Ramón Acín

Ramón Acín. 1927.

Ramón Acín Aquilué est né le 30 août 1888 à Huesca (Aragon).

Ce peintre, sculpteur et pédagogue est aussi un militant anarcho-syndicaliste, membre de la Confédération nationale du travail (CNT). Il participe aux congrès de ce syndicat en tant que représentant de la ville de Huesca où il jouit d’une grande popularité.

Comme pédagogue, il s’inspire des pratiques la Institución Libre de Enseñanza, de l’École Moderne de Francisco Ferrer i Guàrdia, fondée à Barcelone en 1901, et plus tard des apports de Célestin Freinet. Il est professeur de dessin à l’École Normale d’instituteurs de Huesca en 1917. Il crée une académie de dessin chez lui et donne des cours du soir aux ouvriers. Il montre un grand intérêt pour le végétarisme, le naturisme, le respect des animaux et de la nature au nom de la vie.

Ami de Luis Buñuel, il produit en 1932 le film Terre sans pain (Las Hurdes, tierra sin Pan) après avoir gagné à la loterie. Il accompagne son ami en Estrémadure dans Las Hurdes, une des zones les plus misérables d’Espagne. Le documentaire réalisé montre un tableau de misère endémique.

https://www.youtube.com/watch?v=qO86FO1bs6g

En 2019, le film d’animation Buñuel après l’Âge d’Or (Buñuel en el laberinto de las tortugas) de Salvador Simó retrace l’aventure de ce tournage. Le scénario s’inspire du roman graphique de Fermín Solis, publié en 2008.

Ramón Acín écrit à son ami dans El Diario de Huesca du 19 janvier 1930 “Amigo Buñuel: Tornémonos nidos de gusanos, antes que torcer nuestros comenzados caminos; caminos rectos, sencillos, henchidos de independencia y de humanidad”

Ramón Acín est fusillé par les franquistes contre le mur du cimetière de Huesca le 6 août 1936 ainsi que 138 autres militants de la ville. Son épouse, Conchita Monrás, sera assassinée le 23 août 1936.

Leurs deux filles Katia Acín Monrás (1923-2004) et Sol Acín Monrás (1925-1998), orphelines, vivront avec un oncle paternel. La Fondation Ramón y Katia Acín entreprend depuis 2005 de perpétuer leur mémoire:

https://fundacionacin.org/obra/sobre-ramon-acin/libro-sobre-ramon-acin/ramon-acin/

Parque Miguel Servet  de Huesca. Monumento de las Pajaritas. 1928-29.

Las Trece Rosas

Le 5 août 1939, Las Trece Rosas ( Les Treize Roses ), treize jeunes femmes âgées de 18 à 29 ans, la plupart membres des Jeunesses socialistes unifiées ( JSU ), sont fusillées par le régime franquiste à Madrid. Le procès sommaire condamne également cinquante hommes. Une quatorzième jeune fille (Antonia Torre Yela, 19 ans) est exécutée l’année suivante, le 19 février 1940.

Carmen Barrero Aguado (20 ans, modiste).
Martina Barroso García (24 ans, modiste).
Blanca Brisac Vázquez (29 ans, pianiste).
Pilar Bueno Ibáñez (27 ans, modiste).
Julia Conesa Conesa (19 ans, modiste).
Adelina García Casillas (19 ans, activiste).
Elena Gil Olaya (20 ans, activiste).
Virtudes González García (18 ans, modiste).
Ana López Gallego (21 ans, modiste).
Joaquina López Laffite (23 ans, secrétaire).
Dionisia Manzanero Salas (20 ans, modiste).
Victoria Muñoz García (18 ans, activiste).
Luisa Rodríguez de la Fuente (18 ans, modiste).

Depuis 1988 se tient chaque année, le 5 août, une cérémonie en hommage aux Treize Roses, dans le cimetière de la Almudena, à Madrid, face à la plaque commémorative posée en 1988, près du lieu où elles ont été exécutées.

