Raymond Carver est né Le 25 mai 1938 à Clatskanie (Oregon). Il est mort le 2 août 1888 à Port Angeles (état de Washington) d’un cancer du poumon. « Je souhaite que, sur ma tombe, on grave les mots “Poète, nouvelliste, essayiste”, dans cet ordre précis », a-t-il dit. La poésie occupe une place fondamentale dans son œuvre.
Rain
Woke up this morning with a terrific urge to lie in bed all day And read. Fought against it for a minute.
Then looked out the window at the rain. And gave over. Put myself entirely in the keep of this rainy morning.
Would I live my life over gain? Make the same unforgivable mistakes? Yes, given half a chance. Yes.
Where Water comes Together with Other Water, 1985.
Pluie
Me suis réveillé ce matin avec un besoin terrible de passer la journée au plumard à lire. Y ai résisté une minute.
Puis j’ai regardé par la fenêtre la pluie. Et abandonné. Me suis entièrement confié à la garde de ce matin pluvieux.
Est-ce que je revivrais ma vie ? Commettrais-je les mêmes erreurs impardonnables ? Oui, à la moindre occasion. Oui.
Oeuvres complètes 9. Poésie. Traduction: Jacqueline Huet, Jean-Pierre Carasso et Emmanuel Moses.
Juan Rulfo (Juan Nepomuceno Carlos Pérez Rulfo Vizcaíno) est né à Apulco, district de Sayula ( état de Jalisco), le 16 mai 1917.
Enfant, il a assisté à la très violente Guerre des Cristeros (Cristiada, 1926-1929). Son père fut assassiné en juin 1923 et sa mère est morte peu après, en novembre 1927. Il se retrouve orphelin à 10 ans.
Cet écrivain mexicain est célèbre pour son recueil de nouvelles El Llano en llamas (1953) et son roman Pedro Páramo (1955). Son influence a été essentielle sur les écrivains latino-américains du XX ème siècle.
Jorge Luis Borges a dit : ” Pedro Páramo es una de las mejores novelas de las literaturas de lengua hispánica, y aun de toda la literatura. ” Gabriel García Márquez a raconté ainsi sa découverte de cet auteur : « Álvaro Mutis subió a grandes zancadas los siete pisos de mi casa con un paquete de libros, separó del montón el más pequeño y corto, y me dijo muerto de risa: ¡Lea esa vaina, carajo, para que aprenda! Era Pedro Páramo. Aquella noche no pude dormir mientras no terminé la segunda lectura. Nunca, desde la noche tremenda en que leí la Metamorfosis de Kafka en una lúgubre pensión de estudiantes de Bogotá —casi diez años atrás— había sufrido una conmoción semejante. Al día siguiente leí El llano en llamas, y el asombro permaneció intacto. » (Breves nostalgias sobre Juan Rulfo in Juan Rulfo. Toda la obra. Archivos, CSIC, Madrid, 1992.)
C’était aussi un excellent photographe. Il a également été scénariste et adaptateur pour le cinéma et la télévision. À partir de 1962 il a travaillé à l’Instituto indigenista de Mexico, organisation au service des communautés primitives indiennes dont il a dirigé ensuite le département éditorial.
Il est mort à Mexico le 8 janvier 1986.
Juan Rulfo, Pedro Páramo.
“No lo sé, Juan Preciado. Hacía tantos años que no alzaba la cara, que se me olvidó el cielo. Y aunque lo hubiera hecho, ¿qué habría ganado? El cielo está tan alto, y mis ojos tan sin mirada, que vivía contenta con saber dónde quedaba la tierra. ”
« Je n’en sais rien, Juan Preciado ; je n’ai plus levé la tête depuis tant d’années que j’ai oublié le ciel. D’ailleurs, si je l’avais fait, qu’y aurais-je gagné ? Le ciel était si haut et ma vue si basse que je m’estimais déjà heureuse de savoir où se trouvait la terre. »
Le lundi 26 avril 1937, jour de marché, a lieu une attaque aérienne contre la petite ville de Guernica, capitale sprituelle du Pays basque . Sous le nom de code opération Rügen, 44 avions de la Légion Condor allemande nazie et 13 avions de l’Aviation Légionnaire italienne fasciste procèdent au bombardement de la ville . L’attaque commence à 16 h 30, aux bombes explosives puis à la mitrailleuse pendant plus de trois heures. Après avoir lâché quelque cinquante tonnes de bombes incendiaires, les derniers avions quittent le ciel de Guernica vers 19 h 45. Après le bombardement, un cinquième de la ville est en flammes. Le feu se propage au deux tiers des habitations. Le gouvernement basque fait état de 1 654 morts et 889 blessés. Il s’agit du premier raid de l’histoire de l’aviation militaire moderne sur une population civile sans défense. La contre-propagande fasciste a accusé les habitants d’avoir eux-mêmes fomenté cette opération. Aujourd’hui encore, des militants du parti fasciste espagnol Vox nie les faits.
Pablo Picasso a réalisé, dans son atelier de la rue des Grands-Augustins à Paris, son plus célèbre tableau (349,31 × 776,61 cm) du 1 mai au 4 juin 1937. Il l’ a exposé à l’Exposition internationale de Paris du 12 juillet 1937 à la fin de l’année 1937. Il s’agissait d’un commande du gouvernement de la République espagnole.
Le tableau a été conservé au MoMa de New York pendant la dictature franquiste. Il a été transféré en Espagne le 11 septembre 1981 et installé dans le Casón del Buen Retiro à Madrid. Il est alors protégé par des vitres anti-balles et par la Garde civile. Depuis 1992, le tableau est exposé au Musée national centre d’art Reina Sofía. Depuis 1995, il n’y a plus de vitres anti-balles.
