Deux expositions exceptionnelles cet automne à Paris:
1) Picasso. Chefs-d’oeuvre! du 4 septembre au 13 janvier au Musée national Picasso.
2) Picasso. Bleu et rose du 18 septembre au 6 janvier au Musée d’Orsay.
1) Quel sens a la notion de chef-d’œuvre pour Pablo Picasso (1881-1973)? L’exposition «Picasso. Chefs-d’œuvre!» répond à cette question en réunissant des œuvres maîtresses, pour certaines présentées à Paris pour la première fois.
L’ensemble propose une nouvelle lecture de la création du peintre, grâce à une attention particulière portée à la réception critique. Le parcours revient ainsi sur les expositions, les revues et les ouvrages qui ont accompagné chaque œuvre et qui ont contribué, au fil des années, à forger leur statut de chefs-d’œuvre. Les archives du Musée national Picasso-Paris occupent une place essentielle dans ce récit.
2) Le musée d’Orsay et le musée Picasso organisent une exposition consacrée aux périodes bleue et rose de Pablo Picasso.
Elle permet un rassemblement inédit de chefs-d’oeuvre, pour certains présentés pour la première fois en France comme La Vie (1903, Cleveland Museum of Art) et propose une lecture renouvelée des années 1900-1906, période essentielle de la carrière de l’artiste qui n’a à ce jour jamais été traitée dans son ensemble par un musée français.
Les différentes productions du peintre sont ainsi remises en regard des travaux de ses contemporains ou prédécesseurs, espagnols ou français (Ramón Casas 1866-1932, Isidre Nonell 1872-1911, Carlos Casagemas 1880-1901, Théophile Alexandre Steinlen 1859-1923, Edgar Degas 1834-1917, Henri de Toulouse-Lautrec 1864-1901, Paul Gauguin 1848-1903) qu’il a pu observer directement, dans les salons ou galeries, ou indirectement, grâce à des reproductions.
L’exposition rassemble un ensemble important de peintures et de dessins et ambitionne de présenter de manière exhaustive la production sculptée et gravée de l’artiste entre 1900 et 1906.
Laurent Le Bon, président du Musée Picasso, insiste sur le fait que nous ne verrons plus jamais de notre vivant un tel ensemble de chefs d’oeuvre.
Cette exposition est coproduite par le musée d’Orsay et le musée national Picasso-Paris. Elle sera également présentée à la Fondation Beyeler à Bâle du 3 février au 26 mai 2019.
Picasso traverse l’histoire de la peinture du XX ème siècle avec une œuvre immense (de 70 000 à 120 000 œuvres sont recensées). N’oublions pas que Picasso est arrivé en France à la Gare d’Orsay en 1900 et est mort à Mougins en 1973 à 91 ans.
L’exposition du Musée Picasso, que nous avons pu voir samedi 8 septembre, présente des œuvres de Picasso de façon chronologique. La deuxième salle montre Science et charité (1896), peint lorsqu’il avait 16 ans. Il s’agit d’un tableau réaliste, quasiment naturaliste. Il surprend pas sa maîtrise et par le fait qu’il donne au médecin les traits de son père, José Ruiz Blasco (1838-1913). Le peintre, marqué par le décès de sa sœur Conchita de diphtérie en janvier 1895, représente une malade couchée sur un lit, assistée d’un docteur et d’une religieuse. Il est fortement influencé par le modernisme catalan à cette époque.
La troisième salle présente Les Demoiselles d’Avignon, 1907. Il ne s’agit pas de l’oeuvre du peintre, que le Moma de New York a acheté en 1939, mais d’une tapisserie de 1957 de Jacqueline de la Baume-Dürrbach (1920-1989; Madrid Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el arte) que Picasso appréciait. Cette oeuvre-clé du cubisme est considérée comme un des tableaux les plus importants de l’histoire de la peinture en raison de la rupture stylistique et conceptuelle qu’elle propose. C’est la fin de la perspective classique, réaliste. C’est le début d’une nouvelle vision de la figure humaine. André Breton en avait conseillé l’achat au mécène et couturier Jacques Doucet en décembre 1924 pour la somme de 25 000 francs. «Cette peinture est l’événement capital du XX ème siècle. Voilà le tableau qu’on promenait comme autrefois la Vierge de Cimabue à travers les rues de notre capitale, si le scepticisme ne l’emportait pas sur les grandes vertus particulières par lesquelles notre temps accepte d’être, malgré tout. Il me paraît impossible d’en parler autrement que d’une façon mystique…c’est un symbole pur, comme le tableau chaldéen, une projection intense de cet idéal moderne que nous n’arrivons à saisir que par bribes.» (André Breton, Lettres à Jacques Doucet. Décembre 1924).
Une salle met magnifiquement en valeur trois Arlequins: «Arlequin assis »1923. Bâle, Kunstmuseum. «Arlequin au miroir» 1923. Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza. «Le peintre Salvado en Arlequin» 1923. Paris, Centre Georges Pompidou. Picasso était dur, égocentrique le plus souvent, mais pouvait se montrer parfois généreux: avec les républicains espagnols exilés par exemple ou avec les habitants de Bâle. Ces derniers lancèrent, en 1967, une souscription pour garder dans leur Kunstmuseum deux œuvres du peintre espagnol (Les deux frères 1906 et Arlequin assis 1923) que Peter G. Staechelin , propriétaire de la compagnie aérienne charter Globe Air, pour faire face à des difficultés financières, après les avoir été prêtées durant des années, voulait vendre. Cette souscription fut un grand succès. Un référendum sera même organisé dans la ville pour approuver l’utilisation de ce crédit. En remerciement, Picasso offrira quatre tableaux au musée et dira: «Ces peintures, je ne les donne pas au fonctionnaire de l’État. Je les offre à la jeunesse bâloise»
Face au grand escalier de l’Hôtel Salé, on peut admirer le principal tableau surréaliste de Picasso: La Danse. 1925. Londres, Tate Gallery.
A l’étage, se trouvent les sculptures, les jouets qu’il faisait pour ses enfants et petits-enfants, des esquisses. Le peintre gardait tout, accumulait.
Une salle offre au regard du visiteur sur un grand mur les tableaux de Picasso exposés au palais des Papes en Avignon en 1970. Les critiques avaient alors boudé le monstre sacré vieillissant, perdu selon eux dans des portraits de mousquetaires, de nus et des visages bâclés. Aujourd’hui, la critique ne pense plus de la même façon. Picasso ne s’est jamais caricaturé, il s’est toujours renouvelé.
La dernière salle met en parallèle les autoportraits de Rembrandt et de Picasso (Portrait de l’artiste au chevalet. 1660. Paris Louvre. / Tête. 2 juillet 1972. Collection particulière).
Certains se plaignent ces derniers temps de la multiplication des expositions Picasso qui pourraient engendrer un sentiment de lassitude. Pourtant, Picasso réserve toujours des surprises.