César Vallejo

(Marci à Marie-Paule F. et à Raymond F.)

César Vallejo. Berlin, Porte de Brandebourg, 1929.

Los nueve monstruos
Y, desgraciadamente,
el dolor crece en el mundo a cada rato,
crece a treinta minutos por segundo, paso a paso,
y la naturaleza del dolor, es el dolor dos veces
y la condición del martirio, carnívora, voraz,
es el dolor dos veces
y la función de la yerba purísima, el dolor
dos veces
y el bien de ser, dolernos doblemente.

¡Jamás, hombres humanos,
hubo tanto dolor en el pecho, en la solapa, en la cartera,
en el vaso, en la carnicería, en la aritmética!
Jamás tanto cariño doloroso,
jamás tan cerca arremetió lo lejos,
jamás el fuego nunca
jugó mejor su rol de frío muerto!
¡Jamás, señor ministro de salud, fue la salud
más mortal
y la migraña extrajo tanta frente de la frente!
Y el mueble tuvo en su cajón, dolor,
el corazón, en su cajón, dolor,
la lagartija, en su cajón, dolor.

Crece la desdicha, hermanos hombres,
más pronto que la máquina, a diez máquinas, y crece
con la res de Rousseau, con nuestras barbas;
crece el mal por razones que ignoramos
y es una inundación con propios líquidos,
con propio barro y propia nube sólida!
Invierte el sufrimiento posiciones, da función
en que el humor acuoso es vertical
al pavimento,
el ojo es visto y esta oreja oída,
y esta oreja da nueve campanadas a la hora
del rayo, y nueve carcajadas
a la hora del trigo, y nueve sones hembras
a la hora del llanto, y nueve cánticos
a la hora del hambre y nueve truenos
y nueve látigos, menos un grito.

El dolor nos agarra, hermanos hombres,
por detrás de perfíl,
y nos aloca en los cinemas,
nos clava en los gramófonos,
nos desclava en los lechos, cae perpendicularmente
a nuestros boletos, a nuestras cartas;
y es muy grave sufrir, puede uno orar…
Pues de resultas
del dolor, hay algunos
que nacen, otros crecen, otros mueren,
y otros que nacen y no mueren, otros
que sin haber nacido, mueren, y otros
que no nacen ni mueren (son los más)
y también de resultas
del sufrimiento, estoy triste
hasta la cabeza, y más triste hasta el tobillo,
de ver al pan, crucificado, al nabo,
ensangrentado,
llorando, a la cebolla,
al cereal, en general, harina,
a la sal, hecha polvo, al agua, huyendo,
al vino, un ecce-homo,
tan pálida a la nieve, al sol tan ardio!.
¡Cómo, hermanos humanos,
no deciros que ya no puedo y
ya no puedo con tanto cajón,
tanto minuto, tanta
lagartija y tanta
inversión, tanto lejos y tanta sed de sed!
Señor Ministro de Salud: ¿qué hacer?
¡Ah! desgraciadamente, hombres humanos,
hay, hermanos, muchísimo que hacer.

Poemas humanos, 1939.

Les neuf monstres

Et, malheureusement,
la douleur grandit dans le monde à tout instant,
grandit à trente minutes par seconde, pas à pas,
et la nature de la douleur, c’est la douleur deux fois
et la condition du martyre, carnivore, vorace,
c’est la douleur deux fois
et la fonction de l’herbe très pure, la douleur
deux fois
la vertu d’être, celle de souffrir doublement.

Jamais, hommes humains,
il n’y eut tant de douleur dans la poitrine, à la boutonnière, dans le portefeuille,
dans le verre, dans la boucherie, dans l’arithmétique!
Jamais tant de tendresse douloureuse,
jamais d’aussi près n’assaillit le lointain,
jamais le feu
ne joua jamais mieux son rôle de froid mort!
Jamais monsieur le ministre de la santé, la santé
ne fut plus mortelle
et la migraine n’arracha au front tant de front!
Et le meuble jamais n’eut dans son tiroir tant de douleur,
le coeur, dans son tiroir, tant de douleur,
le lézard, dans son tiroir, tant de douleur.

Le malheur grandit, frères hommes,
plus vite que la machine, à dix machines d’un coup, et grandit
avec la bête de Rousseau, avec notre barbe;
le mal grandit pour des raisons que nous ignorons
et c’est une inondation avec ses propres liquides,
sa propre fange et son propre nuage solide!
La souffrance inverse les positions, offre une scène
où l’humeur aqueuse est verticale
au pavé,
l’oeil est vu et cette oreille entendue,
et cette oreille fait entendre neuf coups de cloche à l’heure
de la foudre, et neuf éclats de rire
à l’heure du blé, et neuf sons femelles
à l’heure des larmes, et neuf cantiques
à l’heure de la faim et neuf coups de tonnerre
et neuf coups de fouet, mais pas un cri.

