Recuérdalo tú y recuérdalo a otros, Cuando asqueados de la bajeza humana, Cuando iracundos de la dureza humana: Este hombre solo, este acto solo, esta fe sola. Recuérdalo tú y recúerdalo a otros.
En 1961 y en ciudad extraña, Más de un cuarto de siglo Después. Trivial la circunstancia, Forzado tú a pública lectura, Por ella con aquel hombre conversaste: Un antiguo soldado En la Brigada Lincoln.
Veinticinco años hace, este hombre, Sin conocer tu tierra, para él lejana Y extraña toda, escogió ir a ella Y en ella, si la ocasión llegaba, decidió apostar su vida, Juzgando que la causa allá puesta al tablero Entonces, digna era de luchar por la fe que su vida llenaba.
Que aquella causa aparezca perdida, Nada importa; Que tantos otros, pretendiendo fe en ella Sólo atendieran a ellos mismos, Importa menos. Lo que importa y nos basta es la fe de uno.
Por eso otra vez hoy la causa te aparece Como en aquellos días: Noble y tan digna de luchar por ella. Y su fe, la fe aquella, él la ha mantenido A tráves de los años, la derrota, Cuando todo parece traicionarla. Mas esa fe, te dices, es lo que sólo importa.
Gracias, Compañero, gracias Por el ejemplo. Gracias porque me dices que el hombre es noble. Nada importa que tan pocos lo sean: Uno, uno tan sólo basta Como testigo irrefutable de toda la nobleza humana.
Desolación de la químera. Joaquín Mortiz, México, 1962.
Luis Cernuda séjourne à San Francisco en 1961-1962. Il donne des cours à l’Université de Californie et récite ses poèmes en public. Á la fin d’une de ces séances au San Francisco State College, un ancien brigadiste est venu le saluer.
Il a commencé à écrire ce poème à San Francisco en décembre 1961 et il le termine en avril 1962. Fatigué et triste, il meurt le 5 novembre 1963 (à 61 ans) à Mexico.
La Brigade Abraham Lincoln ou XVe Brigade internationale a été constituée par des volontaires des États-Unis qui ont servi dans la guerre civile espagnole dans les Brigades internationales.
Luis García Montero évoque aujourd’hui ce poème dans un article de Infolibre: Buen momento para volver a ver Maixabel.
Juan Marsé, le grand romancier espagnol (Teresa l’après-midi, L’Obscure Histoire de la cousine Montse, Adieu la vie, adieu l’amour) aurait eu 89 ans le 8 janvier 2022.
Sa fille Berta Marsé (1969) rappelle aujourd’hui dans El País que l’écrivain voulait que 10 % de ses cendres soient remises à son agent littéraire, Carmen Balcells (1930-2015). Lors de son discours de réception du Prix Cervantès 2008, il avait dit : “Querida Carmen, me has dado tantas alegrías que tengo ordenado, para cuando me muera, que me incineren y te entreguen el 10% de mis cenizas”. Il reprenait alors à son compte une plaisanterie célèbre de Groucho Marx : « Je désire être incinéré et je veux que 10% de mes cendres soient versées à mon impresario. »
Le 14 décembre 2020, à Santa Fe de Segarra (Lérida), village natal de Carmen Balcells où elle est enterrée, Alejandro et Berta Marsé ont remis les cendres de leur père au fils de Carmen Balcells, Lluís Miquel Palomero. Les cendres de Juan Marsé ont été placées près de celles de Carmen Balcella, au pied d’un arbousier, arbre planté pour l’occasion et qui supporte mieux le climat rude de l’endroit que le caroubier choisi dans un premier temps.
Carmen Balcells était l’agent littéraire la plus célèbre dans le monde de la littérature en langue espagnole. Elle représentait les intérêts de six Prix Nobel (Gabriel García Márquez, Mario Vargas Llosa, Camilo José Cela, Miguel Ángel Asturias, Vicente Aleixandre, Pablo Neruda) et aussi ceux de Julio Cortázar, Manuel Vázquez Montalbán, Juan Carlos Onetti, José Donoso, Eduardo Mendoza.
