Faute d’égalité. Collection Tracts (n° 3), Gallimard. Parution : 21-03-2019 «On attendait d’énergiques initiatives, des changements effectifs, de vrais événements. Ils ne se sont pas produits. Cinq décennies ont passé en vain, à vide, apparemment. Et puis ce qui aurait dû être et demeurait latent, absent fait irruption dans la durée.»
Pierre Bergounioux entreprend ici de saisir les origines et la signification du soulèvement social que la France a vécu ces derniers mois. Il enracine sa réflexion dans l’histoire des nations et des idées occidentales, en vertu de l’axiome selon lequel tout le passé est présent dans les structures objectives et la subjectivité des individus qui font l’histoire. Ainsi se poursuit, jusque dans les formes les plus contemporaines de la contestation, en pleine crise du capitalisme et de la représentation politique, le rêve égalitaire qui nous est propre.
Hôtel du Brésil. Collection Connaissance de l’Inconscient, Série Le principe de plaisir, Gallimard Parution : 23-05-2019 «Si rien n’est plus manifeste que l’inconscient, depuis que Freud a passé, il résidait bien moins en nous, pour moi, pour d’autres, qu’à notre porte, dans les choses qui nous assiégeaient, leur dureté, leur mutisme, la tyrannie qu’elles exerçaient sur nos sentiments, les pensées qu’elles nous inspiraient forcément.»
Pierre Bergounioux s’explique ici sur un certain éloignement, et d’abord géographique, vis-à-vis de la psychanalyse, que le nom de Freud, gravé dans le marbre au-dessus de l’entrée d’un hôtel parisien, confirmera un peu plus tard.
Il raconte comment il a affronté un trouble profond, étroitement localisé, auquel les remèdes qui pouvaient parvenir du dehors – l’apport de Freud, la méthode analytique, le divan – étaient impropres.
A la fin de sa vie, la santé de Karl Marx est minée par son travail politique d’organisation de l’Internationale et surtout par la rédaction de son œuvre. En 1866, il boit jusqu’à un litre et quart de stout, une bière brune très forte et cela a aggravé ses problèmes héréditaires de foie. Il fume aussi beaucoup, un tabac de qualité médiocre. Il est touché successivement par trois maladies: hépatite, furonculose et tuberculose pulmonaire.
Le 2 décembre 1881, sa femme Jenny (née Johanna Bertha Julie von Westphalen. 1814-1881), qui l’avait toujours soutenu, meurt d’un cancer du foie.
Ses médecins lui recommandent un voyage de convalescence en Algérie afin de soigner ses problèmes respiratoires, croyant que le soleil et la chaleur assureraient sa guérison. Épuisé par la maladie et gelé par le temps peu clément, il arrive à Marseille le 17 février 1882 à 2 heures du matin. Il quitte Marseille le 18 février à 5 heures de l’après-midi à bord du bateau postal, le steamer Le Saïd. Il débarque à Alger le 20 février à trois heures et demie du matin. Il va séjourner presque trois mois à Alger du 20 février au 2 mai 1882. Ses gendres, Paul Lafargue (1842-1911) et Charles Longuet (1939-1903), ont chargé un de leurs amis de le prendre en charge à son arrivée à Alger. Il s’agit d’Albert Fermé (1840-1903), ancien blanquiste, qui est alors juge au tribunal d’Alger.
A Alger, Il descend d’abord au Grand Hôtel d’Orient (entre la Grande Poste et en contrebas l’hôtel Aletti).
