Valencia en el corazón (Manuel Vicent)

Merci Manuel Vicent.

Manuel Vicent (Luis Lonjedo).

“Como todos los años, al iniciarse el otoño, la gente del Mediterráneo sabe que un día se abrirán las compuertas del cielo, comenzará a llover con una fuerza inaudita y se llevará por delante todo lo que encuentre a su paso. La furia de la riada buscará el mismo camino hasta el mar que había seguido durante miles de años sin hallar otros obstáculos que los de la propia naturaleza. Pero a lo largo del tiempo los cauces que eran de su exclusiva propiedad se fueron cegando debido a que el desarrollo económico le disputó su territorio, hasta el punto que en la servidumbre de paso del agua se han levantado pueblos, fábricas, autopistas e interpuesto millones de automóviles. Se trata de un desafío entre los hombres y la naturaleza. Está claro que contra la naturaleza no se puede. La tierra, el aire, el fuego y el agua son los cuatro elementos, que según Aristóteles, conforman la materia que te salva o te mata de forma irracional, pero también a veces según uno se comporte con ella. La tierra que te da de comer con sus frutos, puede aplastarte con un terremoto; el aire con esa brisa tan agradable que respiras puede convertirse en un huracán devastador, el fuego que arde en la chimenea es capaz de incendiar los bosques y el agua que bebes puede llevarse por delante tu vida con todos tus enseres. Los científicos habían advertido con suficiente antelación de la tragedia que se avecinaba alrededor de Valencia y no se equivocaron; sin duda algunos políticos no han estado a la altura de este cataclismo, pero si algún miserable trata de sacar partido de esta desgracia echando la culpa al adversario será como uno más que aprovecha el caos para realizar un pillaje en un supermercado. En medio de la desolación es el momento de la solidaridad y del arrojo ante el infortunio. Con muchas lágrimas los muertos serán enterrados, con el tiempo esta tragedia de Valencia será olvidada, y por nuestra parte seguiremos jugando a desafiar a la naturaleza, como siempre, sin haber aprendido nada.” (El País, 3 novembre 2024)

Valencia. La Pasarela de la Solidaridad (Reuters).

Antonio Skármeta – Arthur Rimbaud

Antonio Skármeta (Ulf Andersen). Paris, 2013.

L’écrivain chilien Antonio Skármeta est mort mardi 15 octobre à l’âge de 83 ans. il est né le 7 novembre 1940 à Antofagasta, dans le nord du Chili. Il a étudié la philosophie à l’université du Chili, où il a travaillé des années plus tard comme professeur à la faculté de philosophie et comme metteur en scène de théâtre. Après le coup d’Etat militaire d’Augusto Pinochet en 1973, il s’est exilé en Argentine puis en Allemagne, où il a été ambassadeur du Chili dans les années 2000. Il a aussi animé un programme culturel à la télévision chilienne, El show de los libros, de 1992 à 2002. Il est surtout connu comme auteur de Ardiente paciencia (1985) (Une ardente patience, Le Seuil 1985. Traduction de François Maspero) Ce roman a été adapté au cinéma en 1994 sous le titre Le Facteur (Il postino) par Michael Radford avec Massimmo Troisi et Philippe Noiret, dans le rôle de Pablo Neruda. Skármeta avait réalisé lui-même en 1983 une première version de cette histoire. Sa pièce de théâtre, El plebiscito, a été le point de départ du film de Pablo Larraín No (2012) qui évoque la participation d’un jeune publicitaire à la campagne en faveur du « non » lors du référendum chilien de 1988. Celui-ci a marqué la fin de la dictature militaire d’Augusto Pinochet et a ouvert la voie à la transition démocratique chilienne.

Le titre Ardiente paciencia rappelle le poème de Rimbaud que Neruda avait évoqué lorsqu’il avait reçu le Prix Nobel de Littérature en 1971 :

” Hace hoy cien años exactos, un pobre y espléndido poeta, el más atroz de los desesperados, escribió esta profecía: A l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides Villes. (Al amanecer, armados de una ardiente paciencia entraremos en las espléndidas ciudades.)

Yo creo en esa profecía de Rimbaud, el vidente. Yo vengo de una oscura provincia, de un país separado de todos los otros por la tajante geografía. Fui el más abandonado de los poetas y mi poesía fue regional, dolorosa y lluviosa. Pero tuve siempre confianza en el hombre. No perdí jamás la esperanza. Por eso tal vez he llegado hasta aquí con mi poesía, y también con mi bandera.

En conclusión, debo decir a los hombres de buena voluntad, a los trabajadores, a los poetas, que el entero porvenir fue expresado en esa frase de Rimbaud: solo con una ardiente paciencia conquistaremos la espléndida ciudad que dará luz, justicia y dignidad a todos los hombres.

Así la poesía no habrá cantado en vano. “

Adieu
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L’automne, déjà ! – Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, – loin des gens qui meurent sur les saisons.

L’automne. Notre barque élevée dans les brumes immobiles tourne vers le port de la misère, la cité énorme au ciel taché de feu et de boue. Ah ! les haillons pourris, le pain trempé de pluie, l’ivresse, les mille amours qui m’ont crucifié ! Elle ne finira donc point cette goule reine de millions d’âmes et de corps morts et qui seront jugés ! Je me revois la peau rongée par la boue et la peste, des vers plein les cheveux et les aisselles et encore de plus gros vers dans le coeur, étendu parmi les inconnus sans âge, sans sentiment… J’aurais pu y mourir… L’affreuse évocation ! J’exècre la misère.

