Publication de la Correspondance d’André Breton
– Lettres à Simone Kahn (1920-1960), édité par Jean-Michel Goutier, Paris, Gallimard, coll. «Blanche», 2016.
– Lettres à Jacques Doucet (1920-1926), édité par Étienne-Alain Hubert, Paris, Gallimard, coll. «Blanche», 2016.
– André Breton et Benjamin Péret, Correspondance 1920-1959, présentée et éditée par Gérard Roche, Paris, Gallimard, 2017.
– Correspondance avec Tristan Tzara et Francis Picabia 1919-1924, présentée et éditée par Henri Béhar, Paris, Gallimard, 2017.
La correspondance avec Tristan Tzara et Francis Picabia couvre surtout la période comprise entre 1919 et 1924. Il s’agit donc essentiellement de la période Dada. Michel Sanouillet (Dada à Paris, Pauvert 1965) et Henri Béhar (Oeuvres complètes de Tristan Tzara, Flammarion, 1975-91; André Breton le grand indésirable, Paris, Calmann-Lévy, 1990, nouvelle édition, Fayard, 2005; Tristan Tzara, essai, Paris, Oxus, 2005, coll. «Les Roumains de Paris») ont déjà bien étudié leurs rapports. Breton qui venait de perdre son ami Jacques Vaché attendait Tzara comme le messie. («Je vous attends, je n’attends plus que vous.» 26 décembre 1919) Tzara apportera au groupe réuni autour de Breton, d’Aragon, et de Soupault une radicalité présente à Zürich et Berlin. Rapidement pourtant, le mouvement se désagrège et se divise en deux clans : les disciples de Tzara, et ceux de Breton. Breton veut instaurer le règne de l’esprit nouveau en explorant avec méthode le domaine du rêve .Tzara refuse de participer à cette première étape du surréalisme. (André Breton, Manifeste du surréalisme, 1924; Tristan Tzara, Sept manifestes Dada, 1924, recueil de manifestes lus ou écrits entre 1916 et 1924.)
Portrait de Tristan Tzara (Francis Picabia) 1919 Paris Centre Georges Pompidou
Grande actualité Dada cette année aussi dans le prolongement du centenaire de ce mouvement.
Au Musée de l’Orangerie (Paris) «Dada Africa, sources et influences extra-occidentales» du 18 octobre 2017 au19 février 2018.
Après «Qui a peur des femmes photographes?», «Apollinaire, le regard du poète», et «La peinture américaine des années 1930», nous y avons vu une autre belle exposition sur un sujet méconnu. Le musée de l’Orangerie est né de la collection du marchand d’art Paul Guillaume. C’était un grand marchand d’art africain. Il a joué un rôle de premier plan dans la confrontation entre art moderne et arts premiers.
Dada fut un mouvement artistique subversif mais divers. Il naît à Zürich pendant la Guerre de 14-18 et se déploie ensuite à Berlin, Paris, New York… Par leurs œuvres nouvelles – poésie sonore, danse, collages, performance –, les artistes dadaïstes interrogent la société occidentale aux prises avec la Grande Guerre, et s’approprient les formes culturelles et artistiques de cultures non occidentales (Afrique, Océanie, Amérique). Gauguin, Picasso et les artistes de Die Brücke avaient fait de même.
Le Musée de l’Orangerie a proposé une exposition sur ces échanges en confrontant œuvres africaines, amérindiennes et asiatiques et celles, dadaïstes, de Hannah Höch, Jean Arp, Sophie Taeuber-Arp, Marcel Janco, Hugo Ball, Tristan Tzara, Raoul Hausmann, Man Ray, Francis Picabia…
Diversité, inventivité et radicalité des productions Dada – textiles, graphisme, affiches, assemblages, reliefs en bois, poupées et marionnettes – face à la beauté étrange et la rareté d’œuvres non occidentales…
Une place particulière a été donnée à Hannah Höch (1889-1978), une des compagnes de Raoul Hausmann (1886-1971). Elle a réussi à préserver une partie des archives du dadaïsme de la destruction nazie. Il faut noter que la critique de la guerre et du bellicisme fut davantage le fait des artistes allemands (Grosz, Heartfield, Hausmann) que des français. «Nous cherchions un art élémentaire qui devait, pensions-nous, sauver les hommes de la folie furieuse de ces temps», déclarait Hans (Jean) Arp en 1940.
