Emily Dickinson

Emily Dickinson. Daguerréotype de 1846-47 (Amherst College).

We never know how high we are (1197)

We never know how high we are
Till we are called to rise;
And then, if we are true to plan,
Our statures touch the skies—

The Heroism we recite
Would be a daily thing,
Did not ourselves the Cubits warp
For fear to be a King—

(Emily Dickinson 1830-1886)

(1197)

Nous ne savons jamais quelles hauteurs nous avons atteint
Avant qu’on nous demande de nous élever
Et alors qu’on nous demande de nous élever
Notre stature touche les cieux –

L’Héroïsme dont on se gargarise
Serait monnaie courante
Si nous ne gauchissions nous-mêmes les instruments de Mesure
de peur d’assumer notre Royauté –

Emily Dickinson, Poésies complètes, Flammarion, 2009.
(Traduction de Françoise Delphy)

 

Gabriel García Márquez

Gabriel García Márquez (Colita) 1969

Gabriel García Márquez, nacido el 6 de marzo de 1927 en Aracataca (Colombia).

“El machismo es lo que más detesto en este mundo. Toda mi obra es una condena larga y constante de esa actitud, porque el machismo es la peor desgracia que tenemos en América Latina y particularmente en el Caribe.”

Encuentro con Gabriel García Márquez. Retrato de García Márquez, 1989.

 

Jorge Luis Borges

Jorge Luis Borges (Grete Stern) 1951

Soneto inédito III 
Ya somos el olvido que seremos.
El polvo elemental que nos ignora
y que fue el rojo Adán y que es ahora
todos los hombres y los que seremos.

Ya somos en la tumba las dos fechas
del principio y el fin, la caja,
la obscena corrupción y la mortaja,
los ritos de la muerte y las endechas.

No soy el insensato que se aferra
al mágico sonido de su nombre;
pienso con esperanza en aquel hombre

que no sabrá quien fui sobre la tierra.
Bajo el indiferente azul del cielo,
esta meditación es un consuelo.

Los Justos

“Un hombre que cultiva un jardín, como quería Voltaire. El que agradece que en la tierra haya música. El que descubre con placer una etimología. Dos empleados que en un café de Sur juegan un silencioso ajedrez. El ceramista que premedita un color y una forma. Un tipógrafo que compone bien esta página, que tal vez no le agrada. Una mujer y un hombre que leen los tercetos finales de cierto canto. El que acaricia a un animal dormido. El que justifica o quiere justificar un mal que le han hecho. El que agradece que en la tierra haya Stevenson. El que prefiere que los otros tengan razón. Estas personas, que se ignoran, están salvando el mundo”.

Dada 2: André Breton-Tristan Tzara

Publication de la Correspondance d’André Breton
Lettres à Simone Kahn (1920-1960), édité par Jean-Michel Goutier, Paris, Gallimard, coll. «Blanche», 2016.
Lettres à Jacques Doucet (1920-1926), édité par Étienne-Alain Hubert, Paris, Gallimard, coll. «Blanche», 2016.
André Breton et Benjamin Péret, Correspondance 1920-1959, présentée et éditée par Gérard Roche, Paris, Gallimard, 2017.
Correspondance avec Tristan Tzara et Francis Picabia 1919-1924, présentée et éditée par Henri Béhar, Paris, Gallimard, 2017.

La correspondance avec Tristan Tzara et Francis Picabia couvre surtout la période comprise entre 1919 et 1924. Il s’agit donc essentiellement de la période Dada. Michel Sanouillet (Dada à Paris, Pauvert 1965) et Henri Béhar (Oeuvres complètes de Tristan Tzara, Flammarion, 1975-91; André Breton le grand indésirable, Paris, Calmann-Lévy, 1990, nouvelle édition, Fayard, 2005; Tristan Tzara, essai, Paris, Oxus, 2005, coll. «Les Roumains de Paris») ont déjà bien étudié leurs rapports. Breton qui venait de perdre son ami Jacques Vaché attendait Tzara comme le messie. («Je vous attends, je n’attends plus que vous.» 26 décembre 1919) Tzara apportera au groupe réuni autour de Breton, d’Aragon, et de Soupault une radicalité présente à Zürich et Berlin. Rapidement pourtant, le mouvement se désagrège et se divise en deux clans : les disciples de Tzara, et ceux de Breton. Breton veut instaurer le règne de l’esprit nouveau en explorant avec méthode le domaine du rêve .Tzara refuse de participer  à cette première étape du surréalisme. (André Breton, Manifeste du surréalisme, 1924; Tristan Tzara, Sept manifestes Dada, 1924, recueil de manifestes lus ou écrits entre 1916 et 1924.)

