Gabriel García Márquez est né le 6 mars 1927 à Aracataca (Colombie). Il est mort le 17 avril 2014 (à 87 ans) à Mexico. Il a vécu à Paris, en 1956-1957, 9 rue de Montalembert dans le VII ème arrondissement. Depuis 2017, la pointe de l’intersection de la rue de Montalembert avec la rue du Bac porte le nom de l’écrivain colombien.
Xavi Ayén, Aquellos años del boom. García Márquez, Vargas Llosa y el grupo de amigos que lo cambiaron todo. Barcelona: RBA editores, 2014. p.76. « Las cosas eran de ese modo. A veces la gente confundía a unos escritores con otros en las calles. En el aeropuerto de El Prat, por ejemplo, un sonriente desconocido le espetó un día a García Márquez:
– No sé si es usted Cortázar o Vargas Llosa… El colombiano que estaba intentando conciliar un sueñecito en la sala de espera, se desperezó, abrió un ojo y respondió con semblante serio:
– Los dos. Nadie imaginaba que, con los años, dos novelistas de aquel grupo, recogerían el Premio Nobel de Literatura: el primero en 1982, y el segundo en 2010.”
Le journal El País a publié au début du mois de février un entretien avec Antonio Gamoneda, un poète espagnol que j’aime bien.
Né dans les Asturies à Oviedo en 1931, il vit à León depuis 1934. Son père meurt en 1932. Sa mère l’élève dans une banlieue ouvrière, en proie à toutes sortes de difficultés matérielles. Il doit abandonner ses études en 1943 et travailler comme coursier dès 1945. Il a une formation d’autodidacte et a connu l’extrême pauvreté de l’après-guerre et la répression franquiste. Il a obtenu de nombreux prix dont le Prix Cervantes en 2006. Ces dernières années il a publié deux tomes de mémoires: • Un armario lleno de sombra, Galaxia Gutenberg – Círculo de Lectores, Madrid, 2009. • La pobreza, Galaxia Gutenberg, 2020.
Ses poèmes ont été bien traduits en français, particulièrement par Jacques Ancet et bien édités par José Corti dans sa collection Ibériques.
Principales traductions en français: Poèmes, traduction Roberto San Geroteo, Noire et blanche, numéro spécial, 1995. Livre du froid, traduction et présentation Jean-Yves Bériou et Martine Joulia, 1996, Antoine Soriano Editeur. 2e éd. 2005. Pierres gravées, Jacques Ancet, Lettres Vives, 1996. Substances, limites, in Nymphea, traduction Jacques Ancet, La Grande Os, 1997. Cahier de mars, traduit par Jean-Yves Bériou et Martine Joulia, Myrrdin, 1997. Blues castillan, traduction Roberto San Geroteo, Noire et Blanche, 1998. Froid des limites, traduction et présentation Jacques Ancet, Lettres Vives, 2000. Description du mensonge (extraits), traduction Jean-Yves Bériou et Martine Joulia, Myrrdin, 2002. Pétale blessé, traduction Claude Houy, Trames, 2002. Blues castillan, traduction et présentation Jacques Ancet, José Corti, 2004. Description du mensonge, traduction et présentation Jacques Ancet, José Corti, 2004. Passion du regard, traduction et présentation Jacques Ancet, Lettres Vives, 2004. De l’impossibilité, traduction Amelia Gamoneda, préface Salah Stétié, Fata Morgana, 2004. Clarté sans repos, traduction et présentation Jacques Ancet, Arfuyen, 2006. Cecilia, traduction et présentation Jacques Ancet, Lettres Vives, 2006. Le livre des poisons, traduction Jean-Yves Bériou. Actes Sud, 2009.
Ses relations avec les autres écrivains espagnols ne sont pas toujours au beau fixe, car il a un caractère ombrageux et a souvent la dent dure quand il parle de poètes reconnus de sa génération tels qu’ Ángel González, Blas de Otero, Gabriel Celaya ou Jaime Gil de Biedma.
