El Cortijo del Fraile – Federico García Lorca

El Cortijo del Fraile. Parc Naturel de Cabo de Gata (Almería), (Martin A. Doe.)

Il y avait hier dans le journal El País un article sur le Parc naturel de Cabo de Gata-Níjar : Por los cortijos de Cabo de Gata en busca de rincones. C’est un endroit fragile et assez fascinant où je suis allé deux fois, en 1999 et 2005.

https://elviajero.elpais.com/elviajero/2022/07/15/actualidad/1657874975_508225.html

El Cortijo del Fraile a été construit par les Dominicains au XVIII ème siècle. Il est passé dans les mains de l’état en 1836 (Loi de désamortissement du ministre Juan Álvarez Mendizábal), puis a été vendu à des intérêts privés. Les ruines du bâtiment et ses 730 hectares sont aujourd’hui la propriété de l’entreprise de Murcia, Agrícola La Misión, S. L. La ferme est située au sud-est de Níjar (Almería). Les touristes curieux ne trouvent pas le lieu facilement. Les communes les plus proches proches sont Los Albaricoques y Rodalquilar, célèbre pour ses anciennes mines d’or.

El Cortijo del Fraile est connu pour plusieurs raisons. La première pour le crime (Crimen de Níjar) qui eut lieu le 22 juillet 1928. Francisca Cañada Morales (1907 ou 1908-1987) en fut la protagoniste. Paca la Coja (c’était son surnom) avait 20 ans et allait se marier avec Casimiro Pérez Pino. Francisca et son cousin, Francisco Montes Cañada, dix ans plus âgé (Leonardo dans l’oeuvre de García Lorca alors que tous les autres personnages ne portent pas de nom) s’enfuirent sur une mule avant la cérémonie de mariage. Le frère de Casimiro, José, pour venger l’honneur de la famille, les surprit et tua Francisco de trois coups de fusil à quelques kilomètres du Cortijo del Fraile. Paca la Coja que l’on avait essayé d’étrangler vécut célibataire toute sa vie dans les environs. Ce fait divers fut beaucoup commenté par la presse de l’époque. Il inspira le roman Puñal de Claveles (1931) de Carmen de Burgos (1867-1932) et surtout la pièce de théâtre de Federico García Lorca, Bodas de sangre (Noces de sang, écrite en 1931, représentée à Madrid au Théâtre Beatriz le 8 mars 1933 par la Compagnie de Josefina Díaz et Manuel Collado).

La ferme et ses environs apparaissent aussi dans les westerns spaghetti de Sergio Leone Pour quelques dollars de plus (1965) Le bon, la brute et le truand (1966) Il était une fois la révolution (1971) (1966) ou de Damiano Damiani, El Chuncho (1966)

Bien que le site soit un Bien de Interés Cultural, les murs s’écroulent, le clocher de l’église penche dangereusement et la végétation envahit les bâtiments.

Photo prise en 1999. (CF)

” La Novia

¡Porque yo me fui con el otro, me fui! (Con angustia). Tú también te hubieras ido. Yo era una mujer quemada, llena de llagas por dentro y por fuera, y tu hijo era un poquito de agua de la que yo esperaba hijos, tierra, salud. Pero el otro era un río oscuro, lleno de ramas, que acercaba a mí el rumor de sus juncos y su cantar entre dientes. Y yo corría con tu hijo que era como un niñito de agua fría y el otro me mandaba cientos de pájaros que me impedían el andar y que dejaban escarcha sobre mis heridas de pobre mujer marchita, de muchacha acariciada por el fuego. Yo no quería, ¡óyelo bien! ; Yo no quería. ¡Tu hijo era mi fin y yo no lo he engañado, pero el brazo del otro me arrastró como un golpe de mar, como la cabezada de un mulo, y me hubiera arrastrado siempre, siempre, siempre, aunque hubiera sido vieja y todos los hijos de tu hijo me hubiesen agarrado de los cabellos!”

” La Fiancée
Je suis partie avec l’autre. Je suis partie (avec angoisse) Toi aussi tu l’aurais suivie ! J’étais brûlée, couverte de plaies en dedans et en dehors. Ton fils était l’eau fraîche dont j’attendais des enfants, la santé. Mais l’autre était un fleuve obscur sous la ramée. Il apportait vers moi la rumeur de ses joncs, sa chanson murmurante. Je courais avec ton fils qui, lui, était tout froid comme un petit enfant de l’eau. Et l’autre par centaine m’envoyait des oiseaux qui m’empêchaient de marcher et qui laissaient du givre sur mes blessures de pauvre femme flétrie, de jeune fille caressée par le feu. Je ne voulais pas, entends moi bien , je ne voulais pas. Ton fils était mon salut et je ne l’ai pas trompé, mais le bras de l’autre m’a entraînée comme un paquet de mer, comme vous pousse le coup de tête d’un mulet. Et même si j’avais été une vieille femme avec tous les enfants nés de ton fils accrochés à mes cheveux, il m’aurait emportée.” (Traduction Marcelle Auclair)

Federico García Lorca

La vocation poétique de Federico García Lorca est assez tardive. Elle ne commence vraiment que lorsqu’il abandonne l’étude régulière de la composition musicale à la mort de son professeur de musique Antonio Segura en mai 1916. Néanmoins, il jouera de la guitare et du piano avec grand talent toute sa vie. Il ne faut pas oublier que Manuel de Falla dira de lui qu’il aurait pu être encore plus grand musicien que poète. Il commence par des textes en prose (Impressions et paysages – Impresiones y paisajes, recueil publié à compte d’auteur à Grenade au début d’avril 1918). En 1916-1917, il a participé avec un groupe d’étudiants à quatre excursions universitaires sous la direction du professeur de littérature et d’art de l’université de Grenade, Martín Domínguez Berrueta. Il découvre la Castille et rencontre Antonio Machado à Baeza et Miguel de Unamuno à Salamanque. Son Livre de poèmes est publié à Madrid le 15 juin 1921 grâce à l’aide de son ami, l’éditeur Gabriel Maroto. Ses soixante-huit pièces ont été écrites de 1918 à 1920. On y reconnaît l’influence du romantisme et du symbolisme. Il est encore loin des courants d’avant-garde européens. Le livre est dédicacé à son frère Francisco (Paquito ou Paco, 1902-1976) de quatre ans son cadet qui sera diplomate, puis professeur d’université aux États-Unis.

