Je relis le poète argentin Roberto Juarroz (1925-1995)…
« Habría que dejar libros en todas partes. Seguramente en uno u otro momento, alguien los abrirá. Y hacer lo mismo con la poesía: dejar poemas en todas partes, ya que sin duda alguien los reconocerá en algún momento. »
« La poesía es la sinceridad con que habla en nosotros lo que no conocemos. Única vía veraz de aquello que cimienta nuestra ignorancia. »
Roberto Juarroz, Fragments verticaux, José Corti, 1993.
« Il faudrait laisser des livres partout. A un moment ou un autre quelqu’un les ouvrira sans doute. Et faire de même avec la poésie : laisser des poèmes partout, puisque quelqu’un les reconnaîtra sûrement un jour. »
« La poésie, c’est la sincérité avec laquelle parle en nous ce que l’on ne connaît pas. Unique voie véridique de ce qui cimente notre ignorance. »
21
A veces parece que estamos en el centro de la fiesta. Sin embargo, en el centro de la fiesta no hay nadie. En el centro de la fiesta está el vacío.
Pero en el centro del vacío hay otra fiesta.
Duodécima poesía vertical, 1991.
On dirait parfois que nous sommes au centre de la fête. Cependant au centre de la fête il n’y a personne. Au centre de la fête c’est le vide.
El Cerro de los Moros desde la ermita de San Saturio. Soria. (Samuel Sánchez)
El hormigón amenaza el Cerro de los Moros, el paraje de Soria que inspiró a Machado y a Bécquer. Varias asociaciones vecinales critican el plan de construir 1.300 viviendas en unas lomas de gran valor cultural y paisajístico (El País, 26 février 2024).
Antonio Machado, Gustavo Alfonso Bécquer, Gerardo Diego ont été inspirés par ce magnifique paysage de Castille. La spéculation immobiliaire prévoit la construction de 1304 logements (4000 habitants). Soria est une ville de moins de 40 000 habitants. La Asociación Soriana de Defensa de la Naturaleza (Asden), los Amigos del Museo Numantino, Hacendera y Soria por el Futuro (Ricardo Mínguez, Carmen Heras, José Francisco Yusta y Luis Giménez) luttent depuis des années pour protéger cet environnement extraordinaire. Merci à eux !
VIII He vuelto a ver los álamos dorados, álamos del camino en la ribera del Duero, entre San Polo y San Saturio, tras las murallas viejas de Soria – barbacana hacia Aragón, en castellana tierra -.
Estos chopos del río, que acompañan con el sonido de sus hojas secas el son del agua cuando el viento sopla, tienen en sus cortezas grabadas iniciales que son nombres de enamorados, cifras que son fechas.
¡ Álamos del amor que ayer tuvisteis de ruiseñores vuestras ramas llenas; álamos que seréis mañana liras del viento perfumado en primavera; álamos del amor cerca del agua que corre y pasa y sueña, álamos de las márgenes del Duero, conmigo váis, mi corazón os lleva !
Campos de Castilla, 1912.
Terres de Soria
VIII
Je suis revenu voir les peupliers dorés, Peupliers du chemin sur le rivage du Douro, entre San Polo et San Saturio, au-delà des vieilles murailles de Soria – barbacane tournée vers l’Aragon, en terre castillane.
Ces peupliers de la rivière, qui accompagnent du bruissement de leurs feuilles sèches le son de l’eau, quand le vent souffle, ont sur l’écorce, gravées, des initiales qui sont des noms d’amoureux, des chiffres qui sont des dates. Peupliers de l’amour dont les branches hier étaient remplies de rossignols; peupliers qui serez demain les lyres du vent parfumé au printemps; peupliers de l’amour près de l’eau qui coule, passe et songe, peupliers des berges du Douro, vous êtes en moi, mon coeur vous emporte !
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi des Poésies de la guerre. 2004. Traduction de Sylvie Léger et Bernard Sesé. NRF Poésie/ Gallimard n°144.
Soria. Statue de Gustavo Alfonso Bécquer (Ricardo González).