Portrait de Tristan Tzara (Francis Picabia) 1919 Paris Centre Georges Pompidou

Dada 1: Dada Africa

Motifs abstraits: Masques (Sophie Taeuber-Arp) 1917

Grande actualité Dada cette année aussi dans le prolongement du centenaire de ce mouvement.

Au Musée de l’Orangerie (Paris) «Dada Africa, sources et influences extra-occidentales» du 18 octobre 2017 au19 février 2018.

Après «Qui a peur des femmes photographes?», «Apollinaire, le regard du poète», et «La peinture américaine des années 1930», nous y avons vu une autre belle exposition sur un sujet méconnu. Le musée de l’Orangerie est né de la collection du marchand d’art Paul Guillaume. C’était un grand marchand d’art africain. Il a joué un rôle de premier plan dans la confrontation entre art moderne et arts premiers.

Dada fut un mouvement artistique subversif mais divers. Il naît à Zürich pendant la Guerre de 14-18 et se déploie ensuite à Berlin, Paris, New York… Par leurs œuvres nouvelles – poésie sonore, danse, collages, performance –, les artistes dadaïstes interrogent la société occidentale aux prises avec la Grande Guerre, et s’approprient les formes culturelles et artistiques de cultures non occidentales (Afrique, Océanie, Amérique). Gauguin, Picasso et les artistes de Die Brücke avaient fait de même.

Le Musée de l’Orangerie a proposé une exposition sur ces échanges en confrontant œuvres africaines, amérindiennes et asiatiques et celles, dadaïstes, de Hannah Höch, Jean Arp, Sophie Taeuber-Arp, Marcel Janco, Hugo Ball, Tristan Tzara, Raoul Hausmann, Man Ray, Francis Picabia…

Diversité, inventivité et radicalité des productions Dada – textiles, graphisme, affiches, assemblages, reliefs en bois, poupées et marionnettes – face à la beauté étrange et la rareté d’œuvres non occidentales…

Une place particulière a été donnée à Hannah Höch (1889-1978), une des compagnes de Raoul Hausmann (1886-1971). Elle a réussi à préserver une partie des archives du dadaïsme de la destruction nazie. Il faut noter que la critique de la guerre et du bellicisme fut davantage le fait des artistes allemands (Grosz, Heartfield, Hausmann) que des français. «Nous cherchions un art élémentaire qui devait, pensions-nous, sauver les hommes de la folie furieuse de ces temps», déclarait Hans (Jean) Arp en 1940.

Hannah Höch

Jacques Ferrandez à la Galerie Gallimard

 

Gallimard a ouvert une galerie, 30 rue de l’Université, Paris (VII). Ce nouveau lieu est consacré aux oeuvres graphiques, éditions originales et photographies.  Du 19 janvier au 7 mars 2018: Jacques Ferrandez l’oeuvre d’Albert Camus en bande dessinée. Exposition-vente.

Je suis passé par hasard cette semaine Rue de l’Université. J’ai vu ce lieu et je suis rentré admirer les planches de ce dessinateur.

Né en 1955 à Alger, il s’est exprimé d’abord par la bande dessinée. Il a essayé de raconter les liens complexes entre l’Algérie et la France à travers ses Cahiers d’Orient : 10 tomes publiés par Casterman de 1987 à 2009.

Il a pu aussi mettre en images récemment les oeuvres d’Albert Camus: – L’Hôte (nouvelle tirée de L’exil et le royaume en 2009. – L’étranger en 2013.  – Le premier homme en 2017. Un défi: mettre un visage sur le personnage de Meursault, faire sentir la brûlure du soleil d’Alger en été.

Bien que je n’apprécie pas particulièrement la bande dessinée, j’ ai lu avec grand plaisir ses oeuvres cet hiver. Il me manque Le premier homme.

