Lo querían matar los iguales, porque era distinto.
Si veis un pájaro distinto, tiradlo; si veis un monte distinto, caedlo; si veis un camino distinto, cortadlo; si veis una rosa distinta, deshojadla; si veis un río distinto, cegadlo… si veis un hombre distinto, matadlo.
¿Y el sol y la luna dando en lo distinto?
Altura, olor, largor, frescura, cantar, vivir distinto de lo distinto; lo que seas que eres, distinto (monte, camino, rosa, río, pájaro, hombre): si te descubren los iguales, huye a mí, ven a mi ser, mi frente, mi corazón distinto.
Una colina meridiana, 1942-1950. Huerga y Fierro editores, 2003.
Juan Ramón Jiménez, Prix Nobel de littérature 1956.
Nous avons passé une semaine en Cantabrie et aux Asturies du 10 au 17 juin 2024. Magnifiques paysages de l’Espagne atlantique.
Dernier jour à Santander le 17 juin. Aujourd’hui, je classe mes photos et je pense au poète José Hierro (Quinta del 42). Le monument au poète se trouve sur la promenade de la Baie de Santander, entre le Club Maritime et le monument aux Raqueros.
Les 4 statues en bronze représentent 4 enfants. L’un est debout et regarde l’eau. Deux sont assis. Un plonge dans le port. Elles rendent hommage aux enfants pauvres qui, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, plongeaient dans l’eau froide de l’Atlantique pour récupérer des pièces de monnaie.
Ces vers sont inscrits dans la pierre du monument à José Hierro :
“Si muero, que me pongan desnudo, desnudo junto al mar. Serán las aguas grises mi escudo y no habrá que luchar.”
Junto al mar in Quinta del 42, 1952.
” Si je meurs, mettez-moi à nu, nu à côté de la mer. Les eaux grises seront mon bouclier et je n’aurai pas à lutter “.
Paseo
Sin ternuras, que entre nosotros sin ternuras nos entendemos. Sin hablarnos, que las palabras nos desaroman el secreto. ¡Tantas cosas nos hemos dicho cuando no era posible vernos! ¡Tantas cosas vulgares, tantas cosas prosaicas, tantos ecos desvanecidos en los años, en la oscura entraña del tiempo! Son esas fábulas lejanas en las que ahora no creemos. Es octubre. Anochece. Un banco solitario. Desde él te veo eternamente joven, mientras nosotros nos vamos muriendo. Mil novecientos treinta y ocho. La Magdalena. Soles. Sueños. Mil novecientos treinta y nueve, ¡comenzar a vivir de nuevo! Y luego ya toda la vida. Y los años que no veremos. Y esta gente que va a sus casas, a sus trabajos, a sus sueños. Y amigos nuestros muy queridos, que no entrarán en el invierno. Y todo ahogándonos, borrándonos. Y todo hiriéndonos, rompiéndonos. Así te he visto: sin ternuras, que sin ellas nos entendemos. Pensando en ti como no eres, como tan solo yo te veo. Intermedio prosaico para soñar una tarde de invierno.
Quinta del 42, 1952.
José Hierro est né le 3 avril 1922 à Madrid, mais a passé son enfance et son adolescence à Santander. Il a toujours eu la passion de la mer et a gardé un lien très fort avec sa région d’origine, la Cantabrie. Il doit abandonner ses études au début de la Guerre Civile. Son père, Joaquín Hierro, fonctionnaire du télégraphe, républicain, est emprisonné par les franquistes de 1937 à 1941. Lui-même se retrouve en prison en 1939 pour avoir donné son appui à une organisation d’aide aux prisonniers politiques. Il est jugé deux fois et condamné à douze ans et un jour de réclusion. Il connaîtra les prisons de Madrid (Comendadoras, Torrijos, Porlier), Palencia, Santander, Segovia et Alcalá de Henares. Son expérience poétique part de l’expérience extrême de l’après-guerre civile et de l’enfermement. Ses maîtres sont Lope de Vega, San Juan de la Cruz, Rubén Darío et Juan Ramón Jiménez. Il donnera le prénom de ce dernier à un de ses fils. Il a aussi beaucoup lu les poètes de la Génération de 1927 ainsi que Baudelaire, Mallarmé et Paul Valéry. Á sa sortie de prison le premier janvier 1944, José Hierro occupe de nombreux emplois alimentaires. Il épouse en 1949 María de los Ángeles Torres (décédée le 17 juin 2020). Ils ont eu quatre enfants. Il a obtenu en 1998 Prix Cervantès, le plus prestigieux de la littérature hispanique. Il devient membre de la Real Academia Española en 1999. Son recueil Cuaderno de Nueva York (Le Cahier de New York), publié en 1998 et qui regroupe trente trois poèmes, devient en Espagne un véritable best-seller. Il meurt le 21 décembre 2002 dans un hôpital madrilène à l’âge de 80 ans d’une insuffisance respiratoire. L’oeuvre de José Hierro est peu traduite en français. 1951 Poèmes. Pierre Seghers. Traduction Roger Noël-Mayer. 2014 Tout ce que je sais de moi. Circé. Traduction Emmanuel Le Vagueresse.