Antonio Machado est mort il y a 85 ans, le 22 février 1939 à Collioure. C’était le mercredi des Cendres. Le 5 mai 1941, il est expulsé post-mortem de sa chaire de professeur de lycée par les autorités franquistes. Il ne sera réhabilité comme professeur qu’en 1981. Son corps sera transféré le 16 juillet 1958 dans une autre tombe, achetée grâce à des dons venant du monde entier. Parmi les donateurs : Pau Casals, Albert Camus, André Malraux, René Char. Sur la pierre tombale se trouve depuis des décennies une boîte aux lettres qui ne désemplit pas.
“Hoy es siempre todavía”
CXX
Dice la esperanza: un día la verás, si bien esperas. Dice la desesperanza: sólo tu amargura es ella. Late, corazón… No todo se lo ha tragado la tierra.
Campos de Castilla, 1907-17
CXX Un jour tu la verras, dit l’espérance, si tu sais espérer. Et la désespérance : elle n’est rien que ta souffrance. Et le cœur bat… La terre n’a pas tout emporté.
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. NRF Poésie/Gallimard n°144. 2004. Traduction Sylvie Léger et Bernard Sesé.
Raquel Lanseros.
Raquel Lanseros est née à Jerez de la Frontera, España en 1973. Prix National de la Critique pour Matria (Madrid, Visor, 2018). Une anthologie récente : Sin ley de gravedad. Poesía reunida (2005-2022), Madrid, Visor, 2018.
22 de febrero (Raquel Lanseros)
Estos días azules y este sol de la infancia (Antonio Machado)
La poesía es azul aunque a veces la vistan de luto. Viento del sur escultor de cipreses ahoga la tierra honda de dolor y de rabia.
Abel Martín, conciencia en desbandada pájaro entre dos astros nombrador primigenio de las cosas. Juan de Mairena íntegro espejo limpio donde se refleja el rostro que tenemos de verdad.
Nos dejaste la vida la palabra fecunda la desnudez, la brisa. Nos dejaste las hojas y el rocío el mar las instrucciones para aprender a andar sobre las aguas.
Y después te marchaste. Mejor dicho: te echaron a empujones. Siempre molestan los ángeles perdidos.
Dicen que desde entonces en Collioure no ha dejado jamás de ser invierno.
Croniria. Hiperión, Madrid, 2009. El éxodo de las nubes.
Je lis ces jours-ci avec intérêt Viva de Patrick Deville (Éditions du Seuil, 2014. Points Seuil n°4146, 2015). Mon ami P. me l’a conseillé. Les personnages centraux sont Léon Trotsky et Malcolm Lowry, deux personnages qui ont à première vue peu de choses en commun. Le livre est construit en une trentaine de courts tableaux. Tout se passe dans le Mexique des années 30, si riche culturellement et historiquement…
On présente les livres de Patrick Deville comme des “romans d’aventures sans fiction”. En quatrième de couverture, une phrase du grand Pierre Michon : “Je relis Viva si savant, si écrit, si rapide. Chaque phrase est flèche.”
Pages 221-222 de l’édition en Points Seuil : ” Enfermé ce soir dans cette chambre, je reprends une dernière fois les carnets et les chronologies emmêlés de toutes ces pelotes. Nous sommes le 21 février 2014. C’est aujourd’hui le soixante-dixième anniversaire de l’Affiche rouge, des vingt-deux résistants étrangers fusillés par les nazis au Mont-Valérien le 21 février 1944. C’est aujourd’hui le quatre-vingtième anniversaire de l’assassinat de Sandino à Managua le 21 février 1934… On écrit toujours contre l’amnésie générale et la sienne propre…”
Du 13 février au 12 mai 2024, le Jeu de Paume rend hommage à Tina Modotti (1896-1942) à travers une grande exposition, la plus importante jamais consacrée à Paris à cette photographe et activiste politique d’origine italienne.
Je lis un petit livre du journaliste péruvien Daniel Titinger : Un hombre flaco retrato de Julio Ramón Ribeyro. Santiago de Chile. Ediciones Universidad Diego Portales, 2014. Colección Vidas Ajenas.
