Wisława Szymborska est née le 2 juillet 1923 dans le village de Prowent , voisin de Bnin, aujourd’hui dans la commune de Kórnik, à moins de 25 km au sud-est de Poznań. Elle est décédée le 1 février 2012 à Cracovie. Cette poétesse polonaise a reçu le prix Nobel de littérature en 1996.
CERTAINS AIMENT LA POESIE
Certains –
donc pas tout le monde.
Même pas la majorité de tout le monde, au contraire.
Et sans compter les écoles, où on est bien obligé,
ainsi que les poètes eux-mêmes,
on n’arrivera pas à plus de deux sur mille.
Aiment –
mais on aime aussi le petit salé aux lentilles,
on aime les compliments, et la couleur bleue,
on aime cette vieille écharpe,
on aime imposer ses vues,
on aime caresser le chien.
La poésie –
seulement qu’est ce que ça peut bien être.
Plus d’une réponse vacillante
fut donnée à cette question.
Et moi-même je ne sais pas, et je ne sais pas, et je m’y accroche
comme à une rampe salutaire.
De la mort sans exagérer Poèmes 1957-2009, Editions Gallimard 2018 (Traduction Piotr Kaminski)
Pendant qu’il est encore temps, ma rose, avant que Paris ne soit brûlé et détruit, pendant qu’il est encore temps ma rose. Pendant que mon coeur est encore sur sa branche. Me voici, par une de ces nuits de mai, t’appuyant contre un mur du quai Voltaire, il me faut t’embrasser sur la bouche. Et puis, tournant vers Notre-Dame nos visages, il nous faut contempler la rosace. Soudain tu devras te serrer contre moi ma rose, de peur, de surprise, de joie, et tu devras pleurer silencieusement. Les étoiles bruineront, très fines, se mêlant aux lignes de la pluie. Pendant qu’il est encore temps, ma rose, avant que Paris ne soit brûlé et détruit, pendant qu’il est encore temps ma rose, pendant que mon coeur est encore sur sa branche. En cette nuit de mai sur les quais il nous faut aller, sous les saules, ma rose, sous les saules pleureurs trempés. Je dois te dire les deux plus beaux mots de Paris, les plus beaux, ceux qui ne mentent pas. Puis, en sifflotant, il me faut crever de bonheur, et nous devons croire aux hommes. Là-haut les immeubles de pierre s’alignent sans coins ni recoins et leurs murs en clair de lune et leurs fenêtres bien droites dorment debout, et sur l’autre rive, le Louvre, sous le feu des projecteurs, illumine pour nous notre palais de cristal. Pendant qu’il est encore temps, ma rose, avant que Paris ne soit brûlé et détruit, pendant qu’il est encore temps, ma rose, pendant que mon cœur est encore sur sa branche. En cette nuit de mai, sur le quai devant les dépôts, nous devons nous asseoir sur les bidons rouges. Le canal en face pénètre dans l’obscurité. Une péniche passe, Saluons-la, ma rose, Saluons la péniche à la cabine jaune. S’en va-t-elle vers la Belgique ou la Hollande? A la porte de la cabine une femme au tablier blanc sourit avec douceur. Pendant qu’il est encore temps, ma rose, avant que Paris ne soit brûlé et détruit, pendant qu’il est encore temps, ma rose. Peuple de Paris, peuple de Paris ne laisse pas détruire Paris.
13 mai 1958.
Il neige dans la nuit et autres poèmes, Gallimard, 1999. Choix et traduction Munevver et Guzine Dino.
(D’octobre 1907 à mai 1908, Mandelstam est étudiant à la Sorbonne à Paris où il suit les cours de Joseph Bédier et d’Henri Bergson.)
J’ai vu un lac, un lac qui se tenait debout, Et, leur logis d’eau douce achevé, les poissons Jouaient avec la rose taillée dans la roue, Dans l’esquif s’affrontaient le renard et le lion.
Les voûtes avortées de voûtes plus ouvertes
Zieutaient par le dedans les trois hurlants portails,
La gazelle enjamba la portée violette
Et du roc le soupir des tours soudain jaillit.
