Deux poèmes d’Idea Vilariño, grande poétesse uruguayenne.
Todo es muy simple
Todo es muy simple mucho más simple y sin embargo aún así hay momentos en que es demasiado para mí en que no entiendo y no sé si reírme a carcajadas o si llorar de miedo o estarme aquí sin llanto sin risas en silencio asumiendo mi vida mi tránsito mi tiempo.
1962.
Tout est simple
Tout est très simple beaucoup plus simple et pourtant même comme ça il y a des moments où c’est trop pour moi où je ne comprends pas et je ne sais pas si je dois rire aux éclats ou si je dois pleurer de peur ou rester là sans pleur sans rire en silence assumant ma vie mon chemin mon temps.
Es negro
Es negro para siempre. Las estrellas los soles y las lunas y pingajos de luz diversos son pequeños errores suciedad pasajera en la negrura espléndida sin tiempo silenciosa.
Il fait noir
Il fait noir pour toujours. Les étoiles les soleils et les lunes et tous les débris de lumière ce sont là de petites erreurs saleté passagère dans la noirceur splendide intemporelle silencieuse.
France Culture, Jacques Bonnaffé lit la poésie. 2019.
Blas de Otero est né le 15 mars 1916 à Bilbao. Il est mort à Majadahonda (Communauté de Madrid) le 29 juin 1979 à 63 ans. Je me souviens de la poésie sociale espagnole des années 50.
Un poème étudié autrefois avec des élèves de Terminale :
Tañer (Blas de Otero)
Escucho, estoy oyendo
el reloj de la cárcel de León.
La campana de la Audiencia de Soria.
Filo de la madrugada.
…oyendo tañer España.
Tintement
J’écoute j’entends
l’horloge de la prison de Léon.
La cloche du Tribunal de Soria.
L’aube se lève.
… j’entends tinter l’Espagne.
Parler clair. Pierre Seghers éditeur, 1959. Traduction Claude Couffon.
Nous avons reçu ce témoignage de Claude Couffon sur Blas de Otero, le poète espagnol mort le 29 juin (le Monde daté 1er-2 juillet) :
Je l’avais connu à Collioure en 1959. Il était venu d’Espagne avec quelques autres poètes rendre hommage au grand aîné, Antonio Machado, mort vingt ans plus tôt dans le petit port catalan français. Je le revois alors : haute silhouette ascétique sous le soleil primesautier de février, regard interrogateur entre les paupières plissées, sourire mélancolique, voix grave traînant comme un fleuve traîne ses galets bruissants des mots précis et exigeants : paix, liberté, clarté, justice, fraternité.
Quelques jours plus tard, à Paris, il me montra son dernier manuscrit que la censure de son pays venait d’examiner et d’interdire. Des cercles rageurs à l’encre rouge avaient entouré chaque mot, puis chaque vers, puis chaque strophe, puis le poème entier. L’Espagne repoussait un de ses maîtres livres que sa littérature, plus tard, retiendrait : En Castellano.Parler clair. Le poète parlait trop clair pour l’obscurantisme officiel. Je traduisis le manuscrit et le portai à Pierre Seghers, qui le publia, bilingue, dans sa précieuse collection ” Autour du monde “.
En 1963, François Maspero éditait un livre antérieur de Blas de Otero, au titre significatif : Je demande la paix et la parole. Son chef-d’œuvre ! L’ouvrage avait eu plus de chance. Publié en 1955 par une petite maison d’édition d’une ville industrielle proche de Santander, il avait échappé à la censure.
De sa bibliographie, Blas de Otero parlait peu. Né à Bilbao en 1916, il avait étudié chez les jésuites, puis préparé une carrière de droit, qu’il n’exerça pas, et de lettres, qu’il avait abandonnée. Resté en Espagne après la guerre civile, il n’avait plus vécu que par et pour la poésie. Dans ses premiers recueils : Cantique spirituel (1942), Ange férocement humain (1950), Rappel de conscience (1951), il avait d’abord cherché Dieu, à travers de beaux et fervents sonnets. Celui-ci ne lui ayant répondu que par le silence ou la violence, il s’était résolument tourné vers l’homme, l’Espagnol opprimé par la dictature, l’Espagnol solitaire, oublié, qui s’avançait avec angoisse dans le vide et la nuit de sa vie. Exprimer par le poème la souffrance collective d’un peuple bâillonné, bafoué dans sa dignité et dans ses droits les plus élémentaires, mais aussi l’encourager à la résistance, au combat, à l’espoir, devint pendant trente ans l’obsession de Blas de Otero.