Gallimard a ouvert une galerie, 30 rue de l’Université, Paris (VII). Ce nouveau lieu est consacré aux oeuvres graphiques, éditions originales et photographies. Du 19 janvier au 7 mars 2018: Jacques Ferrandez l’oeuvre d’Albert Camus en bande dessinée. Exposition-vente.
Je suis passé par hasard cette semaine Rue de l’Université. J’ai vu ce lieu et je suis rentré admirer les planches de ce dessinateur.
Né en 1955 à Alger, il s’est exprimé d’abord par la bande dessinée. Il a essayé de raconter les liens complexes entre l’Algérie et la France à travers ses Cahiers d’Orient : 10 tomes publiés par Casterman de 1987 à 2009.
Il a pu aussi mettre en images récemment les oeuvres d’Albert Camus: – L’Hôte (nouvelle tirée de L’exil et le royaume en 2009. – L’étranger en 2013. – Le premier homme en 2017. Un défi: mettre un visage sur le personnage de Meursault, faire sentir la brûlure du soleil d’Alger en été.
Bien que je n’apprécie pas particulièrement la bande dessinée, j’ ai lu avec grand plaisir ses oeuvres cet hiver. Il me manque Le premier homme.
Jacques Ferrandez a publié aussi en 2017 au Mercure de France, Entre mes deux rives. Livre inclassable: essai, mémoires, autobiographie, dessins. Tout se mêle.
«Je suis comme un enfant trouvé de la Méditerranée, ballotté d’un bord à l’autre. Je suis né sur la rive sud, j’ai vécu sur la rive nord. Les deux m’appartiennent et j’appartiens aux deux. C’est le creuset. C’est la mer, la mère, la matrice à tous les sens du terme. Mer natale. Aujourd’hui, il est temps pour moi d’interroger, à travers mon rapport à Camus, tout ce qui me relie à l’Algérie et plus généralement à la Méditerranée. D’une rive à l’autre. De mes deux rives. Entre mes deux rives.»
” Je ne suis pas nostalgique de ce qui a été, mais plutôt de ce qui n’a pas été.”
DISCURSO DE LA EDAD DE ORO: Primera parte, capítulo XI.
(Don Quijote De la Mancha, Miguel de Cervantes)
“Después que don Quijote hubo bien satisfecho su estómago, tomó un puño de bellotas en la mano y, mirándolas atentamente, soltó la voz a semejantes razones:
– Dichosa edad y siglos dichosos aquellos a quien los antiguos pusieron nombre de dorados, y no porque en ellos el oro, que en esta nuestra edad de hierro tanto se estima, se alcanzase en aquella venturosa sin fatiga alguna, sino porque entonces los que en ella vivían ignoraban estas dos palabras de tuyo y mío. Eran en aquella santa edad todas las cosas comunes: a nadie le era necesario para alcanzar su ordinario sustento tomar otro trabajo que alzar la mano y alcanzarle de las robustas encinas, que liberalmente les estaban convidando con su dulce y sazonado fruto. Las claras fuentes y corrientes ríos, en magnífica abundancia, sabrosas y transparentes aguas les ofrecían. En las quiebras de las peñas y en lo hueco de los árboles formaban su república las solícitas y discretas abejas, ofreciendo a cualquiera mano, sin interés alguno, la fértil cosecha de su dulcísimo trabajo. Los valientes alcornoques despedían de sí, sin otro artificio que el de su cortesía, sus anchas y livianas cortezas, con que se comenzaron a cubrir las casas, sobre rústicas estacas sustentadas, no más que para defensa de las inclemencias del cielo. Todo era paz entonces, todo amistad, todo concordia: aún no se había atrevido la pesada reja del corvo arado a abrir ni visitar las entrañas piadosas de nuestra primera madre; que ella sin ser forzada ofrecía, por todas las partes de su fértil y espacioso seno, lo que pudiese hartar, sustentar y deleitar a los hijos que entonces la poseían. Entonces sí que andaban las simples y hermosas zagalejas de valle en valle y de otero en otero, en trenza y en cabello, sin más vestidos de aquellos que eran menester para cubrir honestamente lo que la honestidad quiere y ha querido siempre que se cubra, y no eran sus adornos de los que ahora se usan, a quien la púrpura de Tiro y la por tantos modos martirizada seda encarecen, sino de algunas hojas verdes de lampazos y yedra entretejidas, con lo que quizá iban tan pomposas y compuestas como van agora nuestras cortesanas con las raras y peregrinas invenciones que la curiosidad ociosa les ha mostrado. Entonces se decoraban los concetos amorosos del alma simple y sencillamente, del mesmo modo y manera que ella los concebía, sin buscar artificioso rodeo de palabras para encarecerlos. No había la fraude, el engaño ni la malicia mezcládose con