L’amitié entre Paul Éluard et Pablo Picasso a été très forte entre 1935 et 1952, date de la mort du poète.
La victoire de Guernica (Paul Éluard)
I Beau monde des masures De la nuit et des champs
II Visages bons au feu visages bons au fond Aux refus à la nuit aux injures aux coups
III Visages bons à tout Voici le vide qui vous fixe Votre mort va servir d’exemple
IV La mort cœur renversé
V Ils vous ont fait payer le pain Le ciel la terre l’eau le sommeil Et la misère De votre vie
VI Ils disaient désirer la bonne intelligence Ils rationnaient les forts jugeaient les fous Faisaient l’aumône partageaient un sou en deux Ils saluaient les cadavres Ils s’accablaient de politesses
VII Ils persévèrent ils exagèrent ils ne sont pas de notre monde
VIII Les femmes les enfants ont le même trésor De feuilles vertes de printemps et de lait pur Et de durée Dans leurs yeux purs
IX Les femmes les enfants ont le même trésor Dans les yeux Les hommes le défendent comme ils peuvent
X
Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges Dans les yeux Chacun montre son sang
XI La peur et le courage de vivre et de mourir La mort si difficile et si facile
XII Hommes pour qui ce trésor fut chanté Hommes pour qui ce trésor fut gâché
XIII Hommes réels pour qui le désespoir Alimente le feu dévorant de l’espoir Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l’avenir
XIV Parias la mort la terre et la hideur De nos ennemis ont la couleur Monotone de notre nuit Nous en aurons raison.
Discurso de Federico García Lorca en la inauguración de la biblioteca de su pueblo, Fuentevaqueros (septiembre de 1931).
” Cuando alguien va al teatro, a un concierto o a una fiesta de cualquier índole que sea, si la fiesta es de su agrado, recuerda inmediatamente y lamenta que las personas que él quiere no se encuentren allí. «Lo que le gustaría esto a mi hermana, a mi padre», piensa, y no goza ya del espectáculo sino a través de una leve melancolía. Ésta es la melancolía que yo siento, no por la gente de mi casa, que sería pequeño y ruin, sino por todas las criaturas que por falta de medios y por desgracia suya no gozan del supremo bien de la belleza que es vida y es bondad y es serenidad y es pasión.
Por eso no tengo nunca un libro, porque regalo cuantos compro, que son infinitos, y por eso estoy aquí honrado y contento de inaugurar esta biblioteca del pueblo, la primera seguramente en toda la provincia de Granada.
No sólo de pan vive el hombre. Yo, si tuviera hambre y estuviera desvalido en la calle no pediría un pan; sino que pediría medio pan y un libro. Y yo ataco desde aquí violentamente a los que solamente hablan de reivindicaciones económicas sin nombrar jamás las reivindicaciones culturales que es lo que los pueblos piden a gritos. Bien está que todos los hombres coman, pero que todos los hombres sepan. Que gocen todos los frutos del espíritu humano porque lo contrario es convertirlos en máquinas al servicio de Estado, es convertirlos en esclavos de una terrible organización social.
Yo tengo mucha más lástima de un hombre que quiere saber y no puede, que de un hambriento. Porque un hambriento puede calmar su hambre fácilmente con un pedazo de pan o con unas frutas, pero un hombre que tiene ansia de saber y no tiene medios, sufre una terrible agonía porque son libros, libros, muchos libros los que necesita y ¿dónde están esos libros?
¡Libros! ¡Libros! Hace aquí una palabra mágica que equivale a decir: «amor, amor», y que debían los pueblos pedir como piden pan o como anhelan la lluvia para sus sementeras. Cuando el insigne escritor ruso Fedor Dostoyevsky, padre de la revolución rusa mucho más que Lenin, estaba prisionero en la Siberia, alejado del mundo, entre cuatro paredes y cercado por desoladas llanuras de nieve infinita; y pedía socorro en carta a su lejana familia, sólo decía: «¡Enviadme libros, libros, muchos libros para que mi alma no muera!». Tenía frío y no pedía fuego, tenía terrible sed y no pedía agua: pedía libros, es decir, horizontes, es decir, escaleras para subir la cumbre del espíritu y del corazón. Porque la agonía física, biológica, natural, de un cuerpo por hambre, sed o frío, dura poco, muy poco, pero la agonía del alma insatisfecha dura toda la vida.
Ya ha dicho el gran Menéndez Pidal, uno de los sabios más verdaderos de Europa, que el lema de la República debe ser: «Cultura». Cultura porque sólo a través de ella se pueden resolver los problemas en que hoy se debate el pueblo lleno de fe, pero falto de luz.”
Discours de Federico Garcia Lorca lors de l’inauguration de la bibliothèque de Fuente Vaqueros, sa ville natale. (Septembre 1931)
« Quand quelqu’un va au théâtre, à un concert ou à une fête quelle qu’elle soit, si le spectacle lui plaît il évoque tout de suite ses proches absents et s’en désole : « Comme cela plairait à ma soeur, à mon père ! » pensera-t-il et il ne profitera dès lors du spectacle qu’avec une légère mélancolie. C’est cette mélancolie que je ressens, non pour les membres de ma famille, ce qui serait mesquin, mais pour tous les êtres qui, par manque de moyens et à cause de leur propre malheur ne profitent pas du suprême bien qu’est la beauté, la beauté qui est vie, bonté, sérénité et passion.