Aujourd’hui, son œuvre chante dans toutes les mémoires des Espagnols, qui récitent par cœur nombre de ses poèmes. Demain, elle sera, par son authenticité, un précieux et émouvant témoignage pour qui voudra savoir ce qu’était l’Espagne sous Franco.
Álvaro Mutis, l’écrivain colombien, était le grand ami de Gabriel García Márquez. Celui-ci lui a dédié Cent ans de solitude (Cien años de soledad, 1967) et le considérait comme “l’un de nos plus grands écrivains”. Il affirmait : “Il y a une part importante d’Álvaro dans presque tous mes livres” . Álvaro Mutis fut d’abord poète. Il s’est fait connaître comme romancier dans les années 70 et 80. Le voyage est au cœur de toute son œuvre littéraire. Il a créé à partir de 1985 une série de sept romans autour d’un personnage, Maqroll el Gaviero (Maqroll le Gabier), aventurier toujours au bord de la misère et marin partout sur le globe, tant sur les mers que sur les fleuves et les rivières. Álvaro Mutis a reçu le Prix Cervantès en 2001.
On peut lire en français l’anthologie Et comme disait Maqroll el Gaviero et en espagnol Summa de Maqroll el Gaviero: Poesía reunida (Debolsillo, 2008). J’ai acheté ce livre en janvier dans un café-librairie de Madrid, Cafebrería ad Hoc, Calle del Buen Suceso dans ce quartier d’Argüelles que je fréquente depuis 1969.
Un exemple de sa poésie :
Sonata
Por los árboles quemados después de la tormenta. Por las lodosas aguas del delta. Por lo que hay de persistente en cada día. Por el alba de las oraciones. Por lo que tienen ciertas hojas en sus venas color de agua profunda y en sombra. Por el recuerdo de esa breve felicidad ya olvidada y que fuera alimento de tantos años sin nombre. Por tu voz de ronca madreperla. Por tus noches por las que pasa la vida en un galope de sangre y sueño Por lo que eres ahora para mí. Por lo que serás en el desorden de la muerte. Por eso te guardo a mi lado como la sombra de una ilusoria esperanza.
Los trabajos perdidos. Era, 1965.
Sonata
Pour les arbres brûlés après la tourmente. Pour les eaux boueuses du delta. Pour ce qui demeure de chaque jour. Pour le petit matin des prières. Pour ce que recèlent certaines feuilles dans leurs veines couleur d’eau profonde et sombre. Pour le souvenir de ce bonheur bref et déjà oublié qui fut mon aliment de tant d’années sans nom. Pour ta voix de nacre rauque. Pour tes nuits où transite la vie en un galop de sang et de rêve. Pour ce que tu es aujourd’hui pour moi. Pour ce que tu seras dans le tumulte de la mort. Pour cela je te garde à mon côté comme l’ombre d’un illusoire espoir.
Les Travaux perdus in Et comme disait Maqroll el Gaviero. NRF Poésie/ Gallimard n° 441 , 2008. Traduit par François Maspero.
Le poète est mort en exil à Collioure (Pyrénées Orientales) le 22 février 1939 des suites d’une pneumonie. Il avait 64 ans.
García Montero renvoie dans cet article à un poème écrit par Machado pendant la Guerre Civile. Celui-ci vécut avec sa famille de novembre 1936 à avril 1938 Villa Amparo (Rocafort, petit village agricole qui se trouve à sept kilomètres de Valence), dans la Huerta. Il écrivit là de nombreux articles pour la presse et quelques poèmes au service de la cause républicaine.
