Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants
Vous qui passez
bien habillés de tous vos muscles
un vêtement qui vous va bien
qui vous va mal
qui vous va à peu près
vous qui passez
animés d’une vie tumultueuse aux artères
et bien collée au squelette
d’un pas alerte sportif lourdaud
rieurs renfrognés, vous êtes beaux
si quelconques
si quelconquement tout le monde
tellement beaux d’être quelconques
diversement
avec cette vie qui vous empêche
de sentir votre buste qui suit la jambe
votre main au chapeau
votre main sur le cœur
la rotule qui roule doucement au genou
comment vous pardonner d’être vivants…
Vous qui passez
bien habillés de tous vos muscles
comment vous pardonner
ils sont morts tous
vous passez et vous buvez aux terrasses
vous êtes heureux elle vous aime
mauvaise humeur souci d’argent
comment comment
vous pardonner d’être vivants
comment comment
vous ferez-vous pardonner
par ceux-là qui sont morts
pour que vous passiez
bien habillés de tous vos muscles
que vous buviez aux terrasses
que vous soyez plus jeunes chaque printemps
Je vous en supplie faites quelque chose apprenez un pas une danse quelque chose qui vous justifie qui vous donne le droit d’être habillés de votre peau de votre poil apprenez à marcher et à rire parce que ce serait trop bête à la fin que tant soient morts et que vous viviez sans rien faire de votre vie.
Charlotte Delbo est née le 10 août 1913 à Vigneux-sur-Seine. Elle est morte le 1er mars 1985 à Paris. Issue d’une famille d’ouvriers italiens, elle adhère en 1932 aux Jeunesses communistes, puis en 1936 à l’Union des jeunes filles de France fondée par Danielle Casanova. A l’Université ouvrière, elle rencontre en 1934 son futur mari, le militant communiste Georges Dudach, formé à Moscou, qu’elle épouse en 1936. Elle travaille avant la guerre comme assistante du metteur en scène Louis Jouvet. Pendant l’Occupation, après avoir hésité, elle part avec lui et la troupe de l’Athénée en Amérique du Sud en mai 1941. Elle revient à Paris le 15 novembre1941. Elle s’engage alors dans la Résistance avec son mari. Ils font partie du «groupe Politzer», chargé de la publication des Lettres françaises dont Jacques Decour est le rédacteur en chef. Charlotte Delbo est chargée de l’écoute de Radio Londres et de Radio Moscou qu’elle prend en sténo ainsi que de la dactylographie des tracts et revues. Charlotte Delbo et son mari sont arrêtés le 2 mars 1942 au 93 rue de la Faisanderie (16e arrondissement de Paris) par les Brigades spéciales,. Georges Dudach est fusillé au fort du Mont-Valérien le 23 mai 1942, à l’âge de 28 ans. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943 parmi 230 femmes. Elle sera l’une des 49 rescapées de ce convoi. Elle écrira des années plus tard son indispensable trilogie Auschwitz et après. Aucun de nous ne reviendra (1965) Une connaissance inutile (1970) Mesure de nos jours (1971)
De 1965 à 1972, j’ai habité Vigneux-sur-Seine. Charlotte Delbo est enterré dans le même cimetière que mon père et ma seconde mère.
Ô vous qui savez… Ô vous qui savez saviez-vous que la faim fait briller les yeux que la soif les ternit Ô vous qui savez saviez-vous qu’on peut voir sa mère morte et rester sans larmes Ô vous qui savez saviez-vous que le matin on veut mourir que le soir on a peur Ô vous qui savez saviez-vous qu’un jour est plus qu’une année une minute plus qu’une vie Ô vous qui savez saviez-vous que les jambes sont plus vulnérables que les yeux les nerfs plus durs que les os le cœur plus solide que l’acier Saviez-vous que les pierres du chemin ne pleurent pas qu’il n’y a qu’un mot pour l’épouvante qu’un mot pour l’angoisse Saviez-vous que la souffrance n’a pas de limite l’horreur pas de frontière Le saviez-vous Vous qui savez.