C’est pour cela que je n’ai jamais de livres. A peine en ai-je acheté un, que je l’offre. j’en ai donné une infinité. Et c’est pour cela que c’est un honneur pour moi d’être ici, heureux d’inaugurer cette bibliothèque du peuple, la première sûrement de toute la province de Grenade.
L’homme ne vit pas que de pain. Moi si j’avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi-pain et un livre. Et depuis ce lieu où nous sommes, j’attaque violemment ceux qui ne parlent que revendications économiques sans jamais parler de revendications culturelles : ce sont celles-ci que les peuples réclament à grands cris. Que tous les hommes mangent est une bonne chose, mais il faut que tous les hommes accèdent au savoir, qu’ils profitent de tous les fruits de l’esprit humain car le contraire reviendrait à les transformer en machines au service de l’état, à les transformer en esclaves d’une terrible organisation de la société.
J’ai beaucoup plus de peine pour un homme qui veut accéder au savoir et ne le peut pas que pour un homme qui a faim. Parce qu’un homme qui a faim peut calmer facilement sa faim avec un morceau de pain ou des fruits. Mais un homme qui a soif d’apprendre et n’en a pas les moyens souffre d’une terrible agonie parce que c’est de livres, de livres, de beaucoup de livres dont il a besoin, et où sont ces livres ?
Des livres ! Des livres ! Voilà un mot magique qui équivaut à clamer: « Amour, amour », et que devraient demander les peuples tout comme ils demandent du pain ou désirent la pluie pour leur semis. Quand le célèbre écrivain russe Fédor Dostoïevski, père de la révolution russe bien davantage que Lénine, était prisonnier en Sibérie, retranché du monde, entre quatre murs, cerné par les plaines désolées, enneigées, il demandait secours par courrier à sa famille éloignée, ne disant que : « Envoyez-moi des livres, des livres, beaucoup de livres pour que mon âme ne meure pas ! ». Il avait froid ; ne demandait pas le feu, il avait une terrible soif, ne demandait pas d’eau, il demandait des livres, c’est-à-dire des horizons, c’est-à-dire des marches pour gravir la cime de l’esprit et du coeur. Parce que l’agonie physique, biologique, naturelle d’un corps, à cause de la faim, de la soif ou du froid, dure peu, très peu, mais l’agonie de l’âme insatisfaite dure toute la vie.
Le grand Menéndez Pidal, l’un des véritables plus grands sages d’Europe, , l’a déjà dit : « La devise de la République doit être la culture ». La culture, parce que ce n’est qu’à travers elle que peuvent se résoudre les problèmes auxquels se confronte aujourd’hui le peuple plein de foi mais privé de lumière. N’oubliez pas que l’origine de tout est la lumière. »
Le poète espagnol José Hierro aurait eu 100 ans hier. Il est né le 3 avril 1922 à Madrid, mais a passé son enfance et son adolescence à Santander. Il a toujours eu la passion de la mer et a gardé un lien très fort avec sa région d’origine, Cantabria. Il doit abandonner ses études au début de la Guerre Civile. Son père, Joaquín Hierro, fonctionnaire du télégraphe, est emprisonné de 1937 à 1941. Lui-même se retrouve en prison pour avoir donné son appui à une organisation d’aide aux prisonniers politiques. Il est jugé deux fois et condamné à douze ans et un jour de réclusion. Il connaîtra les prisons de Madrid (Comendadoras, Torrijos, Porlier), Palencia, Santander, Segovia et Alcalá de Henares.
Son expérience poétique part de l’expérience extrême de l’après-guerre civile et de la prison. Ses maîtres sont Lope de Vega, San Juan de la Cruz, Rubén Darío et Juan Ramón Jiménez. Il donnera le prénom de ce dernier à un de ses fils. Il a aussi beaucoup lu les poètes de la Génération de 1927 ainsi que Baudelaire, Mallarmé et Paul Valéry.
Á sa sortie de prison le premier janvier 1944, José Hierro occupe de nombreux emplois alimentaires. Il épouse en 1949 María de los Ángeles Torres (décédée le 17 juin 2020). Ils auront quatre enfants.
Il obtient en Espagne les plus importants prix littéraires : 1947 Premio Adonáis (Alegría). 1981 Premio Príncipe de Asturias de las Letras. 1995 Premio Reina Sofía de Poesía Iberoamericana 1998 Premio Cervantes, le plus prestigieux de la littérature hispanique.
Il devient membre de la Real Academia Española en 1999.
Son recueil Cuaderno de Nueva York (Le Cahier de New York), publié en 1998 et qui regroupe trente trois poèmes, devient en Espagne un véritable best-seller.
Il meurt le 21 décembre 2002 dans un hôpital madrilène à l’âge de 80 ans d’une insuffisance respiratoire.
La critique espagnole lui rend un hommage unanime.
L’oeuvre de José Hierro est peu traduite en français.
1951 Poèmes (Pierre Seghers). Traduction Roger Noël-Mayer 2014 Tout ce que je sais de moi (Circé). Traduction Emmanuel Le Vagueresse.
Je me souviens d’avoir croisé le vieux poète au visage buriné à Madrid, Paseo de Recoletos, dans les années 1990-2000. Il marchait encore avec une grande vitalité.
El encuentro (José Hierro)
A Rafael Alberti
Diré un día: bienvenido a la casa. Esta es tu lumbre. Bebe en tu copa de vino, mira el cielo, parte el pan. Cuánto has tardado. Anduviste bajo las constelaciones del Sur, navegaste ríos de son diferente. Cuánto duró tu viaje. Te noto cansado. No me preguntes. Da de comer a tus perros, oye la canción del álamo. No me preguntes por nada, no me preguntes.