Charles Baudelaire. Œuvres complètes I, II. Coffret de deux volumes vendus ensemble. Édition publiée sous la direction d’André Guyaux et Andrea Schellino. Avec la collaboration d’Aurélia Cervoni, Antoine Compagnon, Romain Jalabert, Bertrand Marchal, Henri Scepi, Jean-Luc Steinmetz, Matthieu Vernet et Julien Zanetta. Préface d’Antoine Compagnon.
La nouvelle édition des Œuvres complètes de Charles Baudelaire est très utile. Elle innove puisque tous les textes sont publiés dans l’ordre chronologique. Le 10 septembre 1931, Charles Baudelaire fut le premier auteur à être publié dans la Bibliothèque de la Pléiade collection créée par Jacques Schiffrin, éditeur et traducteur (1892-1950).
Plaisir de passer d’un texte en prose à un texte en vers. La composition d’ ” Un hémisphère dans une chevelure ” (publié en août 1857) précède probablement celle de ” La Chevelure ” (publié en mai 1859). On remarquera la symétrie entre le poème en prose (sept paragraphes) et le poème en vers (sept strophes). Entrons dans ce monde onirique.
XVII
Un hémisphère dans une chevelure
Poème exotique
Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l’eau d’une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l’air.
Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j’entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l’âme des autres hommes sur la musique.
Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures ; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l’espace est plus bleu et plus profond, où l’atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.
Dans l’océan de ta chevelure, j’entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d’hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l’éternelle chaleur.
Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan, dans la chambre d’un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes.
Dans l’ardent foyer de ta chevelure, je respire l’odeur du tabac mêlé à l’opium et au sucre ; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l’infini de l’azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m’enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l’huile de coco.
Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs.
Publié dans Le Présent 24 août 1857
Le Spleen de Paris. 1869.
XXIII. La chevelure
Ô Toison, moutonnant jusque sur l’encolure ! Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir ! Extase ! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure, Des souvenirs dormant dans cette chevelure, Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir !
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, Tout un monde lointain, absent, presque défunt, Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique ! Comme d’autres esprits voguent sur la musique, Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.
J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève, Se pâment longuement sous l’ardeur des climats ; Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève ! Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :
Un port retentissant où mon âme peut boire Á grands flots le parfum, le son et la couleur ; Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire, Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur.
Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ; Et mon esprit subtil que le roulis caresse Saura vous retrouver, ô féconde paresse, Infinis bercements du loisir embaumé !
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ; Sur les bords duvetés de vos mèches tordues Je m’enivre ardemment des senteurs confondues De l’huile de coco, du musc et du goudron.
Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde Sèmera le rubis, la perle et le saphir, Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde ! N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?
Revue française, 20 mai 1859.
Les Fleurs du mal, 1861.
Je conseille la lecture de la critique de Laurent Fassin des deux tomes de La Pléiade dans la revue en ligne, La Cause Littéraire.
La revue Diérèse (poésie et littérature) a publié dans son numéro 90 (été 2024) quatre poèmes du grand poète vénézuélien, Eugenio Montejo (1938-2008) : Adiós al siglo XX, Islandia, Ulises, La Poesía. Ils sont traduits par Raymond Farina. Je recommande aussi la lecture de ceux d’Estela Puyuelo (née en 1976 à Labasca – Huesca), traduits par Nathalie de Courson.
Coordonnées de la revue (3 numéros par an. 45 euros) : Daniel Martinez 8 avenue Hoche 77330 Ozoir-la-Ferrière.
Eugenio Montejo, fils d’un boulanger, est né le 19 octobre 1938 à Caracas. Il est mort le 5 juin 2008 à Valencia (Vénézuela). Professeur d’université, chercheur, éditeur (Monte Ávila Editores), animateur de plusieurs revues (Azar Rey, Revista Poesía de la Universidad de Carabobo), il a reçu en 1998 le Prix national de littérature du Venezuela et en 2004 le Prix international Octavio Paz de Poésie. Il a été aussi conseiller culturel à l’ambassade du Venezuela au Portugal. Il est de la même génération que le Prix Cervantes 2023, Rafael Cadenas (1930). Comme ce dernier, il était très critique à l’égard du chavisme au pouvoir dans son pays depuis 1999. Son œuvre complète a été publiée par la maison d’édition espagnole Pre-Textos.