Jacques Ferrandez a publié aussi en 2017 au Mercure de France, Entre mes deux rives. Livre inclassable: essai, mémoires, autobiographie, dessins. Tout se mêle.

«Je suis comme un enfant trouvé de la Méditerranée, ballotté d’un bord à l’autre. Je suis né sur la rive sud, j’ai vécu sur la rive nord. Les deux m’appartiennent et j’appartiens aux deux. C’est le creuset. C’est la mer, la mère, la matrice à tous les sens du terme. Mer natale. Aujourd’hui, il est temps pour moi d’interroger, à travers mon rapport à Camus, tout ce qui me relie à l’Algérie et plus généralement à la Méditerranée. D’une rive à l’autre. De mes deux rives. Entre mes deux rives.»

” Je ne suis pas nostalgique  de ce qui a été, mais plutôt de ce qui n’a pas été.”

https://www.galeriegallimard.com/content/27-jacques-ferrandez

Antonio Machado

Statue d’Antonio Machado devant le Lycée de Soria où il enseigna le français pendant 5 ans (1907-1912)

Estos días azules y este sol de la infancia” (Ces jours bleus et ce soleil de l’enfance.) »

Dernier vers d’Antonio Machado retrouvé par son frère dans une poche de son pardessus.

Antonio Machado est mort à 15h30 le 22 février 1939 à Collioure, mercredi des Cendres.

La Edad de Oro (L’ Age d’Or) Don Quijote

Don Quichotte v 1868 Munich Neue Pinakothek

DISCURSO DE LA EDAD DE ORO: Primera parte, capítulo XI.
(Don Quijote De la Mancha, Miguel de Cervantes)

“Después que don Quijote hubo bien satisfecho su estómago, tomó un puño de bellotas en la mano y, mirándolas atentamente, soltó la voz a semejantes razones:
– Dichosa edad y siglos dichosos aquellos a quien los antiguos pusieron nombre de dorados, y no porque en ellos el oro, que en esta nuestra edad de hierro tanto se estima, se alcanzase en aquella venturosa sin fatiga alguna, sino porque entonces los que en ella vivían ignoraban estas dos palabras de tuyo y mío. Eran en aquella santa edad todas las cosas comunes: a nadie le era necesario para alcanzar su ordinario sustento tomar otro trabajo que alzar la mano y alcanzarle de las robustas encinas, que liberalmente les estaban convidando con su dulce y sazonado fruto. Las claras fuentes y corrientes ríos, en magnífica abundancia, sabrosas y transparentes aguas les ofrecían. En las quiebras de las peñas y en lo hueco de los árboles formaban su república las solícitas y discretas abejas, ofreciendo a cualquiera mano, sin interés alguno, la fértil cosecha de su dulcísimo trabajo. Los valientes alcornoques despedían de sí, sin otro artificio que el de su cortesía, sus anchas y livianas cortezas, con que se comenzaron a cubrir las casas, sobre rústicas estacas sustentadas, no más que para defensa de las inclemencias del cielo. Todo era paz entonces, todo amistad, todo concordia: aún no se había atrevido la pesada reja del corvo arado a abrir ni visitar las entrañas piadosas de nuestra primera madre; que ella sin ser forzada ofrecía, por todas las partes de su fértil y espacioso seno, lo que pudiese hartar, sustentar y deleitar a los hijos que entonces la poseían. Entonces sí que andaban las simples y hermosas zagalejas de valle en valle y de otero en otero, en trenza y en cabello, sin más vestidos de aquellos que eran menester para cubrir honestamente lo que la honestidad quiere y ha querido siempre que se cubra, y no eran sus adornos de los que ahora se usan, a quien la púrpura de Tiro y la por tantos modos martirizada seda encarecen, sino de algunas hojas verdes de lampazos y yedra entretejidas, con lo que quizá iban tan pomposas y compuestas como van agora nuestras cortesanas con las raras y peregrinas invenciones que la curiosidad ociosa les ha mostrado. Entonces se decoraban los concetos amorosos del alma simple y sencillamente, del mesmo modo y manera que ella los concebía, sin buscar artificioso rodeo de palabras para encarecerlos. No había la fraude, el engaño ni la malicia mezcládose con la verdad y llaneza. La justicia se estaba en sus proprios términos, sin que la osasen turbar ni ofender los del favor y los del interese, que tanto ahora la menoscaban, turban y persiguen. La ley del encaje aún no se había sentado en el entendimiento del juez, porque entonces no había qué juzgar ni quién fuese juzgado. Las doncellas y la honestidad andaban, como tengo dicho, por dondequiera, sola y señera, sin temor que la ajena desenvoltura y lascivo intento le menoscabasen, y su perdición nacía de su gusto y propia voluntad. Y agora, en estos nuestros detestables siglos, no está segura ninguna, aunque la oculte y cierre otro nuevo laberinto como el de Creta; porque allí, por los resquicios o por el aire, con el celo de la maldita solicitud, se les entra la amorosa pestilencia y les hace dar con todo su recogimiento al traste. Para cuya seguridad, andando más los tiempos y creciendo más la malicia, se instituyó la orden de los caballeros andantes, para defender las doncellas, amparar las viudas y socorrer a los huérfanos y a los menesterosos. Desta orden soy yo, hermanos cabreros, a quien agradezco el gasaje y buen acogimiento que hacéis a mí y a mi escudero. Que aunque por ley natural están todos los que viven obligados a favorecer a los caballeros andantes, todavía, por saber que sin saber vosotros esta obligación me acogistes y regalastes, es razón que, con la voluntad a mí posible, os agradezca la vuestra.”

