
Le cinéaste anglais a toujours fait des films personnels et intéressants malgré les difficultés de production qu’il a rencontrées.
En 1988, j’avais beaucoup aimé Distant voices, Still Lives, qui recrée la vie d’une famille de la classe ouvrière à Liverpool dans les années 1940 et 1950.
Son dernier film, sorti en en 2021, retrace la vie du poète anglais Siegfried Sassoon (1886 – 1967) : Les Carnets de Siegfried.
Il est mort à 77 ans le 7 octobre 2023 à Mistley (Essex – Angleterre).
J’ai repris à la Médiathèque de Noisiel la belle édition livre-DVD Collector (96 pages) Emily Dickinson, A Quiet Passion (2016).

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/08/03/emily-dickinson-a-quiet-passion-terence-davies/
https://www.lesvraisvoyageurs.com/2024/04/14/terence-davies-siegfried-sassoon-wilfred-owen/
Les films de Terence Davies sont toujours beaux et âpres. La dureté des hommes (surtout celle des pères) ne donne aux femmes qu’une alternative : le sacrifice ou la rédemption. C’est le cas du personnage de la mère dans Distant voices, Still Lives, mais aussi dans celui de Chris Guthrie dans Sunset Song (2015).
Dans Emily Dickinson, A Quiet Passion, la femme reste prisionnière. La poétesse est enfermée dans une cage dont elle ne sortira pas. Il y a moins d’échappées musicales que dans les autres films du cinéaste (seulement une sortie à l’opéra et quelques moments dans la maison familiale d’Amherst – Massachusetts).
La récitation des poèmes ponctue tout le film qui commence par une séquence qui montre la violente opposition d’Emily à l’autorité, incarnée par la directrice de Mount Holyoke Seminary, (établissement d’études supérieures pour jeunes filles) où elle ne restera que dix mois. Plus tard, en présence de son père et de sa famille. elle refusera de s’agenouiller pour rendre grâce à la demande d’un nouveau pasteur.
La première partie de l’oeuvre est légère, presque frivole. On remarque des personnages réels (Susan Gilbert, sa belle sœur, jouée Jodhi May), et d’autres inventés (Vryling Buffam, incarnée par Catherine Bailey). Les bons mots, les paradoxes, l’humour pince-sans-rire font sourire le spectateur.
Ensuite, Emily Dickinson reste jusqu’à la fin de sa vie dans la maison de cette famille, austère et aimante. Elle se retire progressivement du monde extérieur, s’habille en blanc et refuse de descendre de sa chambre. Sa vie se termine dans les souffrances de la maladie de Bright, caractérisée par un dysfonctionnement rénal incurable.
Terence Davies dresse le portait d’une femme d’une grande intransigeance morale qui n’hésite pas à exprimer sa rage. Elle remet en cause de l’intérieur l’autorité des Puritains comme le font à la même époque Ralph Waldo Emerson (1803-1882) et les transcendantalistes.
On retrouve dans ce film certains thèmes caractéristiques de l’oeuvre de Terence Davies : la fuite du temps, la hantise de la mort, l’amour de la nature.
Trois poèmes lus dans le film :
1037
The dying need but little, dear,—
A glass of water’s all,
A flower’s unobtrusive face
To punctuate the wall,
A fan, perhaps, a friend’s regret,
And certainly that one
No color in the rainbow
Perceives when you are gone.
1865.
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Les Mourants ont besoin de peu, Doux Ami,
Un Verre d’eau, c’est tout,
Le Visage discret d’une fleur
Pour ponctuer le Mur,
Un Éventail, peut-être, le regret d’un Ami
Et la Certitude qu’on ne percevra plus
Les couleurs de l’arc-en-ciel
Quand tu auras disparu –
Traduction Françoise Dolphy.
453
Our journey had advanced –
Our feet were almost come
To that odd Fork in Being’s Road –
Eternity – by Term –
Our pace took sudden awe –
Our feet – reluctant – led –
Before – were Cities – but Between –
The Forest of the Dead—
Retreat – was out of Hope –
Behind – a Sealed Route –
Eternity’s White Flag – Before –
And God – at every Gate –
1862.
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Notre voyage était bien engagé –
Nos pieds étaient presque arrivés
Á cette étrange bifurcation sur la Route de l’Être –
Qu’on Nomme – l’Éternité –
Notre allure fut soudain entachée d’effroi –
Nos pieds – avançaient – de mauvaise grâce –
La Forêt des Morts –
Pas le moindre Espoir – de rebrousse chemin –
Derrière – une Route sans issue –
Le drapeau Blanc de l’éternité – devant –
Et Dieu – à chaque Portail –
Traduction Françoise Delphy.
519
This is my letter to the World
That never wrote to Me –
The simple News that Nature told –
With tender Majesty
Her Message is committed
To Hands I cannot see –
For love of Her – Sweet – countrymen –
Judge tenderly – of Me
1863.
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Ceci est ma lettre au Monde
Qui jamais ne M’a écrit –
Simples Nouvelles racontées par la Nature –
Avec une tendre Majesté
Elle confie son Message
À des Mains que je ne vois pas
Par amour pour Elle – Doux – compatriotes –
Jugez-Moi – avec tendresse
Traduction Françoise Delphy.

