cobardía. Fue para mí un hallazgo de importancia. El régimen de Franco había permitido la publicación de las «obras completas» del poeta a partir de 1954, pero con una censura aceptada por sus herederos. » (pages 217-218)
« España, para terminar, ha sido y es mi lugar en el mundo, gracias, sobre todo, a García Lorca, que me regaló mi vocación de biógrafo. Sé que es en parte romanticismo, pero este país tan complejo, tan amnésico, tan bullicioso, a veces tan hosco -como dijo Luis Cernuda-, sigue siendo para mí, como para don Quijote, un espacio abierto a la aventura, al descubrimiento, a lo inesperado. (…) Me preocupa hondamente la situación política española actual, sobre todo la mentalidad de las derechas, todavía incapaces de reconocer y asumir la criminalidad del régimen franquista. Y que, pese a proclamarse católicas, romanas y apostólicas, no quieren ayudar en la urgente tarea de recuperar los restos de las víctimas de la dictadura todavía tiradas en fosas comunes y cunetas. ¿No es esto hipocresía? ¿No es esto despreciar al prójimo? ¿Desoír a Jesús? Me quedo con la esperanza de que un día llegue, aunque yo no la vea, la gran España dialogante, reconciliada y en paz. La España mestiza, palimpsesto de culturas, capa sobre capa, la España soñada por la Institución Libre de Enseñanza y su hijuela, la Residencia des Estudiantes. La España con tanto que contribuir a Europa y al mundo. Ojalá -permítaseme recurrir al árabe- sea pronto.» (pages 324-325)
Le poète Rafael Alberti (1902-1999) et sa femme, María Teresa León (1903-1988), elle aussi écrivain, arrivent à Ibiza le dimanche 28 juin 1936 pour passer leurs vacances d’été. Ils cherchent un endroit tranquille et abordable pour se reposer et écrire. Ils devaient aller en Galice, mais un accident de train meurtrier le 24 juin sur la ligne Madrid-La Corogne, les a fait changer d’avis au dernier moment. Les deux premières semaines sont calmes. Ils ont loué une maison (Molíde Socarrat), près de Puig des Molins, où se trouve la plus grande nécropole punique du monde. Ils parcourent l’île et établissent des liens d’amitié avec de nombreux habitants. La Guerre Civile éclate le 18 juillet 1936. Les militaires réussissent à contrôler l’ensemble de l’archipel des Baléares, à l’exception de Minorque. Le commandant d’infanterie Julio Mestre se met à la tête des troupes à Ibiza le 19 juillet, déclare l’état de guerre et arrête les principaux dirigeants des partis de gauche et des syndicats. Le couple reste trois jours dans la maison, puis se cache avec une vingtaine d’autres personnes pendant vingt jours dans une grotte (Monte del Corb Marí), près de la tour de sa Sal Rossa et du Parc Natural de ses Salines.
Le 8 août 1936, deux colonnes républicaines débarquent dans l’île : l’une vient de Barcelone a à sa tête le capitaine d’aviation Alberto Bayo ; l’autre de Valence et est dirigée par le capitaine de la Garde civile Manuel Uribarri.
Rafael Alberti et María Teresa León participent au Comité des Milices Antifascistes et interviennent pour protéger le patrimoine religieux des églises face aux miliciens anarchistes qui veulent le détruire. Le 11 août 1936, les deux écrivains quittent l’ile pour Valence.
Rafael Alberti publiera un récit littéraire, tirée de cette expérience, en 1937 dans la revue de la Alianza de Intelectuales Antifascistas para la Defensa de la Cultura, El Mono Azul : Una historia de Ibiza. María Teresa León racontera ce séjour dans Memoria de la melancolía (Buenos Aires, Losada, 1970).
Un monolithe en béton de 180 kilos a été installé récemment près de la grotte. Une plaque du céramiste local Antoni Ribas Costa (Toniet) inclut un court extrait de Memoria de la melancolía de María Teresa León.
Deux poèmes Rafael Alberti, tirés Retornos de lo vivo lejano (1952), évoquent bien cette période et son influence sur l’oeuvre de ces deux écrivains : Retornos de una isla dichosa et Retornos del amor fugitivo en los montes.
Retornos de una isla dichosa
La felicidad vuelve con el nombre ligero de un presuroso y grácil joven alado: Aire. Por parasoles verdes, las sombras que retornan contestan, y el amor, por otro nombre: Isla.