Une partie traduite en français par Aline Schulman (Le Seuil, Collection Points)
“Heureuse époque, siècles bénis que les Anciens ont nommés l’âge d’or ! Et non point parce que ce métal, tant estimé en ce siècle de fer qu’est le nôtre, se trouvait facilement, mais parce que ceux qui vivaient alors ignoraient le sens de ces deux mots: tien et mien. En ces temps bénis, tout était commun à tous. Pour trouver sa nourriture, il suffisait à l’homme de lever la main pour cueillir le fruit doux et savoureux que le chêne robuste lui tendait gracieusement. Les sources claires, les rivières rapides lui offraient, dans une généreuse abondance, une eau transparente et pure. Aux fentes des rochers, aux creux des troncs, s’établissaient les abeilles laborieuses, abandonnant au premier venu, sans rien exiger en retour, leur fertile et délicieuse récolte. Le chêne-liège se dépouillait, sans autre incitation que la courtoisie, de son écorce légère ; c’est elle qui servit à couvrir les premières cabanes, érigées sur des pieux grossièrement taillés, pour que l’homme pût se défendre des inclémences du ciel. Tout n’était que paix, harmonie et concorde. Le soc pesant et courbe de la charrue n’osait encore ouvrir et fouiller les entrailles bienfaisantes de notre mère originelle, qui, sans y être forcée, offrait toutes les ressources de son sein vaste et fécond pour satisfaire, pour nourrir, pour réjouir ses enfants. Alors les chastes et jolies bergères s’en allaient de vallée en vallée et de colline en colline, cheveux au vent, juste assez vêtues pour couvrir ce que la pudeur exige, et a toujours exigé, que l’on tienne couvert. Elles ne cherchaient pas comme aujourd’hui à rehausser leurs toilettes de pourpre de Tyr, de soie ou de brocart, mais de feuilles vertes de bardane entrelacées à du lierre ; et elles étaient sans doute tout aussi richement et élégamment parées que le sont nos dames de cour avec ces étranges artifices que leur suggèrent l’oisiveté et la coquetterie.

Alors, les sentiments amoureux s’exprimaient aussi simplement que l’âme les avait conçus : nul tour recherché, nul embellissement superflu. La vérité et la sincérité n’avaient à craindre ni la fraude, ni la fourberie, ni la malice. La justice remplissait sa fonction, sans être menacée par l’intérêt et la faveur qui la persécutent et la déshonorent si fréquemment de nos jours. Les juges ne se laissaient point guider par la loi du bon plaisir, car il n’y avait alors rien ni personne à juger. Les jeunes filles et l’innocence marchaient de compagnie, la tête haute, comme je l’ai dit plus haut, sans avoir à redouter les assauts de l’effronté ni l’audace du lascif ; et elles ne pouvaient imputer leur perte qu’à leur propre vouloir et à leur seul désir.”