La photographe franco-suisse Sabine Weiss est décédée mardi 28 décembre à son domicile parisien à l’âge de 97 ans. Elle était née le 23 juillet 1924 à Saint-Gingolph en Suisse et avait été naturalisée française en 1995. Elle vivait à Paris depuis 1946. On la classait dans l’école française humaniste ( Robert Doisneau, Willy Ronis, Édouard Boubat… ) ce qu’elle n’appréciait pas beaucoup. En 2020, elle avait remporté le prix Women in Motion pour la photographie, remis par Kering et les Rencontres d’Arles pour l’ensemble de son œuvre. Elle avait toujours beaucoup travaillé, passant de la mode et de la photo de rue à la consommation et aux loisirs, mais elle préférait les photos qu’elle avait prises pour elle, à la sauvette. Elle flânait ainsi beaucoup la nuit dans Paris avec son mari, le peintre américain Hugh Weiss (1925-2007). Les enfants sont très présents dans ses photos. En 2017, elle avait donné l’ensemble de ses archives (200 000 négatifs, 7 000 planches-contact, environ 2 700 tirages vintage et 2 000 tardifs, 3 500 tirages de travail et 2 000 diapositives) au Musée de l’Élysée à Lausanne
« J’ai été un témoin, je n’ai rien créé »
« Je suis allée dans des morgues, dans des usines, j’ai photographié des gens riches, j’ai fait des photos de mode… Mais ce qui reste, ce sont uniquement des photos que j’ai prises pour moi, à la sauvette. »
« La vie, c’est quand même pas toujours jojo. Alors tant mieux s’il y a un peu d’humour dans mes images. »
J’avais beaucoup aimé en 2018 l’exposition du centre Georges Pompidou Les villes, la rue, l’autre (20 juin-15 octobre 2018), sous la direction de la commissaire Karolina Ziebinska-Lewandowska.
Le 12 décembre 1821, à quatre heures du matin, est né à Rouen, Gustave Flaubert, fils de Achille-Cléophas Flaubert , chirurgien en chef à l’Hôtel-Dieu de cette ville, et d’Anne-Justine-Caroline Fleuriot.
Gallica propose de retrouver toutes ses ressources consacrées au romancier : sélections, dossier d’écrivain, billets de blog, manuscrits et éditions prestigieuses.
Je conseille aussi la lecture de Flaubert, les luxures de la plume de Marie Paule Farina. L’Harmattan, 2020.
Quelques citations retrouvées un peu au hasard :
Lettre à Louis Bouilhet, 18 février 1851.
« Mais j’éprouve par là le premier symptôme d’une décadence qui m’humilie et que je sens bien. Je grossis, je deviens bedaine et commence à faire vomir. Peut-être que bientôt je vais regretter ma jeunesse et, comme la grand’mère de Béranger, le temps perdu. Où es tu, chevelure plantureuse de mes dix-huit ans, qui me tombais sur les épaules avec tant d’espérances et d’orgueil ! Oui, je vieillis ; il me semble que je ne peux plus rien faire de bon. J’ai peur de tout en fait de style. Que vais-je écrire à mon retour ? Voilà ce que je me demande sans cesse. »
Lettre à Louise Colet, 26 mars 1854
« Chaque voix trouve son écho ! Je pense souvent avec attendrissement aux êtres inconnus, à naître, étrangers, etc., qui s’émeuvent ou s’émouvront des mêmes choses que moi. Un livre, cela vous crée une famille éternelle dans l’humanité. Tous ceux qui vivront de votre pensée, ce sont comme des enfants attablés à votre foyer. Aussi quelle reconnaissance, j’ai, moi, pour ces pauvres vieux braves dont on se bourre à si large gueule, qu’il semble que l’on a connus, et auxquels on rêve comme à des amis morts.”
Lettre à Mlle Leroyer de Chantepie, 4 septembre 1858.
“Pourquoi ne travaillez-vous pas ? Le seul moyen de supporter l’existence, c’est de s’étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle. Le vin de l’Art cause une longue ivresse et il est inépuisable. C’est de penser à soi qui rend malheureux”
Lettre à Léon de Saint-Valéry, 15 janvier 1870.
« Vous me demandez de vous répondre franchement à cette question : « Dois-je continuer à faire des romans ? » Or, voici mon opinion : il faut toujours écrire, quand on en a envie. Nos contemporains (pas plus que nous-mêmes) ne savent ce qui restera de nos œuvres. Voltaire ne se doutait pas que le plus immortel de ses ouvrages était Candide. Il n’y a jamais eu de grands hommes, vivants. C’est la postérité qui les fait. – Donc travaillons si le cœur nous en dit, si nous sentons que la vocation nous entraîne »
Lettre à George Sand, 4 décembre 1872.