Venid, días dichosos, que regresais de lejos teniendo por morada las velas de un molino; por espejo la luna, la que el sol tiró al pozo, y por bienes del alma, todo el mar apresado en pequeñas bahías. Llegad, alegres olas de mis años, risueños labios de espuma abierta de las blancas edades. Suenen mis ojos, canten con repetidas lágrimas al pastor que desnudo da a la mar sus ovejas.
Ven otra vez, doblada maravilla incansable de los viejos olivos. Me abracen nuevamente tus raíces, hundiéndome en las tumbas de muestran su soledad al cielo.
Quiero tocaros, santas, invencibles higueras, abatidas de zumos, pero no de cansancio. Dejadme en la apretada oscuridad inmóvil de vuestra fresca alcoba dormir tranquilamente.
Soñar, soñar dormido, desde allí, en las colinas donde los algarrobos dan su miel a las nieves de la flor del almendro; desde donde calladas huertas corren sus límites abriendo arcos de cal arrobados de adelfas.
Despierte, al descorrer las ramas, ya en la tarde, padeciendo el deseo de morirme en las dunas, cuando al sol no le espera más final que el antiguo de embozarse en los hombros mojados de la noche.
Isla de amor, escúchame, antes de que te vayas, antes, ya que has venido, de que escapes de nuevo: Concédeme la gracia de aclarar los perfiles del canto que a mi lengua le quede aún, poniéndole esa azul y afilada delgadez de contornos que subes cuando al alba renaces sin rubores, feliz y enteramente desnuda, de las olas.
Retornos de lo vivo lejano, 1952.
Retornos del amor fugitivo en los montes
Era como una isla de Teócrito. Era la edad de oro de las olas. Iba a alzarse Venus de la espuma. Era la edad de oro de los campos. Iba Pan nuevamente a repetir su flauta y Príapo a verterse en los jardines. Todo era entonces. Todo entonces iba.
Iba el amor a ser dichoso. Era la juventud con cinco toros dentro. Iba el ardor a arder en los racimos. Era la sangre un borbotón de llamas. Era la paz para el amor. Venía la edad de oro del amor. Ya era.
Pero en la isla aparecieron barcos y hombres armados en las playas. Venus no fue alumbrada por la espuma. El aire en la flauta de Pan se escondió, mudo. Secas, las flores sin su dios murieron y el amor, perseguido, huyó a los montes.
Allí labró su cueva , como errante hijo arrojado de una mar oscura, entre el mortal y repetido estruendo que la asustada Eco devolvía.
Agujas rotas de los parasoles pinos le urdieron al amor su lecho. Fieras retamas, mustias madreselvas, rudos hinojos y áridos tomillos lo enguirnaldaron en la ciega noche. Y aunque, lengua de fuego, el aire aullara alrededor, la tierra, oh, sí, la tierra no le fue dura, sin embargo, al sueño del fugitivo amor entre los montes.
La edad de oro del amor venía, pero en la isla aparecieron barcos…
Madeleine et Roger Ménard, instituteurs originaires de la Sarthe, ont caché durant la Seconde Guerre mondiale toute une famille juive à Mauves-sur-Huisne (Orne) dans le Perche.
Le samedi 27 avril 2019, un hommage leur a été rendu. Une plaque a été dévoilée sur le mur de la mairie en présence des autorités et des descendants des époux Ménard et des personnes qui furent cachées. Ils occupaient, dans les années 40, le logement situé au premier étage de cette mairie et ont été reconnus Justes parmi les nations le 25 décembre 1995.
Roger Ménard, l’instituteur du village, était également, comme c’était souvent le cas alors, secrétaire de mairie. En 1942, le Dr Isidore Nabedrick, un jeune dentiste juif, arriva au village avec sa femme et leur toute petite fille. Il cherchait un asile, mais aussi un endroit où il pourrait exercer son métier. Conformément à la loi, il alla se faire enregistrer à la mairie. Il espérait obtenir des papiers sans la mention « juif » qui lui rendrait impossible l’exercice de sa profession.
Roger Ménard lui remit des faux papiers et des cartes d’alimentation, à l’insu du maire, collaborateur notoire. Le dentiste ouvrit un cabinet. Seul Roger et sa femme savaient qu’il était juif. Ils avaient dit à tous que les nouveaux venus étaient des membres de leur famille et qu’ils avaient dû quitter leur domicile sur la côte bretonne parce que les Allemands y construisaient des fortifications. Mentir pour protéger.