Mais le temps est mauvais, sa toux empire et l’empêche de visiter le pays. Karl Marx se croit comme «poursuivi» par une sorte de mauvaise fatalité «climatique». Il écrit à Friedrich Engels (1820-1895) le 1 mars 1882: « Ici m’était réservé mutatis mutandis le même quid pro quo qu’à l’Isle of Wight ! Cette année en effet, la saison est ici exceptionnellement froide et humide, ce qui fait que Nice et Menton raflent actuellement la majorité des touristes. En tout cas, j’avais quelques mauvais pressentiments et j’avais insinué à plusieurs reprises de commencer d’abord par la côte d’Azur. Il semble que ce soit une fatalité. » Il ajoute « ….Le mois de décembre a été épouvantable à Alger, en janvier il a fait beau, en février le temps a été froid, humide aussi, je suis juste tombé sur les trois jours les plus froids de ce mois : les 20, 21, 22 février. Insomnie, manque d’appétit, forte toux, ne sachant trop que faire, et non sans des accès, de temps à autre, d’une profundamélancolia, tout comme le grand Don Quichotte… »
Il ne reste que deux jours au Grand Hôtel d’Orient. Il s’installe ensuite à la Pension Victoria, bien moins chère dans le quartier dit Mustapha Supérieur sur les hauteurs d’Alger, boulevard Bon-Accueil (devenu Saint-Saëns, puis Mohamed V). Il est frappé par la beauté du paysage: « Ici, situation magnifique, devant ma chambre la baie de la mer que ferme la Méditerranée, le port d’Alger ; des villas disposées en amphithéâtre escaladant les collines (des ravines au-dessous des collines, d’autres collines au-dessus) ; plus loin, des montagnes visibles entre autres les sommets neigeux derrière Matifou [actuel Bordj El-Bahri], sur les montagnes de Kabylie, des points culminants du Djurdjura (tous ces monts, comme les dites collines, sont calcaires). – Le matin, à 8 heures il n’est rien de plus enchanteur que le panorama ; l’air, la végétation, merveilleux mélange européo-africain. »
Il évoque le quartier dans une lettre à Paul Lafargue le 20 mars 1882 : « Les deux Mustapha constituent une commune (Mustapha) dont le maire (ce monsieur n’a pas un nom arabe, ni français, mais un nom allemand) fait à ses administrés, de temps en temps, à l’aide d’affiches officielles, toutes sortes de communications. Vous voyez donc que le régime en vigueur ici est très doux. A Mustapha Supérieur on bâtit sans arrêt de nouvelles maisons, on démolit les anciennes, etc., et pourtant, bien que les ouvriers qu’on emploie à ces travaux soient des gens d’ici, ils sont pris de fièvres. Aussi une partie de leur salaire consiste-t-elle en une dose quotidienne de quinine, qui leur est fournie par les entrepreneurs. On peut observer le même usage en diverses régions d’Amérique du sud. »
Pendant son séjour, il sera souvent chez les Fermé qui habitent le 37 rue Michelet (Didouche-Mourad). Ils parlent des journées de la Commune de Paris et de l’évolution des événements politiques sur le continent.
Il visite le Jardin d’Essai : «Hier à une heure de l’après-midi nous sommes descendus à Mustapha inférieur d’où le tramway nous a amenés au Jardin Hamma ou Jardin d’Essai qui sert de « Promenade publique », avec à l’occasion des concerts de musique militaire, et qui est utilisé comme « pépinière » , pour faire pousser et propager des végétaux indigènes, enfin pour des expériences botaniques scientifiques et comme jardin d’« acclimatation ». Le tout occupe un très vaste terrain, dont une partie est accidentée, tandis que l’autre est en plaine. Pour observer tout en détail, il faudrait au moins un jour entier et le faire en outre avec un connaisseur, par ex. l’ami de Fermé, l’ex-fouriériste M. Durando, professeur de botanique, chef d’une section du « Club alpin français » dont il dirige régulièrement les excursions dominicales. J’ai beaucoup regretté que mon état physique et l’interdiction formelle du Dr Stephan ne m’aient pas jusqu’ici permis de participer à ces excursions auxquelles j’ai été invité à trois reprises. »
Il observe un café maure dans le quartier de l’Agha près du jardin d’Essai: « Avant de pénétrer dans le « Jardin d’Essai », nous bûmes du café, en plein air naturellement, dans un « café » maure. Le Maure en prépare d’excellent, nous étions assis sur des tabourets. Sur une table de bois brut, une douzaine de clients maures, le buste penché en avant, les jambes croisées, savouraient leurs petites « cafetières » ( chacun a la sienne) tout en jouant aux cartes (une victoire que la civilisation a remportée sur eux). Le spectacle était très impressionnant: certains de ces Maures étaient habillés avec recherche et même richement, d’autres portaient ce que j’oserais appeler des blouses, qui étaient autrefois de laine blanche, à présent en lambeaux et en loques mais aux yeux d’un vrai musulman de telles contingences, la chance ou la malchance, ne sauraient établir une différence entre fils de Mahomet. Cela n’influe pas sur l’égalité absolue qu’ils manifestent dans leurs relations sociales. Ce n’est que lorsqu’ils sont démoralisés qu’ils prennent conscience de ces différences ; en ce qui concerne la haine envers les chrétiens et l’espoir de remporter finalement la victoire sur ces infidèles, leurs hommes politiques considèrent à juste titre ce sentiment et la pratique de l’égalité absolue ( non du confort ou de la position sociale, mais de la personnalité ) comme quelque chose qui les incite à maintenir vivante la première et ne pas renoncer au second. ( ET POURTANT ILS SONT FICHUS SANS UN MOUVEMENT REVOLUTIONNAIRE ! )” ( Lettre à sa fille Laura Lafargue )
C’est à Alger qu’il se fait photographier pour la dernière fois, le 27 avril 1882, par le photographe E. Dutertre à l’Agha Supérieur avec la barbe touffue qu’on lui connaît. Le lendemain, il écrit à Friedrich Engels le 28 avril 1882 : « A cause du soleil, je me suis débarrassé de ma barbe de prophète et de ma toison, mais (comme mes filles me préfèrent avec), je me suis fait photographier avant de sacrifier ma chevelure sur l’autel d’un barbier algérois. J’aurai les clichés dimanche prochain (30 avril). Vous en enverrai des spécimens d Marseille… » Puis il passe chez un barbier de la Casbah. Le docteur Stéphan qui le soigne ne parvient pas à enrayer sa maladie. Le 2 mai, il repart pour Marseille sur la paquebot Péluse et séjourne brièvement à Monaco, avant de remonter à Argenteuil, près de Paris, où demeure sa fille Jenny Longuet. Celle-ci va mourir le 11 janvier 1883 des suites d’un cancer vésical.