Et je redoute l’hiver parce que c’est la saison du comfort !

  • Quelquefois je vois au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie. Un grand vaisseau d’or, au-dessus de moi, agite ses pavillons multicolores sous les brises du matin. J’ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J’ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! Une belle gloire d’artiste et de conteur emportée !

Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan !

Suis-je trompé ? la charité serait-elle soeur de la mort, pour moi ?

Enfin, je demanderai pardon pour m’être nourri de mensonge. Et allons.

Mais pas une main amie ! et où puiser le secours ?

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Oui l’heure nouvelle est au moins très-sévère.

Car je puis dire que la victoire m’est acquise : les grincements de dents, les sifflements de feu, les soupirs empestés se modèrent. Tous les souvenirs immondes s’effacent. Mes derniers regrets détalent, – des jalousies pour les mendiants, les brigands, les amis de la mort, les arriérés de toutes sortes. – Damnés, si je me vengeais !

Il faut être absolument moderne.

Point de cantiques : tenir le pas gagné. Dure nuit ! le sang séché fume sur ma face, et je n’ai rien derrière moi, que cet horrible arbrisseau !… Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes ; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul.

Cependant c’est la veille. Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. Et à l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.

Que parlais-je de main amie ! Un bel avantage, c’est que je puis rire des vieilles amours mensongères, et frapper de honte ces couples menteurs, – j’ai vu l’enfer des femmes là-bas ; – et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps.

avril-août, 1873.

Une saison en enfer, 1873-1874.

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/05/10/arthur-rimbaud/

Isla Negra. Playa. Océano Pacífico.

Miguel Hernández

Miguel Hernández à la sortie du Congrès International des Écrivains pour la Défense de la Culture. Valence, juillet 1937 (Walter Reuter).

Miguel Hernández Gilabert est né le 30 octobre 1910 à Orihuela (province d’Alicante).

Il fait partie d’une famille de sept enfants, dont trois meurent en bas âge. Il passe son enfance et son adolescence entre l’école et le troupeau de chèvres de son père. Il doit abandonner ses études à 14 ans, mais passe de longs moments à la bibliothèque où il lit avec passion tous les auteurs du Siècle d’or espagnol.

Il commence par publier ses poèmes dans la presse locale et régionale dès 1929. Il se rend par deux fois à Madrid. Lors du deuxième voyage, Vicente Aleixandre et Pablo Neruda, qui obtiendront plus tard tous les deux le Prix Nobel de Littérature, deviennent ses grands amis. En 1936, il s’engage dans l’armée républicaine. Le 9 mars 1937, il épouse Josefina Manresa. Il aura deux fils. L’aîné, Manuel Ramón, né en décembre 1937, meurt à l’automne 1938. Á la fin de la guerre, il essaie de se rendre au Portugal, mais il est arrêté à la frontière par la police portugaise et remis à la Garde civile.

Le 18 janvier 1940, un Conseil de Guerre le condamne à mort l’accusant du délit d’adhésion à la rébellion dans une parodie de procès (Sumarios 21001 y 4407). La sentence est commuée en 30 ans d’emprisonnement le 9 juillet 1940. Miguel Hernández connaît les prisons de Madrid, Palencia, Ocaña, Alicante. Les conditions déplorables de détention ont raison de sa santé. Atteint de tuberculose, il meurt le 28 mars 1942 dans la prison Reformatorio de Alicante par manque de soins. Josefina Manresa et son second fils, Manuel Miguel (1939-1984) vivront ensuite à Elche dans une grande pauvreté.

Aujourd’hui l’aéroport d’ Alicante-Elche porte le nom du poète ainsi que l’Université d’Elche. Mais sa condamnation n’avait toujours pas été annulée par le Tribunal Suprême.

La famille, représentée par sa belle-fille, Lucía Izquierdo, et ses enfants a enfin obtenu la semaine dernière que le gouvernement annule ce jugement. Le ministre de Política Territorial y Memoria Democrática, Miguel Ángel Torres, a signé 29 déclarations d’annulation de jugements contre des personnes condamnées par la régime franquiste. Miguel Hernández en fait partie.

Une cérémonie officielle aura lieu le 31 octobre 2024 à Madrid en présence de la famille.

Un long processus va enfin de terminer. En effet, la famille avait obtenu préalablement, non sans difficultés, le soutien de la mairie d’Elche, de la Diputación de Alicante et de la Generalidad Valenciana. Mais une motion dans le même sens avait été rejetée le 26 septembre par la municipalité de sa ville natale, Orihuela, dirigée par le Partido Popular et Vox.

Orihuela. Casa-Museo Miguel Hernández. Sa chambre.

Las cárceles

I

Las cárceles se arrastran por la humedad del mundo,
van por la tenebrosa vía de los juzgados:
buscan a un hombre, buscan a un pueblo, lo persiguen,
lo absorben, se lo tragan.

Jacques Réda 1929 – 2024

Le poète Jacques Réda est décédé le 30 septembre à l’âge de 95 ans.

« Le désespoir n’existe pas pour un homme qui marche. ».

Lire ou relire :

Amen, récitatif, la tourne. Poésie Gallimard N° 221. 1988.

Les ruines de Paris. Poésie Gallimard N° 268. 1993.

Hors les murs. Poésie Gallimard N° 358. 2001.