Tomo I. Poesía, 2021. Tomo II. Ensayo y géneros afines, 2022. Tomo III. Blas Coll y los colígrafos, 2023.
J’ai choisi 4 autres poèmes de cet écrivain méconnu en France.
Dura menos un hombre que una vela
Dura menos un hombre que una vela pero la tierra prefiere su lumbre para seguir el paso de los astros. Dura menos que un árbol, que una piedra, se anochece ante el viento más leve, con un soplo se apaga. Dura menos un pájaro, que un pez fuera del agua, casi no tiene tiempo de nacer, da unas vueltas al sol y se borra entre las sombras de las horas hasta que sus huesos en el polvo se mezclan con el viento, y sin embargo, cuando parte siempre deja la tierra más clara.
Muerte y memoria, 1972.
Terredad
Estar aquí por años en la tierra, con las nubes que lleguen, con los pájaros, suspensos de horas frágiles. A bordo, casi a la deriva, más cerca de Saturno, más lejanos, mientras el sol da vuelta y nos arrastra y la sangre recorre su profundo universo más sagrado que todos los astros.
Estar aquí en la tierra: no más lejos que un árbol, no más inexplicables; livianos en otoño, henchidos en verano, con lo que somos o no somos, con la sombra, la memoria, el deseo, hasta el fin (si hay un fin) voz a voz, casa por casa, sea quien lleve la tierra, si la llevan, o quien la espere, si la aguardan, partiendo juntos cada vez el pan en dos, en tres, en cuatro, sin olvidar la parte de la hormiga que siempre viaja de remotas estrellas para estar a la hora en nuestra cena, aunque las migas sean amargas.
Terredad, 1978.
Creo en la vida
Creo en la vida bajo forma terrestre, tangible, vagamente redonda, menos esférica en sus polos, por todas partes llena de horizontes.
Creo en las nubes, en sus páginas nítidamente escritas, y en los árboles, sobre todo en otoño. (A veces creo que soy un árbol.)
Creo en la vida como terredad, como gracia o desgracia. -Mi mayor deseo fue nacer, a cada vez aumenta.
Creo en la duda agónica de Dios, es decir, creo que no creo, aunque de noche, solo, interrogo a las piedras, pero no soy ateo de nada salvo de la muerte.
Terredad, 1978.
La Vida a Vicente Gerbasi
La Vida toma aviones y se aleja; sale de día, de noche, a cada instante hacia remotos aeropuertos.
La Vida se va, se fue, llega más tarde; es difícil seguirla: tiene horarios imprevistos, secretos; cambia de ruta, sueña a bordo, vuela.
La Vida puede llegar ahora, no sabemos, puede estar en Nebraska, en Estambul, o ser esa mujer que duerme en la sala de espera.
La Vida es el misterio en los tableros, los viajantes que parten o regresan, el miedo, la aventura, los sollozos, las nieblas que nos quedan del adiós y los aviones puros que se elevan hacia los aires altos del deseo.
En Viena hay diez muchachas, un hombro donde solloza la muerte y un bosque de palomas disecadas. Hay un fragmento de la mañana en el museo de la escarcha. Hay un salón con mil ventanas. ¡Ay, ay, ay, ay! Toma este vals con la boca cerrada.
Este vals, este vals, este vals, de sí, de muerte y de coñac que moja su cola en el mar.
Te quiero, te quiero, te quiero, con la butaca y el libro muerto, por el melancólico pasillo, en el oscuro desván del lirio, en nuestra cama de la luna y en la danza que sueña la tortuga. ¡Ay, ay, ay, ay! Toma este vals de quebrada cintura.
En Viena hay cuatro espejos donde juegan tu boca y los ecos. Hay una muerte para piano que pinta de azul a los muchachos. Hay mendigos por los tejados. Hay frescas guirnaldas de llanto. ¡Ay, ay, ay, ay! Toma este vals que se muere en mis brazos.
Porque te quiero, te quiero, amor mío, en el desván donde juegan los niños, soñando viejas luces de Hungría por los rumores de la tarde tibia, viendo ovejas y lirios de nieve por el silencio oscuro de tu frente.
¡Ay, ay, ay, ay! Toma este vals del “Te quiero siempre”.
En Viena bailaré contigo con un disfraz que tenga cabeza de río. ¡Mira qué orilla tengo de jacintos! Dejaré mi boca entre tus piernas, mi alma en fotografías y azucenas, y en las ondas oscuras de tu andar quiero, amor mío, amor mío, dejar, violín y sepulcro, las cintas del vals.
Poeta en Nueva York, 1940.