“Car j’écris (je parle d’un auteur qui se respecte), non pour le lecteur d’aujourd’hui mais pour tous les lecteurs qui pourront se présenter tant que la langue vivra. Ma marchandise ne peut donc être consommée maintenant, car elle n’est pas faite exclusivement pour mes contemporains. Mon service reste donc indéfini et, par conséquent, impayable.»
Lettre à Guy de Maupassant, 9 août 1878. «Prenez garde à la tristesse. C’est un vice. On prend plaisir à être chagrin et, quand le chagrin est passé, comme on y a usé des forces précieuses, on en reste abruti. Alors on a des regrets, mais il n’est plus temps. Croyez-en l’expérience d’un scheik à qui aucune extravagance n’est étrangère.»
La romancière et journaliste espagnole Almudena Grandes vient de mourir ce samedi 27 novembre à Madrid à l’âge de 61 ans. Née à Madrid le 7 mai 1960, elle s’était fait connaître avec un roman érotique en 1989, Las edades de Lulú (Les vies de Loulou), porté à l’écran par Bigas Luna en 1990. Elle avait publié ensuite Te llamaré viernes (1991) et Malena es un nombre de tango (1994) ( Malena c’est un nom de tango). En 2010, elle s’était lancée dans un projet de six volumes indépendants, Episodios de una guerra interminable racontant les années de l’après-guerre civile en Espagne. Cette série est dans la ligne des Episodios nacionales (46 volumes) du grand romancier réaliste Benito Pérez Galdós (1843-1920). Depuis 2008, elle publiait régulièrement des articles dans le quotidien El País. Le 10 octobre dernier, elle avait écrit un article sur le cancer dont elle souffrait depuis un an (Tirar una valla)
Son mari est le poète Luis García Montero, directeur de l’Institut Cervantès depuis 2018.
Livres traduits en français :
Les vies de Loulou. Albin Michel, 1990.
Malena c’est un nom de tango. Plon, 1996 et Pocket 2000.
Atlas de géographie humaine. Grasset, 2000.
Vents Contraires. Grasset, 2003. Livre de poche, 2011.
Le cœur glacé. Éditions JC Lattès, 2008. Livre de poche, 2010. (2 tomes)
Inès et la joie. Éditions JC Lattès, 2012. Livre de poche, 2013.
Le Lecteur de Jules Verne. Éditions JC Lattès, 2013. Livre de poche, 2014.
Les Trois Mariages de Manolita. Éditions JC Lattès, 2016. Livre de poche, 2019.
Les patients du docteur Garcia. Éditions JC Lattès, 2020. Premio Nacional de la Narrativa (2018)
Son décès m’a remis en mémoire la fin du poème de Luis Cernuda Díptico español (Diptyque espagnol) qui date de 1961.
…Hoy, cuando a tu tierra ya no necesitas, Aún en estos libros te es querida y necesaria, Más real y entresoñada que la otra: No ésa, mas aquélla es hoy tu tierra. La que Galdós a conocer te diese, Como él tolerante de lealtad contraria, Según la tradición generosa de Cervantes, Heroica viviendo, heroica luchando Por el futuro que era el suyo, No el siniestro pasado donde a la otra han vuelto.
La real para ti no es esa España obscena y deprimente En la que regentea hoy la canalla, Sino esta España viva y siempre noble Que Galdós en sus libros ha creado. De aquélla nos consuela y cura ésta.
Desolación de la quimera. 1956-1962
…Aujourd’hui, quand de ta terre tu n’as plus besoin, Dans les livres encore elle t’est chère et nécessaire, Plus réelle que l’autre et à demi rêvée ; Pas celle-ci, mais celle-là qui est toujours ta terre. Celle que Galdós t’aurait donnée à connaître, Comme lui tolérante à la loyauté contraire, Selon la généreuse tradition de Cervantès, Héroïque dans la vie, héroïque dans la bataille Pour l’avenir qui était le sien, Et non le sinistre passé où ils ont renvoyé l’autre.
La réalité pour toi n’est pas cette Espagne obscène et déprimante Où gouverne aujourd’hui la canaille, Mais cette Espagne vivante et toujours noble que Galdós a créée dans ses livres. De celle-là il nous console et soigne celle-ci.