Je l’ai trouvé lors de mon séjour à Madrid, le dernier jour, à la Librairie Juan Rulfo (Librería del Fondo de Cultura Económica de España, Calle de Fernando el Católico, 86). Il ne s’agit pas d’une vrai biographie, mais plutôt d’un essai fondé sur des témoignages des proches et des amis de l’écrivain. C’est parfois agaçant. Il faut relire cet auteur péruvien que je place très haut. Il n’est pas assez connu car il n’a pas été adoubé par Carmen Balcells, l’agente littéraire espagnole qui a représenté des auteurs comme Mario Vargas Llosa, Juan Carlos Onetti, Julio Cortázar, José Donoso, Alfredo Bryce Echenique, Manuel Vázquez Montalbán, Camilo José Cela, Eduardo Mendoza ou Isabel Allende. C’est pourtant un maître de la nouvelle et son journal est passionnant (La tentación del fracaso. Diario personal 1950-1978. Seix Barral, 2003). Les deux grands écrivains péruviens de la seconde partie du XX ème siècle sont Mario Vargas Llosa et…Julio Ramón Ribeyro. ils étaient très amis, puis se sont brouillés pour des raisons politiques.
“Quién era Julio Ramón Ribeyro? ¿El hombre que a los 44 años pesaba 46 kilos; el apesadumbrado, el triste, el tímido; el marido de una mujer con quien, al parecer, no era feliz? ¿O el que regresó en los años noventa a Lima desde Europa; el que se enamoró; el que se compró un departamento frente al mar; el que cantaba en los karaokes de esa ciudad que lo había visto nacer? El escritor peruano Julio Ramón Ribeyro es un enigma. Mencionado una y otra vez como uno de los mejores cuentistas contemporáneos de América Latina, nacido al universo literario en medio del boom, nunca fue un habitante central de ese fenómeno en cuyo vórtice brillaban figuras como Mario Vargas Llosa o Carlos Fuentes, sino un visitante discreto y fronterizo. Sin embargo, dueño de una voz única, es el autor de libros que marcaron como pocos la literatura del continente.
A través de una enorme cantidad de entrevistas con amigos, parientes, y del testimonio directo de Alida, su viuda, este libro echa luz sobre la vida y la obra de Ribeyro. Un hombre flaco es el intento de comprender quién fue este escritor que, a los veinte años y en la primera entrada de ese libro monumental, escribió: “Tengo unas ganas enormes de abandonarlo todo, de perderlo todo”. (Quatrième de couverture du livre de Daniel Titinger)
Proses apatrides. Finitude, 2011. Traduit sous la direction de François Géal. épuisé.
« Que de livres, mon Dieu, et combien nous manque le temps et parfois l’envie de les lire ! Ma propre bibliothèque, où autrefois pas un livre n’entrait sans avoir au préalable été lu et digéré, s’encombre peu à peu de livres parasites, qui souvent y arrivent sans qu’on sache comment, et qui, par un phénomène d’aimantation et d’agglutination, contribuent à élever la montagne de l’illisible, et, au milieu de ces livres, perdus, ceux que j’ai moi-même écrits. Je ne dis pas dans cent ans, mais dans dix ans, dans vingt ans, que restera-t-il le tout cela ? Peut-être seulement les auteurs qui viennent de très loin, la douzaine de classiques qui traversent les siècles, bien souvent sans être beaucoup lus, mais vaillants et vigoureux, par une sorte d’impulsion élémentaire ou de droit acquis. Les livres de Camus, de Gide, qui voilà à peine deux décennies étaient lus avec tant de passion, quel intérêt ont-ils à présent, alors même qu’ils furent écrits avec tant d’amour et d’efforts ? Pourquoi dans cent ans continuera-t-on à lire Quevedo et pas Jean-Paul Sartre ? Pourquoi François Villon et pas Carlos Fuentes ? Que faut-il donc mettre dans une œuvre pour durer ? On dirait que la gloire littéraire est une loterie et la survie artistique une énigme. Et malgré cela on continue à