Voyage d’Edouard Manet en Espagne. Août-septembre 1865

Édouard Manet (Ferdinand Mulnier) v 1877-82

Lettre d’Edouard Manet à Henri Fantin-Latour

Dimanche matin [3 septembre 1865]

Mon cher ami, que je vous regrette ici et quelle joie c’eût été pour vous de voir ce Vélasquez qui à lui seul vaut le voyage ; les peintres de toutes les écoles qui l’entourent au musée de Madrid et qui y sont très bien représentés semblent tous des chiqueurs. C’est le peintre des peintres: il ne m’a pas étonné mais m’a ravi. Le portrait en pied que nous avons au Louvre n’est pas de lui. L’infante seule ne peut être contestée. Il y a ici un tableau énorme rempli de petites figures comme celles qui se trouvent dans le tableau du Louvre intitulé les cavaliers, mais figures de femmes et d’hommes, supérieures peut-être et surtout parfaitement pures de restauration. Le fond, le paysage est d’un élève de Vélasquez.

Le morceau le plus étonnant de cet [sic] œuvre splendide et peut-être le plus étonnant morceau de peinture que l’on ait jamais fait est le tableau indiqué au catalogue, portrait d’un acteur célèbre au temps de Philippe IV ; le fond disparaît, c’est de l’air qui entoure ce bonhomme tout habillé de noir et vivant ; et les fileuses, le beau portrait d’Alonzo Cano, las Meninas (les nains), tableau extraordinaire aussi, ses philosophes, étonnants morceaux – tous les nains, un surtout assis de face les poings sur les hanches, peinture de choix pour un vrai connaisseur, ses magnifiques portraits, il faudrait tout énumérer, il n’y a que des chefs- d’œuvre; un portrait de Charles Quint par Titien, qui a une grande réputation qui doit être méritée et qui m’aurait certainement je crois paru bien autre part, me semble ici être de bois;

Et Goya, le plus curieux après le maître, qu’il a trop imité dans le sens le plus servile d’imitation. Une grande verve cependant. Il y a de lui au musée deux beaux portraits équestres dans la manière de Vélasquez, bien inférieurs toutefois. Ce que j’ai vu de lui jusqu’ici ne m’a pas plus énormément; je dois en voir ces jours-ci une magnifique collection chez le duc d’Ossuna.

Je suis désolé, le temps est très laid ce matin et je crains que la course de taureaux qui doit avoir lieu ce soir et à laquelle je me fais un plaisir d’aller, ne soit remise, à quand? – Je vais demain faire une excursion à Tolède. Là, je verrai Gréco et Goya très bien représentés, m’a-t-on dit.

Madrid est une ville agréable, pleine de distractions. Le Prado, charmante promenade couverte de très jolies femmes toutes en mantilles, ce qui est d’un aspect très original; dans les rues encore beaucoup de costumes, les toreros qui eux aussi ont un costume de ville curieux.

Adieu, mon cher Fantin, je vous serre la main et suis t. à vous.

E. Manet

Vous pouvez compter sur votre catalogue quoiqu’il soit très difficile à avoir.

J’ai trouvé à Madrid, le jour de mon arrivée, un Français qui s’occupe d’art et qui me connaissait.
Je ne suis donc pas seul.

Pablo de Valladolid. v 1632-37. Madrid, Prado.

Daniel Cordier

Daniel Cordier

Daniel Cordier : « Il faut être optimiste » (Le Monde, 09/05/2018)

“Vous avez dit : « Il m’a choisi. » En fait, c’est bien plus que cela, parce que Jean Moulin est aussi celui qui vous a initié à la peinture. Au fond, sans lui, vous ne seriez peut-être jamais devenu galeriste et marchand d’art. Il ne vous a donc pas seulement choisi, il vous a aussi aidé à choisir votre vie.

Oui, c’est vrai, on peut résumer les choses comme ça. Mais la façon dont tout cela s’est passé est tout de même un peu plus compliquée. Car cette initiation à l’art, comme vous dites, s’est faite dans des circonstances assez particulières.