Monumento a las Trece Rosas. Cimetière La Almudena de Madrid.

Christian Boltanski

Amsterdam. Oude Kerke. Exposition Na (Après).

Très triste d’apprendre la mort de Christian Boltanski. Son installation méditative (Na-Après) à l’Oude Kerk d’Amsterdam en 2017-2018 était extraordinaire. Nous l’avions visitée le premier jour de notre voyage à Amsterdam. Il faisait froid. Oude Kerk est la plus vieille église d’Amsterdam. Elle a été construite à partir de 1300 et dédiée à saint Nicolas. Elle a été restaurée en 2013. C’est un lieu de culte et d’exposition, ce qui est déjà peu banal. Elle se trouve de plus au beau milieu du quartier “rouge” d’Amsterdam, celui des prostituées en vitrine et des sex-shops. Il y a, semble-t-il, 2500 caveaux et 10 000 personnes y seraient enterrées dont Saskia van Uylenburgh (1612-1642), la première épouse de Rembrandt. Ce fut un lieu de sépulture jusqu’en 1865. Christian Boltanski disait: « Je ne suis pas croyant, mais ce que je désire faire, c’est une expérience de ce type : “Une église, la porte est ouverte, alors on entre. Il y a une odeur particulière, une légère musique, un homme les bras levés et quelques bouquets de fleurs. On la traverse sans comprendre et on retourne dans la vie.” »

Christian Boltanski (Jean-François Robert).

L’installation Animitas ou la musique des âmes se trouve dans le désert d’Atacama au Chili. Elle se compose de huit cents clochettes japonaises fixées sur de longues tiges plantées dans le sol qui sonnent au gré du vent pour faire entendre la musique des âmes et dessinent la carte du ciel la nuit de la naissance de l’artiste, le 6 septembre 1944. Le désert d’Atacama est aussi un lieu de pèlerinage à la mémoire des disparus de la dictature de Pinochet (voir Nostalgie de la lumière (Nostalgia de la luz), film documentaire franco-chilien réalisé par Patricio Guzmán et sorti en 2010). C’est également un lieu exceptionnel pour observer les étoiles grâce à la pureté du ciel : c’est là que sont installés les plus grands observatoires du monde.

Misterios (2017) est une sculpture métallique installée en Patagonie, qui a la particularité d’imiter le chant des baleines lorsque le vent s’engouffre dans ses larges trompes. Elle est située au Cap Aristizabal. Elle peut se visiter depuis Bahía Bustamante, connue pour être les Galapagos de l’Argentine.

Misterios. 2017.

Enrique Badosa 1927 – 2021

Enrique Badosa à Salamine.

Le poète, traducteur, éditeur et journaliste Enrique Badosa, né à Barcelone le 21 mars 1927, est décédé dans sa ville natale le 31 mai 2021. il avait 94 ans. Ce poète fait partie des auteurs de la Génération de 1950. Néanmoins, son catholicisme et un certain conservatisme le différenciaient des écrivains de ce groupe. Il est mort très peu de temps après les poètes de la même génération, José Manuel Caballero Bonald et Francisco Brines. Il a traduit Horace, Ramon Llull, Ausiàs March, J.V. Foix (Josep Viçenc), Salvador Espriu, Joan Margarit, mais aussi les Cinq grandes odes de Paul Claudel en 1955.

Salamina

Por esto ha sido escrito el Partenón
con la más bella tinta de la tierra.
Por esto se ha labrado el pensamiento
en la piedra más sabia y perdurable.
Por esto estás hablando en lengua libre.

Salamine

C’est pour cela que le Parthénon a été écrit
avec la plus belle encre de la terre.
C’est pour cela que la pensée a été taillée
dans la pierre la plus sage et la plus durable.
C’est pour cela que tu parles dans une langue libre.

Ce poème, traduit en grec, figure sur un monolithe dans la zone qui commémore la bataille entre les Grecs et les Perses (480 avant J.C.)