La primavera (Antonio Machado)
Más fuerte que la guerra -espanto y grima- cuando con torpe vuelo de avutarda el ominoso trimotor se encima y sobre el vano techo se retarda,
hoy tu alegre zalema el campo anima, tu claro verde el chopo en yemas guarda. Fundida irá la nieve de la cima al hielo rojo de la tierra parda.
Mientras retumba el monte, el mar humea, da la sirena el lúgubre alarido, y en el azul el avión platea,
¡cuán agudo se filtra hasta mi oído, niña inmortal, infatigable dea, el agrio son de tu rabel florido!
Poesías de guerra. Ediciones Asomante, San Juan de Puerto Rico. 1961.
Le printemps
Plus fort que la guerre — angoisse et frayeur — quand de son lourd vol d’échassier monte dans le ciel le trimoteur funeste et que sur le toit inutile il s’attarde,
aujourd’hui ton salut joyeux anime la campagne, le peuplier dans ses bourgeons garde ton vert clair. La neige des sommets, fondue, s’écoulera vers la glace rouge des terres brunes.
Tandis que tonne la montagne, fume la mer, la sirène lance son hurlement lugubre, et l’avion dans l’azur scintille,
comme parvient, aigu, à mon oreille, mon enfant immortelle, inlassable déesse, l’aigre son de ton rebec fleuri !
Poésies de la guerre (1936-1939).
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction : Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973 ; NRF Poésie/ Gallimard n°144.
J’ai relu un autre poème plus ancien qui parle aussi du printemps.
La primavera besaba (Antonio Machado)
La primavera besaba suavemente la arboleda y el verde nuevo brotaba como una verde humareda.
Las nubes iban pasando sobre el campo juvenil… Yo vi en las hojas temblando las frescas lluvias de abril.
Bajo ese almendro florido, todo cargado de flor -recordé-, yo he maldecido mi juventud sin amor.
Hoy, en mitad de la vida. me he parado a meditar… ¡Juventud nunca vivida, quién te volviera a soñar!
Soledades, 1903.
Le printemps doucement (Antonio Machado)
Le printemps doucement posait sur les arbres un baiser, et le vert nouveau jaillissait comme une verte fumée.
Les nuages passaient sur la campagne juvénile… J’ai vu sur les feuilles trembler les fraîches pluies d’avril.
Dessous l’amandier fleuri, tout chargé de fleurs, — je m’en souviens —, j’ai maudit ma jeunesse sans amour.
Aujourd’hui, au milieu de la vie, je me suis arrêté pour méditer… Oh ! jeunesse jamais vécue, que ne puis-je encor te rêver !
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973; NRF Poésie/ Gallimard n°144.
Le poète Luis Cernuda arrive par bateau à New York en septembre 1947. Il a quitté l’Espagne le 14 février 1938. C’est un exilé qui a passé dix ans en Grande-Bretagne. Il a subi les difficultés de la Seconde Guerre mondiale (pénuries, bombardements). Il va rejoindre le Mount Holyoke College (Massachusetts), établissement d’enseignement supérieur pour jeunes filles. Son amie Concha de Albornoz (1900-1972) lui a obtenu un poste de professeur. Il y enseigne de 1947 à 1952. L’arrivée à New York lui procure une forte émotion. Une nouvelle vie s’ouvre à lui après son expérience britannique qu’il a supporté avec difficulté. Il écrit en 1956 le poème en prose La llegada, publié dans l’édition de 1963 d’Ocnos. Nous trouvons dans ce texte la présentation classique de New York. Le poète met en valeur la belle architecture géométrique de la ville (« la línea de rascacielos sobre el mar, esbozo en matices de sutileza extraordinaria, un rosa, un lila, un violeta como los de la entraña en el caracol marino, todos emergiendo de un gris básico graduado desde el plomo al perla. »), mais insiste aussi sur la réalité sociale qui asphyxie l’individu. Cet aspect est bien mis en valeur par les démarches bureaucratiques auxquelles les autorités douanières le soumettent. Ces sentiments contradictoires sont résumés par l’antithèse : «ciudad abrupta y maravillosa»
La llegada
Despierto mucho antes del amanecer, levantado, duchado y vestido, listo el equipaje, te sentaste en el salón vacío. Todo, salones, pasillos y cubierta del buque, estaba desierto. Tras de los ventanales sólo el negror confundido del mar y del ciclo, aunque del mar se distinguiera siempre su trueno, apenas apercibido ya, con la medio costumbre adquirida en los días de travesía y la zozobra impaciente de la llegada a tierra y ciudad nuevas, aunque imaginadas de antiguo. La luz se fue haciendo y parecía que faltaba bastante para divisar la costa.