Leçons de l’arbre et du vent. Gallimard Blanche. 2023.

Il est une forêt sans borne où je voudrais
M’enfoncer, en mourant, loin de la médecine
Qui m’impose pour vivre une foule d’extraits
Chimiques. J’y prendrais tout doucement racine,
Jusqu’au jour où, non moins en douceur, j’entrerais
D’abord aussi fragile et fin qu’une houssine,
Quitte de mes devoirs et de mes intérêts,
Dans l’absence de temps où l’Arbre se dessine
Sans crayon ni pastel, sanguine ni pinceau.
Vite, j’y deviendrais vigoureux arbrisseau.
Puis l’artiste inconnu qui conçut la rosée.
Et la houle des monts et les yeux des vivants
Me laisserait songer tout au fond du musée
Végétal où, distraits, viennent errer les vents.

Une pensée pour Nicole Réda-Euvremer.

El Profesor

El profesor (Puan. 2023). Réalisation et scénario : María Alché et Benjamín Naishtat. Photographie : Hélène Louvart. Musque : Santiago Dolan. 1h50.

Interprètes : Marcelo Subiotto. Leonardo Sbaraglia. Julieta Zylberberg. Alejandra Flechner. Andrea Frigerio. Mara Bestelli. Valentinz Posleman.

Professeur mélancolique, maladroit et introverti, Marcelo Pena enseigne depuis des années la philosophie à l’Université de Buenos Aires ( qu’on surnomme Puan, du nom de la rue où se trouve la Faculté de Philosophie et de Littérature de Buenos Aires). Comme tous les autres professeurs, il peine à gagner sa vie. Son ami et mentor Caselli meurt au début du film en faisant du footing. Pena est pressenti pour reprendre sa chaire. Mais un autre candidat débarque, Rafael Sujarchuk. Il est séduisant et charismatique. Cette ancienne connaissance de Marcelo, spécialiste de Heidegerr et fiancé à une jeune actrice à la mode, est décidé lui aussi à briguer le poste. Pena défend son université, se remet en question et surmonte peut-être sa crise existentielle en Bolivie.

Les différentes mésaventures de Marcelo sont toujours clôturées par une fermeture à l’iris comme dans les vieux films. Un des mérites du film c’est qu’il n’y a pas un seul point de vue. Le discours n’est pas fermé. Le spectateur reste libre.

Marcelo Subiotto.

Ce film reflète aussi les luttes actuelles en Argentine pour la défense des services publics et de l’éducation. En effet, sa sortie a précédé d’un mois et demi l’élection à la présidence, le 19 novembre 2023, de Javier Milei, ultralibéral d’extrême-droite qui considère les universités publiques comme des centres d’endoctrinement de gauche. El Profesor a anticipé la mobilisation actuelle des étudiants (Voir Le Monde du 19 mars 2024. En Argentine, les universités et les instituts de recherche au bord de l’effondrement ). Javier Milei menace aussi d’annuler tous les fonds destinés au cinéma et à la culture en général.

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/03/19/en-argentine-les-universites-et-les-instituts-de-recherche-au-bord-de-l-effondrement_6222828_1650684.html

A la fin du film, Marcelo Pena chante un célèbre tango de 1937, Niebla del Riachuelo de Juan Carlos Cobián et d’Enrique Cadícamo. Il avait été d’abord écrit pour le film de Luis Saslavky (1903-1995), La fuga (1937), et interprété par l’actrice Tita Merello (1904-2002)

Il a été repris par la suite par les plus grands chanteurs de tango. La version la plus célèbre reste celle de Roberto Goyeneche, El Polaco (1926-1994).

Roberto Goyeneche.

Niebla del Riachuelo

Turbio fondeadero donde van a recalar,
Barcos que en el muelle para siempre han de quedar,
Sombras que se alargan en la noche del dolor,
Náufragos del mundo que han perdido el corazón,
Puentes y cordajes donde el viento viene a aullar,
Barcos carboneros que jamás han de zarpar,
Torvo cementerio de las naves que al morir,
Sueñan, sin embargo, que hacia el mar han de partir.

Niebla del Riachuelo!
Amarrado al recuerdo
Yo sigo esperando.
Niebla del Riachuelo!
De ese amor, para siempre
Me vas alejando.

Nunca más volvió.
Nunca más la vi.
Nunca más su voz nombró mi nombre junto a mí
Esa misma voz que dijo: Adiós!

Sueña marinero, con tu viejo bergantín.
Bebe tus nostalgias en el sordo cafetín.
Llueve sobre el puerto, mientras tanto mi canción
Llueve lentamente sobre tu desolación.

Anclas que ya nunca, nunca más han de levar,
Bordas de lanchones sin amarras que soltar,
Triste caravana sin destino ni ilusión,
Como un barco preso en la botella del figón.

Niebla del Riachuelo!
Amarrado al recuerdo
Yo sigo esperando
Niebla del Riachuelo!
De ese amor, para siempre
Me vas alejando.
Nunca más volvió.
Nunca más la vi.
Nunca más su voz nombró mi nombre junto a mí.
Esa misma voz que dijo: Adiós!

Brouillard du Riachuelo

Sombre mouillage où s’échouent
Des bateaux qui pour toujours resteront à quai,
Ombres qui grandissent dans la nuit des douleurs,
Naufragés d’un monde qui ont perdu leur âme,
Ponts et cordages où le vent vient hurler
Navires charbonniers qui jamais ne lèveront l’ancre,
Sinistre cimetière de bateaux qui en mourant,
Rêvent encore qu’ils prennent la mer.