En juin 1942, Joseph Nabedrick, le père d’Isidore, resté à Paris, fut arrêté et déporté de Compiègne à Auschwitz le 05 juin 1942 par le convoi n° 2. Sa mère se retrouva seule. Il fut alors décidé que toute la famille viendrait se réfugier à Mauves-sur-Huisne.
Lorsque les gendarmes commencèrent à poser des questions, les Ménard s’en tinrent à leur version habituelle. Quelqu’un dénonça pourtant le dentiste, l’accusant d’exercer sans permis. Il « disparut » alors, se cachant dans le grenier des Ménard où il vécut jusqu’à la fin de l’Occupation. Il apprit alors que Roger et Madeleine faisaient également partie de la Résistance et qu’ils avaient risqué leur vie pour les sauver.
Le 27 avril 2019, Serge Ferrand, 88 ans, cousin du Dr Nabedrick, réfugié à Mauves grâce aux époux Ménard, et ancien élève de Roger Ménard, a évoqué la période 1942 – 1944 : « Je me retrouve ici avec Michel Ménard, après 75 ans d’absence, et c’est une grande émotion pour moi. Les époux Ménard nous ont procuré de vraies fausses cartes d’alimentation et de vrais faux papiers indispensables à notre survie. Ils n’ont pas hésité à risquer leur vie et leur liberté pour nous venir en aide. »
9 personnes hébergées, cachées, aidées ou sauvées par Madeleine et Roger Ménard :
Isidore Nabedrick. Dentiste. Hélène Nabedrick, son épouse. Claudette et Marc Nabedrick, leurs enfants. Jeanne Nabedrick, grand-mère d’Isidore et de Serge. Yvonne Nabedrick, mère d’Idisore. Armand Nabedrick, frère d’Isidore. Claudine Ferrand, sa cousine. Serge Ferrand, son cousin, âgé de 11 ans.
(d’après l’article paru dans le journal Le Perche, le 29 avril 2019)
El Palau de les Comunicacions de Valence (Espagne) présente du 31 mars au 2 juillet 2023 deux expositions de photographies d’une grande valeur historique et documentaire : Robert Capa. Retrospectiva (une centaine de photographies prises de 1932 à 1954) et Letras por la libertad de Walter Reuter (60 photographies inédites du second Congrès International des Écrivains pour la Défense de la Culture qui s’est tenu à Valence, Madrid, Barcelone et Paris du 4 au 17 juillet 1937). L’entrée est gratuite.
Quant on pense aux photographes qui ont couvert la guerre civile espagnole on pense à Robert Capa, Gerda Taro, David Seymour, Kati Horna. L’importance de Walter Reuter est assez peu souvent soulignée. Ses photos montrent pourtant clairement son humanisme, son empathie envers les gens qui souffrent et son refus du voyeurisme face à la misère. Il réussit même parfois à faire sourire ceux qu’il photographie, et cela dans les pires conditions de guerre (après un bombardement par exemple). Walter Reuter est resté en Espagne de 1933 à février 1939. Il était le photographe officiel du commissariat à la propagande du gouvernement républicain. Les négatifs espagnols de ce photographe que l’on pensait perdus ont réaparu en 2011 dans les archives personnelles de Guillermo Fernández Zúñiga (1909-2005), réalisateur de documentaires et père du cinéma scientifique espagnol. 2 200 négatifs de photos de guerre de juillet 1936 à janvier 1939 ont ainsi été retrouvés.
L’exposition de Valence présente le deuxième Congrès international des écrivains pour la défense de la culture. Il s’est ouvert le 4 juillet 1937 dans la salle des séances de la mairie de Valence, alors capitale de la République. Il est organisé conjointement par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts du gouvernement républicain et par l’Alliance des intellectuels pour la défense de la culture. Il s’est déroulé également à Madrid, Barcelone et Paris. Ce Congrès, résolument antifasciste, a constitué l’acte de propagande le plus spectaculaire organisé par le gouvernement républicain pendant la guerre civile espagnole et a eu un grand impact médiatique à l’échelle internationale. Il a d’autre part permis aux intellectuels du monde entier d’exprimer leur solidarité envers le gouvernement de Front populaire de la République espagnole, victorieux lors des élections démocratiques du 16 février 1936, mais victime du coup d’État mené par le général Franco avec l’aide de l’Allemagne nazi et de l’Italie fasciste.