Si hablase, llorarías. Si enfrentases tus espectros al espejo, seguro que no verías imágenes reflejadas. Lo vivo lejano ha muerto: lo mató el tiempo. Tú solo puedes enterrarlo. Dale tierra mañana, después de descansar. Bienvenido a tu casa. No preguntes nada. Mañana hablaremos.
Libro de las alucinaciones, 1964.
La Rencontre
A Rafael Alberti
Un jour je dirai : bienvenue à la maison. Voici ton feu. Bois ton vin dans ton verre, Regarde le ciel, romps le pain. Comme tu as été long. Tu as erré sous les constellations du Sud, navigué sur les fleuves aux sonorités multiples. Que ton voyage a été long. Je te trouve fatigué. Ne me demande rien. Donne à manger à tes chiens, entends la chanson du peuplier. Ne me pose aucune question, ne me demande rien.
Si je parlais, tu pleurerais. Si tu mettais tes spectres face au miroir, tu ne verrais sans doute aucune image reflétée. La vie lointaine est morte : le temps l’a tuée. Toi seul peux l’enterrer. Jettes-y de la terre demain, quand tu te seras reposé. Bienvenue chez toi. Ne demande rien. Demain nous parlerons.
Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet. Poésie espagnole. Anthologie 1945 – 1990. Actes Sud / Editions Unesco, 1995.
Lamentación
Hemos tenido tantas cosas que decir, y no se dijeron!
Prodigiosas palabras jóvenes para herir los oídos viejos. Maravillosas melodías, cantos inéditos. Hemos cantado todos juntos y hemos llorado en el silencio. Aprendimos muy dura ciencia a costa de los propios sueños.
¡Hemos tenido tantas cosas que decir, y no se dijeron! ¡Hemos salvado tan alegres los sombríos presentimientos! Hemos amado cada tallo, cada frío harapo de invierno, cada gota de madrugada con tan loca avidez, sabiendo que éramos carne de una fábula que alguien vivía en el misterio! Tan hermosas canciones! Ráfagas tan ardientes que nos hirieron.
Música de astros interiores que nacían en nuestro reino. Flautas tañidas, en la tarde, por las manos vagas del sueño. ¡Y tantas limpias hermosuras como cayeron! Y girar sin fin en el alba con la oscura palabra dentro, con el cantar a flor de vida ignorando el remoto término.
¡Hemos tenido tantas cosas que decir, y no se dijeron! Y miramos cómo en el aire vuela la música sin dueño, sin que podamos apresarla con nuestros torpes instrumentos.
Alegría. Adonáis, 1947.
Lamentation
Nous avons eu tant de choses à dire, qui n’ont pas été dites !
Prodigieuses paroles jeunes pour heurter les ouïes vieilles. Merveilleuses mélodies, chants inédits. Nous avons chanté tous ensemble et nous avons pleuré dans le silence. Nous avons appris une dure science au détriment de nos propres rêves.
Nous avons eu tant de choses à dire, qui n’ont pas été dites ! Nous avons évité si gaiement les sombres pressentiments ! Nous avons aimé chaque pousse, chaque froide guenille d’hiver, chaque goutte de petit matin avec une avidité si folle, conscients que nous étions la chair d’une fable vécue par quelqu’un dans le mystère ! Tant de belles chansons ! des rafales si ardentes qu’elles nous ont blessés
Musiques d’astres intérieurs qui naissaient dans notre royaume. Flûtes jouées, le soir venu, par les mains vagues du rêve. Et tant de beautés si limpides qui sont tombées! Et tourner sans fin dans l’aube avec la sombre parole au-dedans, avec le chant à fleur de vie, ignorants de la fin lointaine.
Nous avons eu tant de choses à dire, qui n’ont pas été dites ! Et nous regardons dans l’air voler la musique sans maître, sans que nous puissions la saisir avec nos instruments maladroits.
Traduction Claude de Frayssinet. Poésie espagnole. Anthologie 1945-1990. Actes Sud / Editions Unesco, 1995.
Las nubes
Inútilmente interrogas. Tus ojos miran al cielo. Buscas, detrás de las nubes, huellas que se llevó el viento.
Buscas las manos calientes, los rostros de los que se fueron, el círculo donde yerran tocando sus instrumentos.
Nubes que eran ritmo, canto sin final y sin comienzo, campanas de espumas pálidas volteando su secreto,
palmas de mármol, criaturas girando al compás del tiempo, imitándole a la vida su perpetuo movimiento. Inútilmente interrogas desde tus párpados ciegos. ¿Qué haces mirando a las nubes, José Hierro?
Cuanto sé de mí. Ágora, 1957.
La Bibliothèque Nationale à Madrid, dans le cadre de son centenaire, organisera du 20 octobre 2022 au 22 février 1923, une exposition intitulée: Cuanto sé de mí. José Hierro en su centenario (1922-2022). On y découvrira aussi son talent méconnu de dessinateur.
Á 87 ans, le chanteur Paco Ibáñez va commencer une nouvelle tournée en Espagne et en France. Elle s’appellera : «¡Nos queda la palabra!». Elle commencera au Teatro Coliseum de Madrid le 4 avril. Il chantera aussi à Barcelone, où il vit actuellement, à Valence, où il est né le 20 novembre 1934, à Palma de Mallorca au mois de juin et dans quatre villes françaises. Il chantera en castillan, catalan, galicien, français et italien. Il sera accompagné par Mario Mas à la guitare, Joxan Goikoetxea à l’ accordéon et César Stroscio au bandonéon.