Et fier le grès se dresse, abreuvé de fraîcheur ;
Dans la ville-grillon, la ville des métiers,
Un enfant-océan vient de surgir du fleuve
Et d’eau douce à pleins seaux asperge les nuées.
Voronèje, 4-7 mars 1937.
(Ce poème est une évocation de la rosace de Notre-Dame)
Cahiers de Voronèje 1935-1937, in Tristia et autres poèmes, Editions Gallimard, 1975. Traduit du russe par François Kérel.
Notre-Dame est bien vieille: on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître;
Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher
Comme un loup fait un boeuf, cette carcasse lourde,
Tordra ses nerfs de fer, et puis d’une dent sourde
Rongera tristement ses vieux os de rocher!
Bien des hommes, de tous les pays de la terre Viendront, pour contempler cette ruine austère, Rêveurs, et relisant le livre de Victor: – Alors ils croiront voir la vieille basilique, Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique, Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort!
Certains en ont déjà assez de tout le battage fait autour de l’incendie de Notre-Dame. Peu importe. Nous avons vu hier des personnes diverses, massées le long des quais, silencieuses et tristes. Nous avons lu tous ces articles et tweets qui citent souvent les poètes de tous les pays qui ont décrit Notre-Dame. Cette catastrophe nous a touchés. Normal. Nos premières images de Paris en 1965 sont liées à la Seine, aux quais, aux bouquinistes, à la cathédrale. Ainsi, les vers d’Aragon nous parlent de notre jeunesse, mais aussi du présent, de nos promenades sans fin dans cette ville aimée.
“Qui n’a pas vu le jour se lever sur la Seine Ignore ce que c’est que ce déchirement Quand prise sur le fait la nuit qui se dément Se défend se défait les yeux rouges obscène Et Notre-Dame sort des eaux comme un aimant
L’aorte du Pont Neuf frémit comme un orchestre Où j’entends préluder le vin de mes vingt ans Il souffle un vent ici qui vient des temps d’antan Mourir dans les cheveux de la statue équestre La ville comme un coeur s’y ouvre à deux battants”
LE PAYSAN DE PARIS CHANTE
I
Comme on laisse à l’enfant pour qu’il reste tranquille
Des objets sans valeur traînant sur le parquet
Peut-être devinant quel alcool me manquait
Le hasard m’a jeté des photos de ma ville
Les arbres de Paris ses boulevards ses quais
Il a le front chargé d’un acteur qu’on défarde
Il a cet œil hagard des gens levés trop tôt
C’est pourtant mon Paris sur ces vieilles photos
Mais ce sont les fusils des soldats de la Garde
Si comme ces jours-ci la rue est sans auto
L’air que siffle un passant vers soixante dut plaire
Sous les fers des chevaux les pavés sont polis
Un immeuble m’émeut que j’ai vu démoli
Cet homme qui s’en va n’est-ce pas Baudelaire
Ce luxe flambant neuf la rue de Rivoli
J’aime m’imaginer le temps des crinolines
Le Louvre étant fermé du côté Tuileries
Par un château chantant dans le soir des soieries
Les lustres brillaient trop à minuit pour le spleen
Le spleen a la couleur des bleus d’imprimerie
Il se fait un silence à la fin des quadrilles
Paris rêve et qui sait quels rêves sont les siens
Ne le demandez pas aux académiciens
Le secret de Paris n’est pas au bal Mabille
Et pas plus qu’à la Cour au conseil des Anciens
Paris rêve et jamais il n’est plus redoutable
Plus orageux jamais que muet mais rêvant
De ce rêve des ponts sous leurs arches de vent
De ce rêve aux yeux blancs qu’on voit aux dieux des fables
De ce rêve mouvant dans les yeux des vivants
Paris rêve et de quoi rêve-t-il à cette heure
Quelle ombre traîne-t-il sur sa lumière entée
Il a des revenants pis qu’un château hanté
Et comme à ce lion qui rêve du dompteur
Le rêve est une terre à ce nouvel Antée