C’est-à-dire ?

Au moment où j’ai commencé à travailler avec lui, l’une des premières choses qu’il m’a dites est ceci : « Quand nous serons dans la rue, au restaurant ou dans n’importe quel endroit où nous risquons d’être entendus, je me mettrai à vous parler d’art pour que nous ne soyons pas suspectés. » Que voulez-vous ? C’était lui le patron, c’est lui qui décidait. Donc ça s’est passé comme ça : quand on était ensemble et qu’il sentait qu’il y avait un danger, il se lançait, il me parlait de Cézanne, de Renoir, de Kandinsky. La peinture moderne le passionnait.

En somme, durant vos journées avec Jean Moulin, il vous arrivait de passer de façon soudaine de la Résistance à l’art moderne, comme deux vies parallèles, cloisonnées… Dans vos Mémoires, vous racontez ainsi que c’est ce qui s’est passé le 27 mai 1943, quand a eu lieu la première réunion du Conseil de la Résistance, rue du Four (Paris 6e). Une date historique, puisque c’est là que la Résistance intérieure s’est unie pour se mettre sous la tutelle du général de Gaulle…

Oui, en effet. Pour être exact, je n’ai pas assisté personnellement à cette réunion, où il y avait Moulin et les grands chefs de la Résistance. Moi, j’étais dehors, rue du Four, entre la rue de Rennes et le carrefour de la Croix-Rouge, je devais récupérer des gens pour les amener dans l’appartement que nous avait prêté un médecin. J’étais aussi censé téléphoner pour prévenir ceux qui étaient à l’intérieur en cas de problème. D’ailleurs, quand j’y repense, c’était un peu enfantin : qu’est-ce que j’aurais bien pu faire s’il s’était passé quelque chose ? Je préfère ne pas y penser…

Mais bon, voilà, quand la fameuse réunion a été terminée, Moulin m’a donné rendez-vous dans une galerie près de la Seine. Il y avait des Kandinsky. Il m’a expliqué qui c’était. Pour moi, c’était une découverte. Après, nous sommes allés dîner du côté de Montmartre…

Pour vous, ce monde de l’art, c’était nouveau ?

Oui, complètement nouveau ! A cette époque-là, je n’étais encore jamais entré dans un musée. Je venais d’une famille de la vieille bourgeoisie de Bordeaux. C’était des gens qui avaient de l’argent, mais j’ai l’impression qu’eux non plus n’étaient jamais allés dans un musée… C’est grâce à Jean Moulin que j’ai su ce qu’était un musée, mais malheureusement il n’était déjà plus là…

Comment cela ?

Un jour, il m’avait dit : « Après la guerre, je vous emmènerai au Prado, à Madrid, et je vous montrerai quelque chose qui a beaucoup d’importance. » Il parlait de la peinture de Goya. Alors, quand vers la fin de la guerre je me suis retrouvé en Espagne, après avoir franchi les Pyrénées à pied et fait un peu de prison, j’y suis allé.

Je me trouve donc à Madrid avec quelques camarades. Ils me disent : « Viens avec nous au bordel. » Je leur réponds : « Ah non, moi je vais au Prado ! » Eux : « C’est quoi ? » Moi : « C’est un musée. » Je peux vous dire qu’ils s’en foutaient complètement. Alors, j’y suis allé tout seul. Et c’est là que j’ai rencontré la peinture.

Et c’est donc un peu plus tard que vous êtes devenu marchand d’art. Mais ce n’est pas quelque chose que vous avez décidé quand vous étiez avec Jean Moulin ?

Non, pendant la guerre, je n’avais pas ça en tête. A vrai dire, je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie. Je ne me posais pas la question. Je me disais que, une fois la guerre terminée, je continuerais volontiers à travailler avec mon patron… Je n’y pensais pas… Mais, après sa disparition [à l’été 1943], la guerre a encore duré deux ans. C’est après que j’ai commencé à acheter quelques tableaux.”