“Mi poesía no está más comprometida con el fondo que con la forma porque todo poema exige, siempre, el doble logro entre lo estético y lo conceptual”

Oeuvres
1956 Más allá del tiempo.
1959 Tiempo de esperar, tiempo de esperanza.
1963 Baladas para la paz.
1968 Arte poética.
1970 En román paladino.
1971 Historias en Venecia.
1973 Cuadernos de Ínsulas Extrañas. Poèmes en prose.
1976 Dad este escrito a las llamas.
1979 Mapa de Grecia.
1986 Cuadernos de barlovento.
1989 Epigramas convencionales.
1994 Relación verdadera de un viaje americano.
1998 Marco Aurelio, 14.
2000 Epigramas de la Gaya Ciencia.
2002 Parnaso funerario.
2004 Otra silva de varia lección.
2006 Ya cada día es más noche.
2010 Trivium. Poesía 1956-2010.

2016 Sine tradire. Essai.

“-Una parte fundamental de su producción está relacionada con la idea del viaje. ¿Es el viaje una forma de conocimiento?
-Todo viaje es iniciático por cuanto siempre te lleva no sólo a un lugar lejano, sino a un posible lugar lejano dentro de ti mismo. Por lo tanto, lodo viaje es también un medio o forma de conocimiento. En mi caso, ese autoconocimiento se ha producido siempre, aunque no siempre haya escrito sobre los lugares que he visitado. (Santiago Martínez entrevista a Enrique Badosa .» (La Vanguardia, 14 de marzo de 1998)

Puesto que cada día es más de noche…

Puesto que cada día es más de noche,
vuelve al placer de tus primeros libros,
acaricia las cosas familiares
que sientes extraviadas por cercanas,
recuerda el conversar de tus mayores,
sus gestos que te amparan todavía,
aquel mirar que te enseñaba a ver,
repósate en los nombres con que amaste,
vuelve a tus oraciones cuando niño
y con la sencillez de la confianza
saluda a Dios y espera en su amistad.

Ya cada día es más noche. 2006.

Bob Dylan – José Emilio Pacheco

Bob Dylan.

Poeta con guitarra (José Emilio Pacheco)