Petite valse viennoise
Á Vienne il y a dix jeunes filles, une épaule où sanglote la mort et un bois de colombes empaillées. Il y a un fragment du matin dans le musée du givre. Il y a un salon aux mille fenêtres. Ah, la, la, la ! Prends cette valse à la bouche close.
Cette valse, cette valse, cette valse, de oui, de mort et de cognac, qui trempe sa traîne dans la mer.
Je t’aime, je t’aime, je t’aime, avec le fauteuil et le livre mort, dans le mélancolique corridor, dans l’obscur grenier du lys, dans notre lit de la lune et dans la danse dont rêve la tortue. Ah, la, la, la ! Prends cette valse à la taille brisée.
Á Vienne il y a quatre miroirs où jouent ta bouche et les échos. Il y a une mort pour piano qui peint en bleu les garçons, il y a des mendiants sur les auvents, il y a de fraîches guirlandes de pleurs. Ah, la, la,la ! Prends cette valse qui se meurt dans mes bras.
Parce que je t’aime, je t’aime, mon amour dans le grenier où jouent les enfants. Tout en rêvant à de vieilles lueurs de Hongrie dans les rumeurs du tiède après-midi. Tout en voyant des brebis et des lys de neige dans le sielnce obscur de ton front. Ah, la, la, la ! Prends cette valse du « je t’aime à jamais ».
Á Vienne je danserai avec toi dans un costume qui possédera une tête de fleuve. Regarde-moi avec mes rives de jacinthes ! Je laisserai ma bouche entre tes jambes, mon âme dans des photographies et des iris, et dans les ondes obscures de ton allure je veux, mon amour, mon amour, laisser, violon et sépulcre, les rubans de la valse.
Poète à New York. Robert Laffont, 2023. Traduction : Carole Fillière et Zoraida Carandell.
Piedad Bonnett, poète, romancière, essayiste et dramaturge colombienne (Amalfi -Antoquia, 1951), a reçu ces jours derniers le XXXIII Prix Reina Sofía de Poésie Iberoaméricaine. Il est attribué chaque année depuis 1992 à un poète ibéroaméricain par Patrimonio Nacional et l’université de Salamanque.
La liste des précédents lauréats est impressionnante : Claudio Rodríguez, José Hierro, Álvaro Mutis, José Ángel Valente, Nicanor Parra, Sophia de Mello Breyner, Juan Gelman, Antonio Gamoneda, Blanca Varela, José Emilio Pacheco, Francisco Brines, María Victoria Atencia, Ida Vitale, Rafael Cadenas, Joan Margarit, Raúl Zurita. Un seul bémol : le faible nombre de poètes portugais ou brésiliens couronnés.
Poésie De círculo y ceniza (Ediciones Uniandes, 1989) Nadie en casa (Fundación Simón y Lola Gubereck, 1994) El hilo de los días (Colcultura, 1995) Premio Nacional de Poesía de Colombia Ese animal triste (Editorial Norma, 1996) Todos los amantes son guerreros (1998) Las tretas del débil (Punto de lectura, 2004) Las herencias (Visor, 2008) Explicaciones no pedidas (Visor, 2011) Premio Casa de América de poesía americana. Premio de Poesía José Lezama Lima 2014. Los habitados (Visor, 2017). Premio de Poesía Generación del 27 2016 Lo terrible es el borde (Visor, 2021)
Romans et récit autobiographique Después de todo (2001) Para otros es el cielo (2004) Siempre fue invierno (2007) El prestigio de la belleza (2010) Lo que no tiene nombre (2013) qui parle du suicide de son fils Daniel à New York alors qu’il n’avait que 28 ans. Donde nadie me espere (2018) Qué hacer con estos pedazos (2022) Tous ses romans sont publiés par Alfaguara.
J’ai choisi 4 de ses poèmes :
Biografía de un hombre con miedo
Mi padre tuvo pronto miedo de haber nacido. Pero pronto también le recordaron los deberes de un hombre y le enseñaron a rezar, a ahorrar, a trabajar. Así que pronto fue mi padre un hombre bueno. (“Un hombre de verdad”, diría mi abuelo). No obstante, -como un perro que gime, embozalado y amarrado a su estaca- el miedo persistía en el lugar más hondo de mi padre. De mi padre, que de niño tuvo los ojos tristes y de viejo unas manos tan graves y tan limpias como el silencio de las madrugadas. Y siempre, siempre, un aire de hombre solo. De tal modo que cuando yo nací me dio mi padre todo lo que su corazón desorientado sabía dar. Y entre ello se contaba el regalo amoroso de su miedo. Como un hombre de bien mi padre trabajó cada mañana, sorteó cada noche y cuando pudo se compró a cuotas la pequeña muerte que siempre deseó. La fue pagando rigurosamente, sin sobresalto alguno, año tras año, como un hombre de bien, el bueno de mi padre.