Auschwitz et après : Aucun de nous ne reviendra (Editions de Minuit, 1970)
J’ai lu avec grand intérêt France Bloch-Sérazin– Une femme en résistance (1913-1943) de l’historien Alain Quella-Villéger, publié par les Editions Les femmes, 296 pages, 18 €. C’est une enquête complète, précise et agréable à lire, malgré parfois quelques approximations et errata ici ou là. Les lettres sont particulièrement émouvantes.
La journaliste et romancière Ania Francos avait publié en 1978, aux éditions Stock, Il était des femmes dans la Résistance avec un beau portrait de France Bloch en couverture. Elle rendait hommage à cette grande résistante et s’interrogeait: «Je me demande pourquoi le parti a pratiquement sanctifié Danielle Casanova et n’a consacré que quelques petites brochures à France. Il est vrai que cette dernière ne dirigeait pas l’Union de jeunes femmes de France.»
France Bloch [France Bloch-Sérazin, après son mariage avec Frédéric Sérazin] est née le 21 février 1913 à Paris. C’était la fille de l’écrivain Jean-Richard Bloch (1884-1947) et de Marguerite Bloch, née Herzog (1886-1975). sa mère était la sœur de l’écrivain André Maurois (1885-1967). France Bloch avait un frère (Michel 1911-2000) et deux sœurs (Marianne 1909-2003 et Claude 1915-2009). Titulaire d’une licence de chimie générale en juin 1934, elle entra comme assistante au Service central de la Recherche scientifique de l’Institut de chimie, rue Pierre Curie à Paris, et poursuivit jusqu’à la guerre des travaux de recherche.
En mai 1939, elle épousa Frédéric Sérazin, ouvrier métallurgiste chez Hispano-Suiza depuis 1935 et militant communiste. Ils eurent un fils, Roland, en janvier 1940.
Cette militante communiste, résistante de la première heure, fut la chimiste de l’Organisation spéciale (OS) puis des Francs-tireurs et partisans. En effet, elle entra en 1941 dans un des premiers groupes FTPF, dirigé par Raymond Losserand (1903-1942), conseiller municipal communiste du XIVe arrondissement de Paris. Elle installa un laboratoire rudimentaire dans un logement de deux pièces, 1 avenue Debidour dans XIXe arrondissement et fabriqua des bombes et des explosifs qui furent utilisés dans la lutte armée. Elle était en liaison avec le groupe de l’Ouest, commandé par le colonel Fabien et le colonel Dumont. Le 16 mai 1942, elle fut arrêtée par la police française en raison de ses activités. Après de terribles interrogatoires, la torture et quatre mois de cellule, elle comparut devant un tribunal spécial allemand. Elle fut condamnée à la peine de mort comme dix-huit autres co-inculpés le 30 septembre 1942. Ces derniers furent immédiatement exécutés au stand de tir de Balard (XVe arr.). France Bloch fut déportée en Allemagne le 10 décembre 1942 et enfermée dans une forteresse à Lübeck Le 12 février 1943, elle fut guillotinée à Hambourg dans la cour de la maison d’arrêt, Elle n’avait pas encore trente ans.
Son mari fut arrêté en février 1940. Il s’évada deux fois, mais repris à chaque fois. Résistant en zone sud, il fut arrêté par la Milice et la Gestapo à Saint-Étienne (Loire) le 15 juin 1944, torturé et assassiné le même jour. Son cousin germain, Jean-Louis Wolkowitsch, né aussi en 1913, fut arrêté le même jour qu’elle et fusillé comme otage le 11 août 1942 au Mont-Valérien. Sa grand-mère, Louise Laure Bloch, raflée à Néris-les-Bains le 12 mai 1944, mourut à Auschwitz le 4 juin 1944.