Granada. Première statue du poète dans sa ville de Grenade (Antonio Corredor). 2010. Avenida de la Constitución.

Lluvia
Enero de 1919
Granada

La lluvia tiene un vago secreto de ternura,
algo de soñolencia resignada y amable,
una música humilde se despierta con ella
que hace vibrar el alma dormida del paisaje.

Es un besar azul que recibe la Tierra,
el mito primitivo que vuelve a realizarse.
El contacto ya frío de cielo y tierra viejos
con una mansedumbre de atardecer constante.

Es la aurora del fruto. La que nos trae las flores
y nos unge de espíritu santo de los mares.
La que derrama vida sobre las sementeras
y en el alma tristeza de lo que no se sabe.

La nostalgia terrible de una vida perdida,
el fatal sentimiento de haber nacido tarde,
o la ilusión inquieta de un mañana imposible
con la inquietud cercana del color de la carne.

El amor se despierta en el gris de su ritmo,
nuestro cielo interior tiene un triunfo de sangre,
pero nuestro optimismo se convierte en tristeza
al contemplar las gotas muertas en los cristales.

Y son las gotas: ojos de infinito que miran
al infinito blanco que les sirvió de madre.

Cada gota de lluvia tiembla en el cristal turbio
y le dejan divinas heridas de diamante.
Son poetas del agua que han visto y que meditan
lo que la muchedumbre de los ríos no sabe.

¡Oh lluvia silenciosa, sin tormentas ni vientos,
lluvia mansa y serena de esquila y luz suave,
lluvia buena y pacifica que eres la verdadera,
la que llorosa y triste sobre las cosas caes!

¡Oh lluvia franciscana que llevas a tus gotas
almas de fuentes claras y humildes manantiales!
Cuando sobre los campos desciendes lentamente
las rosas de mi pecho con tus sonidos abres.

El canto primitivo que dices al silencio
y la historia sonora que cuentas al ramaje
los comenta llorando mi corazón desierto
en un negro y profundo pentágrama sin clave.

Mi alma tiene tristeza de la lluvia serena,
tristeza resignada de cosa irrealizable,
tengo en el horizonte un lucero encendido
y el corazón me impide que corra a contemplarte.

¡Oh lluvia silenciosa que los árboles aman
y eres sobre el piano dulzura emocionante;
das al alma las mismas nieblas y resonancias
que pones en el alma dormida del paisaje!

Libro de poemas, 1921.

Pluie

La pluie a comme un vague secret de tendresse,
Plein de résignation, de somnolence aimable.
Discrète, une musique avec elle s’éveille
Qui fait vibrer l’âme lente du paysage.

C’est un baiser d’azur que la Terre reçoit,
Le mythe primitif accompli de nouveau,
Le contact d’une terre et d’un ciel déjà froids
Dans la douceur d’un soir qui n’en finit jamais.

C’est l’aurore du fruit, la porteuse de fleurs,
La purification du Saint-Esprit des mers.
C’est elle qui répand la vie sur les semailles
Et dans nos cœurs le sentiment de l’inconnu.

La nostalgie terrible d’une vie perdue,
Le sentiment fatal d’être arrivé trop tard,
L’espérance inquiète d’un futur impossible,
Et l’inquiétude, sœur des douleurs de la chair.

Elle éveille l’amour dans le gris de ses rythmes.
Notre ciel intérieur s’empourpre de triomphe;
Mais bientôt nos espoirs en tristesse se changent
Á contempler sur les carreaux ses gouttes mortes.

Ses gouttes sont les yeux de l’infini qui voient
Le blanc de l’infini qui leur donna naissance.

Chaque goutte de pluie en tremblant sur la vitre
Y fait, divine, une blessure de diamant,
Poétesse de l’eau qui a vu et médite
Ce qu’ignore la foule des ruisseaux et des fleuves

Sans orages ni vents, ô pluie silencieuse,
Douceur sereine de sonnaille et de lumière,
Pacifique bonté, la seule véritable,
Qui, amoureuse et triste, sur toute chose tombes,

Ô pluie franciscaine où chaque goutte porte
Une âme claire de fontaine et d’humble source,
Quand lentement sur la campagne tu descends,
Les roses de mon cœur à ta musique s’ouvrent.

Le psaume primitif que tu dis au silence,
Le conte mélodieux que tu dis aux ramées,
Mon cœur dans son désert le répète en pleurant
Sur les cinq lignes noires d’une portée sans clé.

J’ai la tristesse en moi de la pluie sereine,
Tristesse résignée de l’irréalisable.
Je vois à l’horizon une étoile allumée
mais mon cœur m’interdit de courir pour la voir.

Tu mets sur le piano une douceur troublante,
Ô pluie silencieuse, ô toi qu’aiment les arbres.
Tu donnes à mon cœur les vagues résonances
Qui vibrent dans l’âme lente du paysage.