Jean-Moulin octobre 1940 (Photo prise par son ami Marcel Bernard)

René Char-Alberto Giacometti

Autoportrait (Alberto Giacometti) 1920.

                                               Alberto Giacometti

Du linge étendu, linge de corps et linge de maison, retenu par des pinces, pendait à une corde. Son insouciant propriétaire lui laissait volontiers passer la nuit dehors. Une fine rosée blanche s’étalait sur les pierres et sur les herbes. Malgré la promesse de chaleur la campagne n’osait pas encore babiller. La beauté du matin, parmi les cultures désertes, était totale, car les paysans n’avaient pas ouvert leur porte, à large serrure et à grosse clé, pour éveiller seaux et outils. La basse-cour réclamait. Un couple de Giacometti, abandonnant le sentier proche, parut sur l’aire. Nus ou non. Effilés et transparents, comme les vitraux des églises brulées, gracieux, tels des décombres ayant beaucoup souffert en perdant leur poids et leur sang anciens. Cependant hautains de décision, à la manière de ceux qui se sont engagés sans trembler sous la lumière irréductible des sous-bois et des désastres. Ces passionnés de laurier-rose s’arrêtèrent devant l’arbuste du fermier et humèrent longuement son parfum. Le linge sur la corde s’effraya. Un chien stupide s’enfuit sans aboyer. L’homme toucha le ventre de la femme qui remercia d’un regard, tendrement. Mais seule l’eau du puits profond, sous son petit toit de granit, se réjouit de ce geste, parce qu’elle en percevait la lointaine signification. A l’intérieur de la maison, dans la chambre rustique des amis, le grand Giacometti dormait.

1954

Recherche de la base et du sommet, II Alliés substantiels, 1971.

Galerie Gallimard. 30-32 Rue de l’Université. Paris, VII.

Muerte de Francisco de Goya

La Lechera de Burdeos (Francisco de Goya) 1827 Madrid Prado.

El 16 de abril de 1828, Francisco de  Goya murió en Burdeos en su casa de la rue des Fossés de l’Intendance n° 39, hacia las 2 de la madrugada, acompañado por el joven artista Antonio Brugada y José Pío de Molina. Se le enterró junto a Martín Miguel de Goicoechea, su consuegro, en el cementerio de la Chartreuse. Vivía en Burdeos desde 1824.

En junio de 1899, sus restos fueron trasladados a la Sacramental de San Isidro  y finalmente, el 29 de noviembre de 1919, a la ermita de San Antonio de la Florida. Falta el cráneo del pintor.

Francisco de Goya. Estatua sedente de Goya (José San Bartolomé Llaneces). 1901. Paseo de la Florida Madrid al lado de la ermita de San Isidro.

Une conversation souveraine (René Char – Alberto Giacometti)

Galerie Gallimard 30/32 Rue de l’Université 75007 Paris 01 49 54 42 30

RENÉ CHAR ET ALBERTO GIACOMETTI

“UNE CONVERSATION SOUVERAINE” EXPOSITION PROPOSÉE PAR MARIE-CLAUDE CHAR 21 MARS 2018 – 14 AVRIL 2018. Du mardi au samedi de 13h à 19h

Galerie Gallimard 30/32 Rue de l’Université 75007 Paris 01 49 54 42 30

RENÉ CHAR ET ALBERTO GIACOMETTI

UNE CONVERSATION SOUVERAINE” EXPOSITION PROPOSÉE PAR MARIE-CLAUDE CHAR 21 MARS 2018 – 14 AVRIL 2018. Du mardi au samedi de 13h à 19h

« TU AS TRAVERSÉ COMME UNE FLÈCHE SÛRE MES POÈMES.
J’EN SUIS TRÈS ÉMU. »
René Char à Alberto Giacometti, 26 septembre 1965

À l’occasion du trentième anniversaire de la mort de René Char, la Galerie Gallimard propose du 21 mars au 14 avril 2018 une exposition consacrée à l’auteur des Feuillets d’Hypnos.