“P. ¿Cuál es el mejor poeta de su generación? R. Claudio Rodríguez. P. ¿Y el más sobrevalorado? R. Jaime Gil de Biedma. Claudio era un monstruo que con 17 años escribió una monstruosidad: Don de la ebriedad. Los dos grandes del siglo XX español son Lorca y él. Y eso que por el medio hay hasta un premio Nobel como Aleixandre. Gil de Biedma era muy inteligente, se dio cuenta de que la cosa no daba para más y dejó de escribir. Como tenía mucha personalidad, en torno a él creció el mito.”
J’ai une certaine prédilection pour son recueil Blues castellano (1961-1966), publié en Espagne seulement en 1982 (Colección AEDA, Gijón, Noega) et en France par José Corti en 2004.
Présentation du recueil par l’auteur: «J’ai écrit Blues castillan entre 1961 et 1966. Il a été publié tardivement et peu distribué. Il est passé presque inaperçu.
Blues castillan a à voir avec une certaine manière de penser le monde (“nous traversions les croyances” allais-je dire des années plus tard), et, surtout, avec la volonté de transformer en poèmes des événements et des états d’âme qui ont dominé ma vie pendant trente ans. Il comporte le récit de faits devant lesquels – ou dans lesquels – la souffrance est une affaire naturelle; j’y parle à voix basse d’un certain espoir (issu, peut-on supposer, de ces “croyances”) et il est- il m’importe beaucoup de le dire – une forme de consolation.
Blues castillan a des antécédents qui ne sont pas ceux que reconnaissaient mes contemporains. J’ai écris ce livre dominé par deux forces poétiques qui se sont avérées peut-être d’autant plus vigoureuses et actives en moi que, mal connues, à peine pressenties au début, j’ai dû les élaborer à partir de mon ignorance et les faire se développer en moi pour que cette ignorance puisse comporter quelque chose qui fût de l’ordre de la création.
Ces deux forces étaient le poète Turc Nazim Hikmet et les paroles des chants nord-américains à l’origine du jazz : le blues et le spiritual.
J’ai écrit (et traduit) des spirituals en castillan, et j’ai passé dans ma langue Nazim Hikmet. Sans ce travail, je crois que Blues castillan n’aurait jamais existé.»
Hablo con mi madre Mamá: ahora eres silenciosa como la ropa del que no está con nosotros. Te miro el borde blanco de los párpados y no puedo pensar.
Mamá: quiero olvidar todas las cosas en el fondo de una respiración que canta. Pasa tus manos grandes por mi nuca todos los días para que no vuelva la soledad.
Yo sé que en cada rostro se ve el mundo.
No busques más en las paredes, madre.
Mira despacio el rostro que tú amas:
mira mi rostro en cada rostro humano.
He sentido tus manos.
Perdido en el fondo de los seres humanos te he sentido
como tú sentías mis manos antes de nacer.
Mamá, no vuelvas más a ocultarme la tierra. Esta es mi condición. Y mi esperanza.
Blues castellano 1961-66, 1982.
Je parle avec ma mère Maman : tu es maintenant silencieuse comme l’habit de qui nous a quittés. Je fixe le bord blanc de tes paupières et je ne peux penser.
Maman : je veux tout oublier
au fond d’une respiration qui chante.
Passe-moi tes grandes mains sur la nuque
tous les jours pour que ne revienne pas
la solitude.
Je sais que sur chaque visage on voit le monde.
Ne va plus chercher sur les murs, maman.
Regarde le visage que tu aimes :
dans chaque visage humain, mon visage.
J’ai senti tes mains.
Perdu au fond des êtres humains je t’ai sentie
comme tu sentais mes mains avant ma naissance.
Maman, ne recommence plus à me cacher la terre. Telle est ma condition. Et mon espoir.
Blues castillan, traduction de Jacques Ancet, José Corti, 2004
Angelines Cuando tengo sus manos en las mías, advierto que son suaves y algo frías, como han sido siempre. También, menos intenso, en una suspensión aparentemente lejana, no aquí, donde está, subiendo hasta mí desde su piel, respiro el perfume que tenía su cuerpo cuando era una niña. No sé si voy a decir los deseos y las negaciones de Angelines, ni las que fueron mis respuestas. Vivimos juntos. De alguna manera, vivimos el uno en el otro. Nos necesitamos. Somos dos ancianos. Debería bastar. Debería bastar. Esta perspectiva es también dudosa. Yo no voy a mentir, pero el silencio puede ser una impostura. La pobreza. Galaxia Gutenberg, 2020.