La douleur nous agrippe, frères hommes,
par derrière, de profil,
et nous rend fous dans les cinémas,
nous cloue sur les gramophones,
nous décloue sur nos lits, tombe perpendiculairement
à nos tickets, à nos lettres;
et c’est très grave de souffrir, l’on peut toujours prier…
Alors à cause
de la douleur, certains
naissent, d’autres grandissent, d’autres meurent,
d’autres naissent et ne meurent pas, d’autres
sans être nés meurent, et d’autres
ne naissent ni ne meurent (les plus nombreux).
Et aussi à cause
de la douleur, je suis triste
jusqu’à la tête, et plus triste jusqu’à la cheville,
de voir le pain, crucifié, le navet,
couvert de sang,
l’oignon, en sanglots,
les céréales, le plus souvent, farine,
le sel, réduit en poussière, l’eau, en fuite,
le vin, un ecce homo,
la neige si pâle, le soleil si brûlant!
Comment frères humains,
ne pas vous dire que je n’en peux plus et
que je n’en peux plus de tant de tiroirs,
tant de minutes, tant
de lézard et tant
d’inversion, tant de lointain et tant de soif de soif!
Monsieur le Ministre de la Santé, que faire?
Ah! Malheureusement, frères humains,
il y a, frères, tant et à faire.

3 Novembre 1937?
Traduction: Nicole Reda-Euvremer. César Vallejo, Poésie complète 1919-1937. Flammarion, 2009.

Je n’ai retrouvé pour le moment que le début du poème traduit par Claude Esteban.

Les neuf monstres

Et, malheureusement la douleur
s’accroît à chaque instant parmi les choses,
à trente minutes par seconde, pas à pas,
et la nature de la douleur, c’est la douleur deux fois
et la condition du martyre, vorace, carnivore
c’est la douleur deux fois
et la fonction de l’herbe la plus pure, douleur deux fois
et le bien-être, nous blesser doublement.

Jamais, hommes humains,
il n’y eut tant de douleur dans la poitrine, au revers du veston, au portefeuille,
dans le verre, la boucherie, l’arithmétique!
jamais tant de tendresse douloureuse
jamais si près l’assaut du si lointain,
jamais le feu
n’a mieux tenu son rôle de froid mort!

(Traduction Claude Esteban) Poèmes humains in Claude Esteban, Poèmes parallèles, Galilée, 1980.

Claude Esteban (El Mundo)

Leonardo Padura – Alejo Carpentier

Herejes (éd. Tusquets, Barcelone, 2013 ). Traduction française: Hérétiques. septembre 2014 chez Métailié).

J’ai enfin terminé ce gros roman de Leonardo Padura (528 pages) qui m’attendait depuis quelques années. J’avais déjà lu les autres livres dont le héros est l’alter ego de l’auteur, Mario Conde. Les premières aventures de cet ancien policier, qui vit maintenant encore plus chichement de la vente de vieux livres, étaient courtes et assez dynamiques. Ce livre est long et trop ambitieux. La recherche des origines d’un portrait peint par Rembrandt au XVIIe siècle nous mène à Amsterdam, tandis que l’épilogue nous transporte vers les persécutions antisémites de la même époque en Pologne. L’oeuvre se présente comme un plaidoyer pour la liberté d’expression et de création et un hommage aux hérétiques et aux déviants.

Le modèle de Padura est le plus grand romancier cubain Alejo Carpentier (1904-1980) auquel il a consacré un essai: Un camino de medio siglo: Alejo Carpentier y la narrativa de lo real maravilloso, Letras Cubanas, La Habana, 1994 (Fondo de Cultura Económica, México, 2002). L’auteur du Siglo de las Luces (1962) est d’ailleurs précisément cité:

“Pero ahora, sin tener a quien confiarse, Esteban seguía preso con toda una ciudad, con todo un país, por cárcel. Y ese país tenía tales espesores de selva en La Tierra Firme que sólo el mar era puerta, y esa puerta estaba cerrada con enormes llaves de papel, que eran las peores. Asistíase en esta época a una multiplicación, a una universal proliferación de papeles, cubiertos de cuños, sellos, firmas y contrafirmas, cuyos nombres agotaban los sinónimos de «permiso», «salvoconducto», «pasaporte» y cuantos vocablos pudiesen significar una autorización para moverse de un país a otro, de una comarca a otra, a veces de una ciudad a otra. Los almojarifes, diezmeros, portazgueros, alcabaleros y aduaneros de otros tiempos quedaban apenas en pintoresco anuncio de la mesnada policial y política que ahora se aplicaba, en todas partes -unos por temor a la Revolución, otros por temor a la contrarrevolución- a coartar la libertad del hombre, en cuanto se refería a su primordial, fecunda, creadora posibilidad de moverse sobre la superficie del planeta que le hubiese tocado en suerte habitar. Esteban se exasperaba, pataleaba de furor, al pensar que el ser humano, renegando de un nomadismo ancestral, tuviese que someter su soberana voluntad de traslado a un papel. «Decididamente – pensaba – no he nacido para ser lo que hoy se entiende por un buen ciudadano…» (page 241. Seix Barral. Biblioteca Formentor)

Leonardo Padura, Premio Princesa de Asturias de las Letras 2015, a du mal à soutenir la comparaison avec son aîné qui subjuguait par sa virtuosité baroque (surabondance d’adjectifs, longues descriptions, digressions nombreuses). Il faut le relire. Je vais rechercher aussi la traduction française René L.-F. Durand. Première édition chez Gallimard en 1962. Collection Folio (n° 981) en 1977.