Biographie succincte : Walter Reuter est né le 4 janvier 1906 à Berlin dans le quartier ouvrier de Charlottenbourg. Il devient photographe pour la revue de gauche AIZ (Arbeiter-Illustrierte-Zeitung). On retrouve dans ses photos l’influence des avant-gardes des années 20. Il doit fuir l’Allemagne à l’arrivée des nazis au pouvoir en mars 1933. Il arrive en Espagne en mai 1933 avec sa première femme, Sulamith Siliava, d’origine juive, et leur fils, Jasmin, né à Malaga en 1934. Il participe à la guerre comme milicien, puis comme photoreporter. Après un séjour en France, au Maroc et en Algérie, il peut s’exiler au Mexique. La famille y arrive le 22 avril 1942. Walter Reuter a une fille, Almuth, avec sa première femme. Puis, devenu veuf, il se remarie avec Ana María Araujo. Ils ont trois filles : Marina, Claudia, Hely. Cette dernière se charge actuellement du classement de son œuvre qui comporte 120 000 négatifs (Allemagne, Espagne, Mexique). Il sera aussi réalisateur, scénariste, producteur et directeur de la photographie de courts métrages pour le cinéma mexicain. Il est décédé le 20 mars 2005 à Cuernavaca, dans l’état de Morelos.
Le poète est mort en exil à Collioure (Pyrénées Orientales) le 22 février 1939 des suites d’une pneumonie. Il avait 64 ans.
García Montero renvoie dans cet article à un poème écrit par Machado pendant la Guerre Civile. Celui-ci vécut avec sa famille de novembre 1936 à avril 1938 Villa Amparo (Rocafort, petit village agricole qui se trouve à sept kilomètres de Valence), dans la Huerta. Il écrivit là de nombreux articles pour la presse et quelques poèmes au service de la cause républicaine.
La primavera (Antonio Machado)
Más fuerte que la guerra -espanto y grima- cuando con torpe vuelo de avutarda el ominoso trimotor se encima y sobre el vano techo se retarda,
hoy tu alegre zalema el campo anima, tu claro verde el chopo en yemas guarda. Fundida irá la nieve de la cima al hielo rojo de la tierra parda.
Mientras retumba el monte, el mar humea, da la sirena el lúgubre alarido, y en el azul el avión platea,
¡cuán agudo se filtra hasta mi oído, niña inmortal, infatigable dea, el agrio son de tu rabel florido!
Poesías de guerra. Ediciones Asomante, San Juan de Puerto Rico. 1961.
Le printemps
Plus fort que la guerre — angoisse et frayeur — quand de son lourd vol d’échassier monte dans le ciel le trimoteur funeste et que sur le toit inutile il s’attarde,
aujourd’hui ton salut joyeux anime la campagne, le peuplier dans ses bourgeons garde ton vert clair. La neige des sommets, fondue, s’écoulera vers la glace rouge des terres brunes.
Tandis que tonne la montagne, fume la mer, la sirène lance son hurlement lugubre, et l’avion dans l’azur scintille,
comme parvient, aigu, à mon oreille, mon enfant immortelle, inlassable déesse, l’aigre son de ton rebec fleuri !
Poésies de la guerre (1936-1939).
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction : Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973 ; NRF Poésie/ Gallimard n°144.
J’ai relu un autre poème plus ancien qui parle aussi du printemps.
La primavera besaba (Antonio Machado)
La primavera besaba suavemente la arboleda y el verde nuevo brotaba como una verde humareda.
Las nubes iban pasando sobre el campo juvenil… Yo vi en las hojas temblando las frescas lluvias de abril.
Bajo ese almendro florido, todo cargado de flor -recordé-, yo he maldecido mi juventud sin amor.
Hoy, en mitad de la vida. me he parado a meditar… ¡Juventud nunca vivida, quién te volviera a soñar!
Soledades, 1903.
Le printemps doucement (Antonio Machado)
Le printemps doucement posait sur les arbres un baiser, et le vert nouveau jaillissait comme une verte fumée.
Les nuages passaient sur la campagne juvénile… J’ai vu sur les feuilles trembler les fraîches pluies d’avril.
Dessous l’amandier fleuri, tout chargé de fleurs, — je m’en souviens —, j’ai maudit ma jeunesse sans amour.
Aujourd’hui, au milieu de la vie, je me suis arrêté pour méditer… Oh ! jeunesse jamais vécue, que ne puis-je encor te rêver !
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973; NRF Poésie/ Gallimard n°144.
