Primera edición del Oráculo Manual y Arte de la Prudencia, publicado en Huesca, Aragón, en 1647.
CXXX
Hacer y hacer parecer
«Las cosas no pasan por lo que son, sino por lo que parecen. Valer y saberlo mostrar es valer dos veces. Lo que no se ve es como si no fuese. No tiene su veneración la razón misma donde no tiene cara de tal. Son muchos más los engañados que los advertidos: prevalece el engaño y júzganse las cosas por fuera. Hay cosas que son muy otras de lo que parecen. La buena exterioridad es la mejor recomendación de la perfección interior.»
L’homme de cour. Traduction par Amelot de la Houssaie. 1684.
CXXX
Faire et faire paraître
«Les choses ne passent point pour ce qu’elles sont, mais pour ce qu’elles paraissent être. Savoir faire et le savoir montrer, c’est double savoir. Ce qui ne se voit point est comme s’il n’était point. La raison même perd son autorité, lorsqu’elle ne paraît pas telle. Il y a bien plus de gens trompés que d’habiles gens. La tromperie l’emporte hautement, d’autant que les choses ne sont regardées que par le dehors. Bien des choses paraissent tout autres qu’elles ne sont. Le bon extérieur est la meilleure recommandation de la perfection intérieure.»
Ce texte est cité en partie par Pierre Michon dans Trois auteurs (Premier texte: Le temps est un grand maigre (Balzac). Éditions Verdier. 1997.
Merci à Colette W. qui relit toute l’oeuvre de Pierre Michon.
Je remercie une fois de plus M P. F. qui poste sur Facebook de magnifiques poèmes, toujours excellemment illustrés. Elle m’ a fait rechercher les recueils de poésies d’Eliseo Diego qui se trouvent dans ma bibliothèque.
Ce grand poète cubain fait partie d’une grande famille d’écrivains et de musiciens: sa femme, Bella García Marruz, son fils Eliseo Alberto (Lichi) (1951-2011), sa fille Josefina de Diego (Fefé), son beau frère, Cintio Vitier (1921-2009), sa belle soeur Fina García Marruz (1923), ses neveux musiciens Sergio Vitier (1948-2016) et José María Vitier (1954).
Eliseo Diego, Cintio Vitier, Virgilio Piñera (1912-1979) étaient parmi les fondateurs de la revue Orígenes, dirigée par José Lezama Lima (1910-1976) et José Rodríguez Feo (1920-1993). Quarante numéros furent publiés entre 1944 y 1956. C’était la publication culturelle cubaine la plus importante de cette époque.
Eliseo Diego a obtenu le Prix national de Littérature de Cuba en 1986 et le Prix Juan Rulfo de littérature latino-américaine pour l’ensemble de son oeuvre poétique en 1993.
Trois exemples de sa poésie:
El oscuro esplendor
Juega el niño con unas pocas piedras inocentes
en el cantero gastado y roto
como paño de vieja.
Yo pregunto:
qué irremediable catástrofe separa
sus manos de mi frente de arena,
su boca de mis ojos impasibles.
Y suplico
al menudo señor que sabe conmover
la tranquila tristeza de las flores, la sagrada
costumbre de los árboles dormidos.
Sin quererlo
el niño distraídamente solitario empuja
la domada furia de las cosas, olvidando
el oscuro esplendor que me ciega y él desdeña.
El oscuro esplendor, 1966.
L’obscure splendeur
L’enfant joue avec quelques innocents cailloux sur la plate-bande usée et trouée comme un fichu de vieille.
Moi je demande quelle irrémédiable catastrophe sépare ses mains de mon front de sable, sa bouche de mes yeux impassibles.
Et je supplie le petit maître qui sait émouvoir la tranquille tristesse des fleurs, la sainte coutume des arbres endormis.
Sans le vouloir l’enfant, distraitement solitaire, pousse la fureur subjuguée des choses, sans se douter de l’obscure splendeur qui m’aveugle et que lui dédaigne.
L’obscure splendeur. Edition de la Différence, Orphée. 1996. Traduit par Jean-Marc Pelorson.
No es más
por selva oscura
Un poema no es más
que una conversación en la penumbra
del horno viejo, cuando ya
todos se han ido, y cruje
afuera el hondo bosque; un poema
no es más que unas palabras
que uno ha querido, y cambian
de sitio con el tiempo, y ya
no son más que una mancha, una
esperanza indecible;
un poema no es más
que la felicidad, que una conversación
en la penumbra, que todo
cuanto se ha ido, y ya
es silencio.