Alejo Carpentier. Premio Cervantes 1978.

Federico García Lorca – Isaac Albéniz

Federico García Lorca.

Au cimetière de Montjuich de Barcelone, le 14 décembre 1935, à l’occasion de l’inauguration, sur la tombe du musicien Isaac Albéniz (1860-1909), d’une sculpture de Florencio Quirán, Federico García Lorca lit le sonnet Epitafio a Isaac Albéniz qui fut publié à l’époque dans un journal du soir de Barcelone (Día Gráfico du 15 décembre 1935). Margarita Xirgu (1888-1969), la grande actrice de théâtre de l’époque, participe aussi à l’événement.

Epitafio a Isaac Albéniz

Esta piedra que vemos levantada
sobre hierbas de muerte y barro oscuro
guarda lira de sombra, sol maduro,
urna de canto sola y derramada.

Desde la sal de Cádiz a Granada,
que erige en agua su perpetuo muro,
en caballo andaluz de acento duro
tu sombra gime por la luz dorada.

¡Oh dulce muerto de pequeña mano!
¡Oh música y bondad entretejida!
¡Oh pupila de azor, corazón sano!

Duerme cielo sin fin, nieve tendida.
Sueña invierno de lumbre, gris verano.
¡Duerme en olvido de tu vieja vida!

Épitaphe pour Isaac Albéniz

Ce marbre maintenant que nous voyons dressé
sur les herbes de mort et le limon obscur
garde une lyre d’ombre avec un soleil mûr,
une urne solitaire de chants renversée.

Des salins de Cadix à Grenade enfermée
dans ses eaux qui lui font un perpétuel mur,
un cheval andalou incarne en fière allure
ton ombre qui soupire après le jour doré.

O doux musicien mort dont les petites mains
savaient entretisser bonté et harmonie,
pupille d’épervier, coeur parfaitement sain!

Dors, neige répandue, dors ton ciel infini.
Été décoloré, songe aux flambées d’hiver
et perds le souvenir de notre ancienne vie!

Poésies III. Sonnets et derniers poèmes. NRF. Poésie/Gallimard. Traduction: André Belamich.

https://www.youtube.com/watch?v=D_sOejOJZs0 Isaac Albéniz. Tango op.165 N°2 (André Quesne)

Retrato de Isaac Albéniz (Ramón Casas). 1894.

Luis Cernuda

Luis Cernuda (Gregorio Prieto), 1939.

Luis Cernuda, poète espagnol, républicain et homosexuel, de la Génération de 1927, est né le 21 septembre 1902 à Séville. Exilé en 1938 au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et enfin au Mexique, il est mort sans revoir son pays le 5 novembre 1963 à Mexico. Il avait 61 ans.

He venido para ver

He venido para ver semblantes
Amables como viejas escobas,
He venido para ver las sombras
Que desde lejos me sonríen.

He venido para ver los muros
En el suelo o en pie indistintamente,
He venido para ver las cosas,
Las cosas soñolientas por aquí.

He venido para ver los mares
Dormidos en cestillo italiano,
He venido para ver las puertas,
El trabajo, los tejados, las virtudes
De color amarillo ya caduco.

He venido para ver la muerte
Y su graciosa red de cazar mariposas,
He venido para esperarte
Con los brazos un tanto en el aire,
He venido no sé por qué;
Un día abrí los ojos: he venido.

Por ello quiero saludar sin insistencia
A tantas cosas más que amables:
Los amigos de color celeste,
Los días de color variable,
La libertad del color de mis ojos;

Los niñitos de seda tan clara,
Los entierros aburridos como piedras,
La seguridad, ese insecto
Que anida en los volantes de la luz.

Adiós, dulces amantes invisibles,
Siento no haber dormido en vuestros brazos.
Vine por esos besos solamente;
Guardad los labios por si vuelvo.

29 de abril de 1931. Poème publié pour la première fois dans la célèbre anthologie de Gerardo Diego: Poesía española: antología 1915-1931. Madrid, 1932.
Los placeres prohibidos, 1931. Ce recueil de Luis Cernuda ne sera publié que dans La realidad y el deseo, 1936.

Je suis venu pour voir

Je suis venu pour voir les têtes
Aimables comme un vieux balai,
Je suis venu pour voir les ombres
Qui me sourient dans le lointain.