Livre de poèmes. Oeuvres complètes. Bibliothèque de la Pléiade. NRF. 1981. Traduction André Belamich.

Première édition de Libro de Poemas. 1921

Après Pablo Neruda et Federico García Lorca, un troisième poème sur le thème de la pluie en cette période de canicule et de sécheresse, celui de Jorge Luis Borges. https://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/12/09/jorge-luis-borges-11/

Pablo Neruda

Pablo Neruda (Ricardo Reyes), 1919.

Pablo Neruda est né le 12 juillet 1904 à Parral (province de Linares, région du Maule). Il perd sa mère qui meurt de tuberculose le 14 septembre 1904. Son père, José del Carmen Reyes Morales (1872-1938), employé des chemins de fer chiliens, déménage en 1905 avec son fils à Temuco, petite ville de la province de Cautín, region d’ Araucanie. Il se remarie en 1906 avec Trinidad Candia Marverde, la « mamadre » (1869-1938).

Le premier apprentissage du poète c’est la nature de l’Araucanie. La pluie est omniprésente. Elle peut être dangereuse mais a aussi un grand pouvoir poétique.

«Mi infancia son zapatos mojados, troncos rotos
caídos en la selva, devorados por lianas
y escarabajos, dulces días sobre la avena,
y la barba dorada de mi padre saliendo
hacia la majestad de los ferrocarriles. »
(Canto general, 1950)

«J’eus pour enfance des souliers mouillés, des troncs brisés
tombés dans la forêt, dévorés par les lianes
et les scarabées, j’eus des journées douces sur l’avoine
et la barbe dorée de mon père partant
pour la majesté des chemins de fer. »
(Chant général, 1977. Traduction de Claude Couffon)

Il l’évoque aussi dans ce poème sur l’Île de Pâques.

XIV El gran océano

VII. La lluvia (Rapa Nui)

No, que la reina no reconozca
tu rostro, es más dulce
así, amor mío, lejos de las efigies, el peso
de tu cabellera en mis manos, recuerdas
el árbol de Mangareva cuyas flores caían
sobre tu pelo? Estos dedos no se parecen
a los pétalos blancos: míralos, son como raíces,
son como tallos de piedra sobre los que resbala
el lagarto. No temas, esperemos que caiga la lluvia, desnudos,
la lluvia, la misma que cae sobre Manu Tara.

Pero así como el agua endurece sus rasgos en la piedra,
sobre nosotros cae llevándonos suavemente
hacia la oscuridad, más abajo del agujero
de Ranu Raraku. Por eso
que no te divise el pescador ni el cántaro. Sepulta
tus pechos de quemadura gemela en mi boca,
y que tu cabellera sea una pequeña noche mía,
una oscuridad cuyo perfume mojado me cubre.

De noche sueño que tú y yo somos dos plantas
que se elevaron juntas, con raíces enredadas,
y que tú conoces la tierra y la lluvia como mi boca,
porque de tierra y de lluvia estamos hechos. A veces
pienso que con la muerte dormiremos abajo,
en la profundidad de los pies de la efigie, mirando
el Océano que nos trajo a construir y a amar.

Mis manos no eran férreas cuando te conocieron, las aguas
de otro mar las pasaban como a una red; ahora
agua y piedras sostienen semillas y secretos.

Ámame dormida y desnuda, que en la orilla
eres como la isla: tu amor confuso, tu amor
asombrado, escondido en la cavidad de los sueños,
es como el movimiento del mar que nos rodea.

Y cuando yo también vaya durmiéndome en tu amor, desnudo,
deja mi mano entre tus pechos para que palpite
al mismo tiempo que tus pezones mojados en la lluvia.

Canto general, 1950.

XIV. Le grand océan

VII . La pluie (Rapa Nui)

Non, que la reine n’identifie pas
ton visage il est plus doux
ainsi, mon amour, loin des effigies, le poids
de ta chevelure dans mes mains, te souviens-tu
de l’arbre de Mangareva, avec ses fleurs tombant
sur tes cheveux ? Ces doigts que tu vois ne ressemblent pas
aux blancs pétales : regarde-les ils sont pareils à des racines,
pareils à des tiges de pierre sur lesquelles le lézard glisse.
Ne t’effraie pas, attendons nus que la pluie tombe,
la pluie, la même pluie qui tombe sur Manu Tara.

Mais l’eau, de même qu’elle durcit ses traits sur la pierre,
tombe sur nous et tout doucement nous entraîne
vers la nuit, plus bas que la fosse
de Ranu Raraku : il ne faut pas
que le pêcheur ou que la jarre t’aperçoivent. Enfouis
tes seins de brûlures jumelles dans ma bouche
et que ta chevelure soit pour moi nuit miniature,
obscurité me recouvrant de son parfum mouillé.

La nuit je rêve que nous sommes toi et moi
deux plantes qui, leurs racines mêlées, grandirent ensemble,
et que tu connais la terre et la pluie comme ma bouche,
puisque nous sommes faits de terre et pluie. Il m’arrive
de penser que la mort venue nous dormirons
dans la profondeur des pieds de l’image, regardant
l’Océan qui nous a poussés à construire, à aimer.

Mes mains quand elle te connurent n’étaient pas
de fer. Les eaux
d’une autre mer les traversaient comme un filet ; et maintenant
eau et pierres soutiennent graines et secrets.

Aime-moi nue et endormie, car sur la rive
tu es pareille à l’île : ton amour confus,
surpris, ton amour caché dans le creux des rêves,
ressemble au mouvement marin qui nous entoure.