Sentado por largo espacio de espaldas a la hilera de ventanales, un presentimiento te hizo volver de pronto la cabeza. Ya estaba allí: la línea de rascacielos sobre el mar, esbozo en matices de sutileza extraordinaria, un rosa, un lila, un violeta como los de la entraña en el caracol marino, todos emergiendo de un gris básico graduado desde el plomo al perla. La cresta de los edificios contra el cielo y el borde contiguo del cielo estaban marcados de amarillo por un sol invisible, y a un lado y a otro ese eje de luz se oscurecía con noche y con mar en lo más alto y lo más bajo del horizonte.
Cuántas veces lo habías visto en el cine. Pero ahora eran la costa y la ciudad reales las que aparecían ante ti; sin embargo, qué aire de irrealidad tenían. ¿Eras tú quien estaba allí? ¿Estaba ante ti la ciudad que esperabas? Parecía tan hermosa, más hermosa que todo lo supuesto antes en imagen e imaginación; tanto, que temías fuera a desvanecerse como espejismo, que el buque estaba aún en camino, que no ibas a llegar nunca, condenado a vagar indefinidamente, alma desencarnada, entre el abismo ventoso del aire y el abismo furioso del agua.
Mas era la realidad: las molestias innumerables con que los hombres han sabido y tenido que rodear los actos de la vida (pasaportes, permisos, turnos de espera, examen policíaco, aduana) te lo probaron de manera tajante. Y más de siete horas después, terminado el acoso del animal humano, pudiste salir libre, del cobertizo de la aduana en el muelle a la luz del mediodía: al fin pisabas la ciudad que entreviste, fabulosa como un leviatán, surgiendo del mar de amanecida.
Parecía ahora tan trivial, igual en calles pardas y casas sórdidas a aquella Escocia aborrecible, dejada atrás hacía años. Pero eran sólo los suburbios; la ciudad verdadera estaba adentro, toda tiendas con escaparates brillantes y tentadores, como juguetes en día de reyes o día del santo, empavesada de banderas bajo un cielo otoñal claro que encendía los colores, alegre con la alegría envidiable de la juventud sin conciencia. Y te adentraste por la ciudad abrupta, maravillosa, como si tendiera hacia ti la mano llena de promesas.
Ocnos, 1963.
Luis Cernuda a intitulé Ocnos un recueil de 31 poèmes en prose, publié en 1942 à Londres. Il y recrée avec mélancolie et désespoir ses souvenirs d’enfance et d’adolescence de Séville depuis son exil à Glasgow (Écosse). Le livre aura deux autres éditions en 1949 (46 poèmes), à Madrid, et en 1963 à Xalapa (Mexique) (63 poèmes). Il y ajoute chaque fois de nouvelles expériences de son exil. Luis Cernuda est mort à México le 5 novembre 1963 quelques jours avant de recevoir les premiers exemplaires de l’édition définitive dont il avait corrigé les épreuves. Il existe une traduction en français de Jacques Ancet. Elle a été publiée par Les Cahiers des Brisants en 1987.
(Merci à Gio Bonzon qui nous a donné la revue tintaLibre n°107 de novembre 2022 où figure le poème Un año y tres meses).
Luis García Montero est un des poètes espagnols les plus importants. Il a été professeur à l’université de Grenade de 1981 à 2008. Il a travaillé sur la poésie de Rafael Alberti (1902-1999) qui était son ami. Il a soutenu sa thèse en 1986 : La norma y los estilos en la poesía de Rafael Alberti (1920-1939). Il a veillé sur la l’édition de l’oeuvre complète du poète de la Génération de 1927 : Obras completas. Poesía, 3 volumes, Madrid, Aguilar, 1988. Depuis 2018, il est le Directeur de l’Institut Cervantès, l’organisme officiel qui se consacre à la promotion et à l’enseignement de la langue espagnole, ainsi qu’à la diffusion de la culture espagnole et hispano-américaine. Il écrit régulièrement dans les journaux espagnols El País et Infolibre. Depuis 1994, il était aussi le mari de la romancière Almudena Grandes, qui est décédée le 27 novembre 2021. Il a publié en 2022 Un año y tres meses (Tusquets), un recueil de poèmes qui évoque la maladie et le décès de son épouse.