Je suis venu pour voir les murs
Qui s’élèvent ou s’effondrent, peu importe,
Je suis venu pour voir les choses,
La rêverie des choses qui nous entourent.

Je suis venu pour voir les mers
Bercées dans leur ronde nacelle,
Je suis venu pour voir les portes,
Le travail, les toitures, les vertus
À la robe jaunie, déjà fanée.

Je suis venu pour voir la mort
Et son divertissant filet de papillons,
Je suis venu pour t’attendre,
Les bras tant soit peu écartés,
Je suis venu qui sait pourquoi;
Un jour, j’ouvris les yeux: je suis venu.

C’est pourquoi, je veux saluer sans insistance
Tant et tant de choses aimables:
Les amis de couleur bleu ciel,
Les jours aux couleurs changeantes,
La liberté aux couleurs de mes yeux;

Les garçonnets de soie si claire,
Les enterrements ennuyeux comme la pierre,
La sécurité, cet insecte
Qui niche au creux des plis de la lumière.

Adieu, mes tendres amants invisibles,
Que n’ai-je pu dormir entre vos bras.
Je ne suis venu que pour vos baisers;
Gardez vos lèvres prêtes, si jamais je reviens.

Les plaisirs interdits. Presse Sorbonne Nouvelle. 2010. Traduction: Françoise ÉTIENVRE, Serge SALAÜN, Zoraida CARANDELL, Laurie-Anne LAGET, Melissa LECOINTRE.

Vicent Andrés Estellés

Statue de Vicent Andrés Estellés (Teresa Cháfer) . Burjassot (Communauté de Valence). Plaza Emilio Castelar.

Vicent Andrés Estellés est né le 4 septembre 1924 à Burjassot (Communauté de Valence). Il est issu d’un milieu modeste, ses parents sont boulangers. Son père, analphabète, veut que son fils étudie. Vicent Andrés Estellés fera des études de journalisme dans le Madrid de l’après-guerre.  Á partir de 1948, il collabore au journal Las Provincias, dont il deviendra le rédacteur en chef. Il est mort à Valence à 68 ans le 27 mars 1993. Ce poète espagnol, d’expression valencienne,  a été chanté par Ovidi Montllor, Maria del Mar Bonet, Raimon entre autres. D’après Joan Fuster, c’est « le meilleur poète valencien des trois derniers siècles, un nouvel Ausiàs March du XXe siècle ».

Els amants

La carn vol carn (Ausiàs March)

No hi havia a València dos amants com nosaltres.

Feroçment ens amàvem des del matí a la nit.
Tot ho recorde mentre vas estenent la roba.
Han passat anys, molts anys; han passat moltes coses.
De sobta encara em pren aquell vent o l’amor
i rodolem per terra entre abraços i besos.
No comprenem l’amor com un costum amable,
com un costum pacífic de compliment i teles.
Es desperta, de sobta, com un vell huracà,
i ens tomba en terra els dos, ens ajunta, ens empeny.
Jo desitjava, a voltes, un amor educat
i en marxa el tocadiscos, negligentment besant-te,
ara un muscle i després el peçó d’una orella.
El nostre amor és un amor brusc i salvatge,
i tenim l’enyorança amarga de la terra,
d’anar a rebolcons entre besos i arraps.
Què voleu que hi faça! Elemental, ja ho sé.
Ignorem el Petrarca i ignorem moltes coses.
Les Estances de Riba i les “Rimas” de Bécquer.
Després, tombats en terra de qualsevol manera,
comprenem que som bàrbars, i que això no deu ser,
que no estem en l’edat, i tot això i allò.

No hi havia a València dos amants com nosaltres,
car d’amants com nosaltres en són parits ben pocs

Llibre de les meravelles, 1956-58, publié en 1971.

Les amants

La chair convoite la chair (Ausiàs March)

Il n’y avait pas à Valence deux amants comme nous.

Nous nous aimions férocement du matin au soir.
Je me souviens de tout cela pendant que tu étends le linge.
Des années ont passé, beaucoup d’années; il s’est passé beaucoup de choses.
Soudain aujourd’hui encore le vent de jadis ou l’amour m’envahissent
et nous roulons par terre dans l’étreinte et les baisers.
Nous n’entendons pas l’amour comme une coutume aimable,
comme une habitude pacifique faite d’obligations et de beau linge
( et que le chaste M. López-Picó nous en excuse ).
Il s’eveille en nous, soudain, comme un vieil ouragan,
et il nous fait tomber tous deux par terre, nous rapproche, nous pousse.
Je souhaitais, parfois, un amour bien poli
et le tourne-disques en marche, et moi qui t’embrasse négligemment,
d’abord l’épaule et ensuite le lobe d’une oreille.
Notre amour est un amour brusque et sauvage,
et nous avons la nostalgie amère de la terre,
de nous rouler dans les baisers et les coups d’ongles.
Que voulez-vous que j’y fasse. Elémentaire, je sais.
Nous ignorons Petrarque et nous ignorons beaucoup de choses.
Les Estances de Riba et les Rimas de Becquer.
Après affalés par terre n’importe comment,
rous comprenons que nous sommes des barbares, et que ce ne sont pas des manières,
que nous n’avons plus l’âge, et ceci et cela.