El hilo de los días, 1995.
Las cicatrices
No hay cicatriz, por brutal que parezca, que no encierre belleza. Una historia puntual se cuenta en ella, algún dolor. Pero también su fin. Las cicatrices, pues, son las costuras de la memoria, un remate imperfecto que nos sana dañándonos. La forma que el tiempo encuentra de que nunca olvidemos las heridas.
Explicaciones no pedidas, 2011
Oración
Para mis días pido, Señor de los naufragios, no agua para la sed, sino la sed, no sueños sino ganas de soñar. Para las noches, toda la oscuridad que sea necesaria para ahogar mi propia oscuridad.
En el borde
Lo terrible es el borde, no el abismo. En el borde hay un ángel de luz del lado izquierdo, un largo río oscuro del derecho y un estruendo de trenes que abandonan los rieles y van hacia el silencio. Todo cuanto tiembla en el borde es nacimiento. Y solo desde el borde se ve la luz primera el blanco-blanco que nos crece en el pecho. Nunca somos más hombres que cuando el borde quema nuestras plantas desnudas. Nunca estamos más solos. Nunca somos más huérfanos.
Walt Whitman est né le 31 mai 1819. L’influence du grand poète lyrique américain sur la poésie en langue espagnole a été très grande, d’abord à travers Rubén Darío, le fondateur du mouvement littéraire moderniste. On la retrouve aussi chez Miguel de Unamuno, Jorge Luis Borges, Federico García Lorca, Luis Cernuda, Miguel Hernández. Walt Whitman a été traduit en espagnol dès 1926 par le poète León Felipe (1884-1968) et publié dans la Revista de Occidente, la revue de José Ortega y Gasset. León Felipe avait découvert Whitman vers 1923-1924 alors qu’il vivait à New York. Canto a mí mismo (la traduction de León Felipe de Song of myself de Walt Whitman) a été publié par Losada à Buenos Aires en 1941.
Jorge Luis Borges a traduit en 1969 Leaves of Grass de Walt Whitman (1855 – Hojas de hierba. Publication : Editorial Lumen, Barcelona, 1972– Feuilles d’herbe). Il a écrit aussi un poème à la mémoire du poète américain : Camden 1892. Le titre fait référence à la ville du New Jersey où est mort Whitman ainsi qu’à l’année de son décès.
Camden, 1892
El olor del café y de los periódicos. El domingo y su tedio. La mañana y en la entrevista página esa vana publicación de versos alegóricos
de un colega feliz. El hombre viejo está postrado y blanco en su decente habitación de pobre. Ociosamente mira su cara en el cansado espejo.
Piensa, ya sin asombro, que esa cara es él. La distraída mano toca la turbia barba y la saqueada boca.
No está lejos el fin. Su voz declara: Casi no soy, pero mis versos ritman la vida y su esplendor. Yo fui Walt Whitman.
El otro, el mismo. Emecé, 1964.
Camden, 1892
Cette odeur des journaux et du café. Le dimanche, son ennui. Le matin Et la page entrevue avec les vains Poèmes allégoriques publiés
Par ce collègue en vue. Blanchi par l’âge L’homme est là prostré dans son logement Décent et pauvre. Avec désoeuvrement, Sur le miroir, il fixe son visage.
Il pense sans surprise que c’est lui Ce visage. Sa main distraite touche, En vrac sa barbe et, dévastée, sa bouche.
Sa fin n’est pas très loin. Et sa voix dit : Je ne suis presque plus, mais mes vers trament La vie et sa splendeur. Moi, Walt Whitman.
Le 10 septembre 1931, Charles Baudelaire est le premier auteur à être publié dans la Bibliothèque de la Pléiade. Cette collection a été créée par Jacques Schiffrin, éditeur et traducteur, né à Bakou (Empire russe) le 28 mars 1892. Issu d’une famille juive d’industriels, chassée de Russie par la révolution de 1917, il s’installe en France en 1922 et crée en 1923 sa propre maison d’édition, les éditions de la Pléiade/J.Schiffrin & Cie. Le choix de Baudelaire pour le premier recueil de la Bibliothèque de la Pléiade est loin d’être conformiste. Il s’agit d’offrir au public lettré des œuvres complètes dans un format de poche élégant et robuste. Paraissent ensuite une douzaine de volumes dont les œuvres de Baudelaire, Racine, Voltaire, Edgar Allan Poe, Choderlos de Laclos, Alfred de Musset et Stendhal.