Brouillard du Riachuelo !
Ancré dans ma mémoire
Je continue d’attendre.
Brouillard du Riachuelo !
De cet amour, pour toujours
Tu m’éloignes.

Elle n’est jamais revenue,
Jamais je ne l’ai revue :
Plus jamais sa voix n’a murmuré mon nom près de moi,
Cette même voix qui m’a dit : adieu.

Rêve, marin, de ton vieux brigantin,
Bois tes regrets dans ton bistrot silencieux,
Il pleut sur le port, alors que ma chanson
Pleut lentement sur ton désespoir.

Ancres qui jamais, jamais plus ne seront levées
Plats-bords des bacs sans plus d’amarres à larguer.
Triste caravane sans destin ni illusion,
Comme un bateau enfermé dans une bouteille de troquet.

Brouillard du Riachuelo !
Ancré dans ma mémoire
Je continue d’attendre.
Brouillard du Riachuelo !
De cet amour, pour toujours
Je m’éloigne.
Elle n’est jamais revenue,
Jamais je ne l’ai revue.
Plus jamais sa voix n’a murmuré mon nom près de moi.
Cette même voix qui a dit : Adieu !

https://www.youtube.com/watch?v=33yqvtHVml4 (Roberto Goyeneche)

https://www.youtube.com/watch?v=BlCMhq2dpfw (Tita Morello)

https://www.youtube.com/watch?v=CGAlDwIZ0U4 (Susana Rinaldi)

La fuga (Luis Saslavsky). 1937.

Aurora Picornell 1912 – 1937

Le 5 janvier 1937, les fascistes ont fusillé Aurora Picornell (1912-1937) au cimetière de Son Coletes, près de Manacor (Mallorca) avec ses camarades du groupe “ Les Rouges du Molinar ” ( Les Roges de Molinar : Catalina Flaquer, ses deux filles, Antònia Pascual Flaquer et Maria Pascual Flaquer, Belarmina González Rodríguez ). Elles étaient communistes et vivaient dans le quartier de El Molinar à Palma de Mallorca (Îles Baléares), qui était à l’époque un quartier d’ouvriers et de pêcheurs. Aujourd’hui, la zone où elles habitaient n’existe plus.

Le Président actuel du Parlement des Îles Baléares, Gabriel Le Senne, membre de l’Opus Dei et du parti fasciste Vox, allié au parti Populaire (droite conservatrice), s’est permis le 19 juin 2024 de déchirer dans l’hémicycle la photographie de cette figure républicaine. Il a aussi expulsé deux députées du Parti Socialiste Ouvrier espagnol (PSOE), Mercedes Garrido et Pilar Costa. Vox et le Parti Populaire veulent supprimer la Ley de Memoria Democrática dans cette communauté autonome. La menace de l’extrême-droite est toujours là, bien présente …

Aurora Picornell aurait dit à ses boureaux de la Phalange :

“Podéis matar a hombres, a mujeres, a niños como el mío que todavía no ha nacido. ¿Pero, y las ideas? ¿Con qué balas mataréis las ideas?”.

“Podeu matar homes, dones, nins com el meu que encara no ha nat. Però, i les idees? Amb quines bales matareu les idees?”

Les membres de la famille de Gabriel Le Senne faisaient partie des partis conservateurs de l’île et se sont amplement enrichis pendant la longue dictature franquiste (1939-1975)

L’histoire dit que dans la nuit du 5 au 6 janvier 1937 un fasciste est entré dans un bar du quartier El Molinar et a montré à ceux qui étaient présents un soutien-gorge taché de sang. “Mirad, mirad, son los sostenes de Aurora”. (« Regardez, regardez, c’est le soutien-gorge d’Aurora. ») C’est ainsi que les habitants du quartier ont appris l’exécution de cette dirigeante du Parti communiste d’Espagne (PCE) à Mallorque. 85 ans plus tard, en octobre 2022, les restes d’Aurora ont été identifiés. Ils ont été trouvés dans la fosse commune n°3 du cimetière Son Coletes de Manacor. L’ADN de son frère, Ignasi Picornell, lui aussi assassiné et dont le corps a été retrouvé en 2016 dans la fosse commune de Porreres, a permis son identification ainsi que celle de son père Gabriel Ignasi Picornell.

Fosse commune n°3 du cimetière Son Coletes de Manacor. 2022. Catalina Flaquer, Aurora Picornell, les soeurs Antonia i María Pascual Flaquer et Belarmina González.

Aurora Picornell est née le 1 octobre 1912 à Palma dans une famille communiste de sept enfants (Aurora est la sixième). Á 16 ans, elle publie La mujer, ¿es superior al hombre? Estudio dividido en tres meditaciones. Á 18 ans, elle milite dans la Lliga Laica de Mallorca. L’année suivante, elle fonde le syndicat des couturières (Sindicato de Sastrería y similares). Elle est la vice-présidente d’une direction paritaire. Elle devient membre du Secours rouge international et responsable régionale du Parti Communiste d’Espagne (PCE). Elle participe à des meetings et écrit dans la presse. Elle organise el Día de la Mujer Trabajadora à Mallorca le 8 mars 1934. Bien que membre d’un petit parti, elle est très connue pour son activisme dans tout l’archipel. On l’appelle déjà la Heroica Aurora Picornell ou bien La Pasionaria de Mallorca. Au début des années 30, la participation des femmes dans la vie politique est encore chose peu fréquente bien qu’en Espagne les femmes aient obtenu le droit de vote le 1 octobre 1931 grâce à la Seconde République.