Il n’y avait pas à Valence deux amants comme nous,
Car des amants comme nous on n’en fait pas tous les jours.

Livres des merveilles. Beuvry. Maison de la Poésie Nord. Pas-de-Calais, 2004.

Poème publié aussi sur ce blog le 27 mars 2018.

Pablo Neruda – Septiembre II

Pablo Neruda.

Oda a septiembre

Mes de banderas,
mes seco, mes
mojado,
con quince días verdes,
con quince días rojos,
a medio cuerpo
te sale humo
del techo,
después
abres de golpe las ventanas,
mes en que sale al sol
la flor de invierno
y moja una vez más
su pequeña
corola temeraria,
mes cruzado por mil
flechas de lluvia
y por mil
lanzas de sol quemante,
septiembre,
para que bailes,
la tierra
pone bajo tus pies
la hierba festival
de sus alfombras
y en tu cabeza
un arcoiris loco,
una cinta celeste
de guitarra.

Baila, septiembre, baila
con los pies de la patria,
canta, septiembre, canta
con la voz
de los pobres:
otros
meses
son largos
y desnudos,
otros
son amarillos,
otros van a caballo hacia la guerra,
tú, septiembre,
eres un viento, un rapto,
una nave de vino.

Baila
en las calles,
baila
con mi pueblo,
baila con Chile, con
la primavera,
corónate
de pámpanos copiosos
y de pescado frito.
Saca del arca
tus
banderas
desgreñadas,
saca de tu suburbio
una camisa,
de tu mina
enlutada
un par
de rosas,
de tu abandono
una canción florida,
de tu pecho que lucha
una guitarra,
y lo demás
el sol,
el cielo puro
de la primavera,
la patria lo adelanta
para que algo
te suene en los bolsillos:
la esperanza.

Nuevas odas elementales, 1956.

Pablo Neruda – Septiembre I

Valparaíso (Chile). Pablo Neruda. Mural.

Oda a las alas de septiembre

He visto entrar a todos los tejados
las tijeras del cielo:
van y vienen y cortan transparencia:
nadie se quedará sin golondrinas.

Aquí era todo
ropa, el aire espeso
como frazada y un vapor del sal
nos empapó el otoño
y nos acurrucó contra la leña.

En la costa del Valparaíso,
hacía el sur de la Planta Ballenera:
allí todo el invierno se sostuvo
intransferible con su cielo amargo.

Hasta que hoy al salir
volaba el vuelo,
no paré mientes al principio, anduve
aún entumido, con dolor de frío,
y allí estaba volando,
allí volvía
la primavera a repartir el cielo.

Golondrinas de agosto y de la costa,
tajantes, disparadas
en el primer azul,
saetas de aroma:
de pronto respiré las acrobacias
y comprendí que aquello
era la luz que volvía a la tierra,
las proezas del polen en el vuelo,
y la velocidad volvía a mi sangre.
Volví a ser piedra de la primavera.

Buenos días, señores golondrinas
o señoritas o alas o tijeras,
buenos días al vuelo del cielo
que volvió a mi tejado:
he comprendido al fin
que las primeras flores
son plumas de septiembre.

Navegaciones y regresos, 1959.

Federico García Lorca

Federico García Lorca.

Le 18 août 1936, il y a 84 ans, dans le ravin de Viznar, près de Grenade, était assassiné par les franquistes le poète Federico García Lorca.

Gacela de la Muerte Oscura

Quiero dormir el sueño de las manzanas
alejarme del tumulto de los cementerios.
Quiero dormir el sueño de aquel niño
que quería cortarse el corazón en alta mar.

No quiero que me repitan que los muertos no pierden la sangre;
que la boca podrida sigue pidiendo agua.
No quiero enterarme de los martirios que da la hierba,
ni de la luna con boca de serpiente
que trabaja antes del amanecer.

Quiero dormir un rato,
un rato, un minuto, un siglo;
pero que todos sepan que no he muerto;
que haya un establo de oro en mis labios;
que soy un pequeño amigo del viento Oeste;
que soy la sombra inmensa de mis lágrimas.

Cúbreme por la aurora con un velo,
porque me arrojará puñados de hormigas,
y moja con agua dura mis zapatos
para que resbale la pinza de su alacrán.

Porque quiero dormir el sueño de las manzanas
para aprender un llanto que me limpie de tierra;
porque quiero vivir con aquel niño oscuro
que quería cortarse el corazón en alta mar.

Publicada en febrero de 1936. Revista Floresta de Prosa y Verso, n°2. Diván del Tamarit. Primera edición completa en la Revista Hispánica Moderna (Nueva York), 1940.