J’ai vu hier en sortant du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris le grand tableau de Robert Delaunay (1885-1941), L’Équipe de Cardiff, 1912-1913. Presenté au salon des indépendants de 1913, il fut acheté pour l’Exposition universelle de 1937 (326 × 208 cm) . On peut lire sur le carton: ” Conçue avec l’efficacité visuelle d’une affiche publicitaire, ” la toile la plus libre et la plus puissante ” du Salon des indépendants de 1913, selon Apollinaire, invite au spectacle de la vie moderne. Delaunay y reconfigure des extraits de revues, photographies, cartes postales en de nouveaux moyens plastiques dans la simultanéité dynamique et la vibration des couleurs. Les joueurs de rugby en action sont les véhicules de la décomposition de la couleur par la lumière. Le biplan, la marque d’aéronautique ” Astra “, la tour Eiffel et la grande roue signalent l’entrée dans l’ère de la sensation forte, de la vision en altitude d’un Paris ” Magic City ” lancé vers l’avenir. Le peintre s’associe à ce brillant élan international de l’art qu’il signe ” Delaunay / New York/ Paris/ Berlin.” Cinq joueurs de rugby sont représentés dans la partie inférieure du tableau. Les joueurs sont peints en pleine action, leurs maillots de couleurs vives sont faits de traits grossiers. Sur le plan supérieur se trouve une affiche publicitaire au slogan « Astra » et derrière de grandes inventions de l’époque.
L’ épouse de Robert, Sonia Delaunay (née Sophie Stern ou bien Sara Illinichtna Stern 1885-1979) me semble une artiste plus complète et plus intéressante bien qu’elle soit moins connue que son second mari. Elle est née en Ukraine dans une famille juive. Son père est ouvrier. À l’âge de cinq ans, Sonia est adoptée par son oncle Terk, avocat à Saint-Pétersbourg. Elle vit dans un milieu cultivé. Elle part en 1903 étudier le dessin à Karlsruhe, en Allemagne, et arrive à Paris en 1905 pour suivre des cours de peinture à Montparnasse. Elle est naturalisée française grâce à un premier mariage avec Wilhelm Uhde (1874-1947), marchand et collectionneur d’art, en décembre 1908. Elle divorce de ce premier mari et épouse Robert Delaunay le 15 novembre 1910 à la mairie du sixième arrondissement. Ils vivent de 1914 à 1921 en Espagne et au Portugal. J’ai pu pu voir récemment certaines des réalisations de Sonia Delaunay au Centre Georges Pompidou lors de l’exposition Elles font l’abstraction. Son oeuvre textile abondante (couvertures, tissus imprimés, livres d’artistes, robes de haute couture) a pu nuire au rayonnement de ses tableaux.
Le soir, au stade de France, l’Équipe de France créait l’exploit en battant l’équipe de Nouvelle-Zélande (Les All Blacks) 40 à 25.
La peintre et poétesse américano-libanaise Etel Adnan vient de mourir le 14 novembre à Paris. Elle avait 96 ans. Elle est née à Beyrouth le 24 février 1925 d’une mère grecque orthodoxe, née à Smyrne (aujourd’hui Izmir en Turquie), et d’un père syrien musulman, officier de l’Empire ottoman. Elle grandit en parlant le grec et le turc dans une société arabophone. Elle va dans l’école d’un couvent français. Le français devient la langue de ses premiers écrits littéraires. Très jeune, elle étudie l’anglais. Elle suit des études supérieures de lettres-philosophie à la Sorbonne de 1949 à 1953, puis à Berkeley et Harvard. Elle commence à peindre en Californie en 1958. En 1996, elle affirme : « L’art abstrait c’était l’équivalent à l’expression poétique ; je n’ai pas éprouvé le besoin de me servir des mots, mais plutôt des couleurs et des lignes. Je n’ai pas eu le besoin d’appartenir à une culture orientée vers le langage mais plutôt à une forme ouverte d’expression. » Elle utilise aussi des leporellos ( livres dont les pages sont pliées et collées formant comme un accordéon) Elle vivait à Paris depuis les années 1980. Elle est reconnue comme peintre au début des années 2010 : Guggenheim de New York, Mudam à Luxembourg, Centre Paul-Klee à Berne, Fondation Luma en Arles, Documenta (13) 2012 à Kassel, Pointe de la douane de Venise (exposition Luogo e segni – lieux et signes) Centre Georges Pompidou-Paris (Elles font l’abstraction) Centre Pompidou-Metz (Écrire c’est dessiner, 6 novembre 2021 au 21 février 2022). Des galeries prestigieuses la représentaient depuis : galeries Lelong à Paris et à New York, Continua de Pékin et de La Havane, White Cube à Londres, Pace Gallery à New York, Sfeir-Semler à Hambourg et Beyrouth.