Le vin

Portrait de Charles Baudelaire (Gustave Courbet) 1848-49

L’âme du vin (Charles Baudelaire)

Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles:
“Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité!

Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,

Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.

Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content;

J’allumerai les yeux de ta femme ravie;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.

En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! ”

Les Fleurs du mal, 1857.

Isla Negra Café Restaurante El rincón del poeta Oda al vino (Pablo Neruda)

ODA AL VINO (Pablo Neruda)

Vino color de día,
vino color de noche,
vino con pies de púrpura
o sangre de topacio,
vino,
estrellado hijo
de la tierra,
vino, liso
como una espada de oro,
suave
como un desordenado terciopelo,
vino encaracolado
y suspendido,
amoroso,
marino,
nunca has cabido en una copa,
en un canto, en un hombre,
coral, gregario eres,
y cuando menos, mutuo.
A veces
te nutres de recuerdos
mortales,
en tu ola
vamos de tumba en tumba,
picapedrero de sepulcro helado,
y lloramos
lágrimas transitorias,
pero
tu hermoso
traje de primavera
es diferente,
el corazón sube a las ramas,
el viento mueve el día,
nada queda
dentro de tu alma inmóvil.
El vino
mueve la primavera,
crece como una planta la alegría,
caen muros,
peñascos,
se cierran los abismos,
nace el canto.
Oh tú, jarra de vino, en el desierto
con la sabrosa que amo,
dijo el viejo poeta.
Que el cántaro de vino
al beso del amor sume su beso.

Amor mio, de pronto
tu cadera
es la curva colmada
de la copa,
tu pecho es el racimo,
la luz del alcohol tu cabellera,
las uvas tus pezones,
tu ombligo sello puro
estampado en tu vientre de vasija,
y tu amor la cascada
de vino inextinguible,
la claridad que cae en mis sentidos,
el esplendor terrestre de la vida.

Pero no sólo amor,
beso quemante
o corazón quemado
eres, vino de vida,
sino
amistad de los seres, transparencia,
coro de disciplina,
abundancia de flores.
Amo sobre una mesa,
cuando se habla,
la luz de una botella
de inteligente vino.
Que lo beban,
que recuerden en cada
gota de oro
o copa de topacio
o cuchara de púrpura
que trabajó el otoño
hasta llenar de vino las vasijas
y aprenda el hombre oscuro,
en el ceremonial de su negocio,
a recordar la tierra y sus deberes,
a propagar el cántico del fruto.

Odas elementales, 1954.

Buenos Aires Café Tortoni Jorge Luis Borges

Soneto del vino (Jorge Luis Borges)

¿En qué reino, en qué siglo, bajo qué silenciosa
Conjunción de los astros, en qué secreto día
Que el mármol no ha salvado, surgió la valerosa
Y singular idea de inventar la alegría?

Con otoños de oro la inventaron. El vino
Fluye rojo a lo largo de las generaciones
Como el río del tiempo y en el arduo camino
Nos prodiga su música, su fuego y sus leones.

En la noche del júbilo o en la jornada adversa
Exalta la alegría o mitiga el espanto
Y el ditirambo nuevo que este día le canto

Otrora lo cantaron el árabe y el persa.
Vino, enséñame el arte de ver mi propia historia
Como si ésta ya fuera ceniza en la memoria,

El otro, el mismo, 1964.

Georges Bernanos

“Je pense depuis longtemps déjà que si un jour les méthodes de destruction de plus en plus efficaces finissent par rayer notre espèce de la planète, ce ne sera pas la cruauté qui sera la cause de notre extinction, et moins encore, bien entendu, l’indignation qu’éveille la cruauté, ni même les représailles de la vengeance qu’elle s’attire…mais la docilité, l’absence de responsabilité de l’homme moderne, son acceptation vile et servile du moindre décret public. Les horreurs auxquelles nous avons assisté, les horreurs encore plus abominables auxquelles nous allons maintenant assister ne signalent pas que les rebelles, les insubordonnés, les réfractaires sont de plus en plus nombreux dans le monde, mais plutôt qu’il y a de plus en plus d’hommes obéissants et dociles.”

Journal d’un curé de campagne” (1936)