L’écrivain espagnol Juan Eduardo Zúñiga, né le 24 janvier 1919, vient de mourir ce lundi à Madrid. C’était le doyen des Lettres espagnoles puisqu’il avait 101 ans. Selon Luis Mateo Díez, c’était le plus russe des écrivains espagnols. Spécialiste des littératures slaves, il a traduit de nombreux auteurs russes et écrit des essais tels que El anillo de Pushkin. Lectura romántica de escritores y paisajes rusos, (Barcelona: Bruguera, 1983; Alfaguara, 1992), Las inciertas pasiones de Iván Turguéniev (Alfaguara, 1996) ou Desde los bosques nevados (Galaxia Gutenberg, 2010) Il a subi l’influence de Tourgueniev, de Tchekhov et de Panaït Istrati.
Il a très bien recréé l’ambiance de Madrid pendant la guerre dans La trilogía de la Guerra Civil (1980-2003), composée de 34 nouvelles:
Largo noviembre de Madrid (1980)
La tierra será un paraíso (1989)
Capital de la gloria (2003)
Il a obtenu le Prix National des Lettres en 2016 et publié en 2019 son autobiographie, Recuerdos de vida (Galaxia Gutenberg).
Largo noviembre de Madrid (1980). Nouvelle Noviembre, la madre, 1936.
“Pasarán unos años y olvidaremos todo; se borrarán los embudos de las explosiones, se pavimentarán las calles levantadas, se alzarán casas que fueron destruidas. Cuanto vivimos, parecerá un sueño y nos extrañará los pocos recuerdos que guardamos; acaso las fatigas del hambre, el sordo tambor de los bombardeos, les parapetos de adoquines cerrando las calles solitarias…”
Recuerdos de vida. 2019. Galaxia Gutenberg.
«Qué larga es la calle de la vida. Avanzamos por ella y atrás dejamos convertido en olvido cuanto hicimos. Sólo cuando sentimos que el final de la calle se acerca es posible repensar lo sucedido. Sólo cuando creemos que quedan -¿quién lo sabe- dos o tres manzanas que recorrer es posible contemplar el paisaje de lo vivido. Atisbamos entonces en épocas lejanas el mecanismo de lo que fuimos, por casualidades de actos que parecían fugaces y por extrañas coincidencias que se producen como si la mano de nadie las creara.
Qué secreta es la calle de los años. Buscamos en los recuerdos cómo será el futuro: inútil tarea porque sólo se encuentra en las cenizas. Del fabuloso depósito de la memoria surgen ahora fragmentos barrocos, con ese color sepia que es el color de las sombras; detalles efímeros de algo escuchado, entrevisto o leído. Nos esforzamos en penetrarlos y que sean nítidos, para que si contienen un secreto, éste deje de serlo y de inquietar sus sombras.
Estas escenas sueltas, desconectadas en su apariencia, tienen un hilo invisible que las cose, finos tendones y venas las vitalizan.
Aunque lo más aceptable sería no intentar comprender la vida.»
Antonio Machado est mort en exil à Collioure le 22 février 1939, trois jours avant sa mère.
Louis Aragon, Les poètes, 1960
«Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d’Espagne
Que le ciel pour lui se fit lourd
Il s’assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours.»
Campo (Antonio Machado) La tarde está muriendo como un hogar humilde que se apaga.
Allá, sobre los montes, quedan algunas brasas.
Y ese árbol roto en el camino blanco hace llorar de lástima.
¡Dos ramas en el tronco herido, y una hoja marchita y negra en cada rama!
¿Lloras?… Entre los álamos de oro, lejos, la sombra del amor te aguarda.
Soledades. Galerías. Otros poemas. 1907
Campagne
Le soir meurt comme un humble foyer qui s’éteint.
Là-bas, sur les montagnes, il reste quelques braises.
Et cet arbre brisé sur le chemin tout blanc fait pleurer de pitié.
Deux branches sur le tronc blessé, et une feuille fanée et noire sur chaque branche!