Karl Marx meurt, lui, quelques mois plus tard le 14 mars 1883 des suites d’un abcès pulmonaire avec hémoptysie ; en réalité il s’agissait d’une tuberculose pulmonaire, mais on ne prononçait pas le mot qui était alors tabou. Il est enterré aux côtés de sa femme à Londres dans le cimetière de Highgate.
Voir Marxisme et Algérie. Textes de Marx/Engels. Paris, Union générale d’éditions, 1976 et Karl Marx, Lettres d’Alger et de la Côte d’Azur. ( Traduites et présentées par Gilbert Badia ).Le Temps des cerises, 1997.
René Descartes publie anonymement à Leyde le Discours de la méthode (sous-titré Pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences) chez Jean Maire, un Français originaire de Valenciennes. Il a été rédigé directement en français, langue vulgaire, Descartes voulant s’opposer à la tradition scolastique. L’acte de naissance du sujet de la connaissance a été dressé par un Français. Mais c’est en Allemagne que Descartes l’a conçu, en rêve, et aux Pays-Bas qu’il l’a rédigé.
«Le bon sens est la chose la mieux partagée car chacun pense en être si bien pourvu, que même ceux qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et de distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tout homme; et qu’ainsi la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est l’appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus; et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s’ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s’en éloignent.» (Première partie)
Henri Claude Fertet est né le 27 octobre 1926 à Seloncourt (Doubs). Lycéen, résistant FTPF, c’ est l’un des plus jeunes Compagnons de la Libération.
On a beaucoup parlé de ce très jeune résistant ces derniers jours puisque le Président de la République a lu une partie de sa lettre d’adieu lors des cérémonies du 75 ème anniversaire du débarquement en Normandie.
“Je meurs pour ma Patrie. Je veux une France libre et des Français heureux. Non pas une France orgueilleuse et première nation du Monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête. Que les Français soient heureux, voilà l’essentiel. Dans la vie il faut savoir cueillir le bonheur[…] Adieu, la mort m’appelle, je ne veux ni bandeau ni être attaché. Je vous embrasse tous. C’est quand même dur de mourir. Mille baisers!Vive la France!
Un condamné à mort de 16 ans. Henri Fertet.”
Il fut exécuté le 26 septembre 1943 par les Allemands à la Citadelle de Besançon avec 15 autres membres des groupes Francs-Tireurs et Partisans (FTP) “Guy Mocquet” et “Marius Vallet”. Ils avaient été jugés quelques jours auparavant par le Tribunal militaire allemand. Ces deux groupes, communistes, étaient formés de résistants d’origines très différentes, unis dans l’action clandestine. Ils avaient trouvé dans ces formations FTP l’occasion de développer leur engagement et leur action autour de Besançon. C’étaient de jeunes agriculteurs catholiques, des militants communistes aguerris, des jeunes lycéens et étudiants ou des républicains espagnols arrivés dans la région en 1939.
Furent exécutés ce jour-là:
– 4 membres du groupe FTP Marius Vallet (du nom du premier fusillé de la citadelle): Jean Compagnon (né le 24 décembre 1922), Balthazar Robledo (fondateur du groupe, né le 12 septembre 1908), Saturnino Trabado (né le 18 août 1911) et Paul Paqueriaud (né le 12 mars 1908) qui faisait le lien avec les membres du groupe Guy Mocquet.