la verdad y llaneza. La justicia se estaba en sus proprios términos, sin que la osasen turbar ni ofender los del favor y los del interese, que tanto ahora la menoscaban, turban y persiguen. La ley del encaje aún no se había sentado en el entendimiento del juez, porque entonces no había qué juzgar ni quién fuese juzgado. Las doncellas y la honestidad andaban, como tengo dicho, por dondequiera, sola y señera, sin temor que la ajena desenvoltura y lascivo intento le menoscabasen, y su perdición nacía de su gusto y propia voluntad. Y agora, en estos nuestros detestables siglos, no está segura ninguna, aunque la oculte y cierre otro nuevo laberinto como el de Creta; porque allí, por los resquicios o por el aire, con el celo de la maldita solicitud, se les entra la amorosa pestilencia y les hace dar con todo su recogimiento al traste. Para cuya seguridad, andando más los tiempos y creciendo más la malicia, se instituyó la orden de los caballeros andantes, para defender las doncellas, amparar las viudas y socorrer a los huérfanos y a los menesterosos. Desta orden soy yo, hermanos cabreros, a quien agradezco el gasaje y buen acogimiento que hacéis a mí y a mi escudero. Que aunque por ley natural están todos los que viven obligados a favorecer a los caballeros andantes, todavía, por saber que sin saber vosotros esta obligación me acogistes y regalastes, es razón que, con la voluntad a mí posible, os agradezca la vuestra.”
Une partie traduite en français par Aline Schulman (Le Seuil, Collection Points)
“Heureuse époque, siècles bénis que les Anciens ont nommés l’âge d’or ! Et non point parce que ce métal, tant estimé en ce siècle de fer qu’est le nôtre, se trouvait facilement, mais parce que ceux qui vivaient alors ignoraient le sens de ces deux mots: tien et mien. En ces temps bénis, tout était commun à tous. Pour trouver sa nourriture, il suffisait à l’homme de lever la main pour cueillir le fruit doux et savoureux que le chêne robuste lui tendait gracieusement. Les sources claires, les rivières rapides lui offraient, dans une généreuse abondance, une eau transparente et pure. Aux fentes des rochers, aux creux des troncs, s’établissaient les abeilles laborieuses, abandonnant au premier venu, sans rien exiger en retour, leur fertile et délicieuse récolte. Le chêne-liège se dépouillait, sans autre incitation que la courtoisie, de son écorce légère ; c’est elle qui servit à couvrir les premières cabanes, érigées sur des pieux grossièrement taillés, pour que l’homme pût se défendre des inclémences du ciel. Tout n’était que paix, harmonie et concorde. Le soc pesant et courbe de la charrue n’osait encore ouvrir et fouiller les entrailles bienfaisantes de notre mère originelle, qui, sans y être forcée, offrait toutes les ressources de son sein vaste et fécond pour satisfaire, pour nourrir, pour réjouir ses enfants. Alors les chastes et jolies bergères s’en allaient de vallée en vallée et de colline en colline, cheveux au vent, juste assez vêtues pour couvrir ce que la pudeur exige, et a toujours exigé, que l’on tienne couvert. Elles ne cherchaient pas comme aujourd’hui à rehausser leurs toilettes de pourpre de Tyr, de soie ou de brocart, mais de feuilles vertes de bardane entrelacées à du lierre ; et elles étaient sans doute tout aussi richement et élégamment parées que le sont nos dames de cour avec ces étranges artifices que leur suggèrent l’oisiveté et la coquetterie.
Alors, les sentiments amoureux s’exprimaient aussi simplement que l’âme les avait conçus : nul tour recherché, nul embellissement superflu. La vérité et la sincérité n’avaient à craindre ni la fraude, ni la fourberie, ni la malice. La justice remplissait sa fonction, sans être menacée par l’intérêt et la faveur qui la persécutent et la déshonorent si fréquemment de nos jours. Les juges ne se laissaient point guider par la loi du bon plaisir, car il n’y avait alors rien ni personne à juger. Les jeunes filles et l’innocence marchaient de compagnie, la tête haute, comme je l’ai dit plus haut, sans avoir à redouter les assauts de l’effronté ni l’audace du lascif ; et elles ne pouvaient imputer leur perte qu’à leur propre vouloir et à leur seul désir.”
Portrait de Charles Baudelaire (Gustave Courbet) 1848-49
L’âme du vin (Charles Baudelaire)
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles:
“Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité!