Un año y tres meses
Como las narraciones de la lluvia o los cuadernos de bitácora, tuvo la enfermedad sus argumentos.
No me quejo de nada. Hoy sostengo el optimismo amargo con el que respondimos, septiembre, 2020, cuando las citas médicas y el mar de los análisis se mezclaron de un día para otro con las arenas de la vida.
Nunca me quejaré de la disciplinada manera que tuviste de contar nuestros pasos para ver la ciudad con otros ojos, la resistencia física y mental que exigía la quimio. No me quejo de las debilidades o de la Navidad sin cabellera o de la extraña forma de despedir el año cuando el amor pasó por el quirófano.
La pandemia prohibía las visitas. Disfrazado de médico sin bata, subí para esconderme hasta la habitación 5427. Dividimos por dos las uvas de tu postre, oyendo de la mano aquellas campanadas de la televisión que no sonaban todavía a muerto.
No me quejo de todo lo que hicimos después, del cuerpo poco a poco tan vencido, de las ventanas de los hospitales, de la silla de ruedas en 2021, penumbras fatigadas de noviembre, ocho de la mañana en el rumor del Clínico con resultados últimos en la sala de espera. No me quejo del miedo a la caída, de la ducha difícil, de los duros transbordos para llegar al baño. No me quejo tampoco de los cuidados paliativos, la memoria con gasas y la conversación inevitable. No me quejo de verte morir entre mis brazos.
Comprendí que los viajes y los libros con sus dedicatorias siempre han sido maneras de cuidarnos. Comprendí las raíces de nuestra militancia, comprendí la factura de querer de un modo tan completamente viernes. Comprendí el argumento de esta historia en la noche estrellada, una historia de amor, este año y tres meses, estos días finales que ya son, ahora, recordados, los más felices de mi vida.
Alexis Ravelo est né le 20 août 1971 à Las Palmas de Gran Canaria (Canaries). Il est décédé dans sa ville natale le 30 janvier 2023 d’un infarctus. Il avait 51 ans.
C’était un auteur de romans noirs très apprécié en Espagne: La estrategia del pequinés. Alrevés, 2013. Prix Dashiell Hammett de la Semana Negra de Gijón 2014. La stratégie du pékinois. Mirobole éditions, 2017. La última tumba. Edaf, 2013. Prix Novela Negra Ciudad de Getafe 2013. Las flores no sangran. Alrevés, 2013. Prix du meilleur roman du festival Valencia Negra. Les fleurs ne saignent pas. Mirobole éditions, 2016. Los nombres prestados. Siruela, 2022. Premio Café de Gijón 2021.
Il a publié aussi six romans avec le personnage récurrent d’Eladio Monroy, marin reconverti en détective privé. Ses modèles étaient Jean-Patrick Manchette, Friedrich Dürrenmatt, Jim Thompson, Leonardo Sciascia, Juan Madrid, Francisco González Ledesma, Andreu Martín et Jorge Reverte.
Il a publié aussi d’autres romans :
La otra vida de Ned Blackbird. Siruela, 2016 Los milagros prohibidos. Siruela, 2017 La ceguera del cangrejo. Siruela, 2019. Un tío con una bolsa en la cabeza. Siruela, 2020. Los nombres prestados. Siruela 2022
Je n’ai lu que Los milagros prohibidos. J’avais été attiré à l’époque par le décor du roman (l’ile de La Palma où nous sommes allés souvent) et la période historique évoquée, la Semana Roja (18-25 juillet 1936). Le Général Francisco Franco, Comandante general del Archipiélago, se soulève le 18 juillet 1936. L’île de la Palma est la seule île de l’archipel qui respecte la légalité républicaine et résiste pacifiquement au coup d’état de l’armée. La Palma est un île spéciale : libérale, révolutionnaire, très belle (la Isla Bonita). C’est par La Palma que les Lumières sont arrivées aux Canaries.