Et lorsque je m’endormirai, nu, à mon tour,
dans ton amour,
laisse ma main entre tes seins : qu’elle palpite
en même temps que leurs bourgeons mouillés de pluie.

Chant général. Éditions Gallimard, 1977. Traduction : Claude Couffon. NRF Poésie/Gallimard n°182.

Ahu Tongariki est le plus grand « ahu » (plateforme cérémonielle) de Rapa Nui – Ile de Pâques. Quinze moaï se trouvent là, dont le plus lourd existant (86 tonnes). Le site se trouve au bord de la baie d’Hotuiti, dans la partie orientale de l’île.

Miguel Hernández

J’avais déjà publié ce poème sur ce blog le 30 octobre 2018, mais sans la traduction en français.

Madrid, Parque del Oeste. Monumento a Miguel Hernández. 1985 (Arquitecto : Enrique Domínguez Uceta. Escultor : Miguel Ángel López Calleja)

Canción última

Pintada, no vacía:
pintada está mi casa
del color de las grandes
pasiones y desgracias.

Regresará del llanto
adonde fue llevada
con su desierta mesa
con su ruinosa cama.

Florecerán los besos
sobre las almohadas.
Y en torno de los cuerpos
elevará la sábana
su intensa enredadera
nocturna, perfumada.

El odio se amortigua
detrás de la ventana.

Será la garra suave.

Dejadme la esperanza.

El hombre acecha. 1938-39.

Dernière chanson

Ma maison est peinte, et non vide ;
Elle est peinte
de la couleur des grandes passions
et des grands malheurs.

Elle fuira les pleurs
là où on voulut la laisser,
elle reviendra avec sa table nue,
ma maison au lit de misère.

Fleuriront les baisers
sur les oreillers.
Et autour des corps
le drap soulèvera
son profond liseron
nocturne et parfumé.

La haine s’estompe
derrière la fenêtre.

La poigne sera douce.

Laissez-moi l’espérance.

Traduction de Jacinto Luis Guereña.

Fina García Marruz

Cintio Vitier – Fina García Marruz. 1997 (Consuelo Bautista).

Fina García Marruz (Josefina García-Marruz Badía), poétesse et essayiste cubaine, est décédée à 99 ans le 27 juin 2022 à La Havane. Elle était née dans cette même ville le 28 avril 1923. Elle faisait partie du groupe de poètes de la mythique revue Orígenes (40 numéros de 1944 à 1956), créée et dirigée par José Lezama Lima qui a réinventé le baroque dans la littérature contemporaine de langue espagnole.

Cette génération (Gastón Baquero, 1914-1997, Eliseo Diego, son beau-frère, 1920-1994, Cintio Vitier, son mari, 1921-2009) a été marquée par des écrivains espagnols tels que Juan Ramón Jiménez, Federico García Lorca et María Zambrano.

Une partie de ces écrivains cubains se sont opposés au régime de Fidel Castro. Elle et son mari s’en sont accommodés plus ou moins.

L’œuvre de Fina García Marruz est marquée par une spiritualité catholique, associée à un ton quotidien et intime.

Elle a fait des études supérieures et obtenu son doctorat en sciences sociales à l’université de La Havane en 1961. À partir de 1962, elle est chercheuse littéraire à la Bibliothèque nationale José-Martí de Cuba. Puis, de 1977 à 1987, elle travaille au Centro de Estudios Martianos. Elle est membre de l’équipe chargée de l’édition critique des Œuvres complètes du poète et père de l’indépendance de l’île au XIX siècle.

Elle a reçu notamment le prix national de littérature en 1990, le prix chilien Pablo Neruda de poésie ibéro-américaine en 2007, le prix Reina Sofía de poésie ibéro-américaine en 2011, le prix Ciudad de Granada Federico García Lorca la même année.

Principales œuvres :

Poésie
Las miradas perdidas. 1944-1950. Ucar García, La Havane, 1951.
Visitaciones. Unión Nacional de Escritores y Artistas de Cuba, La Habana, 1970.
Viaje a Nicaragua (avec Cintio Vitier). Letras Cubanas, La Habana, 1987.
Créditos de Charlot. Ediciones Vigía de la Casa del Escritor, Matanzas, 1990.
Habana del centro. La Havane, 1997.
El instante raro. Pre-Textos, Valence, 2010.

Essais

La familia de “Orígenes”. La Havane, 1997.

Darío, Martí y lo germinal americano. Ediciones Unión. La Havane, 2001.

Juana Borrero y otros ensayos, 14 textos. La isla infinita, 2011.

Ama la superficie casta y triste

Sé el que eres (Píndaro)

Ama la superficie casta y triste.
Lo profundo es lo que se manifiesta.
La playa lila, el traje aquel, la fiesta
pobre y dichosa de lo que ahora existe

Sé el que eres, que es ser el que tú eras,
al ayer, no al mañana, el tiempo insiste,
sé sabiendo que cuando nada seas
de ti se ha de quedar lo que quisiste.

No mira Dios al que tú sabes que eres
– la luz es ilusión, también locura –
sino la imagen tuya que prefieres,

que lo que amas torna valedera,
y puesto que es así, sólo procura
que tu máscara sea verdadera.

Cuando el tiempo ya es ido

Cuando el tiempo ya es ido, uno retorna
como a la casa de la infancia, a algunos
días, rostros, sucesos que supieron
recorrer el camino de nuestro corazón.
Vuelven de nuevo los cansados pasos
cada vez más sencillos y más lentos,
al mismo día, el mismo amigo, el mismo
viejo sol. Y queremos contar la maravilla
ciega para los otros, a nuestros ojos clara,
en donde la memoria ha detenido
como un pintor, un gesto de la mano,
una sonrisa, un modo breve de saludar.
Pues poco a poco el mundo se vuelve impenetrable,
los ojos no comprenden, la mano ya no toca
el alimento innombrable, lo real.