– 12 membres du groupe FTP Guy Mocquet (mal orthographié, du nom de Guy Môquet) : Raymond Aymonnin (né le 7 janvier 1923), Henri Fertet (Compagnon de la Libération), Philippe Gladoux (né le 10 janvier 1926) , Jean-Paul Grappin (né le 8 mai 1922), René Paillard (né le 13 avril 1925) , Marcellin Puget (né le 6 février 1914), Roger Puget ((né le 23 janvier 1921), Marcel Reddet (né le 17 mars 1926), Gaston Retrouvey (né le 20 novembre 1924), Georges Rothamer (né le 16 mars 1919) , René Roussey (né le 17 août 1917) et Marcel Simon (né le 27 février 1920), le chef du groupe.
Le lendemain de leur exécution, les fosses communes des deux cimetières de Besançon où leurs corps avaient été provisoirement enterrés, disparaissaient sous des monceaux de fleurs apportées par la population de la ville malgré l’interdiction allemande. Gestes de solidarité auxquels s’ajouta la reproduction et la circulation de la dernière lettre d’Henri Fertet, lue à la BBC par Maurice Schumann le 9 décembre 1943. Elle fut aussi largement reproduite dans la presse clandestine national (France d’abord! n° 38 de novembre 1943, Libération n°151 du 19 octobre 1943, les Cahiers du Témoignage chrétien n°18-19 de août-septembre 1943. Henri Fertet a été fait Compagnon de la Libération. Son père Henri, directeur d’école à Besançon, a reçu la distinction des mains du général de Gaulle en 1947. Une stèle, inaugurée le dimanche 18 mai 1947, rend hommage à ces fusillés en forêt d’Aveney, au lieu connu comme Rocher de Valmy. Cette mémoire (et ce traumatisme) est entretenue très tôt. En 1945, Henri Bon publie une première étude, Les seize fusillés de Besançon. En 1974, Raymond Tourrain, membre du groupe, devenu député du Doubs, publie une “Histoire du groupe Guy Mocquet”. Un documentaire revient en 1980 sur l’histoire de ce groupe.
Le 27 novembre 1980, dans la forêt de Chailluz, près de Besançon, Pierre Fertet, instituteur âgé de cinquante-et-un ans et sa mère octogénaire se suicident en s’asphyxiant avec les gaz de leur véhicule. Le cadet d’Henri Fertet était resté très affecté par la mort de son frère. Il voua toute sa vie une dévotion quasi mystique à sa mémoire.
Pour plus d’informations, consulter le Maitron en ligne et le site de l’Ordre de la Libération.
Je remercie l’historienne Cécile Vast (Docteur en histoire, Université de Franche-Comté) qui a mis beaucoup de ces informations sur Twitter ces derniers jours.
A l’occasion de la sortie de son livre «Ecrivains, savants et philosophes font le tour du monde» (Le Pommier) en 2009, Michel Serres avait répondu aux questions des lecteurs de Libération.
Michel Serres: «La marchandise, c’est l’équilibre. La culture, c’est l’accroissement». (Libération, 28/04/2009)
Quelques échanges: “Le Voyage” doit-il être le propre de tout grand écrivain? Cela dépend de ce qu’on appelle voyage. Dans mon cas précis, il s’agit d’un écrivain-philosophe. Dans ce cas-là, et je le dis dans mon livre, la condition c’est de faire trois voyages. Le voyage autour du monde, avoir vu le plus de choses possibles, puis avoir su le plus de choses possibles, c’est faire le tour du savoir. Et le troisième tour, c’est le tour des hommes et des cultures. Avoir rencontrer le plus d’hommes possibles et le plus de cultures possibles. Ce sont les trois tours du monde qui commencent mon livre.
Que peuvent apporter les philosophes à nos sociétés essentiellement préoccupées par l’économique?
L’anticipation, des conduites et des savoirs à venir. Le métier de philosophie, c’est d’anticiper. D’autre part, je crois que l’idée d’une société fondée essentiellement sur l’économie est tout simplement une erreur, et je l’ai dit depuis très longtemps.
Selon vous, un scientifique devrait-il être aussi philosophe?
Un scientifique qui invente est forcément philosophe, parce qu’il indique par son invention les voies d’anticipation. Inversement, un philosophe doit aussi être un scientifique, sinon il ne comprend pas le monde dans lequel il vit.
Quelle est la place du philosophe «moderne», coincé entre les «coups» et icônes médiatiques de notre civilisation contemporaine ? Doit-il se tourner vers d’autres contrées plus ou moins inaccessibles ? Les médias font leur travail, ils parlent de l’actualité. Le philosophe doit prendre du recul et trier dans l’actualité ce qui est réellement nouveau. Les médias qui parlent d’actualité se voient obligés de mélanger des choses très anciennes et des choses nouvelles, souvent cachées. Il est très difficile de découvrir le nouveau dans l’actualité, qui peut être souvent archaïque, répétitive. Le philosophe a pour objet la nouveauté, mais la nouveauté ne fait pas de bruit, elle est souvent inaudible.