Paris s’éveille et c’est le peuple de l’aurore
Qui descend du fond des faubourgs à pas brumeux
Ils semblent ignorer ce qui déjà les meut
L’air a lavé déjà leurs grands fronts incolores
Des songes mal peignés y pâlissent comme eux
Qui n’a pas vu le jour se lever sur la Seine
Ignore ce que c’est que ce déchirement
Quand prise sur le fait la nuit qui se dément
Se défend se défait les yeux rouges obscène
Et Notre-Dame sort des eaux comme un aimant
Qu’importe qu’aujourd’hui soit le Second Empire
Et que ce soit Paris plutôt que n’importe où
Tous les petits matins ont une même toux
Et toujours l’échafaud vaguement y respire
C’est une aube sans premier métro voilà tout
Toute aube est pour quelqu’un la peine capitale
À vivre condamné que le sommeil trompa
Et la réalité trace avec son compas
Ce triste trait de craie à l’orient des Halles
Les contes ténébreux ne le dépassent pas
Paris s’éveille et moi pour retrouver ces mythes
Qui nous brûlaient le sang dans notre obscurité
Je mettrai dans mes mains mon visage irrité
Que renaisse le chant que les oiseaux imitent
Et qui répond Paris quand on dit liberté
II
C’est un pont que je vois si je clos mes paupières
La Seine y tourne avec ses tragiques totons
Ô noyés dans ses bras noueux comment dort-on
C’est un pont qui s’en va dans ses loges de pierre
Des repos arrondis en forment les festons
Un roi de bronze noir à cheval le surmonte
Et l’île qu’il franchit a double floraison
Pour verdure un jardin pour roses des maisons
On dirait un bateau sur son ancre de fonte
Que font trembler les voitures de livraison
L’aorte du Pont Neuf frémit comme un orchestre
Où j’entends préluder le vin de mes vingt ans
Il souffle un vent ici qui vient des temps d’antan
Mourir dans les cheveux de la statue équestre
La ville comme un coeur s’y ouvre à deux battants
Sachant qu’il faut périr les garçons de mon âge
Mirage se leurraient d’une ville au ciel gris
Nous derniers nés d’un siècle et ses derniers conscrits
Les pieds pris dans la boue et la tête aux nuages
Nous attendions l’heure H en parlant de Paris
Quand la chanson disait Tu reverras Paname
Ceux qu’un oeillet de sang allait fleurir tantôt
Quelque part devant Saint-Mihiel ou Neufchâteau
Entourant le chanteur comme des mains la flamme
Sentaient frémir en eux la pointe du couteau
Depuis lors j’ai toujours trouvé dans ce que j’aime
Un reflet de ma ville une ombre dans ses rues
Monuments oubliés passages disparus
J’ai plus écrit de toi Paris que de moi-même
Et plus qu’en mon soleil en toi Paris j’ai cru
Cité faite flambeau que seul aimer consume
Cité faite de pleurs qui ris d’avoir pleuré
Enfer aux yeux d’argent Paradis dédoré
Forge de l’avenir où le crime est l’enclume
Piège du souvenir où la gloire est murée
Sur les places grondait l’orage populaire
Les bras en croix tombaient des héros inconnus
Où des cortèges noirs le long des avenues
Y paraissaient écrire un serment de colère
Ô Paris tu berçais les vents dans tes bras nus
La mort est un miroir la mort a ses phalènes
Ma vie à ses deux bouts le même feu s’est mis
Pour la seconde fois le monstre m’a vomi
Je suis comme Jonas sortant de la baleine
Mais j’ai perdu mon ciel ma ville et mes amis
III
Afin d’y retrouver la photo de mes songes
Si je frotte mes yeux que le passé bleuit
Ainsi que je faisais à l’école à Neuilly
Un printemps y fleurit encore et se prolonge
Et ses spectres dansants ont moins que moi vieilli
C’est Paris ce théâtre d’ombres que je porte
Mon Paris qu’on ne peut tout à fait m’avoir pris
Pas plus qu’on ne peut prendre à des lèvres leur cri
Que n’aura-t-il fallu pour m’en mettre à la porte
Arrachez-moi le coeur vous y verrez Paris