El oscuro esplendor, 1966.
Ce n’est que por selva oscura… Le poème ce n’est qu’une conversation dans la pénombre du vieux fourneau, lorsque déjà tout le monde s’en est allé, et que frémit dehors le profond bois; un poème
ce n’est que quelques mots
qu’on a chéris, et qui changent
de place avec le temps, pour n’être désormais
qu’une tache, qu’une
indicible espérance;
un poème ce n’est que le bonheur, qu’une conversation dans la pénombre, que tout ce qui s’en est allé, et n’est plus que silence.
L’obscure splendeur. Edition de la Différence, Orphée. 1996. Traduit par Jean-Marc Pelorson.
Versiones
La muerte es esa pequeña jarra, con flores
pintadas a mano, que hay en todas las casas y que
uno jamás se detiene a ver.
La muerte es ese pequeño animal que ha
cruzado en el patio, y del que nos consuela la
ilusión, sentida como un soplo, de que es sólo el gato
de la casa, el gato de costumbre, el gato que ha
cruzado y al que ya no volveremos a ver.
La muerte es ese amigo que aparece en las
fotografías de la familia, discretamente a un lado,
y al que nadie acertó nunca a reconocer.
La muerte, en fin, es esa mancha en el muro
que una tarde hemos mirado, sin saberlo, con un poco
de terror.
Versiones, 1970.
Versions
La mort est cette petite jarre, couverte
de fleurs peintes à la main, qui est dans toutes
les maisons, et sur qui jamais ne s’arrêtent les yeux.
La mort est ce petit animal qui est
passé dans la cour et dont on se remet en se
disant dans une bouffée d’illusion que ce n’est
que le chat de maison, le chat de toujours, le
chat qui est passé et qu’on ne reverra plus.
La mort est cet ami qu’on voit sur les
photos de famille, discrètement marginal, et
que personne n’a jamais réussi à reconnaître.
La mort, enfin, c’est cette tache sur le
mur qu’un soir nous avons regardée, sans le
savoir, avec un soupçon de terreur.
L’obscure splendeur. Edition de la Différence, Orphée. 1996. Traduit par Jean-Marc Pelorson.
Para Manuel Gonzalez Prada, esta emoción bravía y selecta, una de las que, con más entusiasmo, me ha aplaudido el gran maestro.
Dios mío, estoy llorando el ser que vivo; me pesa haber tomádote tu pan; pero este pobre barro pensativo no es costra fermentada en tu costado: ¡tú no tienes Marías que se van!
Dios mío, si tú hubieras sido hombre,
hoy supieras ser Dios;
pero tú, que estuviste siempre bien,
no sientes nada de tu creación.
¡Y el hombre sí te sufre: el Dios es él!
Hoy que en mis ojos brujos hay candelas,
como en un condenado,
Dios mío, prenderás todas tus velas,
y jugaremos con el viejo dado…
Tal vez ¡oh jugador! al dar la suerte
del universo todo,
surgirán las ojeras de la Muerte,
como dos ases fúnebres de lodo.
Dios míos, y esta noche sorda, obscura, ya no podrás jugar, porque la Tierra es un dado roído y ya redondo a fuerza de rodar a la aventura, que no puede parar sino en un hueco, en el hueco de inmensa sepultura.
Los heraldos negros. 1918.
Les dés éternels
Mon Dieu, je pleure sur l’être que je vis ; je regrette d’avoir pris ton pain ; mais la pauvre boue pensive que je suis n’est pas croûte fermentée dans ton flanc : toi tu n’as pas de Maries qui s’en vont !
Mon Dieu, si tu avais été un homme, aujourd’hui tu saurais être Dieu ; mais toi, qui as toujours été bien, tu ne sens rien de ta création. En fait l’homme te souffre : le Dieu c’est lui !
Aujourd’hui que dans mes yeux sorciers luisent des chandelles, comme dans ceux d’un damné, mon Dieu, tu vas allumer tous tes cierges, et nous jouerons avec le vieux dé… Peut-être que, oh joueur ! sortant le chiffre de l’univers entier surgiront les cernes de la Mort, comme deux funèbres as de boue.