André Gide pousse Gaston Gallimard, propriétaire des éditions de la N.R.F., à intégrer la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard ce qui est fait le 31 juillet 1933. Jacques Schiffrin en devient le premier directeur. En juin 1936, Jacques Schiffrin accompagne, en tant qu’interprète, son ami André Gide dans un voyage de découverte de l’U.R.S.S à l’invitation des Soviétiques. Louis Guilloux, Jef Last, Pierre Herbart et Eugène Dabit étaient aussi du voyage .Le 5 novembre 1940, à la suite du décret-loi du régime de Vichy (« premier statut des Juifs » du 3 octobre 1940), il est licencié subitement par Gaston Gallimard. Cette décision provoque la « consternation » de Roger Martin du Gard et l’« indignation » d’André Gide. Aidé financièrement par Gide et par l’Américain Varian Fry (1907-1967), Schiffrin peut quitter la France avec sa famille au début de l’année 1941. Après être passé par Marseille, Casablanca et Lisbonne, il s’installe à New York en août 1941 et reprend son métier d’éditeur. Il fonde les éditions Pantheon Books avec Helen et Kurt Wolff (1887-1963), éditeurs allemands qui publièrent les premiers Franz Kafka en 1913. Il ne reviendra jamais en France. Souffrant d’une maladie respiratoire, il décède à New York le 17 novembre 1950.
D’autres éditions des Oeuvres complètes de Baudelaire en Pléiade ont suivi. Elles ont été complétées par la publication de la correspondance du poète en deux volumes.
Charles Baudelaire, Œuvres complètes Tome I. Édition de Claude Pichois. Parution le 27 Novembre 1975. Bibliothèque de la Pléiade, n° 1. 1664 pages.
Charles Baudelaire, Œuvres complètes Tome II. Édition de Claude Pichois. Parution le 14 Octobre 1976. Bibliothèque de la Pléiade, n° 7. 1712 pages.
Charles Baudelaire, Correspondance Tome I. 1832-1860. Édition de Claude Pichois avec la collaboration de Jean Ziegler. Parution le 7 Décembre 1973. Bibliothèque de la Pléiade, n° 247. 1216 pages.
Charles Baudelaire, Correspondance Tome II. 1860-1866. Édition de Claude Pichois avec la collaboration de Jean Ziegler. Parution le 7 Décembre 1973. Bibliothèque de la Pléiade, n° 248. 1168 pages.
Une mise à jour de l’œuvre au grand complet (deux volumes sous coffret) vient de paraître. On la trouve en librairie depuis le jeudi 16 mai 2024. Elle suit l’ordre chronologique de publication depuis Le Salon de 1845 jusqu’aux derniers aphorismes, avec une présentation d’ Antoine Compagnon.
Œuvres complètes I, II. Coffret de deux volumes vendus ensemble. Édition publiée sous la direction d’André Guyaux et Andrea Schellino. Avec la collaboration d’Aurélia Cervoni, Antoine Compagnon, Romain Jalabert, Bertrand Marchal, Henri Scepi, Jean-Luc Steinmetz, Matthieu Vernet et Julien Zanetta. Préface d’Antoine Compagnon.
Tome I : Les écrits de Baudelaire de 1836 à Février 1861 : Vers latins – Salon de 1845 – Le salon caricatural – Salon de 1846 – La Fanfarlo – Publications préoriginales de poèmes à paraître dans «Les Fleurs du Mal» – Les Limbes – Douze poèmes envoyés à Théophile Gautier – Exposition universelle de 1855 – Les Fleurs du Mal (les dix-huit poèmes de la «Revue des Deux Mondes») – Edgar Poe. Sa vie et ses œuvres (et autres textes sur Edgar Poe) – Les Fleurs du Mal (édition de 1857) – De l’essence du rire – Quelques caricaturistes français – Quelques caricaturistes étrangers – Théophile Gautier – Salon de 1859 – Les Paradis artificiels.
Tome II : Les écrits de Baudelaire de février 1861 à 1867 : Les Fleurs du Mal (Édition de 1861) – Richard Wagner et «Tannhäuser» à Paris – Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains – Fusées – Hygiène – Le peintre de la vie moderne – Mon cœur mis à nu – La Belgique déshabillée – Amœnitates Belgicæ – Les épaves – Atelier du « Spleen de Paris » – [Pensées et aphorismes]. Appendice : Titres, projets et fragments – Notes de lecture – Carnet – Transcriptions.
De plus, l’album de la Pléiade de 2024, richement iconographié, lui est aussi consacré. Il a été composé par Stéphane Guégan, spécialiste du XIXe siècle et biographe de Théophile Gautier, le dédicataire des Fleurs du mal.