«Me apetecen mucho todos estos conciertos que hemos programado porque, en este momento tan negro que estamos viviendo, es reconfortante reencontrarme con otras almas que, como la mía, necesitan alimento».
«Porque al alma también hay que alimentarla y yo ofrezco mi repertorio a la gente para que les ayude a vivir entre tanta miseria moral y cultural».
” La palabra no sólo reconforta, también te recuerda tus valores, te da criterio, te da voluntad y te ayuda a decir ‘no, por aquí no paso’».
«Las canciones tienen que apuntar a la eternidad. Las que no saben volar no valen la pena. Si haces una canción es para que dure toda la vida».
En prime, un poème peu connu du grand Luis Cernuda :
Vientres sentados (Luis Cernuda)
Con satisfacción Como quienes saben Como quienes tienen en su puño la verdad Bien apresada para que no escape Y con orgullo Como vigilantes de vosotros mismos Domináis a lo largo a lo ancho de la tierra Vosotros vientres sentados.
No hay gas No hay plomo Que tanto levante que tanto lastre proporcione Como vuestra seguridad deletérea Esa seguridad de sentir vuestro saco Bien resguardado por vuestro trasero.
Miráis a un lado y a otro Sonreís rasgando maliciosamente la hedionda boca Y desde allí emitís como el antiguo oráculo Henchidas necedades Dictámenes que se escurren entre las rendijas como ratas
Alado el pie vigoroso El pie juvenil y vigoroso Que derrumbará bien pronto Ese saco henchido de fango de maldad de injusticia Arrastrando consigo vuestro trasero y vientre Vuestra triste persona que mancha el aire El aire limpio y justo Donde hoy nos levantamos Contra vosotros todos Contra vuestra moral contra vuestras leyes Contra vuestra sociedad contra vuestro dios Contra vosotros mismos vientres sentados Con una firme espiga A quien su propia fuerza empuja desde la tierra Para que se abra al sol Para que dé su fruto Fruto de odio y de alegría Fruto de lucha y de reposo.
La verdad está en lucha y en ella os aguardamos Vientres sentados Vientres tendidos Vientres muertos.
Otros Poemas publicados e inéditos – V. Poesía completa– Volumen I.
Le poète Miguel Hernándezest mort de tuberculose le 28 mars 1942 dans la prison Reformatorio de Alicante, il y a 80 ans. Aujourd’hui, l’aéroport d’Alicante-Elche porte son nom, ainsi que l’Université d’Elche et la récente gare TGV (AVE) d’Orihuela, sa ville natale. Le maire conservateur de Madrid, José Luis Martínez-Almeida (Partido Popular), lui, n’a rien trouvé de mieux que de détruire le monument qui, au cimetière de La Almudena, rappelait qu’entre 1939 et 1945 plus de 2500 personnes condamnées à mort par les tribunaux militaires furent fusillées là. On pouvait aussi y lire des vers du poète.
V. A Miguel Hernández, asesinado en los presidios de España (Pablo Neruda)
Llegaste a mí directamente del Levante. Me traías, pastor de cabras, tu inocencia arrugada, la escolástica de viejas páginas, un olor a Fray Luis, a azahares, al estiércol quemado sobre los montes, y en tu máscara la aspereza cereal de la avena segada y una miel que medía la tierra con tus ojos.
También el ruiseñor en tu boca traías. Un ruiseñor manchado de naranjas, un hilo de incorruptible canto, de fuerza deshojada. Ay, muchacho, en la luz sobrevino la pólvora y tú, con ruiseñor y con fusil, andando bajo la luna y bajo el sol de la batalla.
Ya sabes, hijo mío, cuánto no pude hacer, ya sabes que para mí, de toda la poesía, tú eras el fuego azul. Hoy sobre la tierra pongo mi rostro y te escucho, te escucho, sangre, música, panal agonizante.
No he visto deslumbradora raza como la tuya, ni raíces tan duras, ni manos de soldado, ni he visto nada vivo como tu corazón quemándose en la púrpura de mi propia bandera.
Joven eterno, vives, comunero de antaño, inundado por gérmenes de trigo y primavera, arrugado y oscuro como el metal innato, esperando el minuto que eleve tu armadura.
No estoy solo desde que has muerto. Estoy con los que te buscan. Estoy con los que un día llegarán a vengarte. Tú reconocerás mis pasos entre aquellos que se despeñarán sobre el pecho de España aplastando a Caín para que nos devuelva los rostros enterrados. (…)
Primera publicación: Cultura y democracia (París). Febrero de 1950. Canto general,XII, Los ríos del canto. 1950.
V. A Miguel Hernández, assassiné dans les prisons d’Espagne
Tu vins à moi. Tu arrivais droit du Levant. Tu m’apportais, ô chevrier, ton innocence pleine de rides, la scolastique de vieilles pages, un doux relent de Fray Luis, d’orangers en fleur, de fumier brûlé sur les collines, et sur ton masque la céréale aspérité de l’avoine fauchée, un miel qui mesurait la terre avec les yeux.
Et ta bouche apportait aussi le rossignol. Un rossignol taché d’oranges, le filet d’un chant incorruptible, d’une force effeuillée. Hélas ! dans la clarté on vit surgir la poudre et l’on te vit porter rossignol et fusil sous la lune et sous le soleil de la bataille.