Aurora est arrêtée avec ses camarades le 19 juillet 1936, peu après le coup d’état franquiste. Elle est incarcérée d’abord à la prison provinciale, puis à la prison pour femmes de Mallorca (edificio Ca’n Salas). Elle est ensuite emmenée par un groupe de phalangistes dans l’ancien couvent de Montuïri et fusillée sans aucun jugement la veille du jour des Rois (le 5 janvier 1937), après avoir été torturée et probablement violée.

Elle est devenue l’exemple de ce que fut la répression franquiste à Mallorca pendant la Guerre Civile. Entre 1936 et 1942, 2300 personnes furent assassineés dans l’île par les putschistes.

La famille Picornell Femenias en a particulièrement souffert. Son père (Gabriel Ignasi) qui était menuisier et deux de ses frères (Gabriel et Ignasi) ont été fusillés. Le plus jeune, Joan, a pu fuir en France après la guerre, mais il fut déporté à Dachau et mourut peu après la libération du camp de concentration. En 1932, Aurora s’était mariée à Valence avec Heriberto Quiñones, membre de l’Internationale Communiste et dirigeant du PCE. Ils ont eu une fille, Octubrina Roja Quiñones Picornell (1934-1969). Heriberto Quiñones a été exécuté à Madrid le 2 octobre 1942. il est mort assis sur une chaise car les tortures qu’on lui avait infligées lui avaient fait perdre l’usage de ses quatre membres.

C’est un groupe dirigé par le Marquis Alfonso de Zayas y de Bobadilla (1896-1970), chef provincial de la Phalange, qui est responsable de l’arrestation et de la mort d’Aurora. Le Gouverneur civil des Baléares, Mateu Torres Bestard (1891-1969), proche du général Franco, a favorisé cette répression.

Totes les Aurores (2023). Documentaire d’IB3 Televisió, Quindrop Produccions (Pedro de Echave). 75 minutes.

https://www.youtube.com/watch?v=fUvZO4018GA

Georges Bernanos.

Il faut relire Les Grands Cimetières sous la lune de Georges Bernanos (Plon, 1938).

« Pour moi, j’appelle Terreur tout régime où les citoyens, soustraits à la protection de la loi, n’attendent plus la vie ou la mort que du bon plaisir de la police d’Etat. J’appelle le régime de la Terreur le régime des Suspects. C’est ce Régime que j’ai vu fonctionner huit mois. Ou, plus exactement, il m’a fallu dix mois pour m’ en découvrir, rouage après rouage, le fonctionnement. Je le dis, je l’affirme. Je n’exige nullement qu’on me croie sur parole. Je sais que tout se saura un jour – demain, après-demain, qu’importe ? Mgr l’ Évêque de Palma par exemple en sait autant que moi. J’ai toujours pensé que Notre Saint-Père le Pape, torturé, dit-on, par le problème de la guerre civile espagnole, aurait grand intérêt à questionner ce dignitaire sous la foi du serment. »

« Exécutions

J’ai vu là-bas, à Majorque, passer sur la Rambla des camions chargés d’hommes. Ils roulaient avec un bruit de tonnerre, au ras des terrasses multicolores, lavées de frais, toutes ruisselantes, avec leur gai murmure de fête foraine. Les camions étaient gris de la poussière des routes, gris aussi les hommes assis quatre par quatre, les casquettes grises posées de travers et leurs mains allongées sur les pantalons de coutil, bien sagement. On les raflait chaque soir dans les hameaux perdus, à l’heure où ils reviennent des champs ; ils partaient pour le dernier voyage, la chemise collée aux épaules par la sueur, les bras encore pleins du travail de la journée, laissant la soupe servie sur la table et une femme qui arrive trop tard au seuil du jardin, tout essoufflée, avec le petit balluchon serré dans la serviette neuve : « Adios ! recuerdos ! » (adieu ! Je pense à toi!) »

Bibliographie

David Ginard i Féron (professeur d’histoire à l’université des Îles Baléares), Aurora Picornell (1912-1937) : de la història al símbol, Palma, Edicions Documenta Balear, 2016.

Josep Quetglas, Aurora Picornell. Escrits 1930-1936. Pins del Vallès, Associació d’Idees, 2012.

Federico García Lorca

Poet in New York. Farrar, Straus and Giroux, 2013.

Federico García Lorca est né le 5 juin 1898, il y a 126 ans.

Pour l’occasion, 4 versions du magnifique poème de Federico García Lorca Pequeño vals vienés de Poeta en Nueva York. Inoubliable Leonard Cohen !

Leonard Cohen – Take This Waltz (Live in London)

https://www.youtube.com/watch?v=zSUHkWd44vU

Sílvia Pérez Cruz & Pájaro. Pequeño vals vienés. Poème de Federico García Lorca ; musique Leonard Cohen.
Sílvia Pérez Cruz, chant ; Andrés Herrera « El Pájaro », guitare ; Raúl Fernandez Miró, guitare électrique ; Pepe Frías, contrebasse.
Enregistré en direct au studio Happy Place Records, Séville (Espagne), en 2017.
Vidéo : Espagne : Producciones Cibeles S.L., 2018.

https://www.youtube.com/watch?v=ft4qigSb-gA

Enrique Morente – Pequeño Vals Vienes. Take This Waltz. (Remasterisé en 2016)

https://www.youtube.com/watch?v=erN4m0RAAl8

Ana Belén. Pequeño Vals Vienés. Nochevieja de 1998.

https://www.youtube.com/watch?v=YBayZPFjQjY

Autoportrait de García Lorca à New-York. 1929-1930.