Avez-vous un auteur préféré? Celui vers qui vous aimez revenir à différents temps de votre vie? Oui, j’ai plusieurs auteurs préférés selon la discipline (musique, peinture, littérature). En philosophie, je suis assez content d’avoir commencé ma vie avec Leibniz, parce qu’il a parfaitement anticipé le monde contemporain, et aide vraiment à le comprendre.
L’espace philosophique dans une société marchande peut-il se trouver en dehors de la culture, laquelle est aussi une «marchandise»? En effet, la culture est devenue, assez récemment, une marchandise. Il est possible que la vraie culture, si elle existe, serait en dehors de l’échange marchand, et je peux le démontrer. Si vous avez du pain, et si moi j’ai un euro, si je vous achète le pain, j’aurai le pain et vous aurez l’euro et vous voyez dans cet échange un équilibre, c’est-à-dire : A a un euro, B a un pain. Et dans l’autre cas B a le pain et A a l’euro. Donc, c’est un équilibre parfait. Mais, si vous avez un sonnet de Verlaine, ou le théorème de Pythagore, et que moi je n’ai rien, et si vous me les enseignez, à la fin de cet échange-là, j’aurai le sonnet et le théorème, mais vous les aurez gardés. Dans le premier cas, il y a un équilibre, c’est la marchandise, dans le second il y a un accroissement, c’est la culture.»
Le philosophe et académicien Michel Serres est décédé à Vincennes le samedi 1 juin à 88 ans. Il était né le 1 septembre 1930 à Agen. Ecrivain et historien des sciences, passionné par l’écologie et l’éducation, ce membre de l’Académie française s’est intéressé à toutes les formes du savoir, scientifique comme littéraire, anticipant les bouleversements liés aux nouvelles technologies de la communication.
Je ne connais pas trop ses textes. je n’ai dû lire que certains articles de lui. Manuel, mon fils, a insisté sur l’importance de ses ouvrages qui font autorité en matière d’histoire des sciences, de philosophie des sciences et d’épistémologie. En 1968, il avait soutenu une thèse de doctorat de lettres, intitulée Le Système de Leibniz et ses modèles mathématiques (Paris, Presses universitaires de France ; réédition en 1982). En 1977, il avait publié La Naissance de la physique dans le texte de Lucrèce (Paris, Éditions de Minuit). Ce livre présente le De rerum natura de Lucrèce, philosophe latin, comme un ouvrage scientifique, à l’encontre de sa lecture habituelle comme poème métaphysique.
Robert Maggiori a publié un bel article nécrologique dans Libération: Mort de Michel Serres, penseur de la nature. Il rappelle l’article que ce dernier avait écrit pour le “Libé des philosophes” le 18 novembre 2009: «Je connais pas mal de Michel Serres: j’appartiens à ce groupe, comme à celui des gens qui sont nés en Lot-et-Garonne. Bref, sur ma carte d’identité, rien ne dit mon identité, mais plusieurs appartenances. Deux autres y figurent: les gens qui mesurent 1,80 m, et ceux de la nation française. Confondre l’identité et l’appartenance est une faute de logique, réglée par les mathématiciens. Ou vous dites “a est a”, “je suis je”, et voilà l’identité; ou vous dites “a appartient à telle collection”, et voilà l’appartenance. Cette erreur expose à dire n’importe quoi. Mais elle se double d’un crime politique: le racisme. Dire, en effet, de tel ou tel qu’il est noir ou juif ou femme est une phrase raciste parce qu’elle confond l’appartenance et l’identité. Je ne suis pas français ou gascon, mais j’appartiens aux groupes de ceux qui portent dans leur poche une carte rédigée dans la même langue que la mienne et de ceux qui, parfois, rêvent en occitan. Réduire quelqu’un à une seule de ses appartenances peut le condamner à la persécution. Or cette erreur, or cette injure nous les commettons quand nous disons: identité religieuse, culturelle, nationale… Non, il s’agit d’appartenances. Qui suis-je, alors? Je suis je, voilà tout; je suis aussi la somme de mes appartenances que je ne connaîtrai qu’à ma mort, car tout progrès consiste à entrer dans un nouveau groupe: ceux qui parlent turc, si j’apprends cette langue, ceux qui savent réparer une mobylette ou cuire les œufs durs, etc. Identité nationale: erreur et délit.»