Tu sais, Miguel, tout ce que j’ai pu faire, tu sais bien que de toute la poésie tu étais pour moi le feu bleu. Aujourd’hui contre terre je colle mon visage et j’écoute, je t’écoute, musique, sang, rayon de ruche agonisant.
Je n’ai vu race plus éblouissante que la tienne, ni racines plus dures, ni mains plus dures de soldat, je n’ai rien vu de plus vivant que ton coeur quand il brûla dans la pourpre de mon propre drapeau.
Jeune éternel, tu vis, comunero d’antan, inondé de germes de blé et de printemps, plissé, obscur comme le métal né, en attendant l’instant de lever ton armure.
Non, je ne suis pas seul depuis que tu es mort. Je suis avec ceux qui te cherchent. Avec ceux qui un jour arriveront pour te venger. Tu reconnaîtras mes pas au milieu des pas qui, déferlant sur la poitrine de l’Espagne, écraseront Caïn pour qu’il nous rende les visages enterrés. (…)
Chant général. XII, Les Fleuves du Chant. Gallimard, 1977. Traduction Claude Couffon.
Mar Campelo Moreno, la petite-fille de la soeur du poète, Elvira, a publié le 26 mars une belle lettre à sa grand-mère dans le journal d’information numérique, Público.
Miguel Hernández en la memoria
A Elvira Hernández Gilabert, mi abuela
Querida abuela:
Hace más de 25 años que te fuiste y hoy se cumplen 80 de la última vez que viste a tu hermano Miguel con vida, pero no he olvidado las anécdotas que me contaste una y otra vez desde que era una niña hasta que la maldita enfermedad se llevó tus recuerdos; aunque, incluso cuando habías perdido la capacidad de expresarte, abrías los ojos y algo se removía dentro de ti si veías una foto de tu hermano.
Cómo te reías cuando me contabas las regañinas que le echabas cada vez que “se le iba el santo al cielo” en sus excursiones a la sierra de Orihuela para leer o escribir y tenías que justificarlo con cualquier excusa, o cuando clavaste las contraventanas para que no las abriera en las horas de calor.
También se reía él cuando leías sus poemas y le hacías que te explicara lo que se escondía en cada juego retórico, no descansabas hasta que lo entendías todo. Y cuando lo reprendías por sus expresiones subidas de tono. Siempre sonreías cuando hablabas de vuestra niñez y juventud, se te iluminaban los ojos reviviéndolo y dibujabas la imagen de un muchacho alegre, espontáneo, cariñoso y vital, con una enorme empatía con el sufrimiento ajeno.
Fuisteis compañeros de juegos y siempre cómplices, amigos. Te hablaba de sus lecturas, de su pasión creadora –fuiste la primera lectora de muchos de sus poemas-, de su deseo vehemente de ir a Madrid, pero también de sus vivencias, de sus amigos, de las mujeres a las que amó… Con esa atención al detalle que tenías que reprimir entre risas pudorosas: “Miguel, no me cuentes esas cosas”.
Con esa sonrisa tuya de medio lado, me contabas que tu madre y tú ordeñabais las cabras por segunda vez para sacar unas perricas que le enviabais a Miguel para que sobreviviera en Madrid.
Te casaste y te fuiste a Madrid con tu marido y tu hija (mi madre); el tío Miguel volvió a Madrid en esa misma época y, aunque vivía en una pensión, iba casi a diario a tu casa a comer y a que le lavaras la ropa.
Cuando leíste la elegía que le escribió a su amigo Manolo, que había muerto ahogado, le pediste que no la publicara porque causaría más dolor y te la regaló para que hicieras con ella lo que quisieras. Tú la guardaste en tu carpeta de los tesoros, la que contenía todos los recortes de prensa en los que se hablaba de él; esa carpeta que fue creciendo durante el resto de tu vida con cada carta suya, cada foto, cada publicación, cada referencia a tu hermano por mínima que fuera.
¿Por qué tuvo que volver a Orihuela cuando acabó la guerra? ¿Por qué no escuchó a vuestro padre cuando le dijo “vete, Miguel, que ahora viene el exterminio”? Porque quería abrazar a su familia y se sabía inocente. Y lo encarcelaron en el Seminario, en esa sierra en la que le gustaba perderse para escribir, para leer, para empaparse de naturaleza.
Sus cartas desde la cárcel trataban de transmitir esperanza, incluso se permitía alguna broma; os ocultó que lo habían condenado a muerte hasta que le conmutaron la pena por cadena perpetua. Esas cartas que llegaban censuradas o escondidas en el borde de las lecheras, escritas en papel higiénico. Y tú escribías o visitabas a cualquiera que pudiera interceder para su excarcelación.
Ya vivías en Alicante cuando lo trasladaron al Reformatorio de Adultos, la que sería su última cárcel. Caminabas hasta allí cada vez que se permitía una “comunicación” y le llevabas los alimentos que enviaban tus padres desde Orihuela y los que podías conseguir a través del estraperlo; esas lecheras que tanto costaba llenar y que los carceleros dejaban caer.
El día de las Mercedes los niños podían visitar a los presos y entraban su hijo y los tres tuyos. Mi madre, con siete años, era la mayor y le hacías memorizar los mensajes que querías transmitirle. Cuando salían, la interpelabas para que repitiera cada palabra de tu hermano.
Me hablabas de aquel día que fuiste a verlo con Josefina: no tenía fuerzas para caminar y se apoyaba en dos compañeros. Cuando os vio, se irguió, hinchó el pecho y sonrió:
Miguel, qué bien te veo, ¿estás mejor?