Je ne la connaissais pas du tout. Ses tableaux ont attiré mon attention en voyant l’exposition Elles font l’abstraction, il y a quelques mois au Centre Georges Pompidou.
Le Monde (12/11/2021, actualisé le 15/11), L’artiste Etel Adnan est morte presque centenaire.
France Culture (18/05/2012). Émission de Marie Richeux. Pas la peine de crier. Ethel Adnan : « Le temps que prend un poème, c’est la vie entière » (Á partir de 21’24”)
Extraits du discours prononcé par Robert Badinter lors de l’hommage rendu à Pierre Masse (1879-1942) par le Barreau de Paris le 19 mai 2009. « Le statut des juifs frappa Pierre Masse, au coeur. Il avait grandi dans une famille où l’appartenance à la religion juive était en quelque sorte naturelle, comme le catholicisme pour une grande majorité de familles françaises. Mais à l’instar de nombreux notables israélites, Pierre Masse s’était déjudaïsé au long des années. Il était un bourgeois français et s’éprouvait tel. Qu’avait-il de commun avec ces juifs immigrés, besogneux, écorchant le français qui fourmillaient dans les échoppes et les ateliers du Marais ? Et voici que d’un coup, après un siècle et demi, l’appartenance à la nation était rompue. Il se trouvait, lui, Maître Masse, rejeté à la limite de la communauté nationale, repoussé par la France à laquelle il avait tant donné de lui-même.
Un autre avocat juif, plus jeune, Lucien Vidal-Naquet, fils d’avocat, ancien secrétaire de la Conférence, confiait à son journal intime : « C’est ainsi que je ne suis plus qu’un demi citoyen sur le sol même où je suis né et où dorment les miens. C’est ainsi que j’ai perdu le droit d’exercer la profession qui fut celle de mon père, et que demain se posera pour mes enfants la question de savoir à quelle activité ils auront le droit de se livrer. Je ressens comme Français l’injure qui m’est faite comme juif. J’étais si fier de mon pays ! ».
Pierre Masse, lui, écrivit au Maréchal Pétain la lettre fameuse que ceux qui la découvrent lisent toujours avec la même émotion (octobre 1940) :
« Monsieur le Maréchal,
J’ai lu le décret qui déclare que les Israélites ne peuvent plus être officiers, même ceux d’ascendance strictement française. Je vous serais obligé de me faire dire si je dois aller retirer leurs galons à mon frère, sous-lieutenant au 36ème régiment d’infanterie, tué à Douaumont en avril 1916, à mon gendre, sous-lieutenant au 14ème régiment de dragons, tué en Belgique en mai 1940; à mon neveu J.-P. Masse, lieutenant au 3ème colonial, tué à Rethel en mai 1940 ?
Puis-je laisser à mon frère la médaille militaire, gagnée à Neuville-Saint-Vaast, avec laquelle je l’ai enseveli ?
Mon fils Jacques, sous-lieutenant au 62ème bataillon de chasseurs alpins, blessé à Soupir en juin 1940, peut-il conserver son galon ?
Suis-je enfin assuré qu’on ne retirera pas rétroactivement la médaille de Sainte-Hélène à mon arrière-grand-père ? Je tiens à me conformer aux lois de mon pays, même quand elles sont dictées par l’envahisseur.
Veuillez agréer, Monsieur le Maréchal, les assurances de mon profond respect. Pierre Masse Ancien Capitaine au 36ème RI Officier de la Légion honneur, Croix de guerre Ancien sous-secrétaire d’État à la Justice militaire »
Au sursaut du soldat outragé allait succéder celui du républicain humilié. En février 1941, Pierre Masse reçut une circulaire demandant à tout sénateur de faire savoir s’il était de famille juive, ce qui entraînait la déchéance de tout mandat électif. Pierre Masse adressa sa réponse directement au Maréchal Pétain : « Monsieur le Maréchal, Mon premier mouvement a été de ne pas faire réponse : il n’y a pas de « juifs » au Sénat. Ne font partie de cette Assemblée que des citoyens français, quelle que soit leur religion, élus par un collège électoral français, conformément à une Constitution qui n’a pas été abrogée sur ce point.