Pequeño vals vienés ( Federico García Lorca )

En Viena hay diez muchachas,
un hombro donde solloza la muerte
y un bosque de palomas disecadas.
Hay un fragmento de la mañana
en el museo de la escarcha.
Hay un salón con mil ventanas.
¡Ay, ay, ay, ay!
Toma este vals con la boca cerrada.

Este vals, este vals, este vals,
de sí, de muerte y de coñac
que moja su cola en el mar.

Te quiero, te quiero, te quiero,
con la butaca y el libro muerto,
por el melancólico pasillo,
en el oscuro desván del lirio,
en nuestra cama de la luna
y en la danza que sueña la tortuga.
¡Ay, ay, ay, ay!
Toma este vals de quebrada cintura.

En Viena hay cuatro espejos
donde juegan tu boca y los ecos.
Hay una muerte para piano
que pinta de azul a los muchachos.
Hay mendigos por los tejados.
Hay frescas guirnaldas de llanto.
¡Ay, ay, ay, ay!
Toma este vals que se muere en mis brazos.

Porque te quiero, te quiero, amor mío,
en el desván donde juegan los niños,
soñando viejas luces de Hungría
por los rumores de la tarde tibia,
viendo ovejas y lirios de nieve
por el silencio oscuro de tu frente.

¡Ay, ay, ay, ay!
Toma este vals del “Te quiero siempre”.

En Viena bailaré contigo
con un disfraz que tenga
cabeza de río.
¡Mira qué orilla tengo de jacintos!
Dejaré mi boca entre tus piernas,
mi alma en fotografías y azucenas,
y en las ondas oscuras de tu andar
quiero, amor mío, amor mío, dejar,
violín y sepulcro, las cintas del vals.

Poeta en Nueva York, 1940.

Petite valse viennoise

Á Vienne il y a dix jeunes filles,
une épaule où sanglote la mort
et un bois de colombes empaillées.
Il y a un fragment du matin
dans le musée du givre.
Il y a un salon aux mille fenêtres.
Ah, la, la, la !
Prends cette valse à la bouche close.

Cette valse, cette valse, cette valse,
de oui, de mort et de cognac,
qui trempe sa traîne dans la mer.

Je t’aime, je t’aime, je t’aime,
avec le fauteuil et le livre mort,
dans le mélancolique corridor,
dans l’obscur grenier du lys,
dans notre lit de la lune
et dans la danse dont rêve la tortue.
Ah, la, la, la !
Prends cette valse à la taille brisée.

Á Vienne il y a quatre miroirs
où jouent ta bouche et les échos.
Il y a une mort pour piano
qui peint en bleu les garçons,
il y a des mendiants sur les auvents,
il y a de fraîches guirlandes de pleurs.
Ah, la, la,la !
Prends cette valse qui se meurt dans mes bras.

Parce que je t’aime, je t’aime, mon amour
dans le grenier où jouent les enfants.
Tout en rêvant à de vieilles lueurs de Hongrie
dans les rumeurs du tiède après-midi.
Tout en voyant des brebis et des lys de neige
dans le sielnce obscur de ton front.
Ah, la, la, la !
Prends cette valse du « je t’aime à jamais ».

Á Vienne je danserai avec toi
dans un costume qui possédera
une tête de fleuve.
Regarde-moi avec mes rives de jacinthes !
Je laisserai ma bouche entre tes jambes,
mon âme dans des photographies et des iris,
et dans les ondes obscures de ton allure
je veux, mon amour, mon amour, laisser,
violon et sépulcre, les rubans de la valse.

Poète à New York. Robert Laffont, 2023. Traduction : Carole Fillière et Zoraida Carandell.

Piedad Bonnett

Piedad Bonnett, 2022 (Rodrigo Jimenez).

Piedad Bonnett, poète, romancière, essayiste et dramaturge colombienne (Amalfi -Antoquia, 1951), a reçu ces jours derniers le XXXIII Prix Reina Sofía de Poésie Iberoaméricaine. Il est attribué chaque année depuis 1992 à un poète ibéroaméricain par Patrimonio Nacional et l’université de Salamanque.

La liste des précédents lauréats est impressionnante : Claudio Rodríguez, José Hierro, Álvaro Mutis, José Ángel Valente, Nicanor Parra, Sophia de Mello Breyner, Juan Gelman, Antonio Gamoneda, Blanca Varela, José Emilio Pacheco, Francisco Brines, María Victoria Atencia, Ida Vitale, Rafael Cadenas, Joan Margarit, Raúl Zurita. Un seul bémol : le faible nombre de poètes portugais ou brésiliens couronnés.