A la muerte de Faulkner —dice Thomas Meehan en el «New York Times»— los críticos se dieron a buscar quién podría reemplazarlo como primer escritor de Norteamérica. Robert Lowell, Saul Bellow y Norman Mailer llegaron a finales. Pero a fines del año pasado un grupo de estudiantes afirmó que el único escritor contemporáneo a quien admiran es Bob Dylan (24 años), cantante y compositor cuyas creaciones de protesta social y personal hablan de las cosas que preocupan a los más jóvenes. “La angustia de «Herzog» [novela de Saul Bellow] nos tiene sin cuidado, así como las fantasías privadas de Norman Mailer. Lo que nos importa es la amenaza de una guerra nuclear, el movimiento en pro de los derechos civiles, la creciente plaga de conformismo, deshonestidad e hipocresía en los Estados Unidos, especialmente en Washington. Y Bob Dylan es el único que trata esos temas en una forma que tiene sentido para nosotros. Como poesía moderna creemos que sus canciones poseen gran calidad literaria. Estética y socialmente, cualesquiera de ellas —”A hard rain’s gonna fall”, por ejemplo— nos interesa más que todo un libro de Lowell.”
Naturalmente, las opiniones no alcanzan unanimidad. Un estudiante de Harvard considera “absurdo” tomar en serio la literatura de Dylan. El hecho es que Bob se ha convertido en gran personaje de la canción norteamericana, ídolo adolescente, símbolo generacional. Su aspecto es el de un beatnik con mayúscula. Parece una combinación de Harpo Marx, Carol Burnett y la juventud de Beethoven. Canta acompañándose con la guitarra o en dúo con Joan Baez y entre estrofa y estrofa, toca la armónica.
Hijo de un farmacéutico, Bob Zimmerman nació en 1941 cerca de la frontera canadiense. Su admiración por el gran poeta pre-beatnik Dylan Thomas lo hizo adoptar su nombre. A los quince años compuso su primera “folk song”, una balada de amor en homenaje a la perdurable Brigitte Bardot. En 1962 accedió a la celebridad con “Blowin’ in the wind”, himno del movimiento pro derechos civiles, entre otras canciones antibélicas y de protesta contra las injusticias sociales. Acaso Bob Dylan ha sido la influencia decisiva en la inesperada radicalización de los jóvenes y su noble rebeldía contra el racismo y la guerra en Vietnam.
Basta lo anterior para hacer admirable a Bob Dylan, para considerar seriamente sus canciones. Si el prestigio de Dylan radica más en sus letras que en sus melodías, como estilista Bob es un tanto anacrónico a juicio de sus críticos: recuerda el pseudolirismo, social de los años 30. En 1937 Clifford Odets o Maxwell Anderson pudieron haber escrito los versos de “Masters of war”, la más célebre composición antibélica de Dylan. Nadie niega que se trata de un joven de extraordinaria inteligencia y sensibilidad que además ha leído muchísimo, sobre todo poesía · clásica y moderna. Quizá su fascinación sobre los jóvenes (y los ya no tan jóvenes) radica en su altivo desafío a toda autoridad e hipocresía cotidiana. La gente “seria” lo desprecia, lo inscribe en la cultura pop y asegura que con las modas de 1966 será borrado. Los poetas, en cambio, lo aceptan y ven un signo positivo en que Bob Dylan haya puesto la poesia a la intemperie y al alcance de todos. El arte popular ha coexistido siempre con el otro. La elevación del gusto de las masas favorece el surgimiento de una gran poesia, etcétera. Mientras tanto, una canción anti-intelectualista de Bob Dylan (por consiguiente muy de acuerdo con nuestra época), “The times they are a-changin”, se ha convertido en una especie de himno subversivo de la joven generación. Nada impide que la poesia termine por donde comenzó: Bob Dylan puede ser el mero Homero de nuestros sesenta. ~

La Cultura en México, n° 205, 19 de enero de 1966, p. XVIII.

José Emilio Pacheco.

Bob Dylan – Benjamín Prado

1963.. La couverture de l’album est une photographie de Bob Dylan marchant dans la rue avec à son bras sa petite amie de l’époque, Suze Rotolo (1943-2011). Elle a été prise dans le quartier de Greenwich Village, à l’angle de Jones Street et de West 4th Street, à quelques pas de l’appartement où le couple vivait à l’époque.

Bob Dylan a fêté ses 80 ans lundi 24 mai. Robert Zimmerman, l’homme aux 600 chansons, est né le 24 mai 1941 à Duluth dans le Minnesota. Il a reçu le Prix Nobel de Littérature en 2016.

La chanson Hurricane de Bob Dylan a incité Benjamín Prado à 17 ans à écrire des poèmes.

Mi vida se llama Bob Dylan (Benjamín Prado)

Hay senderos que son una respuesta al bosque,
hay palomas que mueven los mares de la luna,
hay palabras que corren por la piel como ríos,
porque existe Bob Dylan.

Hay huellas donde pueden leerse los desiertos,
hay mujeres que sueñan con pirámides rojas,
hay canciones que tallan dioses en nuestro oído
porque existe Bob Dylan.

Hay jinetes que huyen con el sol en los ojos,
hay corazones tristes donde muere un océano,
hay caballos que agitan un polvo de otro mundo
porque existe Bob Dylan.

Hay hombres que transforman los sueños en dianas,
hay demonios ocultos en la hoja del cuchillo,
hay versos subterráneos en los papeles rotos
porque existe Bob Dylan.

Hay mañanas y noches
porque existe Bob Dylan.
Hay planetas y oxígeno
porque existe Bob Dylan.
Hay veranos e inviernos
porque existe Bob Dylan.
Porque existe Bob Dylan
hay fruta y hay leones.
Porque existe Bob Dylan
hay silencio y mercurio.
Porque existe Bob Dylan
hay antes y hay después.