Mon Dieu, en cette nuit sourde, obscure, tu ne pourras plus jouer, car la Terre est un dé rongé et désormais rond à force de rouler à l’aventure, qui ne peut s’arrêter que dans un trou, le trou d’une immense sépulture.
Les hérauts noirs –Poésie complète 1919-1937 (Flammarion, 2009)– Traduit de l’espagnol (Pérou) par Nicole Réda-Euvremer.
Manuel González Prada (Lima, 5 janvier 1844 – Lima, 22 juillet 1918) était un philosophe et poète péruvien, auteur d’essais, théoricien radical puis idéologue anarchiste. Directeur de la Bibliothèque nationale du Pérou en 1912, il reçut de jeunes écrivains comme César Vallejo et José Carlos Mariategui. Il défendait toutes les libertés, en particulier la liberté de culte et la liberté d’expression ainsi qu’une éducation laïque. César Vallejo l’avait interviewé en mars 1918, peu avant sa mort.
Le poète chilien Armando Uribe Arce est mort dans la nuit du 22 au 23 janvier 2020 à Santiago. Le 23 janvier 2018 était mort le grand poète Nicanor Parra à 103 ans. Nous étions alors en voyage au Chili. J’avais acheté dans une librairie près du très beau Musée chilien d’art précolombien juste avant notre vol de retour en France Antología errante (1954-2016) d’Armando Uribe, livre publié par la maison d’édition Lumen.
Ce poète et écrivain chilien fut avocat, diplomate – ambassadeur en Chine- et professeur. Militant de la gauche chrétienne, il s’exila en France en 1973 avec sa famille. Il fut déchu de la nationalité chilienne par la junte militaire en 1974 et ne revint d’exil qu’en 1990.
Il faisait partie de ce que l’on a appelé la «Generación del 50», avec d’autres poètes importants comme Enrique Lihn (1929-1988), Miguel Arteche (1926-2012) et Jorge Teillier (1935-1996).
En 1957, il épousa Cecilia Echeverría Eguiguren. Il vivra avec elle 44 ans. Elle mourut en 2001, victime d’une crise cardiaque. Ils eurent cinq enfants. Depuis la mort de son fils Francisco en 1998, il vivait reclus dans son appartement face au Parque Forestal de Santiago et ne sortait de chez lui que pour de courtes visites chez son médecin.
En 2004, il a obtenu le Prix national de littérature. Il a publié en 2002 son autobiographie Memorias para Cecilia (rééditée en 2016 chez Lumen) et en 2018 une seconde partie Vida viuda.
Son plus grand livre est, semble-t-il, No hay lugar. Poesía. Colección Letras de América, Editorial Universitaria, Santiago, 1970. Il est téléchargeable légalement sur le site Memoria Chilena
Te amo y te odio. Dirás cómo es posible.
No sé. Yo te amo y te odio.
xxx
No te amo, amo los celos que te tengo,
son lo único tuyo que me queda,
los celos y la rabia que te tengo,
hidrófobo de ti me ahogo en vino.
No te amo, amo mis celos, esos celos
son lo único tuyo que me queda.
Cuando desaparezca en esos cielos
de odio te ladraré porque no vienes.
xxx
¡Jovencito! Yo nunca he sido joven,
le que se llama joven. Como un viejo
de cinco años de edad meditaba en la muerte
revolviendo una poza con un palo.
(A los quince, a los veinte, a los veintiocho
revolvía una poza con un palo).
xxx
Parecido a mi abuelo, con su abrigo
me paseo gravemente por mi pieza
a los doce años. Leo las cartas de Lord Chesterfield.
El resultado es éste: a los treinta y cinco años
estoy tendido en la cama de mi pieza
y soy mi propio abuelo.
xxx
En el principio estaba, Dios mío, ¿quién estaba?
El verbo ser y el verbo estar estaban,
colgados de una escobilla de dientes
¡qué original! ¡qué mentiroso!
Y estaba el espíritu invisible
creando cosas como un loco,
sacándoselas de la manga como un manco.
xxx
Las ganas de morir y las ganas de amar son mellizas que me aman.