«Gacela» de la Mort Obscure

Je veux dormir le sommeil des pommes,
Et m’éloigner du tumulte des cimetières.
Je veux dormir le sommeil de cet enfant
Qui voulait s’arracher le coeur en pleine mer.

Je ne veux pas que l’on me répète que les morts ne perdent pas leur sang;
Que la bouche pourrie demande encor de l’eau.
Je ne veux rien savoir des martyres que donne l’herbe,
Ni de la lune avec sa bouche de serpent
Qui travaille avant que l’aube naisse.

Je veux dormir un instant,
Un instant, une minute, un siècle;
Mais que tous sachent bien que je ne suis pas mort;
Qu’il y a sur mes lèvres une étable d’or;
Que je suis le petit ami du vent d’ouest;
Que je suis l’ombre immense de mes larmes.

Couvre-moi d’un voile dans l’aurore,
Car elle me lancera des poignées de fourmis,
Et mouille d’une eau dure mes souliers
Afin que glisse la pince de son scorpion.

Car je veux dormir le sommeil des pommes
Pour apprendre un sanglot qui de la terre me nettoie;
Car je veux vivre avec cet enfant obscur
Qui voulait s’arracher le coeur en pleine mer.

Traduction: Claude Couffon. Bernard Sesé.

Jorge Manrique vers 1440 – 1479

Monument en l’honneur de Jorge Manrique à Paredes de Nava (Palencia).

“Neveu de Gómez Manrique (1412-1490), Jorge Manrique naît probablement à Paredes de Navas, sans doute en 1440. Quatrième fils du grand maître don Rodrigo Manrique (1406-1476) , il est, comme les membres de son illustre famille, soldat de profession, menant une vie liée aux querelles dynastiques. Il fait son éducation à Tolède. Chevalier de l’ordre de Santiago, commandeur de Montizón, partisan de l’infant Alfonso contre Enrique IV, roi “anormal” qui, selon Pierre Vilar, règne sur une cour aux moeurs étranges, il se rallie, à la mort de ce dernier, à la cause de soeur Isabel. La future Reine Catholique prétend à la succession de son frère, contre les partisans de Juana, la fille du roi, tenue pour illégitime et surnommée la Beltraneja. Jorge Manrique meurt, très jeune, les armes à la main, devant la forteresse de Garcí-Muñoz.”

Son oeuvre tient toute entière dans son Cancionero, mais elle doit sa postérité à un moment d’inspiration. Lorsque son père meurt en 1476, il compose une élégie funèbre, les quarante strophes de Coplas a la muerte de su padre. Elles sont une des sources essentielles de la poésie espagnole.

(Notices et notes de l’Anthologie bilingue de la poésie espagnole. Bibliothèque de la Pléiade. NRF, Gallimard. 1995.)

Coplas de Don Jorge Manrique por la muerte de su padre

Recuerde el alma dormida,
avive el seso y despierte
contemplando
cómo se pasa la vida,
cómo se viene la muerte
tan callando,
cuán presto se va el placer,
cómo, después de acordado,
da dolor;
cómo, a nuestro parescer,
cualquiera tiempo pasado
fué mejor.

Pues si vemos lo presente
cómo en un punto s’es ido
e acabado,
si juzgamos sabiamente,
daremos lo non venido
por pasado.
Non se engañe nadie, no,
pensando que ha de durar
lo que espera,
más que duró lo que vio
porque todo ha de pasar
por tal manera.

Nuestras vidas son los ríos
que van a dar en la mar,
qu’es el morir;
allí van los señoríos
derechos a se acabar
E consumir;
allí los ríos caudales,
allí los otros medianos
E más chicos,
Alleguados, son iguales
los que viven por sus manos
E los ricos.

Dexo las invocaciones
de los famosos poetas
y oradores;
non curo de sus fictiones,
que traen yerbas secretas
sus sabores;
Aquél sólo m’ encomiendo,
aquél sólo invoco yo
de verdad,
que en este mundo viviendo
el mundo non conoció
su deidad.
[………………………………………………]

Decidme: la hermosura,
la gentil frescura y tez
de la cara,
el color e la blancura,
cuando viene la vejez,
¿cuál se para?
Las mañas e ligereza
E la fuerça corporal
de juventud,
todo se torna graveza
cuando llega al arrabal
de senectud.

[…………………………………………………]

¿Qué se hizo el rey don Juan?
Los infantes d’ Aragón
¿qué se hicieron?
¿Qué fue de tanto galán,
qué fue de tanta invinción
que truxeron?
Las justas e los torneos,
paramentos, bordaduras
e çimeras,
¿fueron sino devaneos?
¿qué fueron sino verduras
de las eras?

¿Qué se hicieron las damas,
sus tocados e vestidos,
sus olores?
¿Qué se hicieron las llamas
de los fuegos encendidos
d’amadores?
¿Qué se hizo aquel trobar,
las músicas acordadas
que tañían?
¿Qué se hizo aquel dançar,
aquellas ropas chapadas
que traían?