Cette exposition se présente en deux parties : l’une consacrée à la collaboration de René Char avec son ami Alberto Giacometti, notamment pour les éditions bibliophiliques du Visage nuptial et de Retour Amont (à paraître en « Poésie/Gallimard ») ; l’autre, à la parution en 1948, il y a soixante-dix ans, du grand recueil de René Char, Fureur et mystère.

Éditions de luxe, estampes, documents originaux rares ou inédits seront ainsi présentés en hommage au poète.

Aphorismes sur bois enluminés 1956-58 Collection particulière.

 

Aún aprendo (Francisco de Goya)

Aún aprendo ( Álbum G, 54)
Hacia 1826. Lápiz negro, Lápiz litográfico sobre papel verjurado, agrisado, 192 x 145 mm.

“Quizá sea este dibujo del Álbum de Burdeos titulado Aún aprendo, el que mejor sintetiza el espíritu de Goya en esos postreros años de su vida, realizado hacia 1825-28. De hecho, se ha convertido en una referencia recurrente en la historiografía de Goya, que ha querido ver en él un autorretrato simbólico en el que se expresa la voluntad inquebrantable de desarrollo personal que le llevó a continuar materializando sus nuevas ocurrencias en variados soportes. Si en ocasiones anteriores los viejos que aparecían en sus obras mostraban una visión negativa del paso del tiempo, en este dibujo se puede apreciar un significativo cambio de perspectiva, subrayado por el elocuente título de raíz clásica, acorde con el optimismo recobrado en Burdeos por Goya. Sin embargo, Laurent Matheron, en su romántica biografía del pintor publicada en 1858, recoge una anécdota que induce a considerar este dibujo, como ocurre con el resto de su producción, desde una óptica más melancólica. Narraba Matheron que, a poco de llegar el pintor a Burdeos, le fue ya imposible salir sin la ayuda de su joven compatriota Brugada. Apoyándose en su brazo y por los sitios menos frecuentados probaba a marchar solo, pero eran inútiles sus esfuerzos; las piernas no le sostenían. Entonces exclamaba montando en cólera: -¡Qué humillación! ¡A los ochenta años me pasean como a un niño; es necesario que aprenda a andar!-. Buena parte de las interpretaciones del dibujo que aquí comentamos vienen condicionadas por los referentes visuales que Goya pudo haber conocido y utilizado. Según estos planteamientos, Goya habría sido un artista de extraordinaria cultura visual y literaria, conocedor de los clásicos latinos a través de las traducciones y de las fuentes emblemáticas del Renacimiento presentes en numerosos libros y estampas, que le habrían servido de punto de partida para elaborar este dibujo. El título todavía aprendo tiene su origen en la sentencia utilizada por Platón y Plutarco: anchora imparo; mientras que la imagen de un viejo apoyado en dos bastones se ha relacionado con la estampa también llamada Anchora imparo grabada en 1536 por Girolamo Fagiuoli, en la que se representa a un anciano en el andador de un niño. En la primera mitad del siglo XVI era un lugar común representar a Cronos como a un anciano barbado, provisto de una túnica y apoyado en dos bastones con los que camina trabajosamente, tal y como aparece en una estampa de Marcantonio Raimondi (h. 1470/82-1527/34). Más cercana en el tiempo está la estampa de William Blake (1757-1827) que ilustraba el libro de Henry Fuseli Lectures on Painting, que Goya pudo conocer, y con la que Aún aprendo presenta ciertas similitudes formales. En ella se muestra a M. Angelo Bonarotti apoyado en un bastón, mirando penetrantemente al espectador, ante un fondo oscuro en el que se vislumbra el Coliseo de Roma. El lema de esta estampa es asimismo Ancora imparo, también aplicado al polifacético artista del Renacimiento en su biografía. En el dibujo Goya nos expresa en primer lugar la soledad del hombre en el tránsito de la vida, pero también el camino de la oscuridad hacia la luz, soberbiamente representada la primera con intensos trazos de lápiz litográfico sutilmente matizados con unas leves líneas oblicuas del rascador, apenas perceptibles, mientras que la luz se muestra con la propia blancura del papel. El inestable paso adelante, solo posibilitado por el sustento que le aportan los dos bastones que sujeta con unas manos, cuya cuidadosa representación permite apreciar la inflamación de las articulaciones producida por la artrosis, ayuda a expresar la fragilidad del anciano que necesita aprender de nuevo a caminar pese a la edad, del mismo modo que el niño ha de hacerlo en su infancia. El venerable rostro, circunscrito en una cabellera y una barba encrespadas y abundantes, muestra una mirada que, como en tantas obras de Goya, alberga el sentido final del dibujo. Los ojos cansados dejan entrever unas pupilas que, lejos de mirar al frente, lo hacen hacia un lado de modo melancólico. Se produce así una tensión entre el rumbo de sus pasos y su mirada lateral que, si queremos comprender el dibujo en clave de autorrepresentación, expresaría esa tensión entre las carencias de la vejez y la voluntad de continuar avanzando” (Texto extractado de Matilla, J. M.: “Aun aprendo“, en Matilla, J. M., Mena Marqués, M.: Goya: Luces y Sombras, 2012, pp. 314-317, n. 95).