Tu pleures?… Entre les peupliers d’or, au loin, l’ombre de l’amour t’attend.
Champs de Castille, précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi des Poésies de guerre. Collection Poésie/Gallimard (n° 144), Gallimard 1981. Traduit par Sylvie Léger et Bernard Sesé.
René Char a découvert en 1934 le peintre Georges de La Tour (1593-1652) lors d’une exposition à l’Orangerie (Les peintres de la réalité en France au XVII ème siècle). Ce peintre, méconnu alors, surgit dans son imaginaire. Un tableau, intitulé Le Prisonnier (ou Job raillé par sa femme. 1650? Musée départemental d’art ancien et contemporain d’Épinal), le marque particulièrement. Il en achète plusieurs reproductions. Il va l’accompagner pendant de nombreuses années.
Pendant la seconde guerre mondiale, le résistant Char avait fixé au mur de son P.C. à Céreste (Alpes-de-Haute-Provence) la reproduction de ce tableau.
Il consacre plusieurs écrits au peintre.
Dans les Feuillets d’Hypnos 178, il dialogue avec le tableau en l’impliquant dans le contexte de Seconde Guerre mondiale. Il y évoque les «ténèbres hitlériennes».
178
La reproduction en couleur du Prisonnier de Georges de La Tour que j’ai piquée sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps, réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le cœur mais combien désaltère! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n’ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l’emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d’ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de suif de la clarté tirent et diluent les traits de l’homme assis. Sa maigreur d’ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L’écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l’inespéré mieux que n’importe quelle aurore.
Reconnaissance à Georges de La Tour qui maîtrisa les ténèbres hitlériennes avec un dialogue d’êtres humains.
Feuillets d’Hypnos (1946), in Fureur et Mystère Poésie/Gallimard, 1967, p. 133.
Un autre texte de René Char, extrait aussi de Fureur et mystère, rend hommage à la Madeleine à la veilleuse.
MADELEINE A LA VEILLEUSE
par Georges de La Tour
Je voudrais aujourd’hui que l’herbe fût blanche pour fouler l’évidence de vous voir souffrir; je ne regarderais pas sous votre main si jeune, la forme dure, sans crépi de la mort. Un jour discrétionnaire, d’autres pourtant moins avides que moi, retireront votre chemise de toile, occuperont votre alcôve. Mais ils oublieront en partant de noyer la veilleuse et un peu d’huile se répandra par le poignard de la flamme sur l’impossible solution.
La Fontaine narrative, 1947, in Fureur et Mystère. Poésie/Gallimard, 1967, p. 215.
Dans Le Nu perdu , Char écrit un texte intitulé Justesse de Georges de LaTour. Il y fait allusion à des tableaux du peintre tels que Le tricheur ou Levielleur.
I
Justesse de Georges de La Tour
26 janvier 1966
L’unique condition pour ne pas battre en interminable retraite était d’entrer dans le cercle de la bougie, de s’y tenir, en ne cédant pas à la tentation de remplacer les ténèbres par le jour et leur éclair nourri par un terme inconstant. ٭
Il ouvre les yeux. C’est le jour, dit-on. Georges de La Tour sait que la brouette des maudits est partout en chemin avec son rusé contenu. Le véhicule s’est renversé. Le peintre en établit l’inventaire. Rien de ce qui infiniment appartient à la nuit et au suif brillant qui en exalte le lignage ne s’y trouve mélangé. Le tricheur, entre l’astuce et la candeur, la main au dos, tire un as de carreau de sa ceinture; des mendiants musiciens luttent, l’enjeu ne vaut guère plus que le couteau qui va frapper; la bonne aventure n’est pas le premier larcin d’une jeune bohémienne détournée; le joueur de vielle, syphilitique, aveugle, le cou flaqué d’écrouelles, chante un purgatoire inaudible. C’est le jour, l’exemplaire fontainier de nos maux. Georges de La Tour ne s’y est pas trompé.
Dans la pluie giboyeuse, in Le nu perdu 1964-1970 Poésie/Gallimard, 1978, p. 70.
Extrait d’un entretien de René Char avec Raymond Jean (Le Monde, 11 janvier 1969):
Pourquoi dans le texte central de Dans la pluie giboyeuse, avez-vous placé, côte à côte le peintre Georges de La Tour et le poème sur Albion?