Aurore. Réflexions sur les préjugés moraux, 1881. Traduction Henri Albert. Mercure de France, 1901.
Avant-propos.
— En fin de compte cependant: pourquoi nous faut-il dire si haut et avec une telle ardeur, ce que nous sommes, ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas? Regardons cela plus froidement et plus sagement, de plus loin et de plus haut, disons-le comme cela peut être dit entre nous, à voix si basse que le monde entier ne l’entend pas, que le monde entier ne nous entend pas! Avant tout, disons-le lentement… Cette préface arrive tardivement, mais non trop tard; qu’importent, en somme, cinq ou six ans! Un tel livre et un tel problème n’ont nulle hâte; et nous sommes, de plus, amis du lento, moi tout aussi bien que mon livre. Ce n’est pas en vain que l’on a été philologue, on l’est peut-être encore. Philologue, cela veut dire maître de la lente lecture: on finit même par écrire lentement. Maintenant ce n’est pas seulement conforme à mon habitude, c’est aussi mon goût qui est ainsi fait, — un goût malicieux peut-être? — Ne rien écrire d’autre que ce qui pourrait désespérer l’espèce d’hommes qui «se hâte». Car la philologie est cet art vénérable qui, de ses admirateurs, exige avant tout une chose, se tenir à l’écart, prendre du temps, devenir silencieux, devenir lent, — un art d’orfèvrerie, et une maîtrise d’orfèvre dans la connaissance du mot, un art qui demande un travail subtil et délicat, et qui ne réalise rien s’il ne s’applique avec lenteur. Mais c’est justement à cause de cela qu’il est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, justement par là qu’il charme et séduit le plus, au milieu d’un âge du «travail»: je veux dire de la précipitation, de la hâte indécente qui s’échauffe et qui veut vite «en finir» de toute chose, même d’un livre, fût-il ancien ou nouveau. — Cet art lui-même n’en finit pas facilement avec quoi que ce soit, il enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement, avec profondeur, égards et précautions, avec des arrière-pensées, des portes ouvertes, avec des doigts et des yeux délicats… Amis patients, ce livre ne souhaite pour lui que des lecteurs et des philologues parfaits: apprenez à me bien lire! —
La parabole du hérisson a été reprise entre autres par Sigmund Freud et Luis Cernuda:
Arthur Schopenhauer,Parerga et Paralipomena (Suppléments et omissions), 1851.
«Par une froide journée d’hiver un troupeau de porcs-épics s’était mis en groupe serré pour se garantir mutuellement contre la gelée par leur propre chaleur. Mais tout aussitôt ils ressentirent les atteintes de leurs piquants, ce qui les fit s’écarter les uns des autres. Quand le besoin de se réchauffer les eut rapprochés de nouveau, le même inconvénient se renouvela, de sorte qu’ils étaient ballottés de çà et de là entre les deux maux jusqu’à ce qu’ils eussent fini par trouver une distance moyenne qui leur rendît la situation supportable. Ainsi, le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur vie intérieure, pousse les hommes les uns vers les autres ; mais leurs nombreuses manières d’être antipathiques et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau. La distance moyenne qu’ils finissent par découvrir et à laquelle la vie en commun devient possible, c’est la politesse et les belles manières. En Angleterre on crie à celui qui ne se tient pas à cette distance: Keep your distance! Par ce moyen le besoin de se réchauffer n’est, à la vérité, satisfait qu’à moitié, mais, en revanche, on ne ressent pas la blessure des piquants. Cependant celui qui possède assez de chaleur intérieure propre préfère rester en dehors de la société pour ne pas éprouver de désagréments, ni en causer. »
Sigmund Freud, Psychologie collective et analyse du moi, 1921, dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1963.
« Un jour d’hiver glacial, les porcs-épics d’un troupeau se serrèrent les uns contre les autres, afin de se protéger contre le froid par la chaleur réciproque. Mais, douloureusement gênés par les piquants, ils ne tardèrent pas à s’écarter de nouveau les uns des autres. Obligés de se rapprocher de nouveau, en raison d’un froid persistant, ils éprouvèrent une fois de plus l’action désagréable des piquants, et ces alternatives de rapprochement et d’éloignement durèrent jusqu’à ce qu’ils aient trouvé une distance convenable où ils se sentirent à l’abri des maux ».
Luis Cernuda, Introduction à Donde habite el olvido (1932-1933) Publié en 1934.