Antonio Machado

Baeza, Calle de san Pablo. Estatua de Antonio Machado. 2008.

La saeta

¿Quién me presta una escalera,
para subir al madero,
para quitarle los clavos
a Jesús el Nazareno?
Saeta popular.

¡Oh, la saeta, el cantar
al Cristo de los gitanos
siempre con sangre en las manos
siempre por desenclavar!

¡Cantar del pueblo andaluz
que todas las primaveras
anda pidiendo escaleras
para subir a la cruz.!

¡Cantar de la tierra mía
que echa flores
al Jesús de la agonía
y es la fe de mis mayores!

¡Oh, no eres tú mi cantar
¡No puedo cantar, ni quiero
a este Jesús del madero
sino al que anduvo en el mar!

Campos de Castilla, 1912.

CXXX. La saeta

Qui me prête une échelle
pour aller sur la croix,
enlever les clous
de Jésus le Nazaréen ?
Saeta populaire.

Oh ! La saeta le couplet
au Christ des gitans,
avec toujours aux mains du sang,
et toujours sur sa croix cloué !

Oh! chanson du peuple andalou,
qui à chaque printemps,
demande des échelles
pour monter à la croix !

Chant de ma terre,
jetant des fleurs
au Christ de l’agonie,
qui est la foi de mes ancêtres !

Tu n’es pas le chant de mon coeur !
Je ne veux ni ne peux
chanter ce Christ en croix
mais celui qui marchait sur la mer.

Champs de Castille, Solitudes, Galeries et autres poèmes et Poésies de la guerre. Traduction Sylvie Léger et Bernard Sesé. Paris, NRF Poésie Gallimard n°144 1981.

Cristo crucificado (Diego Velázquez) 1632 Madrid. Museo del Prado.

Joan Manuel Serrat, 1974.

https://www.youtube.com/watch?v=bRgOX70qYh8

Henri Michaux-Continuum

Les Masques du vide (Henri Michaux) 1942

Des oeuvres intéressantes à voir  à la galerie Thessa Herold, 7 rue de Thorigny, Paris, 3 ème jusqu’au 21 Avril .  Elles vont des années 30 jusqu’aux années 80

« Plus tard, les signes, certains signes. Les signes me disent quelque chose. J’en ferais bien, mais un signe, c’est aussi un signal d’arrêt. Or en ce temps je garde un autre désir, un par-dessus tous les autres. Je voudrais un continuum. Un continuum comme un murmure, qui ne finit pas, semblable à la vie, qui est ce qui nous continue, plus important que toute qualité.

Impossible de dessiner comme si ce continuum n’existait pas. C’est lui qu’il faut rendre.