Les survivants (Louis Aragon)
A Jean-Richard Bloch
J’ai rencontré portant ses yeux de porcelaine
Celle qui vit son coeur mis en mille morceaux
Et mon ami qui rêve à sa reine lointaine
Dont l’ombre fuit dans les ruisseaux
J’ai rencontré jouet de nos jours mécaniques
Cet autre qui revint pour ne plus retrouver
Son amour emporté par le vent tyrannique
Comme une lettre inachevée
J’ai rencontré l’amant la sœur le fils la mère
Celle qui se refuse à ne pas croire absent
L’enfant qui n’écrit plus et qui tourne en chimère
Á l’horizon couleur du sang
Ils vivent d’une vie étrange et machinale
Le silence est en eux quand ils parlent pourtant
Quel songe déplient-ils en ouvrant le journal
Ô saveur de cendre du temps
Ce que vous pourriez dire ils le savent d’avance
N’allez pas leur parler surtout des disparus
Nuir des propos polis et de la survivance
Voyez-les traverser la rue
Ils vont chez le coiffeur ou font cuire la soupe
Vous n’arriverez pas à les prendre en défaut
Vous n’arriverez pas à faire qu’ils se coupent
Ils font tous les gestes qu’il faut
Ils ont su de la mort qu’ils étaient deux au monde
Quelle force mon Dieu les peut donc habiter
Un bonheur divisé se pourrait-il qu’il fonde
Cette incroyable dignité
Miroir intérieur ma terrible mémoire
Á qui vit sans son coeur tout semble indifférent
Mais tout est différent quand à ce foyer noir
Le feu de la haine reprend
Car il faut la nommer l’inhumaine l’humaine
Sans qui nous ne pourrions ni vivre ni marcher
C’est la sainte vertu qui te porte la haine
Honte à qui s’en voudrait cacher
Cela vous fait frémir Vous n’avez à la bouche
Que les mots de l’amour Comment voulez-vous donc
Aujourd’hui sans objet que ces mots-là nous touchent
Pour un sacrilège pardon
L’amour nous le gardons à ceux-là qui partirent Et dont la voix n’a plus d’écho que notre voix Pardonner ce serait oublier leur martyre Ce serait les tuer deux fois
Lors de notre voyage en Sicile et dans les Ïles Eoliennes, nous avons visité le mardi 6 juin 2017 le site de Sélinonte qui couvre 270 ha.
Cette prospère cité grecque occupait un magnifique endroit situé sur un promontoire entre grandes deux rivières aujourd’hui ensablées. Longée par la mer dans sa partie sud, elle abrite huit temples et une acropole qui se trouve au coeur de la nature (fleurs des champs, herbes aromatiques, espèce de céleri sauvage (selinon en grec) qui a donné son nom à la colonie grecque).
La ville aurait été fondée en 628 av.J.C. par des Grecs venant de Megara Hyblaea, colonie situé au nord de Syracuse. Ils étaient attirés par la fertilité de la région qui produisait en abondance le blé et l’ huile. La colonie prospéra pendant 200 ans. Lorsqu’elle s’allia avec Syracuse contre Carthage, Ségeste, sa rivale, demanda l’aide des Carthaginois et en 409 av.J.C., Hannibal de Giscon ( v 471 av. J.-C. – 406 av. J.-C.) lança son armée de plus de 100 000 hommes sur Sélinonte qui tomba en neuf jours. Environ 16 000 habitants furent massacrés et 5 000 vendus comme esclaves. 2 600 personnes se réfugièrent à Agrigente. La cité avait compté jusqu’à 30 000 habitants à son apogée.
La cité ne retrouva plus jamais sa grandeur. Elle se maintint encore vaille que vaille un siècle et demi, puis le site fut abandonné. Plus tard, les Byzantins puis les Arabes s’installèrent dans ses ruines. Les nombreux tremblements de terre achevèrent sa quasi-destruction. Elle fut redécouverte par un moine dominicain au XVI siècle. Des archéologues anglais, Samuel Angell et William Harris, firent des recherches en 1823 et mirent à jour les premières métopes. Les fouilles sont systématiques depuis 1950. Elles se poursuivent aujourd’hui.
Le site se compose de trois zones: la première, sur la colline orientale, regroupe trois temples (E,F,G); la deuxième, l’ancienne acropole en regroupe cinq (Temples A,B,C,D et O); la troisième était une enceinte sacrée où s’élevait le Santuario della Malophoros (575 av.J.C.).