écrire, à publier, à lire, à gloser. Entrer dans une librairie est effrayant et paralysant pour n’importe quel écrivain, c’est comme l’antichambre de l’oubli : dans ses niches de bois, déjà les livres s’apprêtent à sombrer dans un sommeil définitif, souvent même sans avoir vécu. Quel est cet empereur chinois qui détruisit l’alphabet et toute trace d’écriture ? N’est-ce pas Érostrate qui incendia la bibliothèque d’Alexandrie ? Ce qui pourrait peut-être nous redonner le goût de la lecture, ce serait de détruire tout ce qui a été écrit et de repartir, allègrement à zéro. “
“¡Cuántos libros, Dios y que poco tiempo y a veces qué pocas ganas de leerlos! Mi propia biblioteca donde antes cada libro que ingresaba era previamente leído y digerido, se va plagando de libros parásitos, que llegan allí muchas veces no se sabe cómo y que por un fenómeno de imantación y de aglutinación contribuyen a cimentar la montaña de lo ilegible y entre estos libros, perdidos, los que yo he escrito. No digo en cien años, en diez, en veinte ¡qué quedará de todo esto! Quizás solo los autores que vienen de muy atrás, la docena de clásicos que atraviesan los siglos a menudo sin ser muy leídos, pero airosos y robustos, por una especie de impulso elemental o de derecho adquirido. Los libros de Camus, de Gide, que hace apenas dos decenios se leían con tanta pasión ¿qué interés tienen ahora, a pesar de que fueron escritos con tanto amor y tanta pena? ¿Por qué dentro de cien años se seguirá leyendo a Quevedo y no a Jean Paul Sartre? ¿Por qué a Francois Villon y no a Carlos Fuentes? ¿Qué cosa hay que poner en una obra para durar? Diríase que la gloria literaria es una lotería y la perduración artística un enigma. Y a pesar de ello se sigue escribiendo, publicando, leyendo, glosando. Entrar a una librería es pavoroso y paralizante para cualquier escritor, es como la antesala del olvido: en sus nichos de madera, ya los libros se aprestan a dormir su sueño definitivo, muchas veces antes de haber vivido. ¿Qué emperador chino fue el que destruyó el alfabeto y todas las huellas de la escritura? ¿No fue Eróstrato el que incendió la biblioteca de Alejandría? Quizás lo que pueda devolvernos el gusto por la lectura sería la destrucción de todo lo escrito y el hecho de partir inocente, alegremente de cero.”
Julio Ramón Ribeyro 1929-1994. Les vrais voyageurs, 21 juillet 2018.
Charognards sans plumes (Los gallinazos sin plumas, 1955. Nouvelles). Traduction Annie Cloulas-Brousseau. Paris, Gallimard, 1964. Chronique de San Gabriel (Crónica de San Gabriel, 1960. Roman) Traduction Clotilde Bernadi Pradal, Paris, Gallimard, 1969. Silvio et la roseraie (Silvio en el rosedal 1977. Nouvelles). Traduction Irma Sayol. Paris, Gallimard, 1981. Réservé aux fumeurs (Sólo para fumadores, 1987. Nouvelles). Traduction Gabriel Iaculli, Paris, Gallimard, 1995. Proses apatrides (Prosas apatridas, 1975. Récits). Traduction sous la direction de François Géal, Le Bouscat, Finitude, 2011.
SAZÓN
Ya está todo en sazón. Me siento hecha,
me conozco mujer y clavo al suelo
profunda la raíz, y tiendo en vuelo
la rama, cierta en ti, de su cosecha.
¡Cómo crece la rama y qué derecha!
Todo es hoy en mi tronco un solo anhelo
de vivir y vivir: tender al cielo,
erguida en vertical, como la flecha
que se lanza a la nube. Tan erguida
que tu voz se ha aprendido la destreza
de abrirla sonriente y florecida.
Me remueve tu voz. Por ella siento
que la rama combada se endereza
y el fruto de mi voz se crece al viento.
Arte y parte. Madrid,Colección Adonais.1961.
https://paulatinygriego.wordpress.com/2021/07/13/poesia-maria-victoria-atencia.sazon/
Málaga. Patio principal du Palacio de los Condes de Buenavista. Vers 1530-1540.