Les deux livres d’histoire essentiels sur cette période ont été écrits par Salvador González Vázquez : La Semana Roja en La Palma, 18-25 de julio de 1936 (Centro de Cultura Popular Canaria. La Laguna – Santa Cruz de Tenerife, 2004) et Los Alzados de La Palma durante la Guerra Civil (Le Canarien, 2013)
Jorge Luis Borges a aussi écrit de très beaux poèmes d’amour. J’aime les traductions de Silvia Baron Supervielle , pas du tout celles de Néstor Ibarra.
El amenazado
Es el amor. Tendré que ocultarme o que huir. Crecen los muros de su cárcel, como en un sueño atroz. La hermosa máscara ha cambiado, pero como siempre es la única. ¿De qué me servirán mis talismanes: el ejercicio de las letras, la vaga erudición, el aprendizaje de las palabras que usó el áspero Norte para cantar sus mares y sus espadas, la serena amistad, las galerías de las Biblioteca, las cosas comunes, los hábitos, el joven amor de mi madre, la sombra militar de mis muertos, la noche intemporal, el sabor del sueño? Estar contigo o no estar contigo, es la medida de mi tiempo. Ya el cántaro se quiebra sobre la fuente, ya el hombre se levanta a la voz del ave, ya se han ocurecido los que miran por las ventanas, pero la sombra no ha traído la paz. Es, ya lo sé, el amor: la ansiedad y el alivio de oír tu voz, la espera y la memoria, el horror de vivir en lo sucesivo. Es el amor con sus mitologías, con sus pequeñas magias inútiles. Hay una esquina por la que no me atrevo a pasar. Ya los ejércitos que cercan, las hordas. (Esta habitación es irreal; ella no la ha visto) El nombre de una mujer me delata. Me duele una mujer en todo el cuerpo.
El oro de los tigres, 1972.
L’homme menacé
C’est l’amour. Il me faudra me cacher ou fuir. Les murs de la prison se dressent comme dans un rêve atroce. Le beau masque a changé mais il est comme toujours unique. A quoi me serviront mes talismans : l’exercice des lettres, la vague érudition, l’apprentissage des mots utilisés par l’âpre Nord pour chanter ses mers et ses épées, la sereine amitié, les galeries de la Bibliothèque, les choses ordinaires, les habitudes, le jeune amour de ma mère, l’ombre militaire de mes morts, la nuit intemporelle, la saveur du rêve ? Être avec toi ou ne pas être avec toi est la mesure de mon temps. Déjà la cruche se brise sur la fontaine, déjà l’homme se lève à la voix de l’oiseau, les ombres gagnent ceux qui sont aux fenêtres, mais l’ombre n’a pas apporté la paix. C’est, je le sais, l’amour : l’anxiété et le soulagement d’entendre ta voix, l’attente et la mémoire, l’horreur de vivre de manière successive. C’est l’amour avec ses mythologies, ses vaines petites magies. Il y a un coin de rue par lequel je n’ose passer. Déjà les armées m’assaillent, les hordes. (Cette chambre est irréelle ; elle ne l’a pas vue.) Le nom d’une femme me dénonce. Une femme me fait mal dans tout le corps.
L’or des tigres, 1972. Traduit par Silvia Baron Supervielle.
La ville de Torremolinos (Málaga) a ouvert une terrasse en hommage aux poètes de la Génération de 1927 ( Le Mirador de Sansueña, Calle Castillo del Inglés, 9 ). Ce centre d’interprétation accueillera à l’avenir des événements culturels. L’inauguration a eu lieu samedi 17 décembre 2022. La municipalité de cette cité balnéaire de la Costa del Sol veut mettre en valeur sa vocation culturelle.