Les temples E et F sont les mieux conservés. Le temple E (480-460 av.J.C.), consacré à Héra et relevé en 1958, est un temple périptère, comportant six colonnes sur sa largeur et quinze sur sa longueur. Il est allongé par la présence d’un opisthodome. Le temple F (560-540 av.J.C.) était probablement dédié à Athéna. C’est le plus petit et le plus ancien des trois temples de la colline orientale. Il est entièrement en ruine. Ses colonnes cannelées gisent au sol. Le temple G, un des plus vastes du monde grec (113 m sur 30 m de haut), était inachevé au moment de l’attaque carthaginoise comme le montrent ses colonnes non cannelées. Ses fûts atteignent un diamètre de 3,40 m. Chaque tambour pèse au moins 100 tonnes. Il n’a plus aujourd’hui qu’une colonne encore debout. Aujourd’hui, c’est un impressionnant amas de fragments et de colonnes colossales renversées. Il était peut-être dédié à Apollon ou plus vraisemblablement à Zeus Olympien.
Un sentier mène à l’acropole où s’élevaient les bâtiments publics et religieux et quelques résidences appartenant aux classes aisées. De grands remparts, de 4,50 m d’épaisseur, furent construits après l’affrontement avec les Carthaginois en 306 av.J.C. sur une centaine d’hectares. Ils devaient protéger la ville. Le temple C, avec ses douze hautes colonnes, est le plus ancien (début du VI siècle av.J.C.) et le mieux conservé. De là, proviennent les superbes métopes qui ornaient ses frises et se trouvent maintenant au Musée archéologique de Palerme.
Il y a 15 ans. Hace 15 años. Les attentats qui ont touché Madrid le jeudi 11 mars 2004 ont été l’acte terroriste le plus meurtrier en Europe depuis 1988. Plusieurs explosions de bombes, posées par des islamistes radicaux, se sont produites dans des trains de banlieue à Madrid ce matin-là, exactement deux années et demie après les attentats du 11 septembre 2001 Aux Etats-Unis. 191 personnes sont mortes, 1900 ont été blessées. Sur treize bombes utilisées, dix ont explosé. Les Espagnols désignent cet événement par l’expression 11-M. Les explosions ont eu lieu pendant l’heure de pointe entre 7h32 et 7h 39, aux gares d’Atocha (trois bombes), El Pozo del Tío Raimundo (deux bombes), Santa Eugenia (une bombe), ainsi que dans un train juste en dehors d’Atocha à la Calle Téllez (quatre bombes).
Victor Serge et Laurette Séjourné, Écris-moi à Mexico. Correspondance inédite 1941-1942, Éditions Signes et Balises (224 p., 17€). Texte établi, transcrit et édité par Françoise Bienfait et Tessa Brissac. Précédé de «Victor Serge au Mexique: le dernier exil», d’Adolfo Gilly.
«Je crois que l’une des pires de nos erreurs et de nos fautes est d’abord l’intolérance envers les nôtres. Elle provient de ce sentiment de détenir la vérité qui est au fond de toutes les convictions fortes, sentiment juste et nécessaire – nous détenons de grandes vérités – , mais qui produit aussi les inquisiteurs et les sectaires. Notre salut est dans une intransigeance tolérante, qui consiste à nous reconnaître mutuellement le droit à l’erreur, le plus humain des droits, et le droit de penser autrement, le seul qui donne un sens au mot liberté.» (Pleine attente (notes sur un voyage de Paris à Mexico)
Victor Serge (Viktor Lvovitch Kibaltchitch 1890-1947) a embarqué avec son fils Vlady à Marseille sur le navire Capitaine Paul-Lemerle le 24 mars 1941. Son voyage durera six mois. Il n’arriva au Mexique qu’en septembre 1941. L’exilé avait fait halte à Port-au-Prince, à la Havane; à l’époque, des lieux qui lui paraissaient paradisiaques et hors de l’histoire. Il attendait avec angoisse l’arrivée de Laurette Séjourné (née Laura Valentini 1911-2003), sa nouvelle compagne rencontrée en 1937. Mais le visa a traîné et Laurette Séjourné n’arrivera que six mois plus tard. Elle passera le reste de sa vie à Mexico et sera une anthropologue et ethnologue très renommée. Dans les années 1950, elle travailla à l’INAH (Institut National d’Anthropologie et d’Histoire du Mexique) et fit des fouilles à Teotihuacán. Son principal travail concernera la figure de Quetzalcóatl. De plus, elle affirma que Teotihuacán était la légendaire Tula (aussi connue sous le nom de Tolan et de Tollan).