Yo nunca he estado solo
porque existe Bob Dylan.

Iceberg, Editorial Visor, 2002.

José Manuel Caballero Bonald 1926 – 2021

José María Caballero Bonald. 2014.

Le poète, romancier et essayiste José Manuel Caballero Bonald, Prix Cervantes 2012, est décédé à Madrid. Il avait 94 ans. Il était né le 11 novembre 1926 à Jerez de la Frontera (Cádiz). En 1959, il devint l’ami des poètes que l’on a regroupé ensuite sous le nom de groupe poétique de la Génération de 1950. Pour rendre hommage à la mémoire d’ Antonio Machado, à l’occasion du XX ème anniversaire de sa mort, ils se réunirent à Collioure (Blas de Otero, José Agustín Goytisolo, Ángel González, José Ángel Valente, Jaime Gil de Biedma, Alfredo Costafreda, Carlos Barral etc.). En 1968, il passa un mois à la prison de Carabanchel pour ses activités politiques clandestines. Il réalisa un grand travail pour recueillir et étudier le flamenco (Archivo del cante flamenco, six disques et une étude préliminaire, Vergara, 1968. Medio siglo de cante flamenco, 1987). Son essai Luces y sombras del flamenco date de 1975 (Barcelona, Lumen). Il publia en 1995 Tiempo de guerras perdidas, premier tome de ses mémoires et en 2001 la deuxième partie La costumbre de vivir. La littérature, le flamenco et la mer furent les passions de sa vie.

«El que no tiene dudas, el que está seguro de todo, es lo más parecido que hay a un imbécil.» (2012)

Mientras junto mis años con el tiempo

Cuántas veces, al acabar el día,
perdiendo pie en las aguas agolpadas
de mis años, he visto arder, gemir
el cargamento de mi vida, sólo
pendiente del precario hilo trémulo
de algo que aún mantiene su vigencia
sobre mi corazón, nombre arrancado
a golpes de memoria, para que
nunca pueda decir que no es verdad
que espero todavía, que consisto
en seguir esperando todavía,
mientras junto mis años con el tiempo
y así me recupero de la vida
que voy destituyendo diariamente.

Las horas muertas. Instituto de Estudios hispánicos. Barcelona. 1959.

Tandis que j’ajuste mon âge au temps

Combien de fois, en fin de journée,
perdant pied dans les eaux entassées
de mon âge, j’ai vu brûler, gémir
la charge de ma vie qui tenait
au seul fil précaire et tremblant
d’une chose qui encore s’impose
à mon cœur, nom arraché
à coups de mémoire, pour que jamais
je ne puisse dire ce n’est pas vrai
j’attends encore, je suis destiné
à attendre encore et toujours
tandis que j’ajuste mon âge au temps,
pour ainsi me récupérer de la vie
que je destitue jour après jour.

Traduction Claude de Frayssinet. Poésie espagnole. Anthologie 1945 – 1990, Actes Sud / Editions Unesco, 1995.

Sant Jordi – Día del Libro – Francisco Brines

Affiche officielle de la Journée du Livre (Sonia Pulido).

La Sant Jordi (saint Georges en français, San Jorge en espagnol) est célébrée tous les 23 avril à Barcelone. Saint Georges est le patron de l’Aragon, de Valence, des îles Baléares et de la Catalogne. La tradition veut que, chaque année, on offre une rose, et depuis les années 1920, un livre.

Depuis 1930, la Journée du Livre est aussi fixée dans toute l’Espagne le 23 avril afin de rendre hommage à Miguel de Cervantès, inhumé le 23 avril 1616. Depuis 1995, l’UNESCO en a fait la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur.