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content;
J’allumerai les yeux de ta femme ravie;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! ”
Les Fleurs du mal, 1857.
Isla Negra Café Restaurante El rincón del poeta Oda al vino (Pablo Neruda)
ODA AL VINO (Pablo Neruda)
Vino color de día,
vino color de noche,
vino con pies de púrpura
o sangre de topacio,
vino,
estrellado hijo
de la tierra,
vino, liso
como una espada de oro,
suave
como un desordenado terciopelo,
vino encaracolado
y suspendido,
amoroso,
marino,
nunca has cabido en una copa,
en un canto, en un hombre,
coral, gregario eres,
y cuando menos, mutuo.
A veces
te nutres de recuerdos
mortales,
en tu ola
vamos de tumba en tumba,
picapedrero de sepulcro helado,
y lloramos
lágrimas transitorias,
pero
tu hermoso
traje de primavera
es diferente,
el corazón sube a las ramas,
el viento mueve el día,
nada queda
dentro de tu alma inmóvil.
El vino
mueve la primavera,
crece como una planta la alegría,
caen muros,
peñascos,
se cierran los abismos,
nace el canto.
Oh tú, jarra de vino, en el desierto
con la sabrosa que amo,
dijo el viejo poeta.
Que el cántaro de vino
al beso del amor sume su beso.
Amor mio, de pronto
tu cadera
es la curva colmada
de la copa,
tu pecho es el racimo,
la luz del alcohol tu cabellera,
las uvas tus pezones,
tu ombligo sello puro
estampado en tu vientre de vasija,
y tu amor la cascada
de vino inextinguible,
la claridad que cae en mis sentidos,
el esplendor terrestre de la vida.
Pero no sólo amor,
beso quemante
o corazón quemado
eres, vino de vida,
sino
amistad de los seres, transparencia,
coro de disciplina,
abundancia de flores.
Amo sobre una mesa,
cuando se habla,
la luz de una botella
de inteligente vino.
Que lo beban,
que recuerden en cada
gota de oro
o copa de topacio
o cuchara de púrpura
que trabajó el otoño
hasta llenar de vino las vasijas
y aprenda el hombre oscuro,
en el ceremonial de su negocio,
a recordar la tierra y sus deberes,
a propagar el cántico del fruto.
Odas elementales, 1954.
Buenos Aires Café Tortoni Jorge Luis Borges
Soneto del vino (Jorge Luis Borges)
¿En qué reino, en qué siglo, bajo qué silenciosa
Conjunción de los astros, en qué secreto día
Que el mármol no ha salvado, surgió la valerosa
Y singular idea de inventar la alegría?
Con otoños de oro la inventaron. El vino
Fluye rojo a lo largo de las generaciones
Como el río del tiempo y en el arduo camino
Nos prodiga su música, su fuego y sus leones.
En la noche del júbilo o en la jornada adversa
Exalta la alegría o mitiga el espanto
Y el ditirambo nuevo que este día le canto
Otrora lo cantaron el árabe y el persa.
Vino, enséñame el arte de ver mi propia historia
Como si ésta ya fuera ceniza en la memoria,
“Je pense depuis longtemps déjà que si un jour les méthodes de destruction de plus en plus efficaces finissent par rayer notre espèce de la planète, ce ne sera pas la cruauté qui sera la cause de notre extinction, et moins encore, bien entendu, l’indignation qu’éveille la cruauté, ni même les représailles de la vengeance qu’elle s’attire…mais la docilité, l’absence de responsabilité de l’homme moderne, son acceptation vile et servile du moindre décret public. Les horreurs auxquelles nous avons assisté, les horreurs encore plus abominables auxquelles nous allons maintenant assister ne signalent pas que les rebelles, les insubordonnés, les réfractaires sont de plus en plus nombreux dans le monde, mais plutôt qu’il y a de plus en plus d’hommes obéissants et dociles.”
Le poète chilien Nicanor Parra, apôtre de l’« antipoésie » et Prix Cervantes 2011, est décédé mardi 23 janvier, à l’âge de 103 ans. La veillée funèbre a eu lieu dans la Cathédrale de Santiago à la demande de la famille même si le poète avait déclaré: “Soy ateo, gracias a Dios”. Les autorités ecclésiastiques ont essayé d’empêcher que résonnent dans la Cathédrale les chansons de sa soeur, Violeta Parra, qui s’est suicidée en 1967, à 49 ans. Le Gouvernement chilien a décrété deux jours de deuil national.