Pues el otro, su heredero,
don Enrique, ¡qué poderes
alcanzaba!
¡Cuán blando, cuán halaguero
el mundo con sus placeres
se le daba!
Mas verás cuán enemigo,
cuán contrario, cuán cruel
se le mostró;
habiéndole seido amigo,
¡cuán poco duró con él
lo que le dió!
Las dádivas desmedidas,
los edificios reales
llenos d’ oro,
las baxillas tan febridas,
los enriques e reales
del tesoro;
los jaeces, los cavallos
de sus gentes e atavíos
tan sobrados,
¿dónde iremos a buscallos?
¿qué fueron sino rocíos
de los prados?

Pues su hermano el inocente,
qu’ en su vida sucesor
le ficieron
¡qué corte tan excellente
tuvo e cuánto grand señor
le siguieron!
Mas, como fuese mortal,
metióle la muerte luego
en su fragua.
¡Oh, juïcio divinal,
cuando más ardía el fuego,
echaste agua!

Pues aquel gran Condestable,
maestre que conoscimos
tan privado,
non cumple que dél se hable,
Mas sólo como lo vimos
degollado.
Sus infinitos tesoros,
sus villas y sus lugares,
su mandar,
¿qué le fueron sino lloros?
¿Qué fueron sino pesares
al dexar?

E los otros dos hermanos,
maestres tan prosperados
como reyes,
C’a los grandes e medianos
truxeron tan sojuzgados
a sus leyes;
aquella prosperidad
qu’en tan alta fue subida
y ensalzada,
¿qué fue sino claridad
que cuando más encendida
fue amatada?

Tantos duques excellentes,
tantos marqueses e condes
e varones
como vimos tan potentes,
di, Muerte, ¿dó los escondes
e traspones?
E las sus claras hazañas
que hicieron en las guerras
y en las paces,
cuando tú, cruda, t’ensañas,
con tu fuerça las atierras
E deshaces.

Las huestes innumerables,
los pendones, estandartes
e banderas,
los castillos impugnables,
los muros e baluartes
e barreras,
la cava honda, chapada,
o cualquier otro reparo,
¿qué aprovecha?
cuando tú vienes airada,
todo lo pasas de claro
con tu flecha.

[…………………………………………………]

«Coplas» sur la mort de son père

Que l’âme endormie s’éveille,
L’esprit s’avive et s’anime,
Contemplant
Comme s’écoule la vie,
Comme s’approche la mort
Tant muette;
Comme le plaisir part vite,
Et, remémoré, qu’il est
Douloureux,
Comme à notre entendement
Tout moment dans le passé
Fut meilleur.

Lors si voyons le présent
Si vitement en allé,
Achevé,
Si nous jugeons sagement,
Nous tiendrons le non venu
Pour passé.
Que nul ne se leurre, non,
Pensant que ce qu’il attend
Durera
Plus que dura ce qu’il vit,
Puisque tout s’écoulera
Mêmement.

Nos vies, elles sont les fleuves
Qui vont se perdre en la mer
Du mourir;
Là s’en vont les seigneuries
Sans détours se consumer
Et s’éteindre;
Là vont les fleuves majeurs,
Là vont les autres, moyens
Ou petits,
Et là deviennent égaux,
Ceux qui vivent de leurs mains
Et les riches.

J’omets les invocations
Des très fameux orateurs
Et poètes;
N’ai cure de leurs fictions,
Elles ont d’herbes secrètes
La saveur.
Á celui-là seul me fie,
Celui seul, en vérité,
Que j’invoque,
Lui qui vécut en ce monde
Où fut sa divinité
Méconnue.

……………………………

Dites- moi, que sont beauté
Gentille fraîcheur et teint
Du visage,
La roseur et la blancheur,
Lorsque vieillesse survient,
Que sont-elles?
L’adresse et l’agilité
Et la force corporelle
De jeunesse,
Tout se mue en pesanteur
Quand on parvient au faubourg
De vieillesse.
……………………………….

Où est le roi Don Juan?
Et les infants d’Aragon
Où sont-ils?
Qu’advint-il de ces galants,
De toutes les inventions
Qu’apportèrent?
Les joutes et les tournois,
Les parements, broderies
Et cimiers,
Que furent sinon chimères,
Que furent-ils sinon herbes
Dans les aires?

Que sont devenues ces dames
Leurs coiffes et vêtements
Leurs parfums?
Que sont devenues les flammes
Des feux où se consumaient
Les amants?
Qu’advint-il de ces trouvères,
Des musiques mélodieuses
Qu’ils jouaient?
Que sont devenues leurs danses,
Et ces robes damassées
Qu’ils portaient?

Et, l’autre, son héritier,
Don Enrique, à quel pouvoir
Parvenait!
Combien doux, combien flatteur
Le monde avec ses plaisirs
Se donnait!
Mais voyez combien adverse,
Combien contraire et cruel
Se montra:
L’ayant comblé d’amitié,
Combien peu dura pour lui
Son offrande.