Malgré la pandémie, la foule était nombreuse aujourd’hui dans le centre de Barcelone. La Casa Batlló, un des bâtiments les plus emblématiques d’Antoni Gaudí était décorée comme d’habitude de roses. Sur sa façade, l’architecte catalan a représenté la légende de saint Georges terrassant le dragon, à l’origine de la fête de Sant Jordi.

Barcelone. Casa Batlló (Antoni Gaudí).

La Journée du Livre est aussi l’occasion de remettre le Prix Cervantès. Ajournée en 2020 à cause de la pandémie, elle a eu lieu ce matin en plein air au siège de l’Institut Cervantès d’Alcalá de Henares. Présidée par le Roi et la Reine, elle a été marquée par les mesures de sécurité imposées par la pandémie ainsi que par l’absence du lauréat 2020, le poète Francisco Brines, 89 ans. Son état de santé ne lui a pas permis de se déplacer. Mais il a lu en visioconférence son poème Mi resumen depuis son domicile d’Oliva (Valence). C’est lui qui a commencé à 13 heures la lecture traditionnelle en continu de El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha.

Los veranos (Francisco Brines)

A Carmen Marí

¡ Fueron largos y ardientes los veranos !
Estábamos desnudos junto al mar,
y el mar aún más desnudo. Con los ojos,
y en unos cuerpos ágiles, hacíamos
la más dichosa posesión del mundo.

Nos sonaban las voces encendidas de luna,
y era la vida cálida y violenta,
ingratos con el sueño transcurríamos.
El ritmo tan oscuro de las olas
nos abrasaba eternos, y éramos solo tiempo.
Se borraban los astros en el amanecer
y, con la luz que fría regresaba,
furioso y delicado se iniciaba el amor.

Hoy parece un engaño que fuésemos felices
al modo inmerecido de los dioses.
¡ Qué extraña y breve fue la juventud !

El otoño de las rosas. Sevilla, Renacimiento, 1986.

Les étés

Qu’ils furent longs et ardents les étés !
Nous étions nus au bord de la mer,
et la mer encore plus nue. Avec les yeux,
et sur des corps agiles, nous prenions
allègrement possession du monde.

Il avait lu le poème Cuando yo aún soy la vida pour la Journée Mondiale de la poésie le 21 mars 2021.

https://www.youtube.com/watch?v=XdUk7qnO33I

Bibliothèque de Francisco Brines chez lui à Oliva (Mónica Torres)

Bernard Noël et La Commune de Paris

Bernard Noël.

Le poète Bernard Noël est mort le 13 avril 2021 à Laon (Aisne) à 90 ans. Il était né le 19 novembre 1930 à Sainte-Geneviève-sur-Argence (Aveyron).

J’ai très peu lu ses poèmes. Je me souviens que son récit érotique et baroque Le Château de Cène, publié sous pseudonyme (Urbain d’Orlhac) chez Jérôme Martineau, puis sous son nom en 1972 chez Jean-Jacques Pauvert, lui a valu un procès pour «atteinte aux bonnes mœurs» en 1973. Tous les exemplaires du livre ont été saisis et détruits. L’auteur a été condamné en première instance à payer une amende de 3 000 Francs. Il a bénéficié d’une amnistie après l’arrivée à la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. C’était hier.

Dans son ouvrage L’Outrage aux mots (1975), il dénonce la “sensure”. Ce néologisme, c’est la censure sémantique de ce qu’il nomme le «pouvoir bourgeois». Selon lui, celui-ci “fonde son libéralisme sur l’absence de censure, mais il a constamment recours à l’abus de langage”. Le langage se trouve ainsi peu à peu privé de sens, détourné par le capitalisme, la communication, la télévision. En 1970, Bernard Noël écrit à Serge Fauchereau: « Á un certain moment du gaullisme, le roman érotique m’est apparu comme une arme contre la bêtise politique – la seule arme contre cette société satisfaite et puante ».

Le Chateau de Cène a été réédité par Gallimard en 1990 dans la collection L’Imaginaire. On trouve aussi dans la collection Poésie/Gallimard La Chute des temps (1993) et Extraits du corps (2006).