Sur le navire Capitaine Paul-Lemerle, se trouvaient entre autres André Breton et Jacqueline Lamba, la romancière allemande Anna Seghers, la photographe Germaine Krull, les peintres André Masson et Wifredo Lam ainsi que Claude Lévi-Strauss qui racontera cette traversée dans Tristes tropiques (1955).
Victor Serge mourut dans un taxi d’une crise cardiaque le 17 novembre 1947 alors qu’il se rendait chez son fils Vlady pour lui remettre son dernier poème, Mains.
L’écrivain et éditeur Adrien Bosc a décrit cet exode maritime dans son deuxième roman, publié à la rentrée 2018 chez Stock Capitaine.
La mémoire courte. Éditions de Minuit, 1954 ; réédition, Mille et une Nuits, 2001 ; réédition, Éditions Sillage, 2017.
«Ce traître (Pétain) avait raison : les Français d’aujourd’hui ont la mémoire courte. Encore, au lieu de les vitupérer eut-il dû les féliciter et s’en féliciter, puisque faute de mémoire, ils ont pu admettre que trahir sa patrie est un acte vertueux et méritoire. Mais la position plus ou moins favorable d’un Pétain par rapport à la défaillance d’une faculté mentale de la nation française est de peu d’intérêt. Ce qui nous frappe ici, c’est que, pour en tirer quelque conclusion que ce soit, il ait mis le doigt sur une chose aussi capitale que la mémoire. Qu’il ait senti que tout se passe là. L’HOMME est avant tout mémoire…. L’écourtement de la mémoire, c’est la mort.»
Jean Cassou est en 1934 membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes et directeur de la revue Europe de 1936 à 1939. En 1936, il participe au cabinet de Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-arts du Front populaire. Grand résistant. Automne 1940 Il participe au réseau de résistance créé par Boris Vildé et Alexandre Lewitsky au sein du musée de l’Homme. Emprisonné à Toulouse de décembre 1941 à février 1942, puis de juillet 1942 à juin 1943, il écrit dans sa prison les trente-trois sonnets composés au secret, publiés dans la clandestinité, sous le pseudonyme de Jean Noir, par les éditions de Minuit. Passé dans la clandestinité, il est chargé de coordonner l’actions des forces résistantes dans le Sud-Ouest. Rédacteur des Cahiers de la Libération et Président du Comité régional de Libération de Toulouse. Juin 1944 Commissaire de la République de la région de Toulouse.Très grièvement blessé par les Allemands à la veille de la libération de la ville, il reçoit, sur son lit d’hôpital, la croix de Compagnon de la Libération des mains du général de Gaulle.
Octobre 1945 Conservateur en chef du Musée national d’art moderne, poste qu’il occupe jusqu’en 1965. Février 1946 Président du Comité national des écrivains. 1953 Les éditions de Minuit publient La mémoire courte, réponse de Jean Cassou à la Lettre aux directeurs de la Résistance de Jean Paulhan, éditée par ces mêmes éditions en 1951. De 1965 à 1970, il est directeur d’études à l’École pratique des hautes études.
C’est le beau-frère du philosophe Vladimir Jankélévitch (1903-1985), dont il a épousé la sœur, pianiste, Ida Jankélévitch (1898-1982).
Enrique Ruano Casanova (Madrid, 7 de julio de 1947-Madrid, 20 de enero de 1969), estudiante de derecho y miembro del Frente de Liberación Popular, uno de los grupos políticos que lucharon en España contra el franquismo, murió el 20 de enero de 1969.
Enrique Ruano fue detenido el 17 de enero de 1969, por arrojar en la calle propaganda de su partido, y trasladado a comisaría. Tres días más tarde, fue llevado a un edificio de la calle del Príncipe de Vergara (entonces General Mola) de Madrid, para efectuar un registro de la vivienda, y allí cayó por una ventana del séptimo piso.