C’est de ce Paris-là que j’ai fait mes poèmes
Mes mots sont la couleur étrange de ces toits
La gorge des pigeons y roucoule et chatoie
J’ai plus écrit de toi Paris que de moi-même
Et plus que de vieillir souffert d’être sans toi
Plus le temps passera moins il sera facile
De parler de Paris et de moi séparés
Les nuages fuiront de Saint-Germain-des-Prés
Un jour viendra comme une larme entre les cils
Comme un pont Alexandre Trois blême et doré
Ce jour-là vous rendrez voulez-vous ma complainte
A l’instrument de pierre où mon coeur l’inventa
Peut-on déraciner la croix du Golgotha
Ariane se meurt qui sort du labyrinthe
Cet air est à chanter boulevard Magenta
Une chanson qui dit un mal inguérissable
Plus triste qu’à minuit la Place d’Italie
Pareille au Point-du-Jour pour la mélancolie
Plus de rêves aux doigts que le marchand de sable
Annonçant le plaisir comme un marchand d’oublies
Une chanson vulgaire et douce où la voix baisse
Comme un amour d’un soir doutant du lendemain
Une chanson qui prend les femmes par la main
Une chanson qu’on dit sous le métro Barbès
Et qui change à l’Étoile et descend à Jasmin
Le vent murmurera mes vers aux terrains vagues
Il frôlera les bancs où nul ne s’est assis
On l’entendra pleurer sur le quai de Passy
Et les ponts répétant la promesse des bagues
S’en iront fiancés aux rimes que voici
Comme on laisse à l’enfant pour qu’il reste tranquille Des objets sans valeur traînant sur le parquet Peut-être devinant quel alcool me manquait Le hasard m’a jeté des photos de ma ville Les arbres de Paris ses boulevards ses quais
Publié en zone libre dans la revue Le Point, à Lanzac par Souillac (Lot), quatrième année, numéro XXIII, sans date. Paru probablement à la fin de 1942 ou au début de 1943.
Étoile
de la mer, voici la lourde nef
Où nous ramons tout nuds sous
vos commandements;
Voici notre détresse et nos
désarmements;
Voici le quai du Louvre, et l’écluse, et le
bief.
Voici
notre appareil et voici notre chef.
C’est un gars de chez nous
qui siffle par moments.
Il n’a pas son pareil pour les
gouvernements.
Il a la tête dure et le geste un peu bref.
Reine
qui vous levez sur tous les océans,
Vous penserez à nous quand
nous serons au large.
Aujourd’hui c’est le jour d’embarquer
notre charge.
Voici l’énorme grue et les longs meuglements.
S’il
fallait le charger de nos pauvre vertus,
Ce vaisseau s’en
irait vers votre auguste seuil
Plus creux que la noisette après
que l’écureuil
L’a laissée retomber de ses ongles pointus.
Nuls
ballots n’entreraient par les panneaux béants,
Et nous
arriverions dans la mer de Sargasse
Traînant cette inutile et
grotesque carcasse
Et les Anglais diraient : ils n’ont
rien mis dedans.
Mais
nous saurons l’emplir et nous vous le jurons
Il sera le plus
beau dans cet illustre port
La cargaison ira jusque sur le
plat-bord
Et quand il sera plein nous le couronnerons.
Nous
n’y chargerons pas notre pauvre maïs,
Mais de l’or et du
blé que nous emporterons.
Et il tiendra la mer : car nous
le chargerons
Du poids de nos péchés payés par votre Fils.
«A vida é o que fazemos dela. As viagens são os viajantes. O que vemos não é o que vemos, senão o que somos.»
«La vie est ce que nous en faisons. Les voyages ce sont les voyageurs eux-mêmes. Ce que nous voyons n’est pas fait de ce que nous voyons mais de ce que nous sommes.»
Piedad Bonnett est née à Amalfi (Antioquia) en Colombie) en 1951. C’est une poétesse, romancière, dramaturge et critique littéraire.
Sa famille s’installe à Bogota lorsqu’elle a 8 ans. Elle a obtenu une licence de Philosophie et Lettres à l’Université des Andes de Bogota, où elle est professeur de philosophie et de langues depuis 1981.