Yo quiero ver

Yo quiero ver la tarde conocida,
el parque aquel que vimos tantas veces.
Yo quiero oír la música ya oída
en la sala nocturna que me mece
el tiempo más veraz. Oh qué futuro
en ti brilla más fiel y esplendoroso,
qué posibilidades en tu hojoso
jardín caído, infancia, falso muro.
¡Sustancia venidera de la oscura
tarde que fue! ¡Oh instante, astro velado!
Te quiero, ayer, mas sin nostalgia impura,
no por amor al polvo de mi vida,
sino porque tan sólo tú, pasado,
me entrarás en la luz desconocida.

Habana del Centro, 1997.

 

Fernando Aramburu – Vicente Aleixandre

Fernando Aramburu, retratado en Hannover, donde reside.

Vicente Aleixandre (1898-1984) est un grand poète de la génération de 1927. Á cause de sa santé, il sortait peu de sa maison de Madrid (Velintonia, 3, aujourd’hui, Vicente Aleixandre), situé près de la Cité Universitaire. Il a obtenu le Prix Nobel de littérature en 1977. La Asociación de Amigos de Vicente Aleixandre (Velintonia 3) essaie depuis plus de 25 ans de sauver cet endroit de la destruction et de créer une Maison de la Poésie.

Fernando Aramburu, l’auteur de Patria (Tusquets 2016, publié en français sous le même titre chez Actes Sud en 2018, traduit par Claude Bleton),  a publié le 21 juin dernier un article dans le journal El País s’étonnant du peu d’intérêt de la mairie de Madrid et du gouvernement de la Communauté de protéger ce lieu hautement symbolique du la littérature espagnole du XX ème siècle.

El País, 21/06/2022

Casa rota (Fernando Aramburu)

A finales de los setenta, de paso por Madrid, tuve el propósito de presentarme en casa de Vicente Aleixandre, en Velintonia 3. La calle lleva hoy, por una decisión controvertida, su nombre. Sabido es que la casa fue durante muchos años lugar de reunión de poetas y que a ella acudían asimismo escritores noveles, deseosos de conocer en persona al maestro. Por los días de mi tentativa, Aleixandre ya había recibido el Premio Nobel de Literatura. Estaba el hombre muy solicitado y un problema grave de la vista, sobre el que me puso al corriente otro poeta, Rafael Morales, truncó la visita. Aleixandre murió un día invernal de 1984. Quedan sus obras para disfrute de quienes tengan la disposición sensible de activar una experiencia poética de primera magnitud. Y queda la casa entre cuyas paredes sonó alguna vez la voz de Federico García Lorca, de Miguel Hernández, de Luis Cernuda, de tantos otros que dejaron huella en la historia de la literatura española.

Hace unos años visité la casa. Alejandro Sanz, presidente de la Asociación de Amigos de Vicente Aleixandre, me facilitó el acceso. Encontré paredes desconchadas, suelos levantados, cuartos vacíos, polvo y grietas. Sentí una mezcla de vergüenza y pena que ha ido derivando hacia la resignación conforme veo alejarse la posibilidad de convertir el sitio en una Casa de la Poesía, con indudable provecho cultural para los ciudadanos.

El asunto es arduo. Los herederos buscan su beneficio crematístico. Las sucesivas administraciones no han querido o podido costear una solución adecuada. El Consejo de Gobierno de la Comunidad de Madrid ha declarado la casa como bien de interés patrimonial, y no de interés cultural, lo que supondría una protección mayor. No seré yo quien se sorprenda si el inigualable santuario de la poesía, hoy en venta, acaba convertido en una tasca.

Casa de Vicente Aleixandre. Madrid, Calle de Velintonia 3 (Julián Rojas).

Antonio Buero Vallejo – Miguel Hernández

(Merci à José Ramón Seco)

Antonio Buero Vallejo ( 1916-2000)

El País, 28 de marzo de 1982

El dramaturgo Buero Vallejo recuerda a su compañero de cárcel (Carmen Santamaría)

El 28 de marzo de 1942 moría en el Reformatorio de Adultos de Alicante el poeta Miguel Hernández. Había sido detenido por la policía portuguesa cuando intentaba refugiarse en el país vecino, y entregado a las autoridades españolas. Juzgado y condenado a muerte, Miguel pasó por varios centros penitenciarios hasta desembocar en el de su patria chica, donde la enfermedad acabaría con su peregrinación. Fue enterrado en el nicho número 1.009 de la ciudad de Alicante. Durante su estancia en la prisión de Conde de Toreno, en Madrid, Miguel Hernández tuvo una amistad singular, la del entonces pintor Antonio Buero Vallejo, a quien debemos el dibujo más conocido del poeta. Buero Vallejo recuerda en esta entrevista aquella relación entre rejas cuando se cumplen cuarenta años de la desaparición de su compañero Miguel Hernández.

“Yo conocí a Miguel en el último año de la guerra”, declara Buero Vallejo. “Le conocí en Benicasim; yo estaba en unas oficinas de trabajos diversos, y él había sido conducido al hospital. No tenia ninguna herida, pero estaba muy fatigado y necesitaba reponerse. Durante los veinte o treinta días que permaneció allí nos vimos poco, nada más que en las comidas, porque nos sentábamos a la misma mesa. Fue una relación superficial. Terminada la guerra, yo ingresé en la prisión de Conde de Toreno, y tiempo después llegó él. Me di a reconocer, me recordó enseguida y, entonces sí, entablamos una buena amistad que duró todo el tiempo que estuvimos juntos. Yo estaba ya en la galería de condenados a muerte, y él, como también fue condenado, vino a parar a la misma galería.