El reloj de arena ¿Qué tienes que contar, reloj molesto, en un soplo de vida desdichada que se pasa tan presto? ¿En un camino que es una jornada, breve y estrecha, de este al otro polo, siendo jornada que es un paso solo? Que, si son mis trabajos y mis penas, no alcanzaras allá, si capaz vaso fueses de las arenas, en donde el alto mar detiene el paso. Deja pasar las horas sin sentirlas, que no quiero medirlas, ni que me notifiques de esa suerte los términos forzosos de la muerte. No me hagas más guerra; déjame, y nombre de piadoso cobra, que harto tiempo me sobra para dormir debajo de la tierra.
Pero si acaso por oficio tienes
el contarme la vida,
presto descansarás, que los cuidados
mal acondicionados,
que alimenta lloroso
el corazón cuitado y lastimoso,
y la llama atrevida
que amor, ¡triste de mí!, arde en mis venas
(menos de sangre que de fuego llenas),
no sólo me apresura
la muerte, pero abréviame el camino;
pues, con pie doloroso,
mísero peregrino,
doy cercos a la negra sepultura.
Bien sé que soy aliento fugitivo;
ya sé, ya temo, ya también espero
que he de ser polvo, como tú, si muero,
y que soy vidrio, como tú, si vivo.
1611.
Francisco de Quevedo y Villegas (1580-1645) est un des maîtres de la littérature baroque espagnole. Jorge Luis Borges lui consacre un poème de El hacedor où il reprend le vers “Y su epitafio la sangrienta luna” (“Et son épitaphe la Lune ensanglantée”), tiré du sonnet Memoria inmortal de Don Pedro Girón, Duque de Osuna, muerto en la prisión. Le poète mexicain Octavio Paz le compare à Baudelaire.
A un viejo poeta (Jorge Luis Borges)
Caminas por el campo de Castilla y casi no lo ves. Un intrincado versículo de Juan es tu cuidado y apenas reparaste en la amarilla
puesta del sol. La vaga luz delira y en el confín del Este se dilata esa luna de escarnio y de escarlata que es acaso el espejo de la Ira.
Alzas los ojos y la miras. Una memoria de algo que fue tuyo empieza y se apaga. La pálida cabeza
bajas y sigues caminando triste, sin recordar el verso que escribiste: Y su epitafio la sangrienta luna.
Je retrouve dans l’oeuvre critique de Julio Cortázar, publiée en poche par Debolsillo en 2017, l’influence de Sartre. Elle est claire chez Mario Vargas Llosa qui l’ a revendiquée très souvent. “Je suis resté un enfant de Sartre : j’ai toujours cru que les écrivains pouvaient changer la société.” (2010) Elle est moins évidente chez Cortázar, grand lecteur des surréalistes et des poètes anglo-saxons.
Les Mouches. 1943.
JUPITER : Pauvres gens ! Tu vas leur faire cadeau de la solitude et de la honte, tu vas arracher les étoffes dont je les ai couverts, et tu leur montreras soudain leur existence, leur obscène et fade existence, qui leur est donnée pour rien.
ORESTE : Pourquoi leur refuserais-je le désespoir qui est en moi, puisque c’est leur lot ?
JUPITER : Qu’en feront-ils ?
ORESTE : Ce qu’ils voudront : ils sont libres, et la vie humaine commence de l’autre côté du désespoir.
Il y a longtemps, j’enseignais l’Espagnol en collège (Quatrième et Troisième). Dans le manuel de l’époque (Lengua y Vida 2, Pierre Darmangeat, Cécile Puveland, Jeanne Fernández Santos), il y avait une belle page qui mettait en parallèle Goya et Antonio Machado. J’utilisais avec plaisir ces documents et les élèves réagissaient bien.
Cette peinture fait partie de la cinquième série des cartons pour tapisserie destinée à la salle à manger du Prince des Asturies (futur Carlos IV 1748-1819) et de sa femme Marie Louise de Bourbon-Parme au Palais du Pardo. C’est l’une des quatre représentations de chaque saison avec LasFloreras (le printemps), La Era (l’été) et La Vendimia (l’automne). Magnifique utilisation des blancs et des gris.