Elle a obtenu de nombreux prix, par exemple le Prix National de Poésie, Instituto Colombiano de Cultura en 1994, le Prix Casa de las Américas, Prix de poésie José Lezama Lima, en 2014, pour Explicaciones no pedidas.
Lo que no tiene nombre, 2013 a été traduit en français sous le titre Ce quin’a pas de nom (Éditions Métailié, 2017). Dans ce court récit, Piedad Bonnett raconte à la première personne le suicide de son fils Daniel, vingt-huit ans, qui s’est jeté du toit de son immeuble à New York le 14 mai 2011. Huit ans plus tôt, on avait diagnostiqué sa schizophrénie. Elle raconte son besoin désespéré de trouver des traces d’une vie personnelle, un journal, des écrits et essaie de comprendre le combat inégal du jeune homme contre la folie qui le cerne.
Rosa Montero: «Un livre incandescent, courageux jusqu’à la violence, extraordinaire. Piedad Bonnett écrit depuis l’abîme et éclaire l’obscurité avec un texte pénétrant et indispensable.» Mario Vargas Llosa: «La vie, la mort et la littérature se mêlent comme sur une scène de théâtre dans ce témoignage extraordinaire où convergent la vérité la plus intime et le talent créatif.»
Piedad Bonnett a lu ce texte lors de l’enterrement de son fils: “Daniel amaba la vida. Amaba el sol y el agua, la buena comida, el cine, la música. Amaba también el conocimiento. Y amó mucho su arte, el dibujo y la pintura, a cuyo estudio y práctica dedico muchas horas, de las que derivó, sin duda, mucha felicidad. Daniel disfrutó sus amigos, su familia, y supo lo que era enamorarse, sufrir y gozar el amor. Adoraba viajar y lo hizo todas las veces que pudo. Realizó su sueño cuando se fue a vivir a Nueva York, ciudad que conoció bien desde su adolescencia, cuando viajaba en vacaciones a tomar cursos de pintura. Fue un muchacho talentoso, sensible, amable y respetuoso con los demás, disciplinado y cumplidor de su deber. Al ingresar a su cuarto en Nueva York, después de su muerte, nos sorprendió el orden impecable en que vivía, rodeado de cuadernos y libros y objetos queridos. No parecía, como en el poema de Wistawa Szymborska, “que de esa habitación no hubiera salida, al menos por la puerta/ o que no tuviera perspectiva, al menos desde la ventana. Por eso, si él pudiera ver hoy lo que hizo, tal vez lo lamentaría. O tal vez no. Porque Daniel tuvo que dar, desde sus 18 años, una gran batalla contra un trastorno mental. Y fue así como con gran valentía y con la ayuda de algunos de los que lo quisimos y de su médico, Danny pudo estudiar arte, hacer una opción en arquitectura, ser maestro de niños y jóvenes, pintar sus cuadros, e ingresar a hacer su maestría en la Universidad de Columbia. Pero esta vez la enfermedad, el cansancio y el dolor, terminaron por vencerlo. Recordemos a Daniel como lo que en esencia fue: un muchacho no sólo inteligente sino bueno. Y consolémonos pensando que, como en el verso de José Emilio Pacheco, en nuestra memoria, con sus espléndidos 28 años, ahora es bello para siempre.”
No hay cicatriz, por brutal que parezca,
que no encierre belleza.
Una historia puntual se cuenta en ella,
algún dolor.
Pero también su fin.
Las cicatrices, pues,
son las costuras de la memoria,
un remate imperfecto que nos sana
dañándonos.
La forma que el tiempo encuentra
de que nunca olvidemos las heridas.
Nostalgia del presente En aquel preciso momento el hombre se dijo: Qué no daría yo por la dicha de estar a tu lado en Islandia bajo el gran día inmóvil y de compartir el ahora como se comparte la música o el sabor de la fruta. En aquel preciso momento el hombre estaba junto a ella en Islandia.
La cifra, 1981.
Nostalgie du présent Á cet instant précis l’homme se dit: Que ne donnerais-je pour la joie d’être en Islande à tes côtés sous le grand jour immobile et de partager le présent comme on partage la musique ou la saveur d’un fruit. Á cet instant précis l’homme était près d’elle en Islande