El conjunto del movimiento antifranquista consideró la muerte de Enrique Ruano como un asesinato, y se produjeron movilizaciones en protesta por los hechos. Varios intelectuales apoyaron también la tesis del crimen político, del asesinato, que fue creciendo ante las contradicciones de la versión oficial que fue variando con el paso de los días.
El suceso fue presentado oficialmente como un suicidio, y se dijo que el joven echó a correr y se arrojó por la ventana. Incluso se llegó a presentar un supuesto diario en el que se expresaban ideas suicidas y que se filtró a la prensa como del estudiante fallecido. Manuel Jiménez Quílez, director general de Prensa a las órdenes del Ministro Manuel Fraga Iribarne, movilizó al diario ABC —dirigido por Torcuato Luca de Tena— y encargaron al periodista Alfredo Semprún que preparara un reportaje «definitivo» acerca de las razones del suicidio. Manuel Fraga llamó por teléfono al padre de Ruano para amenazarle y que dejara de protestar. Fraga le recordó que tenía otra hija de la que ocuparse.
El sindicalista José Luis Úriz recuerda en su testimonio Peleando a la contra el momento en que fue detenido y torturado cuando estudiaba ingeniería de telecomunicaciones en Madrid por el inspector Antonio González Pacheco, conocido como Billy el Niño. Mientras golpeaba a Úriz, otro policía que participaba en el interrogatorio le dijo al torturador: «ten cuidado que se te va a ir la mano otra vez y lo vas a matar», y respondió según el relato de Úriz: «no importa, hacemos como con Ruano, lo tiramos por la ventana y decimos que se quería escapar».
La “historia de amor más trágica de la Transición” gana el Premio Comillas (El País, 19/01/2019)
Tusquets Editores. A finales de enero de Javier Padilla Moreno-Torres (1992).
“Ce n’est pas me réfuter que de réfuter la non-violence. Je n’ai jamais plaidé pour elle. Et c’est une attitude qu’on me prête pour la commodité d’une polémique. Je ne pense qu’il faille répondre aux coups par la bénédiction. Je crois que la violence est inévitable, les années d’occupation me l’ont appris. Pour tout dire, il y a eu, en ce temps-là, de terribles violences qui ne m’ont posé aucun problème. Je ne dirai donc point qu’il faut supprimer toute violence, ce qui serait souhaitable, mais utopique, en effet. Je dis seulement qu’il faut refuser toute légitimation de la violence, que cette violence lui vienne d’une raison d’État absolue, ou d’une philosophie totalitaire. La violence est à la fois inévitable et injustifiable. Je crois qu’il faut lui garder son caractère exceptionnel et la resserrer dans les limites qu’on peut. Je ne prêche donc ni la non-violence, j’en sais malheureusement l’impossibilité, ni, comme disent les farceurs, la sainteté: je me connais trop pour croire à la vertu toute pure. Mais dans un monde où on s’emploie à justifier la terreur avec des arguments opposés, je pense qu’il faut apporter une limitation à la violence, la cantonner dans certains secteurs quand elle est inévitable, amortir ces effets terrifiants en l’empêchant d’aller jusqu’au bout de sa fureur. J’ai horreur de la violence confortable. J’ai horreur de ceux dont les paroles vont plus loin que les actes. C’est en cela que je me sépare de quelques-uns de nos grands esprits, dont je m’arrêterai de mépriser les appels au meurtre quand ils tiendront eux-mêmes les fusils de l’exécution.”
Deux réponses à d’Astier de la Vigerie in Actuelles. Écrits politiques, 1950. Gallimard-Folio. Première réponse publiée dans Caliban n°16. Mai 1948.
Emmanuel d’Astier de la Vigerie, grand résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, fonde en 1941 le mouvement Libération-Sud et le journal Libération, puis devient, en novembre 1943 et jusqu’en septembre 1944, commissaire à l’Intérieur de la France libre. Élu député après-guerre, il est l’un des «compagnons de route» du Parti communiste français, puis devient gaulliste de gauche. Fait unique dans l’ordre de la Libération, ses frères François (1886-1956) et Henri (1897-1952) sont également compagnons de la Libération.