Pour être celui, non qui édifie, mais qui inspire, il faut se placer dans une vérité que le temps ne cesse de fortifier et de confirmer. Georges de La Tour est cet homme-là. Baudelaire et lui ont des faiblesses mais pas des manques. Voilà qui les rend admirables. Georges de La Tour – ne souriez pas – est souvent mon Intercesseur auprès du mystère poétique, donc du mystère humain. Il n’y a pas d’auréole d’élu derrière la tête de ses sujets ni sur la sienne. Le peintre sait. Le peintre et l’homme. Je dis : sait, et non savait. Baudelaire également sait. Dieu et Satan sont chez lui tel le jour et la nuit chez de La Tour. Immense et juste allégorie ! C’est mortel, périssable, oui, mais c’est Imputrescible ! Capture de poète… Albion ? Permettez-moi d’affirmer que ce site, ce territoire superbe, étripé, empoisonné bientôt, couvert de crachats, démentiellement, pour des motifs sordides et sinistres, entre dans le contexte du Mal universel ; et si paradoxal que cela paraisse, il y a un exorcisme à lui opposer, point éloigné de celui que Georges de La Tour manie révolutionnairement, lorsqu’il peint Le Tricheur, ensuite Madeleine à la veilleuse, ou inversement.
Qu’entendez-vous par le dernier poème du livre et son titre Ni éternel, ni temporel?
J’aimerais disposer encore un peu de terre arable sur le rocher stimulant et obscur, avant de mourir. Ici mes intercesseurs sont des plus modestes : le corbeau et l’alouette. “
(Le plateau d’Albion a accueilli, de 1971 à 1996, les missiles qui constituaient une composante essentielle de la force de dissuasion nucléaire française. Les dix-huit silos à missiles et les deux postes de conduite de tir ont depuis été démantelés. Il y eut une vague de protestations lorsque l’installation des silos avait été soulevée en 1965-1966. L’Association pour la sauvegarde de la Haute-Provence avait organisé alors plusieurs manifestations, dont une à Fontaine-de-Vaucluse avec René Char, qui était l’auteur d’une affiche-poème emblématique, La Provence point Oméga.)
Juan Ramón Jiménez est né le 23 de décembre 1881 à Moguer (Huelva) en Andalousie. Prix Nobel de littérature 1956. Il est mort en exil à San Juan (Porto Rico) le 29 mai 1958.
EL ESTUDIANTE
Sueña, sueña mientras duermes.
Lo olvidarás con el día.
(Día, alegre aprendizaje
de la gran sabiduría).
Aprende, aprende despierto.
Ya lo olvidarás dormido.
Visite hebdomadaire chez Gibert Joseph, Boulevard Saint-Michel après une longue promenade dans Paris avec J. Au premier étage, je feuillette les nouveautés. Je tombe sur La mémoire tyrannique de l’auteur salvadorien Horacio Castellanos Moya (1957-), un écrivain que je connais très mal. Editions Métailié. Sortie: 13/02/2020. Traduction de René Solis. Titre original: Tirana memoria. Publié en Espagne par Tusquets en 2008.
En exergue, une citation d’Elias Canetti (1905-1994). Prix Nobel de Littérature en 1981.
«Ne vaudrait-il pas mieux qu’il ne reste rien, absolument rien d’une vie? Que la mort implique que s’éteignent du même coup les images que les autres ont de vous? Ne serait-ce pas plus poli à l’égard de ceux qui vont prendre la suite? Car peut-être ce qui reste de nous forme-t-il une somme d’exigences qui les écrase. Peut-être pour cela l’homme n’est-il pas libre, parce que les morts sont trop présents en lui, et que ce trop rechigne à s’éteindre.»
Tout au long de sa vie, Elias Canetti n’a cessé d’écrire sur le thème de la mort. Note du 15 février 1942: «J’ai décidé aujourd’hui de noter mes pensées contre la mort telles que le hasard me les apporte, dans le désordre et sans les soumettre à un plan contraignant. Je ne puis laisser passer cette guerre sans forger en mon cœur l’arme qui vaincra la mort» Le livre qu’il projetait de lui consacrer a été publié en Allemagne en 2014: Das Buch gegen den Tod. Albin Michel a publié Le Livre contre la mort en 2018. La traduction de Bernard Kreiss a été reprise au Livre de poche en 2019.