Han venido a ofrecerme dinero y la libertad si me retracto de todo lo que he escrito y pongo mi pluma al servicio del régimen.
¡Habrás dicho que sí!
He dicho que no.
“Ése era mi hermano”, concluías.
Su salud empeoraba. Recorrías Alicante de punta a punta sin descanso buscando una recomendación que traspasara el bloqueo para que lo visitara un médico, hasta que lo conseguiste. Lo ayudó a respirar mejor aunque, sin los medios suficientes, no podía hacer más. Lo ideal era trasladarlo al sanatorio para tuberculosos de Porta Coeli, donde, fuera de la insalubridad de la prisión, se recuperaría. Pero mientras tu hermano no accediera a volver al seno de la iglesia, era imposible.
Se te rompía el corazón cuando entrabas a visitarlo a la enfermería y lo encontrabas ahogándose entre suciedad. Lo lavabas, lo vestías con ropa limpia y le extraías el líquido de los pulmones como te había enseñado el médico.
Consciente de que se acercaba el final, accedió a casarse por la iglesia, postrado en la cama, para proteger a su familia (los matrimonios civiles habían quedado invalidados). Pocos días después se aprobó el traslado a Porta Coeli, pero ya era tarde.
La noche del 27 de marzo fuiste a visitarlo con Josefina, se te quebraba la voz cuando me contabas que lo aseaste y lo ayudaste a respirar por última vez. Murió esa madrugada.
Y llegaron los años del silencio, del miedo a pronunciar su nombre, de la hipocresía, de los libros de Losada llegados misteriosamente desde Argentina, de las conversaciones a media voz. Te indignaba la injusticia, el odio y las mentiras, siempre las mentiras. Me hablabas del tío Miguel entre murmullos y me pedías que bajara la voz cuando te pedía detalles: “No cuentes nada”, “no te signifiques”. Pues ahora lo estoy contando, abuela, mi memoria es tu memoria.
Ya en democracia, ibas a todos los actos y accedías a casi cualquier entrevista. Te quedabas exhausta, pero era tu “deber” homenajear y propagar el nombre y la obra de tu hermano. Esa fue la labor de toda tu vida.
Te habría encantado saber que 2017 fue el “Año de Miguel Hernández”, a ti que te preocupaba tanto que lo hicieran desaparecer. Que de vez en cuando doy una charla sobre ese legado de recuerdos que me regalaste. Que publiqué la elegía a Manolo, como tú querías. Que la cama de tu hermano (que te acompañó a todos los lugares donde viviste) está ahora en su cuarto, en la casa de la calle de Arriba, que ahora se llama de Miguel Hernández, y que es su casa-museo. No lo han olvidado, abuela, hasta la estación de tren lleva su nombre, y un aeropuerto, y una universidad, y colegios, y centros culturales.
Descansa en paz, abuela, la poesía de tu hermano resuena en todo el mundo; su nombre está marcado a fuego; y yo seguiré compartiendo este legado que me transmitiste hasta dejarlo grabado en mi memoria. Miguel Hernández es, indiscutiblemente, un gran poeta; pero para mí siempre será el tío Miguel.
Ludmila Oulitskaïa contre la guerre en Ukraine : « Le destin du pays est dirigé par la folie d’un seul homme »
Aujourd’hui, 24 février 2022, la guerre a éclaté. Je pensais que ma génération, celle qui est née pendant la Seconde Guerre mondiale, avait de la chance, et que nous allions vivre sans avoir connu de guerre jusqu’à notre mort qui serait, comme promis dans les Évangiles, « paisible, sans douleur et sans reproche ». Mais non. On dirait bien que ce ne sera pas le cas. Et nul ne sait à quoi vont aboutir les événements de cette journée dramatique.
Le destin du pays est dirigé par la folie d’un seul homme et de ses complices dévoués. On ne peut que faire des suppositions sur ce que les manuels d’histoire en diront dans cinquante ans. De la douleur, de la peur, de la honte – voilà les sentiments que l’on éprouve aujourd’hui.
De la douleur, parce que la guerre s’en prend au vivant, à l’herbe et aux arbres, aux animaux et à leur descendance, aux êtres humains et à leurs enfants.
De la peur, parce qu’il existe chez tous les êtres vivants un instinct de conservation biologique qui les pousse à protéger leur vie et celle de leur descendance.
De la honte, parce que la responsabilité des dirigeants de notre pays dans le développement de cette situation pouvant entraîner d’immenses malheurs pour toute l’humanité est évidente.
Cette responsabilité, nous la partageons tous nous aussi, qui sommes contemporains de ces événements dramatiques et qui n’avons pas su les prévoir ni les arrêter. Il faut absolument stopper cette guerre qui se déchaîne de plus en plus à chaque minute qui passe, et résister à la propagande mensongère dont tous les médias inondent notre population.
(Texte traduit du russe par Sophie Benech)
Ce n’était que la peste. Scénario. Traduction: Sophie Benech. Hors série Littérature, Gallimard, 2021. Moscou, 1939. Le biologiste Rudolf Mayer a parcouru plus de huit cents kilomètres pour présenter aux autorités ses recherches sur une souche hautement virulente de la peste. Ce n’est qu’après cette réunion qu’il comprend qu’il a été contaminé, et que toutes les personnes qu’il a croisées peuvent l’être également. La police soviétique déploie alors un très efficace plan de mise en quarantaine. Mais en ces années de Grandes Purges, une mise à l’isolement ressemble à une arrestation politique, et les réactions des uns et des autres peuvent être surprenantes. Ce texte date de 1988. Ludmila Oulitskaïa donne à voir ce qui peut se passer lorsqu’une épidémie éclate au cœur d’un régime totalitaire. Ce texte inédit a été découvert en Russie au printemps 2020.