Campos de Soria (Antonio Machado)
V
La nieve. En el mesón al campo abierto se ve el hogar donde la leña humea y la olla al hervir borbollonea. El cierzo corre por el campo yerto, alborotando en blancos torbellinos la nieve silenciosa. La nieve sobre el campo y los caminos cayendo está como sobre una fosa. Un viejo acurrucado tiembla y tose cerca del fuego; su mechón de lana la vieja hila, y una niña cose verde ribete a su estameña grana. Padres los viejos son de un arriero que caminó sobre la blanca tierra y una noche perdió ruta y sendero, y se enterró en las nieves de la sierra. En torno al fuego hay un lugar vacío, y en la frente del viejo, de hosco ceño, como un tachón sombrío -tal el golpe de un hacha sobre un leño-. La vieja mira al campo, cual si oyera pasos sobre la nieve. Nadie pasa. Desierta la vecina carretera, desierto el campo en torno de la casa. La niña piensa que en los verdes prados ha de correr con otras doncellitas en los días azules y dorados, cuando crecen las blancas margaritas.
Campos de Castilla. 1912.
Champs de Soria
V
La neige. Dans l’auberge ouverte sur les champs on voit le foyer où le bois fume et la marmite chaude qui bouillonne. La bise court sur la terre glacée, soulevant de blancs tourbillons de neige silencieuse. La neige tombe sur les champs et les chemins comme dans une fosse. Un vieillard accroupi tremble et tousse près du feu ; la vieille femme file un écheveau de laine, et une petite fille coud un feston vert à la robe d’étamine écarlate. Les vieillards sont les parents d’un muletier qui, cheminant sur cette terre blanche, perdit une nuit son chemin et s’enterra dans la neige de la montagne. Au coin du feu il y a une place vide, et sur le front du vieillard, au plissement farouche, comme une tache sombre, -Un coup de hache sur une bûche-. La vieille femme regarde la campagne, comme si elle entendait des pas sur la neige. Personne ne passe. La route voisine est déserte, déserts les champs autour de la maison. La petite fille songe qu’elle ira courir dans les prés verts, avec d’autres fillettes, par les journées bleues et dorées, lorsque poussent les blanches pâquerettes.
Champs de Castille, Solitudes, Galeries et autres poèmes et Poésies de la guerre, traduits par Sylvie Léger et Bernard Sesé, préface de Claude Esteban, Paris, Gallimard, 1973; Paris, Gallimard, coll. Poésie, 1981.
Ni el pormenor simbólico
de reemplazar un tres por un dos
ni esa metáfora baldía
que convoca un lapso que muere y otro que surge
ni el cumplimiento de un proceso astronómico
aturden y socavan
la altiplanicie de esta noche
y nos obligan a esperar
las doce irreparables campanadas.
La causa verdadera
es la sospecha general y borrosa
del enigma del Tiempo;
es el asombro ante el milagro
de que a despecho de infinitos azares,
de que a despecho de que somos
las gotas del río de Heráclito,
perdure algo en nosotros:
inmóvil,
algo que no encontró lo que buscaba.
Juan Ramón Jiménez est né le 23 de décembre 1881 Calle de la Ribera n° 2 à Moguer (Huelva) en Andalousie. Prix Nobel de littérature 1956. Il est mort en exil à San Juan (Porto Rico) le 29 mai 1958.
Yo no soy yo
Yo no soy yo.
Soy éste
que va a mi lado sin yo verlo;
que, a veces, voy a ver,
y que, a veces, olvido.
El que calla, sereno, cuando hablo,
el que perdona, dulce, cuando odio,
el que pasea por donde no estoy,
el que quedará en pié cuando yo muera.
Eternidades /Arenal de eternidades (1916-1917)
Je ne suis pas moi
Je ne suis pas moi.
Je suis celui
qui va à mes côtés sans le voir
que parfois je vais voir
et que parfois j’oublie.
Celui qui se tait serein quand je parle
celui qui doucement pardonne quand je hais
celui qui se promène où je ne suis pas
celui qui restera debout après ma mort.
«J’appelle poésie ce qui vous frappe comme un couteau au coeur.» (après avoir lu le poème de Juan Ramón Jiménez: Yo no soy yo). Emil Cioran.
No corras. Ve despacio
¡No corras. Ve despacio,
que donde tienes que ir
es a ti solo!
¡Ve despacio, no corras,
que el niño de tu yo, recién nacido
eterno,
no te puede seguir!
Si vas deprisa,
el tiempo volará ante ti, como una
mariposilla esquiva.
Si vas despacio,
el tiempo irá detras de ti,
como un buey manso.