C’est donc un ouvrage qu’Elias Canetti n’a pas réellement composé. Des inédits découverts après sa mort, forment les deux tiers de ce volume. L’auteur mêle notes, aphorismes, portraits et réflexions.
Résumé de La mémoire tyrannique: 1944. Lorsque Pericles, un journaliste critique du dictateur salvadorien, le “sorcier nazi”, est arrêté et emprisonné, son épouse Haydée, une jeune femme de la bonne bourgeoisie, décide d’écrire le journal des événements. Pendant qu’elle note ce qu’elle considère comme des conversations avec son mari – qui avant de devenir opposant a été collaborateur du régime –, elle raconte les progrès des arrestations, les interdictions de visite au pénitencier ainsi que ce qui se passe pour le reste de la famille, composée d’un côté de militaires, soutien du régime, et de l’autre des libéraux, opposés au tyran. Sur ce, un coup d’État contre le dictateur éclate, son fils Clemente, le fêtard, le coureur, l’ivrogne, est impliqué et raconte ce qui se passe chez les conspirateurs. Ses aventures parfois désopilantes alternent avec l’éveil de la conscience politique de Haydée, qui organise la rébellion avec d’autres femmes : épouses, filles, petites-filles, voisines, domestiques.
Il est aujourd’hui de bon ton de critiquer les côtés sombres du poète chilien: son séjour comme consul à Rangoon (Birmanie), ses rapports avec Josie Bliss en 1928, son mariage avec Maryka Antonieta Hagenaar (1930-1942), son lien avec sa fille Malva Marina, enfant hydrocéphale (1934-1943), son stalinisme etc. C’est un immense poète. «Ningún poeta del hemisferio occidental de nuestro siglo admite comparación con él», ha escrito el crítico literario Harold Bloom, quien lo considera uno de los veintiséis autores centrales del canon de la literatura occidental de todos los tiempos.” (Wikipedia en espagnol) Son amitié avec Federico García Lorca, son influence sur la poésie de la Generación de 1927 furent décisives. Residencia en la tierra(1925–1931), publié à Madrid en 1935, est un chef d’oeuvre. Son aide aux républicains espagnols fut aussi très importante. C’est le Victor Hugo de la littérature hispanique.
ODA A LA EDAD
Yo no creo en la edad.
Todos los viejos llevan en los ojos un niño, y los niños a veces nos observan como ancianos profundos.
Mediremos la vida por metros o kilómetros o meses? Tanto desde que naces? Cuanto debes andar hasta que como todos en vez de caminarla por encima descansemos, debajo de la tierra?
Al hombre, a la mujer que consumaron acciones, bondad, fuerza, cólera, amor, ternura, a los que verdaderamente vivos florecieron y en su naturaleza maduraron, no acerquemos nosotros la medida del tiempo que tal vez es otra cosa, un manto mineral, un ave planetaria, una flor, otra cosa tal vez, pero no una medida.
Tiempo, metal o pájaro, flor de largo pecíolo, extiéndete a lo largo de los hombres, florécelos y lávalos con agua abierta o con sol escondido. Te proclamo camino y no mortaja, escala pura con peldaños de aire, traje sinceramente renovado por longitudinales primaveras.
Ahora, tiempo, te enrollo, te deposito en mi caja silvestre y me voy a pescar con tu hilo largo los peces de la aurora!