Nicanor Parra
Ultimo brindis
Lo queramos o no
sólo tenemos tres alternativas:
el ayer, el presente y el mañana.
Y ni siquiera tres
porque como dice el filósofo
el ayer es ayer
nos pertenece sólo en el recuerdo:
a la rosa que ya se deshojó
no se le puede sacar otro pétalo.
Las cartas por jugar
son solamente dos:
el presente y el día de mañana.
Y ni siquiera dos
porque es un hecho bien establecido
que el presente no existe
sino en la medida en que se hace pasado
y ya pasó…
como la juventud.
En resumidas cuentas
sólo nos va quedando el mañana:
yo levanto mi copa
por ese día que no llega nunca
pero que es lo único
de lo que realmente disponemos.
Dernier toast (Nicanor Parra)
Que nous le voulions ou non
Nous n’avons que trois possibilités:
L’hier, le présent et le lendemain.
Et pas même trois
Car comme dit le philosophe
L’hier c’est hier
Il n’est à nous que dans le souvenir:
Lorsque la rose a défleuri
On ne peut plus lui ôter de pétale.
Il n’y a que deux
Cartes à jouer:
Le présent et le lendemain.
Et pas même deux
Car c’est un fait bien établi
Que le présent n’existe
Que dans la mesure où il devient passé
Et il est passé…,
comme la jeunesse.
Tous comptes faits
Il ne nous reste que le lendemain:
Je lève mon verre
À ce jour qui n’arrive jamais
Mais qui est le seul
Dont nous disposions en réalité
Federico García Lorca . Reloj de sol. Universidad de Columbia. Otoño de 1929.
New York (Oficina y denuncia)
A Fernando Vela
Debajo de las multiplicaciones
hay una gota de sangre de pato;
debajo de las divisiones
hay una gota de sangre de marinero;
debajo de las sumas, un río de sangre tierna.
Un río que viene cantando
por los dormitorios de los arrabales,
y es plata, cemento o brisa
en el alba mentida de New York.
Existen las montañas. Lo sé.
Y los anteojos para la sabiduría.
Lo sé. Pero yo no he venido a ver el cielo.
Yo he venido para ver la turbia sangre.
La sangre que lleva las máquinas a las cataratas
y el espíritu a la lengua de la cobra.
Todos los días se matan en New York
cuatro millones de patos,
cinco millones de cerdos,
dos mil palomas para el gusto de los agonizantes,
un millón de vacas,
un millón de corderos
y dos millones de gallos,
que dejan los cielos hechos añicos.
Más vale sollozar afilando la navaja
o asesinar a los perros
en las alucinantes cacerías,
que resistir en la madrugada
los interminables trenes de leche,
los interminables trenes de sangre
y los trenes de rosas maniatadas
por los comerciantes de perfumes.
Los patos y las palomas,
y los cerdos y los corderos
ponen sus gotas de sangre
debajo de las multiplicaciones,
y los terribles alaridos de las vacas estrujadas
llenan de dolor el valle
donde el Hudson se emborracha con aceite.
Yo denuncio a toda la gente
que ignora la otra mitad,
la mitad irredimible
que levanta sus montes de cemento
donde laten los corazones
de los animalitos que se olvidan
y donde caeremos todos
en la ultima fiesta de los taladros.
Os escupo en la cara.
La otra mitad me escucha
devorando, orinando, volando, en su pureza
como los niños de las porterías
que llevan frágiles palitos
a los huecos donde se oxidan
las antenas de los insectos.
No es el infierno, es la calle.
No es la muerte, es la tienda de frutas.
Hay un mundo de ríos quebrados
y distancia inacesibles
en la patita de ese gato
quebrada por el automóvil,
y yo oigo el canto de la lombriz
en el corazón de muchas niñas.
Oxido, fermento, tierra estremecida.
Tierra tú mismo que nadas
por los números de la oficina.
¿Qué voy a hacer? ¿Ordenar los paisajes?
¿Ordenar los amores que luego son fotografías,
que luego son pedazos de madera
y bocanadas de sangre?
San Ignacio de Loyola
asesinó un pequeño conejo
y todavía sus labios gimen
por las torres de las iglesias.
No, no, no, no; yo denuncio.
Yo denuncio la conjura
de estas desiertas oficinas
que no radían las agonías,
que borran los programas de la selva,
y me ofrezco a ser comido
por las vacas estrujadas
cuando sus gritos llenan el valle
donde el Hudson se emborracha con aceite.
Federico García Lorca, Un poeta en Nueva York (1929-30) Publicado en 1940.