«Être inacceptable… Il ne s’agissait pas de faire scandale ni violence, mais de céder à l’emportement d’une révolte qui, en soulevant l’imagination, combattait la censure intérieure et la réserve timide. L’écriture fut en tout cas un moment de jubilation et de liberté intenses, car être inacceptable conduit simplement à ne pas accepter les oppressions de l’ordre moral et de sa propre soumission. Ce livre, poursuivi pour outrage aux mœurs, est-il devenu inoffensif ? Ou bien la censure s’est-elle faite plus subtile en privant de sens – donc de plaisir – aussi bien les excès imaginaires que les valeurs raisonnables ?» (Bernard Noël. Quatrième de couverture. Le château de Cène, Gallimard – L’imaginaire, 1990).

Il y a quelques années, j’avais lu avec grand intérêt son Dictionnaire de la Commune (Hazan, 1971, réédité en poche chez Flammarion en 1978, puis chez Mémoire du Livre en 2000). Je l’avais emprunté à ma médiathèque. Je suis retourné le chercher ce matin. J’en ai profité pour demander Le château de cène, mais aussi Les états du corps (Fata Morgana, 1999) et Le roman des postures (Fata Morgana, 2003). Merci les bibliothèques et médiathèques d’exister.

Il était aussi l’ami de Georges Perros qui a écrit en 1977: « Le Bernard Noël que j’ai connu était bardé d’un silence à couper au couteau ». (Bernard Noël-Georges Perros, Correspondances. Éditions Unes, 1998. )

«Mon cher Georges,
tant de silence, comme un désert à franchir maintenant, et dont j’ai assez peur. Vous étiez présent quand même, mais ce qui demeure fixe de mon côté a pu bouger du vôtre… J’aurais préféré venir vous voir. Déjà dit, autrefois. Longtemps malade, l’an passé. Sans doute simplement d’en avoir par dessus la tête du dictionnaire, et surtout de ceux qui le font faire. Plus détaché maintenant, et moins prêt à tomber dans les nostalgies passées. C’est drôle, quand le cœur cède, des tas de mots deviennent inemployables, dont on sait soudain trop bien le sens.»

où est la lettre ?

cette question vient d’un mourant
puis il se tait

tant qu’un homme vit
il n’a pas besoin de compter sa langue
quand un homme meurt
il doit rendre son alphabet

de chaque mort
nous attendons le secret de la vie
le dernier souffle emporte
la lettre manquante

elle s’envole derrière le visage
elle se cache au milieu du nom

Portrait, in La rumeur de l’air. Fata Morgana, 1986. Poésie/Gallimard, 2006. p. 217.

Antonio Machado y la Segunda República

Statue d’Antonio Machado à Segovia. Plaza Mayor devant le théâtre Juan Bravo. (Ángel et César García). 2010.

La Voz de España. «El 14 de abril de 1931 en Segovia», abril de 1937:
“ Fue un día profundamente alegre – muchos que ya éramos viejos no recordábamos otro más alegre -, un día maravilloso en que la naturaleza y la historia parecían fundirse para vibrar juntas en el alma de los poetas y en los labios de los niños.
Mi amigo Antonio Ballesteros y yo izamos en el Ayuntamiento la bandera tricolor. Se cantó La Marsellesa ; sonaron los compases del Himno de Riego. La Internacional no había sonado todavía. Era muy legítimo nuestro regocijo. La República había venido por sus cabales, de un modo perfecto, como resultado de unas elecciones ; todo un régimen caía sin sangre, para asombro del mundo. Ni siquiera el crimen profético de un loco, que hubiera eliminado a un traidor, turbó la paz de aquellas horas. La República salía de las urnas acabada y perfecta, como Minerva de la cabeza de Júpiter.
Así recuerdo yo el 14 de abril de 1931. “

Alegoría de la República (Juan José Barreira Polo y J. Esteller), 1931.