Pregunta. ¿Cómo se desarrolló su amistad? ¿Qué hacían ustedes cuando estaban juntos?

Respuesta. Hablábamos mucho; hablábamos sobre la tensa situación que vivíamos, hablábamos sobre los temas que para el hombre con inquietudes culturales son tan esenciales como el comer. Hablábamos de la poesía del 27, de la que él era como el benjamín, de la literatura en general, de su propia literatura. Yo entonces no me dedicaba todavía a escribir, pero hacía retratos, y ambos nos sabíamos artistas. Paseábamos por el palio de la cárcel, y él me recitó muchas de sus poesías, probablemente algunas concebidas en las noches de cárcel, porque él era muy mental, muy reflexivo, y tengo la impresión de que elaboraba sus poemas casi por completo de forma memorística antes de pasarlas al papel. Repasábamos juntos nuestro francés; a él le habían mandado las Cartas de Mme. de Sevigné, y durante bastantes días estuvimos leyéndolas juntos, corrigiéndonos mutuamente.

P. ¿Cómo era y se comportaba Miguel Hernández, el hombre, en aquel período?

R. El era un hombre de exterior abierto, expansivo, rotundo, amigo del chiste, de risa fácil. Era un introvertido profundo que a veces se quedaba ensimismado, distraido y un tanto melancólico, pero de forma espontánea pasaba a la broma, al pitorreo, al canturreo. Cantaba lo mismo cancioncillas ingenuas y vulgares que canciones de guerra que tenían letra suya.

P. ¿Recuerda usted algún hecho especial, alguna anécdota curiosa de aquel contacto carcelario con Miguel?

R. Hay una anécdota que da idea de cómo era este hombre por dentro; por dentro y por fuera. Cuando él entró en nuestra galería, yo comía con un compañero de expediente. Comer significaba compartir con otro u otros las cosas que mandaba la familia, quitándoselo quizá de la boca. Era una costumbre de los presos comer en república. Había mucha hambre, y el hambre era una obsesión primordial. El hambre es una piedra de toque para ver cómo es una persona. Como Miguel apenas recibía alimentos de fuera, mi compañero y yo pensamos invitarle a comer con nosotros. Yo fui a su petate y se Io propuse; él pareció aceptar, pero yo añadí: “Naturalmente, nos vamos a repartir la miseria, pero lo haremos con mucho gusto”. Me pareció un comentario lógico, pero para Miguel tuvo mas trascendencia de lo que imaginé. A la hora del rancho le esperamos, pero no apareció. Yo fui a buscarle, y entonces me dijo: “Mira, no, lo he pensado, y vosotros también estáis muy necesitados…”. Le insistí y no hubo manera de convencerle. Esto es un comportamiento insólito. Que una persona muy hambrienta, como era Miguel en aquel período, muy necesitada, dijese que no a una invitación de este tipo era insólito. Ofrecer lo poco que se tenía era normal, pero rechazarlo era de una abnegación y un desprendimiento inaudito. Era tal la sensibilidad de Miguel que no se permitía aceptar algo sabiendo que restaba: alimento a una persona que también estaba necesitada.

Miguel Hernández (Antonio Buero Vallejo). 25 janvier 1940. Madrid, cárcel del Conde de Toreno.

Luis Cernuda

Luis Cernuda.

Le 20 février dernier, j’avais publié sur ce blog le poème de Luis Cernuda 1936. Il s’agit de l’avant-dernier poème de toute son oeuvre, le dernier étant A sus paisanos ( Á ses compatriotes ). Il fait partie du recueil Desolación de la Quimera ( Désolation de la chimère ) qui regroupe des poèmes écrits entre 1956 et 1962. Cernuda a quitté l’Espagne en février 1938 et vit en exil à México depuis novembre 1952. Il enseigne à l’Université de Californie à Los Angeles et au San Francisco State College en 1961-1962 . Il récite ses poèmes en public. Á la fin d’une de ces séances, un ancien brigadiste est venu le saluer. Il commence à écrire ce poème à San Francisco en décembre 1961 et le termine en avril 1962. La Brigade Abraham Lincoln (ou XVe Brigade internationale) était constituée de volontaires des États-Unis qui avaient servi pendant la guerre civile espagnole dans les Brigades internationales.

Luis Cernuda meurt le 5 novembre 1963 à 61 ans. Il est enterré dans la section espagnole du Panteón Jardín de la ville de México.

Je conseille la lecture de la revue Europe n° 1118-1119-1120 (Juin-juillet-août 2022) Écrivains et reporters dans la guerre d’Espagne. La traduction française de ce poème y figure (pages 13-14-15).

https://www.europe-revue.net/

1936

Recuérdalo tú y recuérdalo a otros,
Cuando asqueados de la bajeza humana,
Cuando iracundos de la dureza humana:
Este hombre solo, este acto solo, esta fe sola.
Recuérdalo tú y recúerdalo a otros.

En 1961 y en ciudad extraña,
Más de un cuarto de siglo
Después. Trivial la circunstancia,
Forzado tú a pública lectura,
Por ella con aquel hombre conversaste:
Un antiguo soldado
En la Brigada Lincoln.

Veinticinco años hace, este hombre,
Sin conocer tu tierra, para él lejana
Y extraña toda, escogió ir a ella
Y en ella, si la ocasión llegaba, decidió apostar su vida,
Juzgando que la causa allá puesta al tablero
Entonces, digna era
de luchar por la fe que su vida llenaba.