Stéphane Guégan, Album Charles Baudelaire. Iconographie commentée. Collection Albums de la Pléiade (n° 63), Gallimard. Parution : 16-05-2024. 256 pages. 209 illustrations. La promotion annuelle de la Bibliothèque de la Pléiade en librairie, intitulée «Quinzaine de la Pléiade» (au printemps) existe depuis 1958. Cette promotion consiste à partir de 1965 à offrir aux clients les plus fidèles de la collection un livre-cadeau, hors commerce et à tirage limité, conditionné par l’achat de trois volumes de la collection. On trouve donc l’album chez les libraires participant à la promotion et dans la limite des stocks disponibles.
Antoine Compagnon rappelle dans sa préface : « Baudelaire fut à la fois le découvreur de la modernité comme beauté à extraire du présent (…) et le critique le plus intransigeant du monde moderne comme fuite en avant, foi éperdue dans le progrès, et serpent se mordant la queue. »
Le poème Art poétique d’Aragon fut publié à Neuchâtel (Suisse) le 16 août 1942 dans l’hebdomadaire Curieux que l’on pouvait recevoir légalement en zone libre. Le poète rend hommage à ses amis résistants, Georges Politzer, Jacques Decour, Jacques Solomon et Georges Dudach, fusillés par les nazis en mai 1942.
Georges Dudach, mari de Charlotte Delbo, était l’adjoint de Jacques Decour, professeur agrégé d’allemand, critique et romancier. Après la création du Front national, ce dernier fut chargé du regroupement de tous les écrivains résistants de zone occupée dans le Comité national des Écrivains. Après L’Université libre et La Pensée libre, il projetait la publication d’une nouvelle revue, Les Lettres françaises, qu’il ne verra pas paraître.
Mandaté par le Parti Communiste, Georges Dudach assura la liaison de Paris avec divers intellectuels, et en particulier avec Louis Aragon et Elsa Triolet. Georges Dudach fut fusillé comme otage au Mont-Valérien le 23 mai 1942 en même temps que Georges Politzer, Jacques Solomon, André Pican et Jean-Claude Bauer. Jacques Decour le fut à son tour au même endroit avec Arthur Dallidet et Félix Cadras le 30 mai 1942. Il avait subi 3 mois d’interrogatoires et de tortures.
Notice DECOUR Jacques [DECOURDEMANCHE Daniel, dit] par Nicole Racine, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 11 juillet 2022.
Art poétique (Louis Aragon)
Pour mes amis morts en Mai Et pour eux seuls désormais
Que mes rimes aient le charme Qu’ont les larmes sur les armes
Et pour que tous les vivants Qui changent avec le vent
S’y aiguise au nom des morts L’arme blanche du remords
Mots mariés mots meurtris Rimes où le crime crie
Elles font au fond du drame Le double bruit d’eau des rames
Banales comme la pluie Comme une vitre qui luit
Comme un miroir au passage La fleur qui meurt au corsage
L’enfant qui joue au cerceau La lune dans le ruisseau
Le vétiver dans l’armoire Un parfum dans la mémoire
Rimes rimes où je sens La rouge chaleur du sang
Rappelez-vous que nous sommes Féroces comme des hommes
Et quand notre cœur faiblit Réveillez-vous de l’oubli
Rallumez la lampe éteinte Que les verres vides tintent
Je chante toujours parmi Les morts en Mai mes amis
16 août 1942 (Hebdomadaire Curieux, Neuchâtel)
En étrange pays dans mon pays lui-même, 1945. (En Français dans le texte, 15 septembre 1943)
Après avoir lu les poèmes de Primo Levi, je suis revenu à ceux de Charlotte Delbo. Les Éditions de Minuit ont rassemblé en mars 2024 pour la première fois ses poèmes complets, suivis de dix inédits et d’un entretien avec Claude Prévost (La Nouvelle Critique, juin 1965, numéro 167)
Dans Mesure de nos jours (1971) Charlotte Delbo écrit : « Les poètes voient au-delà des choses. » Elle est née le 10 août 1913 à Vigneux-sur-Seine (Essonne). Elle est morte le 1er mars 1985 à Paris.
Issue d’une famille d’ouvriers italiens, elle adhère en 1932 aux Jeunesses communistes, puis en 1936 à l’Union des jeunes filles de France, fondée par Danielle Casanova. A l’Université ouvrière, elle rencontre en 1934 son futur mari, le militant communiste Georges Dudach, formé à Moscou. Elle l’épouse en 1936. En 1937, elle devient la secrétaire de Louis Jouvet qui l’engage après la lecture d’un article sur le théâtre qu’elle avait écrit pour Les Cahiers de la Jeunesse, dont Georges Dudach était le rédacteur en chef.
Après avoir hésité, elle part avec la troupe de l’Athénée en Amérique du Sud en mai 1941. Elle revient à Paris le 15 novembre 1941.