Un grand article de Philippe Lançon sur Camus. Libération 02/01/2010.
El día 16 de julio del año 1942, festividad de la Virgen del Carmen, tres niñas de siete, nueve y once años felicitaron a la hija del general Francisco Franco por su onomástica, le entregaron un ramo de flores y se hincaron de rodillas para pedir clemencia por el pintor Lorenzo Aguirre, que estaba condenado a muerte. La respuesta del franquismo se produjo 82 días más tarde: el 6 de octubre, Margarita, Susy y Francisca Aguirre supieron que su padre acababa de ser ejecutado. Cincuenta y siete años después han sabido que otros presos políticos de la cárcel de Porlier fueron obligados a contemplar la ejecución de aquel hombre bueno, alegre, comprometido con su tiempo y artista versátil, fulgurante y profundo.Lorenzo Aguirre nació en Pamplona en 1884 y vivió parte de su infancia y toda su adolescencia en Alicante. Su pintura ofrecería siempre la mística gravedad navarra y la euforia luminosa del Mediterráneo. Su mirada distribuye en los lienzos la penumbra ancestral de la meditación y la eternidad súbita de la luz. Rubén Darío escribió sobre Antonio Machado: “Era luminoso y profundo, como era hombre de buena fe”; Aguirre fue un artista y un hombre machadiano. De su buena fe hay muchas pruebas. Una de ellas: su predilección por el retrato, su respeto por los rostros humanos. Un respeto que se desplaza también a los paisajes: en su obra los paisajes no son acotaciones del territorio del planeta, sino palpitaciones de la misteriosa casa colectiva en donde los seres humanos “viven, laboran, pasan y sueñan, y en un día como tantos, descansan bajo la tierra”. A los retratos de Aguirre los ilumina la fraternidad; a sus paisajes los iluminan la lentitud y la compasión. Y siempre, en los rostros de sus criaturas y en los rostros de sus paisajes, comparece la alegría de los colores besándose los unos a los otros; la alegría que exhalan la presencia y las grietas de la vida. Porque pintar de verdad, con verdad, es un acto de gracias.
En el año 1904, Aguirre obtuvo el título de profesor de dibujo en la Escuela Especial de Pintura, Escultura y Grabado de Madrid, y participó, junto con Daniel Vázquez Díaz y José Gutiérrez Solana, en la Exposición Nacional de Bellas Artes. En el año siguiente pintó y rifó una Inmaculada Concepción y con el dinero obtenido en la rifa viajó a Francia, en donde formó parte del equipo de escenógrafos de la Ópera de París. Recorrió varias ciudades europeas para saciar su sed en los museos y regresó a Madrid con 23 años de edad y los ojos y el entusiasmo transformados en almacenes de pintura. A partir de entonces obtuvo medallas como pintor, como cartelista y como caricaturista. En 1917 expuso sus dibujos en el Salón de los Humoristas, junto a Sancha, Bartolozzi, Penagos…, experiencia que repitió dos años después junto con Vázquez Díaz y Benjamín Palencia. En 1925 obtuvo una medalla de oro en la Exposición Internacional de Artes Decorativas, en París, y en el año siguiente obtuvo otra medalla en Madrid, en la Exposición Nacional de Bellas Artes. Poco después, la Asociación de Pintores y Escultores de Madrid le otorgó por unanimidad la medalla de honor. En enero de 1930 se casó en segundas nupcias con Francisca Benito Rivas, con quien tuvo tres hijas. La paternidad y la República le ayudaron a vivir los años más dichosos y más fértiles de su vida. Sus hijas lo recuerdan llevándolas a ellas y a su esposa a los cines de sesión doble casi todos los días, entusiasmándose con las historias prodigiosas que discurrían en las pantallas cinematográficas, jugando encarnizadamente al ajedrez con la abuela Jenara, pintando horas y horas con una concentración tan fulminante que le llevaba a mojar los pinceles en su tacita de café mientras sonreía contemplando una pincelada. En uno de aquellos instantes de ensimismamiento en que Aguirre bebía café embadurnado de materias pictóricas y reflexionaba sobre la luz de un rostro estalló la guerra civil.