Gabriel Boric, 36 ans, est devenu hier officiellement le plus jeune président de l’histoire du Chili. L’ancien leader étudiant, héritier de la révolte sociale de 2019, a fait de sa cérémonie d’investiture à Valparaíso, siège du Parlement, un symbole de son projet de changement en profondeur. Il a rendu hommage à l’ancien président Salvador Allende : « Comme l’avait prédit Salvador Allende il y a presque cinquante ans, nous voici de nouveau, chers compatriotes, en train d’ouvrir de grandes avenues où passeront l’homme et la femme libres pour construire une société meilleure. Vive le Chili ! » Son gouvernement est majoritairement composé de femmes (14 sur 24), notamment aux postes régaliens de l’intérieur, la défense ou des affaires étrangères. La moyenne d’âge est de 42 ans. La tâche est immense et très difficile.
Le 11 septembre 1973, jour du coup d’état militaire, à 10h15, Salvador Allende fit à Radio Magallanes son dernier discours à la nation chilienne:
«Sigan ustedes sabiendo que, mucho más temprano que tarde, se abrirán las grandes alamedas por donde pase el hombre libre para construir una sociedad. ¡Viva Chile, viva el pueblo, vivan los trabajadores!»
Gabriel Boric a cité dans son discours un vers du grand poète chilien, Vicente Huidobro (1893-1948) , un des quatre grands de la poésie chilienne du XX ème siècle (avec Pablo Neruda, Gabriela Mistral et Pablo de Rokha), le fondateur du “Créationnisme”: ” el adjetivo, cuando no da vida, mata.”
Arte poética (Vicente Huidobro)
Que el verso sea como una llave que abra mil puertas. Una hoja cae; algo pasa volando; cuanto miren los ojos creado sea, y el alma del oyente quede temblando.
Inventa mundos nuevos y cuida tu palabra; el adjetivo, cuando no da vida, mata. Estamos en el ciclo de los nervios. El músculo cuelga, como recuerdo, en los museos; mas no por eso tenemos menos fuerza : el vigor verdadero reside en la cabeza.
Por qué cantáis la rosa, ¡ oh Poetas ! hacedla florecer en el poema; sólo para nosotros viven todas las cosas bajo el Sol.
Carlos Álvarez Cruz est né le 27 décembre 1933 à Jérez de la Frontera (Cádiz). Son père, capitaine des Gardes d’Assaut, fut fusillé à Séville sur l’ordre du général rebelle Gonzalo Queipo de Llano (1875-1951). Celui-ci, responsable de l’exécution de 3 000 à 6 000 personnes après la prise de la ville par les franquistes, est encore enterré aujourd’hui dans la basilique de la Macarena à Séville. En 1941, Carlos Álvarez s’installe avec sa famille à Madrid. Il fait des études secondaires, puis devient employé de banque. Militant du PCE (Partido Comunista de España), il est arrêté en avril 1957. Mis au secret et jugé pour propagande illégale, il bénéficie d’un non-lieu. Victime de la censure d’état, ses poèmes ne sont édités qu’au Danemark et en France. Arrêté à nouveau en 1963 pour avoir publié dans la presse étrangère une lettre de protestation contre l’exécution du dirigeant communiste Julián Grimau, il est condamné en 1964, puis amnistié en 1965. Son premier livre paraît en Espagne en 1969. Le 20 novembre 1975, à la mort du général Franco, il purge à la prison de Carabanchel une condamnation de quatre ans et deux mois pour s’être montré solidaire avec les dirigeants du syndicat Comisiones Obreras, condamnés lors du procès 1001. Il était rédacteur publicitaire. La maison d’édition Adeshoras a publié en 2016 Los sueños, el amor, las intenciones, son œuvre poétique complète en deux tomes. Il est décédé à Madrid le 27 février 2022.
Guernica
Hoy ha llovido abril sobre mi sangre… la guerra dicen que terminó hace muchos años, el paisaje es aquí diferente: tiene sujeto a la maleza el sombrío color de los mineros, pero es verde el metal; pasan los ríos cansados del trabajo, vestidos con el traje común de las faenas; nada sugiere la tarjeta postal para el disfrute del que paga con marcos, libras, dólares… Y porque ocurre que el lunes era día veintiséis, hoy miro al cielo, escucho si vuelven los aviones de Guernica, si proyecta la cruz gamada el sol sobre los campos, sobre este campo herido… busco, descubro en mis raíces, encuentro que también en Euzkadi está mi patria… que también en Guernica está mi sangre…
Guernica
Aujourd’hui avril retentit dans mon sang… On dit que la guerre est finie depuis longtemps, et le paysage d’ici est différent. Dans ces broussailles il a gardé la couleur sombre des mineurs, car le métal est vert. Passent les rivières fatiguées par le travail et revêtues des vêtements anonymes de l’effort. Rien ne suggère la carte postale des vacances de celui qui paie en marks, en livres, ou en dollars… Tout est motivé par la date anniversaire, un jeudi, le 26, aussi, je regarde le ciel, j’écoute si les avions reviennent sur Guernica, et si l’ombre de la croix gammée ne plane pas sur les campagnes, sur cette terre blessée… Je cherche et je découvre au plus profond de moi, au fond de mes racines, que ma patrie se nomme aussi Euzkadi, et que mon sang est aussi à Guernica…