Echecs. Echecs. Essais. Echecs. »

(Henri Michaux, Emergences. Résurgences. Genève, Skira, Les Sentiers de la création, 1972.)

“Un jour, j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers. (…) Etre rien et rien que rien (…). vidé de l’abcès d’être quelqu’un, je boirai à nouveau l’espace nourricier. (…) Perdu en un endroit lointan (ou même pas) sans nom, sans identité.”

(Peintures, GLM,  1939)

Henri Michaux

MA VIE (Henri Michaux)

Tu t’en vas sans moi, ma vie.
Tu roules.
Et moi j’attends encore de faire un pas.
Tu portes ailleurs la bataille.
Tu me désertes ainsi.
Je ne t’ai jamais suivie.

Je ne vois pas clair dans tes offres.
Le petit peu que je veux, jamais tu ne l’apportes.
A cause de ce manque, j’aspire à tant.
A tant de choses, à presque l’infini…
A cause de ce peu qui manque, que jamais tu
n’apportes.

1932

Henri Michaux “La Nuit Remue” Gallimard 1935

Je me souviens aussi de ma lecture d’ Ecuador en 2015, ce récit de voyage écrit par Henri Michaux, après un voyage de l´auteur, malade, à travers les Andes, l’Équateur, et le Brésil et publié en 1929. Il était accompagné par son ami, le grand poète écuatorien, Alfredo Gangotena (1904-1944).

Alfredo Gangotena.

Capilla de San José. Toledo.

Capilla de San José. Toledo.

Je suis allé très souvent à Tolède. Je n’ai jamais pu visiter la Chapelle de San José. Il s’agit d’une chapelle privée que l’on pouvait visiter en 2014 pour le quatrième centenaire de la mort de El Greco. La Maire socialiste  de Tolède, Milagros Tolón, a obtenu en 2015 du propriétaire actuel, le Marquis de Eslava,  l’ouverture de la Chapelle le second mardi de chaque mois. Elle est située au numéro 5 de la rue Núñez de Arce.

La chapelle fut fondée par le riche marchand de Tolède,  Martín Ramírez, décédé en 1569. Il s’agissait alors d’ établir le couvent des Carmélites déchaussées que sainte Thérèse souhaitait fonder à Tolède. La sainte se déplaça jusqu’à cette ville, mais le projet ne put aboutir. Néanmoins, les héritiers firent construire cette chapelle en honneur de saint Joseph que sainte Thérèse vénérait particulièrement. Ce sera la première église ou chapelle dédiée à ce saint dans toute la chrétienté. La construction (1588-1596), de style Renaissance,  fut l’oeuvre de Nicolás de Vergara (1540-1606). La décoration intérieure fut commandée à El Greco en 1597. C’était donc seulement un oratoire familial.

Les deux tableaux du Greco des autels latéraux – San Martín y el mendigo et La Virgen con el Niño, santa Inés y santa Martina – ont été vendus en 1907 par  le propriétaire, le comte de Guendulain à un antiquaire français qui les a cédés à un collectionneur américain. Les deux tableaux se trouvent aujourd’hui  à la National Gallery de Washington. Ils sont remplacés à Tolède par de piètres copies. Plus de vingt oeuvres de El Greco sortirent ainsi d’Espagne entre 1902 et 1909. Un véritable pillage. Ni l’Etat, ni l’Eglise espagnole ni la ville de Tolède ne réagirent  le moins du monde.

L’autel central avec ses peintures, ses colonnes cannelées et ses statues de rois et de papes, offre un magnifique exemple du Greco comme « artiste total ». C’est un long crescendo lumineux  jusqu’au Couronnement de la Vierge, éclairé par la lumière naturelle provenant d’une baie. Les figures de saint Joseph et du Christ enfant se découpent sur un fond où l’on reconnaît la ville de Tolède.  Il s’agit d’ un  chef-d’œuvre majeur du peintre espagnol,  d’origine crétoise.