J’ai décidé cependant de répondre, par déférence pour le gouvernement dont vous êtes le chef.
Mes deux grands-pères étaient de religion israélite.
L’un, Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Strasbourg en 1870, a tout abandonné propriétés familiales et sa situation pour rester français; l’autre a été, il y a un siècle, maire de la Commune de l’Hérault que je représente depuis 34 ans au Conseil général. Leurs femmes appartenaient à la même religion.
J’élève contre la loi du 3 octobre 1940 la protestation la plus formelle.
D’ascendance strictement française dans toutes les branches et aussi loin que je puis remonter, officier d’infanterie, titulaire de citations qui ont toutes été gagnées en avant des lignes françaises, ancien chef de la Justice militaire à une époque où les gens de la 5ème Colonne étaient envoyés aux fossés de Vincennes, ayant parmi mes parents les plus proches quatre officiers tués à l’ennemi, membre du Conseil de mon Ordre, régulièrement élu Sénateur par mes compatriotes de l’Hérault, je n’accepte pas d’être traité en Français de la 2ème catégorie.
Croyez que je regrette, m’adressant à vous, d’avoir à m’exprimer avec cette fermeté. Je n’oublie pas la déférence que je vous dois, ni que j’ai eu l’honneur de siéger avec vous au Comité de guerre en 1917.
Veuillez agréer, Monsieur le Maréchal, l’assurance de ma respectueuse considération ».
….
Le 13 décembre 1941, Pierre Masse fut soudainement transféré de Drancy à l’École militaire avec d’autres personnalités juives. On leur fit croire qu’ils allaient être fusillés à titre de représailles pour des attentats commis à Paris. Dans ces circonstances dramatiques, Pierre Masse écrivit deux lettres, l’une adressée à sa femme, l’autre au Bâtonnier de Paris.
Il faut en ce moment solennel, ici au Palais de justice en rappeler les termes :
« Monsieur le Bâtonnier,
Je suis appelé. Je vais probablement mourir. Je suis venu ici comme avocat. Je mourrai, j’espère dignement, pour ma Patrie, ma Foi et mon Ordre.
Dites à mes confrères que je les remercie des honneurs qui ont accompagné ma vie professionnelle. J’en emporte une juste fierté. Je vous recommande mon fils. Je finirai en soldat de la France et du droit que j’ai toujours été. Bien vôtre, en toute amitié et en déférent respect. Pierre Masse » Ce témoignage d’un attachement passionné à la profession d’avocat, d’autres confrères parmi lesquels de nombreux juifs l’ont exprimé aussi aux heures ultimes de leur vie avant d’être fusillés ou déportés. Ces lettres constituent l’hommage le plus précieux qui ai jamais été rendu à la profession d’avocat. »
“La rafle dite « des notables » est l’arrestation à Paris, le 12 décembre 1941, par la police française et la Gestapo, de 743 Juifs français. Les individus arrêtés sont d’abord détenus à l’École militaire, puis transférés au camp de Royallieu, situé sur le territoire de la commune de Compiègne dans l’Oise. Ils font partie, le 27 mars 1942, du premier contingent de Juifs déportés, et la plupart d’entre eux sont assassinés au camp d’Auschwitz.
L’ordre d’arrestation, donné le 5 décembre 1941, est en lien avec une série d’attentats anti-allemands en octobre et novembre de la même année. Ces attentats, qui conduisent également à l’arrestation des « fusillés de Châteaubriant », permettent à l’armée d’occupation de prétendre que les responsables des attentats sont des Juifs et des agents anglo-saxons et ainsi de mener des actions de répression ciblées visant notamment les Juifs et les communistes. La rafle est mentionnée allusivement par une photo et un commentaire dans L’Émancipation nationale, l’organe hebdomadaire du Parti populaire français de Jacques Doriot.