Poésie
De círculo y ceniza (Ediciones Uniandes, 1989)
Nadie en casa (Fundación Simón y Lola Gubereck, 1994)
El hilo de los días (Colcultura, 1995) Premio Nacional de Poesía de Colombia
Ese animal triste (Editorial Norma, 1996)
Todos los amantes son guerreros (1998)
Las tretas del débil (Punto de lectura, 2004)
Las herencias (Visor, 2008)
Explicaciones no pedidas (Visor, 2011) Premio Casa de América de poesía americana. Premio de Poesía José Lezama Lima 2014.
Los habitados (Visor, 2017). Premio de Poesía Generación del 27 2016
Lo terrible es el borde (Visor, 2021)

Romans et récit autobiographique
Después de todo (2001)
Para otros es el cielo (2004)
Siempre fue invierno (2007)
El prestigio de la belleza (2010)
Lo que no tiene nombre (2013) qui parle du suicide de son fils Daniel à New York alors qu’il n’avait que 28 ans.
Donde nadie me espere (2018)
Qué hacer con estos pedazos (2022)
Tous ses romans sont publiés par Alfaguara.

J’ai choisi 4 de ses poèmes :

Biografía de un hombre con miedo

Mi padre tuvo pronto miedo de haber nacido.
Pero pronto también
le recordaron los deberes de un hombre
y le enseñaron
a rezar, a ahorrar, a trabajar.
Así que pronto fue mi padre un hombre bueno.
(“Un hombre de verdad”, diría mi abuelo).
No obstante,
-como un perro que gime, embozalado
y amarrado a su estaca- el miedo persistía
en el lugar más hondo de mi padre.
De mi padre,
que de niño tuvo los ojos tristes y de viejo
unas manos tan graves y tan limpias
como el silencio de las madrugadas.
Y siempre, siempre, un aire de hombre solo.
De tal modo que cuando yo nací me dio mi padre
todo lo que su corazón desorientado
sabía dar. Y entre ello se contaba
el regalo amoroso de su miedo.
Como un hombre de bien mi padre trabajó cada
mañana,
sorteó cada noche y cuando pudo
se compró a cuotas la pequeña muerte
que siempre deseó.
La fue pagando rigurosamente,
sin sobresalto alguno, año tras año,
como un hombre de bien, el bueno de mi padre.

El hilo de los días, 1995.

Las cicatrices

No hay cicatriz, por brutal que parezca,
que no encierre belleza.
Una historia puntual se cuenta en ella,
algún dolor.
Pero también su fin.
Las cicatrices, pues, son las costuras
de la memoria,
un remate imperfecto que nos sana
dañándonos.
La forma
que el tiempo encuentra
de que nunca olvidemos las heridas.

Explicaciones no pedidas, 2011

Oración

Para mis días pido,
Señor de los naufragios,
no agua para la sed, sino la sed,
no sueños
sino ganas de soñar.
Para las noches,
toda la oscuridad que sea necesaria
para ahogar mi propia oscuridad.

En el borde

Lo terrible es el borde, no el abismo.
En el borde
hay un ángel de luz del lado izquierdo,
un largo río oscuro del derecho
y un estruendo de trenes que abandonan los rieles
y van hacia el silencio.
Todo
cuanto tiembla en el borde es nacimiento.
Y solo desde el borde se ve la luz primera
el blanco-blanco
que nos crece en el pecho.
Nunca somos más hombres
que cuando el borde quema nuestras plantas desnudas.
Nunca estamos más solos.
Nunca somos más huérfanos.

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/04/14/piedad-bonnett-2/

Piedad Bonnett, Ce qui n’a pas de nom. Metaillé, 2017. Traduction: Amandine Py;

Philippe Saint-André

Philippe Saint-André.

Sur France TV, l’ancien sélectionneur du XV de France, Philippe Saint-André, évoque son grand-père mort dans le Vercors.

https://twitter.com/franceinfo/status/1780209361446465813?ref_src=twsrc%5Egoogle%7Ctwcamp%5Eserp%7Ctwgr%5Etweet

Philippe Saint-André

Né le 2 mars 1909 à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), exécuté sommairement le 25 juillet 1944 à La Chapelle-en-Vercors (Drôme) ; instituteur ; résistant.

Philippe Saint-André était le fils de François (né en 1878) scieur et de Marguerite Saint-André (née en 1883). Il devint instituteur, nommé en 1932 à l’école primaire de la Chapelle-en-Vercors où il exerça jusqu’en 1944. Au recensement de 1936, il résidait au bourg avec ses parents ; sa mère était originaire de La Chapelle-en-Vercors.

Il s’engagea dans la Résistance, vraisemblablement dans les maquis du Vercors. Ces maquis se mirent en place à partir des premiers mois de 1943 dans tout le massif du Vercors. Le commandement allemand lança le 21 juillet 1944 une opération aéroportée contre le village de Vassieux-en-Vercors. A partir du 23 juillet, les unités allemandes commencèrent le ratissage du massif. Le 25 juillet 1944, elles occupèrent La Chapelle-en-Vercors. Dans la soirée, les Allemands rassemblèrent la population qu’ils divisèrent en trois groupes, dont l’un, celui des hommes de 17 à 40 ans (Philippe Saint-André en fit partie), servait d’otage, les autres étant enfermés dans l’école. Dans la nuit, vers 2 h du matin , les 16 hommes furent massacrés dans la cour de la ferme Albert.

Il obtint la mention mort pour la France et le statut Interné – Résistant (DIR). Il reçut à titre posthume la Médaille de la Résistance par décret du 3 juin 1960. Son nom figure sur le monument aux morts et sur les plaques commémoratives de La Chapelle-en-Vercors. L’école primaire porte aujourd’hui son nom et une plaque commémorative est apposée dans l’actuelle cantine de l’école.