Au XX ème siècle, la ville a reçu Salvador Dalí et Gala Éluard, Jorge Guillén, Federico García Lorca, Pablo Picasso, Emilio Prados, Manuel Altolaguirre et Luis Cernuda, entre autres. L’endroit est magnifique, la vue imprenable sur les plages de El Bajondillo et de La Carihuela, mais il n’est pas si facile à trouver. Aucun panneau n’indique encore où il se trouve. Dans les différents offices de tourisme qui se trouvent sur le Paseo Marítimo ou dans la vieille ville, il n’y a pas d’informations disponibles sur ce site.
Lorenzo Saval (Santiago de Chile, 1954), est le directeur de la prestigieuse revue littéraire Litoral, créée en 1926 à Malaga par Emilio Prados (1899-1962) et Manuel Altolaguirre (1905-1959). Il l’anime avec son épouse, María José Amado. La revue a ses bureaux à Torremolinos (Ediciones Litoral Urbanización La Roca, Local 8. 29620 Torremolinos Málaga). Après la guerre civile, la revue a disparu pendant presque 30 ans. C’est José María Amado qui l’a ressuscitée en 1968. En 1976 Lorenzo Saval, petit neveu d’ Emilio Prados, en a pris la direction. Ce personnage éclectique écrit des poèmes, des récits et des romans tout en faisant de la peinture, du collage ou du graphisme pour l’édition. Il est le responsable de l’agencement du Mirador de Sansueña.
Le poète Luis Cernuda (1902-1963) a séjourné en septembre 1928 au Castillo de Santa Clara, proprieté de George Langworthy (1865-1946), « el Inglés de la Peseta », depuis 1905. Cet anglais excentrique créa là le premier hôtel de la Costa del Sol. Dans El Indolente (Tres narraciones, Buenos Aires, Ediciones Imán, 1948), Cernuda présente le petit village de pêcheurs qu’était Torremolinos dans les années 20 et 30 comme le lieu paradisiaque de Sansueña. Voici le début de ce texte de 1929 :
El indolente [1929] (Luis Cernuda)
Con mi sol y mi plebe me basta. Galdós, España Trágica.
I
Sansueña es un pueblo ribereño en el mar del sur trasparente y profundo. Un pueblo claro si los hay, todo blanco, verde y azul, con sus olivos, sus chopos y sus álamos y su golpe aquel de chumberas, al pie de una peña rojiza. Desde las azoteas, allá sobre lo alto de lo roca aparece una ermita, donde la virgen del Amargo Recuerdo se venera en el único altar, entre flores de trapo bordadas de lentejuelas. Y aunque algún santo arriba no esté mal, abajo nadie le disputa la autoridad al alcalde, que para eso es cacique máximo y déspota más o menos ilustrado.
¿Quién no ha soñado alguna vez al volver tarde a su hogar en una ciudad vasta y sombría, que entre ocupaciones y diversiones igualmente aburridas está perdiendo la vida? No tenemos más que una vida y la vivimos como si aún nos pareciese demasiado, a escape y de mala gana, con ojos que no ven y con el pecho cargado de un aire turbio y envilecido.
En Sansueña los ojos se abren a una luz pura y el pecho respira un aire oloroso. Ningún deseo duele al corazón, porque el deseo ha muerto en la beatitud de vivir; de vivir como viven las cosas: con silencio apasionado. La paz ha hecho su morada bajo los sombrajos donde duermen estos hombres. Y aunque el amanecer les despierte, yendo en sus barcas a tender las redes, a mediodía retiradas con el copo, también durante el día reina la paz; una paz militante, sonora y luminosa. Si alguna vez me pierdo, que vengan a buscarme aquí, a Sansueña.
Bien sabía esto Don Míster, como llamaban (su verdadero nombre no hace al caso) todos al inglés que años atrás compró aquella casa espaciosa, erguida entre las peñas. La rodeaba un jardín en pendiente cuyas terrazas morían junto al mar, sobre las rocas que el agua había ido socavando; rocas donde día y noche resonaban las olas con voz insomne, rompiendo su cresta de espuma, para dejar luego la piel verdosa del mar estriada de copos nacarados, como si las rosas abiertas arriba entre palmeras, en los arriates del jardín, lloviesen, deshechas y consumidas de ardor bajo la calma estival…