Visite du Musée Picasso de Málaga hier. Il est installé depuis 2003 dans le Palacio de los Condes de Benavista (Calle San Agustín,8). 3 parties : Diálogos con Picasso. Colección 2020-2023 + El eco de Picasso + Las múltiples caras de la obra tardía de Picasso. On y fait allusion au poème d’Apollinaire Les saisons. On peut lire la première strophe en espagnol et en anglais, pas en français.
Retrato de Paulo con gorro blanco. París, 14 de abril de 1973. Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso.Publié dans La grande revue, novembre 1917. Repris dans Calligrammes, 1918.Retrato de mujer con sombrero de borlas y blusa estampada. Mougins, 1962. Málaga, Museo Picasso.
Lettre écrite par le poète à la vieille de sa mort à Nimet Eloui Bey.
” Madame, oui, misérablement, horriblement malade, et douloureusement jusqu’à un point que je n’ai jamais osé imaginer. C’est cette souffrance déjà anonyme, que les médecins baptisent, mais qui, elle, se contente à nous apprendre trois ou quatre cris où notre voix ne se reconnaît point. Elle qui avait l’éducation des nuances !
Point de fleurs, Madame, je vous en supplie, leur présence excite les démons dont la chambre est pleine. Mais ce qui m’est venu avec les fleurs, s’ajoutera la grâce de l’invisible. Oh merci !
(mercredi) 29 décembre 1926. “
La dernière amitié de Rainer Maria Rilke. Arguments, Les vies imaginaires. 2023.
Tombe de Rainer Maria Rilke. Cimetière de Rarogne (Suisse)
Rainer Maria Rilke est décédé des suites d’une leucémie le 29 décembre 1926 dans un sanatorium de Val-Mont, au-dessus de Montreux (Suisse). Il est enterré au cimetière de Rarogne. Il avait rencontré Nimet Eloui Bey en 1926 à Lausanne. Celle-ci, de souche circassienne ou tcherkesse, était née vers 1903 au Caire. Elle avait épousé à 18 ans Aziz Eloui Bey, riche homme d’affaires égyptien que la photographe Lee Miller lui ravit. Elle est morte à Neuilly le 4 août 1943.
De niño, entre las pobres guaridas de la tierra, quieto en ángulo oscuro, buscaba en ti, encendida guirnalda, mis auroras futuras y furtivos nocturnos, y en ti los vislumbraba, naturales y exactos, también libres y fieles, a semejanza mía, a semejanza tuya, eterna soledad.
Me perdí luego por la tierra injusta como quien busca amigos o ignorados amantes; diverso con el mundo, fui luz serena y anhelo desbocado, y en la lluvia sombría o en el sol evidente quería una verdad que a ti te traicionase, olvidando en mi afán cómo las alas fugitivas su propia nube crean.
Y al velarse a mis ojos con nubes sobre nubes de otoño desbordado la luz de aquellos días en ti misma entrevistos, te negué por bien poco; por menudos amores ni ciertos ni fingidos, por quietas amistades de sillón y de gesto, por un nombre de reducida cola en un mundo fantasma, por los viejos placeres prohibidos como los permitidos nauseabundos, útiles solamente para el elegante salón susurrado, en bocas de mentira y palabras de hielo.
Por ti me encuentro ahora el eco de la antigua persona que yo fui, que yo mismo manché con aquellas juveniles traiciones; por ti me encuentro ahora, constelados hallazgos, limpios de otro deseo, el sol, mi dios, la noche rumorosa, la lluvia, intimidad de siempre, el bosque y su alentar pagano, el mar, el mar como su nombre hermoso; y sobre todo ellos, cuerpo oscuro y esbelto, te encuentro a ti, tú, soledad tan mía, y tú me das fuerza y debilidad como el ave cansada los brazos de la piedra.
Acodado al balcón miro insaciable el oleaje, oigo sus oscuras imprecaciones, contemplo sus blancas caricias; y ergido desde cuna vigilante soy en la noche un diamante que gira advirtiendo a los hombres, por quienes vivo, aun cuando no los vea; y así, lejos de ellos, ya olvidados sus nombres, los amo en muchedumbres, roncas y violentas como el mar, mi morada, puras ante la espera de una revolución ardiente o rendidas y dóciles, como el mar sabe serlo cuando toca la hora de reposo que su fuerza conquista.