« Como los erizos, ya sabéis, los hombres un día sintieron su frío. Y quisieron compartirlo. Entonces inventaron el amor. El resultado fue, ya sabéis, como en los erizos. ¿Qué queda de las alegrías y penas del amor cuando éste desaparece? Nada, o peor que nada; queda el recuerdo de un olvido. Y menos mal cuando no lo punza la sombra de aquellas espinas; de aquellas espinas, ya sabéis. Las siguientes páginas son el recuerdo de un olvido.”
Édition de Jean-Marie Guillon et Cécile Vast Première édition Collection Folio histoire (n° 285), Gallimard. Parution : 16-05-2019
L’historien Pierre Laborie est né le 4 janvier 1936 à Bagnac-sur-Célé. Il est décédé à Cahors le 16 mai 2017. Ce fils d’un paysan et d’une postière fait ses études au lycée d’Aurillac avant de devenir professeur de lycée, puis d’école normale à Cahors. Professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Toulouse II-Le Mirail et directeur d’études à l’EHESS, c’est un historien spécialiste de l’opinion publique sous le régime de Vichy.
1978-1998 Carrière universitaire à Toulouse.
1980 Résistants, Vichyssois et Autres (CNRS éd.).
1990 L’Opinion française sous Vichy (Seuil).
1998 Directeur d’études à l’EHESS.
2001 Les Français des années troubles (Desclée de Brouwer ; Seuil, 2003).
2011 Le Chagrin et le venin (Bayard).
Epigraphe de Penser l’événement:
“Les mots aident à résister, à refuser, à faire reculer les ensevelissements de la mort.
Pour Jacqueline. En mémoire. Pour mémoire. Janvier 2017.”
(Merci à N.R.)
Présentation du livre sur le site Gallimard:
“L’événement que l’historien Pierre Laborie nous aide à penser est celui, majeur, de Vichy, de l’Occupation et de la Résistance, tel que les Français l’ont vécu au jour le jour, sans savoir ce que seraient les lendemains. Pour ce faire, il convient de se débarrasser au préalable d’innombrables idées fausses induites par les usages politiques et mémoriels de cette période et qui, à force d’être répétées, ont pris valeur d’évidences. Les mots de Pierre Laborie, forgés pour étudier l’opinion publique et les comportements des années 1930 et 1940, appartiennent désormais au langage commun des historiens : ambivalence, mental-émotionnel collectif, penser-double, non-consentement. Ils aident à retrouver les clés, les gestes, les paroles, les masques, les silences, les non-dits, l’implicite des expériences du temps perdu et dispersé des années «troubles». «Il y a des mots qui font vivre», écrivait Paul Éluard. Tel est bien le cas de ceux de Pierre Laborie, convaincu que «l’Histoire s’efforce, au-delà de la fragilité des émotions, de tisser quelques-uns des fils qui transmettent l’expérience pour que l’héritage serve à un dialogue de raison, qui font des fidélités maintenues une volonté de dépassement du néant».
J’ai lu le livre La tondue, 1944-1947 (Vendémiaire, 2011). Les auteurs, Philippe Frétigné (facteur de clavecins à Chartres) et Gérard Leray (professeur d’histoire-géographie), ont longtemps travaillé sur l’histoire de la Libération de Chartres. Le point de départ du livre c’est une des photographies les plus connues de la Libération. La Tondue de Chartres a été prise le 16 août 1944, rue du Cheval-Blanc à Chartres, par Robert Capa (pseudonyme d’Endre Ernő Friedmann 1913-1954). Ce photographe a couvert cinq conflits en dix-huit ans. Il est mort le 25 mai 1954 pendant la guerre d’Indochine en sautant sur une mine. Simone Touzeau, vingt-trois ans, a été tondue et marquée au front par un fer rouge. Elle s’avance dans les rues de Chartres, tenant dans ses bras un bébé. La foule qui l’accompagne est à la fois curieuse et hostile. Cette femme est exhibée avec sa famille dans les rues parce qu’elle a eu cet enfant d’un soldat allemand. Mais, quelques jours plus tard, elle est aussi soupçonnée d’être à l’origine d’une rafle. Dans la nuit du 24 au 25 février 1943, cinq chefs de famille de son voisinage avaient été arrêtés par la police de sûreté allemande et accusés d’avoir écouté la BBC. Quatre seront déportés au camp de concentration de Mauthausen. Deux d’entre eux, Fernand Guilbault et Edouard Babouin, n’en reviendront pas. L’accusation n’était pas fondée, mais Simone Touseau avait été embauchée comme secrétaire-interprète par l’armée d’occupation en décembre 1942. C’était une adhérente du PPF de Jacques Doriot depuis 1943. Elle était aussi partie comme volontaire pour travailler en Allemagne de