El mañana efímero A Roberto Castrovido La España de charanga y pandereta, Cerrado y sacristía, Devota de Frascuelo y de María, De espíritu burlón y de alma quieta, Ha de tener su mármol y su día, Su infalible mañana y su poeta. El vano ayer engendrará un mañana Vacío y ¡por ventura! Pasajero. Será un joven lechuzo y tarambana, Un sayón con hechuras de bolero, A la moda de Francia realista, Un poco al uso de París pagano, Y al estilo de España especialista En el vicio al alcance de la mano. Esa España inferior que ora y bosteza, Vieja y tahúr, zaragatera y triste; Esa España inferior que ora y embiste, Cuando se digna usar la cabeza, Aún tendrá luengo parto de varones Amantes de sagradas tradiciones Y de sagradas formas y maneras; Florecerán las barbas apostólicas, Y otras calvas en otras calaveras Brillarán, venerables católicas, El vano ayer engendrará un mañana Vacío y ¡por ventura! pasajero, La sombra de un lechuzo tarambana, De un sayón con hechuras de bolero: El vacuo ayer dará un mañana huero. Como la náusea de un borracho ahíto De vino malo, un rojo sol corona De heces turbias las cumbres de granito; Hay un mañana estomagante escrito En la tarde pragmática y dulzona. Mas otra España nace, La España del cincel y de la maza, Con esa eterna juventud que se hace Del pasado macizo de la raza. Una España implacable y redentora, España que alborea Con un hacha en la mano vengadora, España de la rabia y de la idea.
Campos de Castilla (1907-1917)
Le lendemain éphémère À Roberto Castrovido L’Espagne des fanfares et des tambourins basques, sentant le renfermé, fleurant la sacristie, dévouée à Frascuelo, à la Vierge Marie, d’esprit narquois et d’âme tranquille, aura son marbre, son jour de gloire, son lendemain inéluctable et son poète. Ce vain hier engendrera un lendemain vide et, par chance peut-être! passager. Ce sera un jeune homme, noceur, écervelé, un pénitent aux allures de danseur de boléro; réaliste à la façon de France, un peu mécréant à la mode de Paris, et à la manière d’Espagne spécialiste du vice à portée de la main. Cette Espagne inférieure qui prie et qui bâille, vieillie, aimant le jeu, bagarreuse et triste, cette Espagne inférieure qui prie et fonce tête baissée, quand elle daigne se servir de sa tête, verra encore longtemps se produire des hommes aimant les traditions sacrées, les formes et manières sacrées; fleuriront les barbes apostoliques et d’autres calvities sur d’autres crânes brilleront, vénérables et catholiques. Ce vain hier engendrera un lendemain vide et, par chance peut-être! passager, l’ombre d’un noceur écervelé, d’un pénitent aux allures de danseur, cet hier de vide ne donnera qu’un lendemain de vide. Comme la nausée d’un ivrogne gorgé de mauvais vin, un rouge soleil couronne de trouble lie les cimes de granit; il y a un lendemain écœurant écrit dans l’après-midi pragmatique et douceâtre. Mais une autre Espagne naît, l’Espagne du ciseau et de la masse, avec cette jeunesse éternelle qui se fait à partir du passé robuste de la race. Une Espagne implacable et rédemptrice, une Espagne qui commence à poindre tenant en main la hache vengeresse, Espagne de la rage, Espagne de l’idée.
Un gos abandonat va carretera enllà buscant l’esclavitud en el perill. Panteixant, al capvespre, li queda encara força per bordar els primers fars, que l’enlluernen. La carretera passa vora el mar en una costa abrupta. El món pot ser bellíssim però ha de portar inclosa l’humiliació. Somiar no és res més que buscar un amo.
Amar es dónde. Visor, 2015.
Lejos
Un perro abandonado va por la carretera,
busca la esclavitud en el peligro.
Cuando anochece,
jadeante, le quedan aún fuerzas
para ladrar a los primeros faros,
que lo deslumbran.
La carretera pasa junto al mar
en una costa abrupta.
El mundo puede ser bellísimo,
pero tiene que incluir la humillación.
Soñar tan sólo es
buscar un amo.
Amar es dónde. Visor, 2015.
Loin
Un chien errant marche sur la route,
cherchant sa soumission dans le danger.
Haletant, au crépuscule, il lui reste encore des forces
pour aboyer aux premiers phares qui l’éblouissent.
La route longe la mer
sur une côte abrupte.
Le monde peut être magnifique
mais doit porter en lui l’humiliation.
Rêver n’est que chercher un maître.
Leçons de vertige, anthologie établie par Noé Pérez-Núñez, poèmes traduits du catalan, édition bilingue français-catalan, éditions Les Hauts-Fonds, 2016.