Les présents démesurés,
Les édifices royaux
Garnis d’or,
Les vaisselles scintillantes,
Les écus et les réaux
Du trésor,
Les harnais et les chevaux
De ses gens et leurs parures
Opulentes,
Où irons-nous les chercher?
Qu’étaient-ils, sinon rosée
Sur les prés?

Et son frère l’innocent,
Que l’on fit son successeur,
Lui vivant,
Qu’excellente fut sa cour,
Et combien de grands seigneurs,
Le suivirent!
Mais comme il était mortel,
L’emporta bientôt la Mort
Dans sa forge.
Ô céleste jugement!
Quand le feu ardait le plus,
L’eau tomba.

Puis ce fameux connétable,
Grand-Maître que nous connûmes
Favori,
Point ne sied d’en dire plus,
Hormis que décapité
Nous le vîmes.
Ses innombrables trésors,
Et ses villes et ses bourgs,
Et ses charges,
Que lui furent, sinon larmes?
Que furent-ils sinon peine,
les quittant?

Aussi les deux autres frères,
Maîtres prospères autant
Que des rois,
Qui les grands et les petits
Fortement assujétirent
Á leurs lois;
Cette prospérité-là
Aux grandes cimes portée
Et louée,
Que fut donc sinon lueur
Qui lorsque plus éclatante
Fut éteinte?

Et tant de ducs renommés,
Tant de marquis et de comtes,
de barons,
Que nous vîmes si puissants,
Dis, Mort, où les caches-tu
Et les gardes?
Toutes les actions fameuses
Qu’ils accomplirent en guerre
Et en paix,
Toi, cruelle, tu t’acharnes,
Et ta force les renverse
Et défait.

Les innombrables armées,
Les pennons, les étendards,
Les bannières,
Les châteaux inexpugnables,
les murailles, les remparts,
Les barrières,
Les fossés forts et profonds,
Où n’importe quel refuge,
Á quoi servent?
Car tu viens irritée,
Tout, à ton gré, tu transperces
de ta flèche.

………………………………………

Coplas, GLM, Paris, 1962. Traduction Guy Lévis-Mano.

Les Coplas ont été traduites par Guy Lévis Mano (Coplas, Éditions GLM, 1962), puis par Guy Debord (Stances sur la mort de son père, Champ libre, 1980, réédition Le Temps qu’il fait, 1996). Serge Fauchereau a publié une traduction en 2005 aux éditions Séquences. Michel Host, une autre en 2011 aux Éditions de l’Atlantique.

Edith Aron – Julio Cortázar

Édith Aron.

Edith Aron est décédée à Londres le 25 mai 2020. Elle avait 96 ans. Julio Cortázar avait utilisé certains aspects de sa personnalité pour construire le personnage de La Sibylle (La Maga) dans son roman Marelle (Rayuela. 1963).

Elle était née dans une famille juive à Hombourg en Sarre en 1923, mais avait émigré avec sa mère en Argentine avant la Seconde Guerre Mondiale. Elle vécut toute sa jeunesse à Buenos Aires. Elle avait rencontré l’écrivain argentin en 1950 dans le bateau qui les menait en France. Elle revenait alors en Europe pour revoir son père qui avait survécu en France à la guerre.

Elle épousa le peintre britannique John Bergin en 1968. Ils eurent une fille Joanna, chanteuse et photographe. Édith Aron et John Bergin vécurent en Argentine, puis en Angleterre. Ils se séparèrent en 1976. Elle traduisit Julio Cortázar en allemand, mais aussi Jorge Luis Borges, Octavio Paz et Silvina Ocampo. Elle vivait dans un petit appartement du quartier St. John’s Wood à Londres.

Rayuela. 1963.

«¿Encontraría a la Maga? Tantas veces me había bastado asomarme, viniendo por la rue de Seine, al arco que da al Quai de Conti, y apenas la luz de ceniza y olivo que flota sobre el río me dejaba distinguir las formas, ya su silueta delgada se inscribía en el Pont des Arts, a veces andando de un lado a otro, a veces detenida en el pretil de hierro, inclinada sobre el agua. Y era tan natural cruzar la calle, subir los peldaños del puente, entrar en su delgada cintura y acercarme a la Maga que sonreía sin sorpresa, convencida como yo de que un encuentro casual era lo menos casual en nuestras vidas, y que la gente que se da citas precisas es la misma que necesita papel rayado para escribirse o que aprieta desde abajo el tubo de dentífrico.»

“Horacio y la Maga no tenían nada que ver, él analizaba demasiado todo, ella sólo vivía”.

Elle disait: “Yo no soy La Maga. Yo soy mi propia persona”.

Marelle (Rayuela) a été publié en France chez Gallimard en 1967. Traduction: Laure Guille-Bataillon et Françoise Rosset. Réédition: Collection L’Imaginaire n° 51, Gallimard 1979.