Tú, verdad solitaria, transparente pasión, mi soledad de siempre, eres inmenso abrazo; el sol, el mar, la oscuridad, la estepa, el hombre y su deseo, la airada muchedumbre, ¿qué son sino tú misma?
Por ti, mi soledad, los busqué un día; en ti, mi soledad, los amo ahora.
Invocaciones, 1935.
Soliloque d’un gardien de phare
Comment t’emplir, solitude sinon de toi-même…
Editorial Renacimiento, 2021. Facsímil de la que salió en 1936 de los talleres de Manuel Altolaguirre para Ediciones del Árbol.
Antonio Machado (José Machado Ruiz 1879-1958), vers 1940. Madrid, Museo del Prado.
Un poème d’Antonio Machado. Nostalgia de Andalucía. Nostalgia de Castilla.
CXXV
En estos campos de la tierra mía, y extranjero en los campos de mi tierra —yo tuve patria donde corre el Duero por entre grises peñas, y fantasmas de viejos encinares, allá en Castilla, mística y guerrera, Castilla la gentil, humilde y brava, Castilla del desdén y de la fuerza—, en estos campos de mi Andalucía, ¡oh tierra en que nací!, cantar quisiera. Tengo recuerdos de mi infancia, tengo imágenes de luz y de palmeras, y en una gloria de oro, de lueñes campanarios con cigüeñas, de ciudades con calles sin mujeres bajo un cielo de añil, plazas desiertas donde crecen naranjos encendidos con sus frutas redondas y bermejas; y en un huerto sombrío, el limonero de ramas polvorientas y pálidos limones amarillos, que el agua clara de la fuente espeja, un aroma de nardos y claveles y un fuerte olor de albahaca y hierbabuena, imágenes de grises olivares bajo un tórrido sol que aturde y ciega, y azules y dispersas serranías con arreboles de una tarde inmensa; mas falta el hilo que el recuerdo anuda al corazón, el ancla en su ribera, o estas memorias no son alma. Tienen, en sus abigarradas vestimentas, señal de ser despojos del recuerdo, la carga bruta que el recuerdo lleva. Un día tornarán, con luz del fondo ungidos, los cuerpos virginales a la orilla vieja.
Lora del Río. 4 de abril de 1913.
Debolsillo. 9,99 euros. Nueva edición de la poesía completa de Antonio Machado, con numerosos inéditos y variantes Edición a cargo de Víctor Fernández.
CXXV
Dans ces campagnes de mon pays, et étranger dans les campagnes de mon pays – moi j’avais ma patrie là où le Douro coule entre des rochers gris et des fantômes d’anciennes chênaies, là-bas en Castille, mystique et guerrière, noble Castille, humble et sauvage, Castille du mépris et de la force –, dans ces campagnes de mon Andalousie, oh ! terre où je naquis ! je voudrais chanter. J’ai des souvenirs de mon enfance, j’ai des images de lumière et de palmiers, et dans une gloire d’or, de clochers lointains avec des cigognes, de villes avec des rues sans femmes, sous un ciel indigo, de places désertes où poussent des orangers flamboyants avec leurs fruits ronds et vermeils ; et dans un jardin sombre, le citronnier aux branches poussiéreuses et aux pâles citrons jaunes que reflète l’eau claire du bassin, un arôme d’iris et d’œillets et une forte odeur de basilic et de menthe ; des images de grises oliveraies sous un soleil torride qui étourdit et aveugle, et de montagnes bleues et dispersées sous les rougeurs d’un soir immense ; mais il manque le fil qui noue le souvenir au cœur, l’ancre au rivage, ou ces souvenirs ne sont pas de l’âme. Ils ont sous leurs vêtements bigarrés, qui montrent qu’ils sont des dépouilles de la mémoire, la charge brute que le souvenir garde. Un jour imprégnés de la lumière des profondeurs, les corps virginaux s’en reviendront à l’ancien rivage.
Lora del Río. 4 avril 1913.
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. NRF Poésie/Gallimard n°144. 2004. Traduction Sylvie Léger et Bernard Sesé.