Que aquella causa aparezca perdida,
Nada importa;
Que tantos otros, pretendiendo fe en ella
Sólo atendieran a ellos mismos,
Importa menos.
Lo que importa y nos basta es la fe de uno.

Por eso otra vez hoy la causa te aparece
Como en aquellos días:
Noble y tan digna de luchar por ella.
Y su fe, la fe aquella, él la ha mantenido
A tráves de los años, la derrota,
Cuando todo parece traicionarla.
Mas esa fe, te dices, es lo que sólo importa.

Gracias, Compañero, gracias
Por el ejemplo. Gracias porque me dices
que el hombre es noble.
Nada importa que tan pocos lo sean:
Uno, uno tan sólo basta
Como testigo irrefutable
de toda la nobleza humana.

Desolación de la químera. Joaquín Mortiz, México, 1962.

1936

Souviens-t’en et que d’autres s’en souviennent,
Les écoeurés de la bassesse humaine,
Les lassés de la dureté humaine :
Cet homme seul, cet acte seul, cette foi seule,
Souviens-t’en et que d’autres s’en souviennent.

En 1961, dans une ville étrangère,
Et plus d’un quart de siècle
Après. Une circonstance banale,
la contrainte pour toi d’une lecture publique,
Où tu as parlé à cet homme :
Un ancien soldat de la Brigade Lincoln.

Voici vingt-cinq ans, cet homme,
Sans connaître ta terre, lointaine pour lui,
Tout à fait étrangère, a choisi d’y aller
Et si l’occasion s’offrait, d’y engager sa vie,
Jugeant que la cause proposée sur le tableau
Était digne
De lutter pour la foi qui emplissait sa vie.

Que cette cause-là semble perdue,
Peu importe ;
Que tant d’autres, prétendant avoir foi en elle,
Ne s’occupent que d’eux-mêmes,
Aucune importance.
Seule importe et nous suffit la foi d’un seul.

C’est pourquoi la cause aujourd’hui t’apparaît
Comme elle le fit alors :
Noble et si digne de lutter pour elle.
Et sa foi, cette foi-là, il l’a maintenue
Á travers les ans, dans la défaite,
Quand tout semblait la trahir.
Car cette foi, te disais-tu, est ce qui seul importe.

Merci Compagnon, merci
De cet exemple. Merci car tu me dis
Que l’homme est noble.
Peu importe que si peu le soient :
Un seul, il suffit d’un seul
Comme témoin irréfutable
de toute la noblesse humaine.

Traduction : Laurence Breysse-Chanet.

El concurso de cante jondo de 1922

Affiche du premier Concurso de Cante Jondo, canto primitivo andaluz, Grenade, 1922 ( Manuel Ángeles Ortiz y Hermenegildo Lanz ).

En 1922, Manuel de Falla, qui vit à Grenade depuis deux ans, met sur pied, avec certains de ses amis , un événement musical exceptionnel. Il s’agit de sauver le chant primitif andalou (el cante jondo) qui était en train de disparaître en même temps que les vieux cantaores. Il était aussi menacé par la dérive commerciale de certaines tavernes.

Le 13 et le 14 juin 1922 a lieu sur la Place de los Aljibes de l’Alhambra un concours, ouvert seulement aux amateurs. Les prix s’élèvent à 8.500 pesetas. Selon l’idée un peu naïve de Falla, il va permettre de sauver cette musique pure et primitive.

Parmi les participants se trouvent Ignacio Zuloaga, Miguel Cerón Rubio, Manuel Ángeles Ortiz, Ramón Gómez de la Serna, Santiago Rusiñol et Federico García Lorca. Ce dernier lit sa conférence Importancia histórica y artística del primitivo canto andaluz, llamado cante jondo qu’il avait déjà présenté une première fois au Centre Artistique de Grenade le 19 février 1922. Il publiera en 1931 son recueil Poema del cante jondo dont les poèmes ont été rédigés en 1921. Tous ont dans l’idée de protéger cette musique populaire et pensent que le cante jondo peut être source de création innovante.

Pastora Pavón “La Niña de los Peines”, Antonio Chacón, Ramón Montoya, La Gazpacha, Manolo Caracol (Manuel Ortega Juárez), Manuel Torre sont présents. C’est Diego Bermúdez Cala “El Tenazas de Morón” qui remporte la plus haute récompense.

“Ce furent de grandes journées au cours desquelles non seulement des intellectuels de tout le pays, mais aussi des personnalités de grande influence dans la culture européenne se sont réunis dans la ville pour exalter et ennoblir la richesse de l’art flamenco et lui donner la visibilité et la valeur nécessaires pour promouvoir sa conservation et mettre une si belle manifestation culturelle au même niveau que les autres arts reconnus comme tels”.

L’historien Maurice Legendre (1878-1955), un des initiateurs de l’hispanisme, ami de Miguel de Unamuno et proche de Manuel Falla, declare dans la revue catholique Le Correspondant du 10 juillet 1922 : “Ahora podemos decir que el canto hondo de España está salvado. El gramófono ha grabado lo que nuestra notación musical no puede captar”.

Banquet du 16 juin 1922 dans les locaux de la Asociación de Periodistas de Granada.

Miguel Hernández – Ramón Sijé

Elegía a Ramón Sijé

Miguel Hernández à Orihuela. 14 avril 1936. Inauguration de la Place Ramón Sijé.