En 1936 se trasladó a Valencia con el Gobierno de la República. En 1937 pidió el carnet del partido comunista. En 1938 se trasladó a Barcelona con las autoridades republicanas. En 1939 cayó por el barranco del exilio con su mujer, sus hijas y la abuela Jenara. Vivió unas semanas en París intentando, como Modigliani, vender dibujos y acuarelas por las calles y las placitas. Su hija Francisca Aguirre escribiría mucho más tarde: “Y como a Modigliani, tampoco a él le compraban”. Se trasladó con su familia a Le Havre, con el propósito de embarcar hacia Latinoamérica, y pintaba retratos y paisajes marítimos, como aferrándose a la solidaridad de los rostros humanos y a la esperanza de una salvación oceánica, que nunca se produjo. Vivían en un hotelito llamado La Rotonde de la Gare, junto al puerto y junto a la estación del ferrocarril, dos objetivos codiciados por los bombarderos alemanes, de manera que a veces se desplazaban a gatas por la habitación para que no les alcanzase la metralla que irrumpía por la ventana con su silbido criminal. Una mañana de 1940 su familia regresó a España mirando para atrás y viendo cómo el pintor, al otro lado de la frontera, los despedía con las manos, cada vez más lejanas. No consiguió embarcar hacia ninguna parte. Fue detenido en la frontera y arrojado a la cárcel guipuzcoana de Ondarreta. El 8 de febrero de 1941 lo trasladaron a la cárcel madrileña de Porlier. En 1947 fue investigado por el Tribunal Especial para la Represión de la Masonería y el Comunismo. Al no conseguir establecer su “condición de masón” archivaron el expediente de un hombre que llevaba cinco años muerto.
Su pintura está viva. Gracias a dos recientes y magníficas exposiciones subvencionadas por las autoridades de las Cajas de Ahorro de Navarra y celebradas en Pamplona y Madrid, e impulsadas por el talento y la bondad de Gregorio Díaz y Camino Paredes, mucha gente ha podido ver que la obra de Lorenzo Aguirre está viva y crece hacia la vida. Aguirre fue clandestino durante medio siglo, pero su pintura está viva. Respiraba en sigilo durante la inacabable posguerra, pero permanecía viva y crecía hacia la vida. Durante décadas no pudo vivir en las salas de exposiciones, pero permanecía viva y se agrandaba hacia el interior de la vida. En el año 1986, y gracias a la gestión de Concepción Badiola y Pedro Manterola, el Banco de Bilbao expuso las obras de Aguirre en Pamplona y Bilbao. En el catálogo que con aquel motivo fue editado, Francisca Aguirre redactó un texto del que reproduzco unas líneas: “No puedo calcular la cantidad de gente maravillosa que ha mirado estos cuadros y que los ha querido. No puedo recordar las palabras de cada uno de ellos. Han sido muchos. Pero recuerdo que esos cuadros estaban el día en que llegó Antonio López con Mari, su mujer. Antonio miró los cuadros y me dijo: “¿Por qué no los limpiamos?”. Fue una resurrección. Antonio había estado en casa de mi hermana Susy y había visto los cuadros de mi padre que ella tiene. Empezó a limpiar una marina y mientras iban apareciendo los colores reales del cuadro me decía: “Lo mejor de tu padre es que tiene un gran poder evocador de lo vital. Cuando pinta la figura humana tiene algo de místico, hay algo religioso en su manera de tratar la carne. Esa obsesión por la figura, que es una constante en su obra, y sus paisajes luminosos, su tratamiento del paisaje, es para mí lo mejor de su pintura, lo más conmovedor”. Lo más conmovedor era también ver a Antonio limpiando con sumo cuidado los cuadros de mi padre”. Lo más conmovedor es también el consuelo que nos agarra la garganta desde unos versos sabios de nuestro maestro don Antonio Machado: “Vivid, la vida sigue, los muertos mueren y las sombras pasan; lleva quien deja y vive el que ha vivido”. Necesitamos creer que Lorenzo Aguirre murió sabiendo que le haríamos “un duelo de labores y esperanzas”.