Elle s’engage alors dans la Résistance avec son mari. Ils vivent dans la clandestinité. Ils font partie du « groupe Politzer », chargé de la publication des Lettres françaises dont Jacques Decour est le rédacteur en chef. Charlotte Delbo est chargée de l’écoute de Radio Londres et de Radio Moscou qu’elle prend en sténo ainsi que de la dactylographie des tracts et des revues.
En février 1942, de nombreux membres de leur réseau de résistants communistes sont pris en filature. Les arrestations se multiplient à la mi-février : Georges et Maï Politzer, Danielle Casanova, Lucien Dorland, Lucienne Langlois, puis André et Germaine Pican, Jacques Decour…
Charlotte Delbo et son mari sont arrêtés le 2 mars 1942 au 93 rue de la Faisanderie (16e arrondissement de Paris) par les Brigades spéciales de la Police française. Georges Dudach est fusillé au fort du Mont-Valérien le 23 mai 1942, à l’âge de 28 ans. Charlotte Delbo est déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943 dit « convoi des 31000 » (230 femmes – 1446 hommes). Elle est transférée à Ravensbrück au début de l’année 1944 et libérée en avril 1945 après vingt-sept mois de déportation. Elle sera l’une des 49 rescapées du convoi des 31000.
Elle écrira des années plus tard son indispensable trilogie Auschwitz et après.
Aucun de nous ne reviendra (Éditions Gonthier 1965. Éditions de Minuit, 1970) Une connaissance inutile ( Éditions de Minuit, 1970) Mesure de nos jours ( Éditions de Minuit, 1971)
En 1965, elle a publié aussi Le Convoi du 24 janvier (Éditions de Minuit), une compilation de courtes biographies des 230 femmes déportées avec elle.
Il convient de consulter le Maitron, Dictionnaire biographique Mouvement ouvrier Mouvement social. Notice DUDACH Georges, Paul par Nicole Racine, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 24 janvier 2022.
J’ai choisi 5 poèmes publiés dans Une connaissance inutile.
Je lui disais mon jeune arbre Il était beau comme un pin La première fois que je le vis Sa peau était si douce la première fois que je l’étreignis et toutes les autres fois si douce que d’y penser aujourd’hui me fait comme lorsqu’on ne sent plus sa bouche Je lui disais mon jeune arbre lisse et droit quand je le serrais contre moi je pensais au vent à un bouleau ou à un frêne Quand il me serrait dans ses bras je ne pensais plus à rien.
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Je l’appelais mon amoureux du mois de mai des jours qu’il était enfant heureux tellement je le laissais quand personne ne voyait être mon amoureux du mois de mai même en décembre enfant et tendre quand nous marchions enlacés la forêt était toujours la forêt de notre enfance nous n’avions plus de souvenirs séparés il embrassait mes doigts ils avaient froid il disait les mots que disent les amoureux du mois de mai j’étais seul à entendre On n’écoute pas ces mots-là Pourquoi On écoute le coeur qui bat On croit pouvoir toute la vie les entendre ces mots-là tendres Il y a tant de mois de mai toute la vie à deux qui s’aiment.
Alors ils l’ont fusillé un mois de mai
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Je l’aimais parce qu’il était beau c’est une raison futile
Je l’aimais parce qu’il m’aimait c’est une raison égoïste
Mais c’est pour vous que je cherche des raisons pour moi, je n’en avais pas Je l’aimais comme une femme aime un homme sans mots pour le dire
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Ce point sur la carte Cette tache noire au centre de l’Europe cette tache rouge cette tache de feu cette tache de suie cette tache de sang cette tache de cendres pour des millions un lieu sans nom. De tous les pays d’Europe de tous les points de l’horizon les trains convergeaient vers l’in-nommé chargés de millions d’êtres qui étaient versés là sans savoir où c’était versés avec leur vie avec leurs souvenirs avec leurs petits maux et leur grand étonnement avec leur regard qui interrogeait et qui n’y a vu que du feu, qui ont brûlé là sans savoir où ils étaient. Aujourd’hui on sait Depuis quelques années on sait On sait que ce point sur la carte c’est Auschwitz On sait cela Et pour le reste on croit savoir
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Yvonne Picard est morte qui avait de si jolis seins . Yvonne Blech est morte qui avait les yeux en amande et des mains qui disaient si bien . Mounette est morte qui avait un si joli teint une bouche toujours gourmande et un rire si argentin. Aurore est morte qui avait des yeux couleur de mauve.
Tant de beauté tant de jeunesse tant d’ardeur tant de promesses… Toutes un courage des temps romains.
Et Yvette aussi est morte qui n’était ni jolie ni rien et courageuse comme aucune autre . Et toi Viva et moi Charlotte dans pas longtemps nous serons mortes nous qui n’avons plus rien de bien.