José Marín Gutiérrez (Ramón Sijé) (Orihuela, 16 novembre 1913 – Orihuela, 24 décembre 1935), est un écrivain, essayiste, journaliste et avocat espagnol. Tout jeune, il est l’ ami de Miguel Hernández (1910-1942). Ils partagent les mêmes intérêts pour la littérature et la politique. Ramón Sijé fonde à Orihuela (Alicante) la revue Voluntad et El Gallo Crisis. Il est l’auteur d’un essai antiromantique La decadencia de la flauta y el reinado de los fantasmas, publié en 1973. Il est marqué par une idéologie catholique conservatrice. Le 13 décembre 1935, il tombe malade (infection intestinale, septicémie) et meurt onze jours plus tard. Le 14 avril 1936, Miguel Hernández lit sa célèbre élégie pour l’inauguration de la Place Ramón Sijé dans leur ville natale, Orihuela. ( Voir Miguel Hernández. Evocando a Sijé. En el ambiente de Orihuela, La Verdad, Murcia, 7 mai 1936 ).

Elegía a Ramón Sijé

(En Orihuela, su pueblo y el mío, se me ha muerto como del rayo Ramón Sijé,
a quien tanto quería…)

Yo quiero ser llorando el hortelano
de la tierra que ocupas y estercolas,
compañero del alma, tan temprano.

Alimentando lluvias, caracolas
y órganos mi dolor sin instrumento,
a las desalentadas amapolas

daré tu corazón por alimento.
Tanto dolor se agrupa en mi costado
que por doler me duele hasta el aliento.

Un manotazo duro, un golpe helado,
un hachazo invisible y homicida,
un empujón brutal te ha derribado.

No hay extensión más grande que mi herida,
lloro mi desventura y sus conjuntos
y siento más tu muerte que mi vida.

Ando sobre rastrojos de difuntos,
y sin calor de nadie y sin consuelo
voy de mi corazón a mis asuntos.

Temprano levantó la muerte el vuelo,
temprano madrugó la madrugada,
temprano estás rodando por el suelo.

No perdono a la muerte enamorada,
no perdono a la vida desatenta,
no perdono a la tierra ni a la nada.

En mis manos levanto una tormenta
de piedras, rayos y hachas estridentes
sedienta de catástrofes y hambrienta.

Quiero escarbar la tierra con los dientes,
quiero apartar la tierra parte a parte
a dentelladas secas y calientes.

Quiero minar la tierra hasta encontrarte
y besarte la noble calavera
y desamordazarte y regresarte.

Volverás a mi huerto y a mi higuera:
por los altos andamios de las flores
pajareará tu alma colmenera
de angelicales ceras y labores.
Volverás al arrullo de las rejas
de los enamorados labradores.

Alegrarás la sombra de mis cejas,
y tu sangre se irá a cada lado
disputando tu novia y las abejas.
Tu corazón, ya terciopelo ajado,
llama a un campo de almendras espumosas
mi avariciosa voz de enamorado.

A las aladas almas de las rosas
del almendro de nata te requiero,
que tenemos que hablar de muchas cosas,
compañero del alma, compañero.

10 de enero de 1936.

El rayo que no cesa, 1936.

Miguel Hernández. El rayo que no cesa. Première édition: Madrid, Ediciones Héroe, 1936.

Élégie

(Á Orihuela, son village et le mien, j’ai perdu Ramón Sijé, foudroyé avec qui j’aimais tant.)

Je veux être le jardinier en pleurs
De cette terre que tu occupes et que tu nourris,
Compagnon de mon âme si tôt parti.

Alimentant de pluies, de coquillages
Et d’orgues ma douleur sans instrument,
Aux coquelicots découragés,

Je donnerai ton cœur an pâture.
Tant de douleur se ramasse en mon flanc,
Que j’en ai mal jusqu’à mon souffle.

Le coup d’une main dure, un coup glacé,
Un coup de hache invisible et homicide,
Une poussée brutale t’as abattu.

Nulle étendue n’est plus grande que ma blessure,
Je pleure ma misère et tout ce qu’elle entraîne
Et je ressens ta mort plus que ma propre vie.

Je marche sur des chaumes de défunts,
Sans chaleur de personne et sans consolation,
Je vais de mon cœur à ma vie quotidienne.

Très tôt se leva le vol de la mort,
Très tôt apparut la pointe du jour,
Très tôt te voilà roulant sur le sol.

Je ne pardonne pas à la mort amoureuse,
Je ne pardonne pas à la vie indifférente,
Je ne pardonne ni à la terre ni au néant.

Dans mes mains, je soulève un orage
De pierres, d’éclairs et de haches stridents,
Affamé et assoiffé de catastrophes.

Je veux fouiller la terre avec mes dents,
Je veux écarter la terre bloc par bloc
Á force de morsures sèches et chaudes.

Je veux miner la terre jusqu’à te retrouver
Et embrasser ton humble crâne
T’enlever le bâillon, te faire revenir.

Tu reviendras à mon jardin, à mon figuier:
Sur les hauts échafaudages des fleurs
Oisellera ton âme butineuse
De cire et de besognes angéliques.
Tu reviendras aux murmures des grilles
Des paysans amoureux.

Tu égaieras l’ombre de mes sourcils,
Et ton sang te sera disputé
Moitié par ta fiancée, moitié par les abeilles.
Ton coeur, maintenant velours fané,
Ma voix avare d’amoureux
L’appelle vers un champ d’amandes écumeuses.

Aux âmes ailées des roses
De l’amandier de crème viens sans tarder,
Nous avons à parler de tant de choses,
Compagnon de mon âme, compagnon.

10 janvier 1936.

Anthologie bilingue de la poésie espagnole. NRF Gallimard. Bibliothèque de la Pléiade. Traduction: Yves Aguila.