septembre à novembre 1943. Sa mère et elle seront ensuite arrêtées, incarcérées à la prison de Chartres puis transférées au camp de Pithiviers. Elles seront traduites en justice au printemps 1945 pour « atteinte à la sûreté extérieure de l’État ». Elles risquaient la peine de mort. Toute la famille Touseau sera ostracisée ensuite par les Chartrains. En 1946, Simone Touseau apprit la mort de son fiancé allemand, Erich Göz, tué près de Minsk le 8 juillet 1944 à 44 ans. Transférée à Fresnes, elle bénéficiera d’un classement sans suite et sera libérée le 29 novembre 1946. Le 8 mars 1947, elle sera condamnée à dix ans d’indignité nationale. La responsable des dénonciations semble avoir été Ella Amerzin-Meyer ( née le 22 août 1911 ), une autre interprète de nationalité suisse, maîtresse du chef de la sécurité nazie locale. Elle s’enfuiera en Allemagne, sera retrouvée et condamnée aux travaux forcés à perpétuité. Mais le jugement sera ensuite annulé, car elle avait obtenu entre temps la nationalité allemande. Elle décédera le 20 janvier 2016 à 104 ans. La pression du voisinage étant très forte, la famille Touseau déménagera à Saint-Arnoult-en-Yvelines, mais la rumeur finira par les rattraper. Simone Touzeau se mariera en 1954, aura deux autres enfants, puis mourra, dépressive et alcoolique, à l’Hôtel-Dieu de Chartres le 21 février 1966 à 44 ans. L’enfant de la photo ( née le 23 mai 1944 ) est toujours vivant mais souhaite rester anonyme. Convaincu de l’innocence de sa famille dans la rafle de 1943 et désireux de protéger ses proches, il a brûlé toutes les lettres de ses parents. Entre juin et décembre 1944, environ 20 000 femmes françaises ont subi l’humiliation de la tonte.
Bibliographie Alain Brossat, Les Tondues, un carnaval moche, Paris, éditions Manya, janvier 1993. Réédition en 2008. Les Tondues, éditions Hachette. Fabrice Virgili La France « virile ». Des femmes tondues à la Libération. Petite Bibliothèque Payot, 2004.
Comprenne qui voudra ( Paul Eluard )
En ce temps là, pour ne pas châtier
les coupables, on maltraitait des filles.
On allait même jusqu’à les tondre.
Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés
Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres
Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête
Souillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté
Et ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre.
Texte initialement publié dans Les Lettres françaises du 2 décembre 1944
Au rendez-vous allemand, 1944.
Le 1er septembre 1969, Gabrielle Russier, jeune professeur agrégée de Lettres, mère de deux enfants et épouse divorcée (donc libre), se suicidait. Elle avait, dans l’après-Mai 68, entretenu une liaison avec l’un de ses élèves du Lycée Antoine de Saint-Exupéry de Marseille appelé aussi lycée Nord, Christian Rossi, (elle : 32 ans ; lui : 17 ans). Elle venait d’être condamnée à un an de prison avec sursis, sur plainte des parents de la ” victime ” pour détournement de mineur.
Le 22 septembre 1969 le nouveau Président de la République, Georges Pompidou ( élu le 15 juin précédent ) tenait sa première conférence de presse. À la fin de la conférence, le journaliste de Radio Monte-Carlo, Jean-Michel Royer, lui demanda ce qu’il pensait de ce fait-divers ” qui pose des problèmes de fond “.
Surpris par la question ou ému par le drame, le Chef de l’État répondit, en se ménageant de longs silences : “Je ne vous dirai pas tout ce que j’ai pensé sur cette affaire. Ni même d’ailleurs ce que j’ai fait. Quant à ce que j’ai ressenti, comme beaucoup, eh bien, Comprenne qui voudra ! Moi, mon remords, ce fut la victime raisonnable au regard d’enfant perdue, celle qui ressemble aux morts qui sont morts pour être aimés. C’est de l’Éluard. Mesdames et Messieurs, je vous remercie “.
Paul Éluard, écrivit dans un tout autre contexte, celui de l’épuration ( et de la ” collaboration sentimentale ” de nombreuses Françaises avec des soldats allemands ). Georges Pompidou devait s’attendre à la question et avait préparé quelques vers de ce poème. L’intention était louable et l’émotion non feinte.
On a su, depuis, qu’il avait effectivement ordonné une enquête sur la responsabilité mêlée de l’Éducation nationale et de la Justice, et plus précisément sur le fait que le cas de Gabrielle Russier avait échappé aux mesures d’amnistie qui, traditionnellement, accompagnent toute nouvelle élection.