Les rafles commencent le 12 décembre 1941 au matin. 743 notables juifs français, parmi lesquels des chefs d’entreprises, des commerçants, des ingénieurs, des médecins, des avocats, de intellectuels sont arrêtés à leur domicile, leur nom a été trouvé dans le « fichier juif », administré par André Tulard, chef de bureau, puis sous-directeur des étrangers à la préfecture de police au printemps 1942. Ce fichier recensait les Juifs français. Parmi eux, figurent le géographe Jacques Ancel, René Blum, frère de Léon Blum, le romancier Jean-Jacques Bernard , fils de Tristan Bernard, l’entrepreneur Natan Darty, l’écrivain Maurice Goudeket, mari de Colette, le dentiste Benjamin Schatzman, le futur historien de la Shoah Georges Wellers. Après leur arrestation à l’aube, ils sont rassemblés dans le manège du commandant Louis Bossut, à l’École militaire, puis transférés au camp C de Compiègne-Royallieu, dans l’Oise. Dans ce camp ne sont internés que des prisonniers juifs : outre les Juifs français, sont transférés 300 juifs étrangers en provenance du camp de Drancy où ils étaient déjà internés, pour atteindre le nombre de 1 000 détenus, demandé par les Nazis dans la perspective d’une déportation. Cette opération, qui est antérieure à la Conférence de Wannsee, à Berlin, de janvier 1942, et à la mise en œuvre de la « solution finale de la question juive », correspond toutefois au « projet » exposé par Hitler dès 1940 de « vider l’Europe de tous ses Juifs » . Elle est supervisée par Theodor Dannecker, conseiller aux affaires juives en France de 1940 à 1942.
Le 27 mars 1942 un convoi de 565 détenus juifs du camp de Drancy est constitué à la gare du Bourget à destination de Compiègne. 547 détenus de Compiègne sont ajoutés à ce convoi, dirigé par le SS Theodor Dannecker. Le convoi de 1 112 personnes, est acheminé dans des wagons de troisième classe à Auschwitz. La majorité des Juifs arrêtés le 12 décembre 1941, dont René Blum et Natan Darty, sont de ce premier convoi. Benjamin Schatzman quant à lui est déporté le 23 septembre 1942 par le convoi n°36, Georges Wellers par le convoi n°76, du 30 juin 1944.
Une plaque commémorative est posée par l’association des Fils et filles de déportés juifs de France en 1999 à l’École militaire.”
Dans l’île de La Palma aux Canaries, le volcan dans la zone de Cumbre Vieja («Vieux sommet», point culminant : 1944 m), formée il y a 125 000 ans, est entré en éruption. La Cumbre Vieja se trouve au centre de l’île. C’est une crête allongée couverte de cônes volcaniques. L’île a une population de 87 000 habitants. Sa superficie est de 708,32 kilomètres carrés. Son point le plus élevé est le Roque de los Muchachos (2 426 mètres).
Quelque 5 000 personnes ont dû être évacuées. C’est la première éruption volcanique dans l’île depuis 1971. Elle avait duré alors du 26 octobre au 18 novembre et avait fait apparaître le cône Teneguía au sud. Une éruption sous-marine avait eu aussi lieu au niveau de l’île d’El Hierro entre le 10 octobre 2011 et le 5 mars 2012 avec émission sous-marine de lave.
Á la Palma, l’éruption a commencé dimanche 19 septembre à 14 h 12 locales (15 h 12 en France) dans la zone de Cabeza de Vaca, près du village de Las Manchas (Commune d’El Paso). D’après les projections du cabildo (administration locale insulaire), les coulées de lave issues du volcan, situé au centre de l’île, devraient se diriger vers la mer, dans le sud-ouest de l’île, en passant par des zones habitées désormais évacuées mais boisées, ce qui fait craindre des départs d’incendies. Ces coulées de lave avancent à une vitesse moyenne de 700 mètres par heure à près de 1 000 °C, d’après l’Institut volcanologique des Canaries.
Avant l’éruption, plusieurs milliers de séismes de basse magnitude ont été enregistrés depuis samedi dernier par l’Institut volcanologique des Canaries. Des millions de mètres cubes de magma se sont par ailleurs déplacés à l’intérieur du volcan, tandis que le sol s’est élevé d’environ 10 centimètres dans la zone du volcan.
Selon les experts, l’éruption pourrait durer de deux semaines à quatre mois maximum.
L’ensemble de l’île (La Isla Bonita) est reconnu comme Réserve de biosphère par l’Unesco. Dans le centre de l’île se trouve le Parc national de la Caldera de Taburiente, qui est l’un des quatre parcs nationaux situés aux îles Canaries sur les quinze que compte l’Espagne.
Les différents petits sommets sont parcourus par le sentier de grande randonnée 131 ou GR 131, aussi appelé en Espagne El Bastón.
Nos derniers séjours dans cette île magnifique où l’on peut faire d’extraordinaires randonnées datent de 2004, 2006 et 2007. Nous aimerions beaucoup y retourner.