Le 21 février 1944, les membres du groupe FTP-MOI de Missak Manouchian sont fusillés au Mont Valérien
La liste suivante des 23 membres du groupe Manouchian exécutés par les Allemands signale par la mention (AR) les dix membres que les Allemands ont fait figurer sur l’affiche rouge: – Celestino Alfonso (AR), Espagnol, 27 ans. – Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944). – Joseph Boczov (József Boczor; Wolff Ferenc) (AR), Hongrois, 38 ans, Ingénieur chimiste. – Georges Cloarec, Français, 20 ans. – Rino Della Negra, Italien, 19 ans. – Thomas Elek (Elek Tamás), (AR) Hongrois, 18 ans. Étudiant. – Maurice Fingercwajg (AR), Polonais, 19 ans. – Spartaco Fontano (AR), Italien, 22 ans. – Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans. – Emeric Glasz [Békés (Glass) Imre], Hongrois, 42 ans. Ouvrier métallurgiste. – Léon Goldberg, Polonais, 19 ans. – Szlama Grzywacz (AR), Polonais, 34 ans. – Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans. – Cesare Luccarini, Italien, 22 ans. – Missak Manouchian (AR), Arménien, 37 ans. – Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans. – Marcel Rajman (AR), Polonais, 21 ans. – Roger Rouxel, Français, 18 ans. – Antoine Salvadori, Italien, 24 ans. – Willy Schapiro, Polonais, 29 ans. – Amédéo Usséglio, Italien, 32 ans. – Wolf Wajsbrot (AR), Polonais, 18 ans. – Robert Witchitz (AR), Français, 19 ans.
Missak Manouchian était un héros de la résistance. Il a été exécuté il y a 79 ans. Nous sommes nombreux à le demander : il doit entrer entrer au Panthéon.
Joseph Epstein, dit Colonel Gilles, le supérieur hiérarchique de Missak Manouchian, est arrêté le même jour que lui lors d’un rendez-vous à la gare d’Evry-Petit-Bourg le 16 novembre 1943. Il est torturé pendant plusieurs mois, puis fusillé au fort du Mont-Valérien avec 28 autres résistants, le 11 avril 1944.
Al vent (Al viento), c’est le titre d’une célèbre chanson de l’auteur-compositeur valencien Raimon (Ramón Pelegero Sanchis – Játiva, 1940). Elle a été composée en 1959 et enregistrée sur son premier disque Raimon: Al Vent, La Pedra, Som, A Cops en février 1963, il y a soixante ans. Cette chanson est devenue dans les années 60 et 70 le symbole de l’opposition au franquisme en Espagne. L’auteur tentait de transmettre les désirs de liberté de la jeunesse espagnole. Il a composé cette chanson lors d’un voyage en Vespa entre sa ville natale Játiva (Xàtiva) et Valence où il faisait des études d’histoire. Les paroles parlent de la recherche de la lumière, de la paix et de dieu avec une minuscule. Elle exprime l’esprit de liberté de la jeunesse. Il s’agit d’un cri, d’une proclamation reprise maintes fois par les jeunes espagnols dans les années 60 et 70. Elle a échappé à la censure car il s’agissait d’une chanson existentielle, et non directement politique comme plus tard Diguem no ou Jovinc d’un silenci.
60 anys d’Al vent, La col·lecció d’art de Raimon i Annalisa, c’est le titre d’une exposition inaugurée le 16 février 2023 à la Casa de l’Ensenyança – Museu de Bellas Artes de Xàtiva. Elle durera jusqu’au 20 mars. C’est la première manifestation organisée par La Fundació Raimon i Annalisa, créée par le chanteur et son épouse pour mettre en valeur le legs de cet artiste. Les 62 oeuvres proposées proviennent de la collection du chanteur et de sa femme. Elles ont été créées par des artistes qui ont été le plus souvent des amis de l’auteur (Andreu Alfaro, Joan Miró, Artur Heras, Antoni Tàpies, Juan Genovés, Josep Guinovart, Manuel Boix, Josep Armengol, Eduardo Chillida, Julio González). Cette institution, Centro Raimon de Actividades Culturales – CRAC de Xàtiva, sera hébergée à l’avenir dans le monastère de Santa Clara de Játiva qui est en cours de restauration.
Al vent
Al vent
La cara al vent El cor al vent Les mans al vent Els ulls al vent Al vent del món I tots Tots plens de nit Buscant la llum Buscant la pau Buscant a déu Al vent del món
La vida ens dóna penes Ja el nàixer és un gran plor La vida pot ser eixe plor Però nosaltres
Al vent La cara al vent El cor al vent Les mans al vent Els ulls al vent Al vent del món
I tots Tots plens de nit Buscant la llum Buscant la pau Buscant a déu Al vent del món Buscant a déu Al vent del món