Le Maitron. Dictionnaire biographique. Mouvement ouvrier. Mouvement social.

https://maitron.fr/spip.php?article184158, notice SAINT-ANDRÉ Philippe par Robert Serre, Michel Thébault, version mise en ligne le 26 août 2016, dernière modification le 19 mai 2021.

Monument de la Résistance au Pas de l’Aiguille (André M. Winter).

France TV. Diffusé le 16/04/2024 à 13h56 Disponible jusqu’au 03/01/2026.

A l’occasion du début des commémorations marquant le 80 ème anniversaire des débarquements, la rédaction nationale de France Télévisions a rendu hommage le 16 avril aux résistants du maquis du Vercors. France 2 a proposé une édition spéciale présentée par Jean-Baptiste Marteau avec Nathalie Saint-Cricq. Ils ont reçu Jean-Yves Le Naour, historien, Francis Ginsbourger, écrivain dont la famille a été cachée pendant la guerre, Philippe Saint-André, ancien sélectionneur du XV de France dont le grand-père était maquisard, et Gil Emprin, historien au musée de la Résistance de Grenoble.

https://www.france.tv/france-2/edition-speciale/5836980-les-resistants-du-vercors.html

José Roig Armengote

José Roig Armengote est né le 26 décembre 1880 à Castellón de la Plana (Espagne).

Il résidait en France depuis 1900 et avait créé, avant la première guerre mondiale, une fabrique de tricot sur machine qui employait une vingtaine d’ouvrières au 13 rue de l’Abreuvoir à Dourdan (Essonne).

Il était franc-maçon (membre de la Grande Loge de France, loge 137, domiciliée 8 rue de Puteaux, Paris XVIIe arrondissement ) et partisan de la Seconde République espagnole, proclamée le 14 avril 1931.

En septembre 1940, il demeurait à Paris au 86 rue Montorgueil (IIe arrondissement). Il participait aux actions de la Croix-Rouge depuis 1939 et faisait partie du groupe de résistance de Noël Riou. En septembre 1940, il recueillit chez lui quatre aviateurs anglais et parvint à les faire passer en zone libre. Il poursuivit son activité clandestine. Dénoncé, il fut arrêté par les autorités allemandes pour « activité au profit d’une puissance étrangère et espionnage ».

Le 4 juillet 1941, le tribunal du Gross Paris, qui siégeait 11bis rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arrondissement), le condamna à mort. La Délégation générale pour les territoires occupés (DGTO), informée tardivement de sa condamnation, refusa d’intervenir en sa faveur puisqu’il n’était pas de nationalité française. Elle confia son sort au consulat d’Espagne. Son recours en grâce lui fut refusé.

José Roig a été fusillé le 1 août 1941 à Paris, ou plus vraisemblablement au fort d’Ivry, par les autorités allemandes. Son corps fut transféré le soir même au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine dans le carré des fusillés, division 47, ligne 2, n° 15. Il était le deuxième fusillé enterré à Ivry après Eugène Andrieux. Il fut réinhumé à Bagneux le 19 septembre 1945.

Extrait de l’affiche placardée sur les murs de Paris :
«Le nommé ROIG JOSÉ DE PARIS a été condamné à mort pour AIDE A L’ENNEMI par recrutement en faveur de l’armée de l’ex-GÉNÉRAL DE GAULLE. Il A ÉTÉ FUSILLÉ AUJOURD’HUI. Paris, le 1 août 1941. LE TRIBUNAL MILITAIRE».


Il figure parmi les premiers résistants exécutés à Paris. Pourtant, cet Espagnol de naissance ne figure pas sur la liste des martyrs d’Île-de-France auxquels tous les ans la France rend hommage au mont Valérien.

Déclaration de Denis Peschanski le 13 octobre 2023 (Université Paris I Panthéon Sorbonne) :

« Mais une grande découverte s’est faite en marge de ce travail : comme Bruno Roger-Petit, le conseiller mémoire du Président, me demandait de pouvoir retrouver des résistants étrangers afin de les décorer de la Légion d’Honneur, je me montrais circonspect, tant il en restait peu 80 ans après et convaincu qu’ils auraient déjà été honorés, sauf exception. Je pris donc mon bâton de pèlerin et j’ai interrogé les associations. Rien des deux premières. La troisième me dit : notre problème n’est pas là, c’est la reconnaissance par la mention « Mort pour la France ». Je tombe de l’armoire en constatant bientôt que des étrangers et des Français ayant fait exactement la même chose et ayant été fusillés soit comme otages, soit après jugement, n’avaient pas le même sort pour partie d’entre eux. Et je découvrais que, créée en 1915, la mention « Mort pour la France » imposait qu’on fût de nationalité française. Avec la Seconde Guerre mondiale, cela devenait compliqué, alors l’administration a jugé au cas par cas suivant les circonstances et les pressions. Toujours est-il qu’ayant fait remonter l’information, j’eus un accueil positif immédiat, aussi bien de la présidence de la République que du secrétariat d’État aux Anciens combattants. Une première étude portant sur le Mont Valérien, principal lieu d’exécution pendant la guerre, montrait qu’il y avait 185 étrangers sur les quelque 1000 fusillés par les Allemands. La proportion est déjà significative pour illustrer votre première question. Mais sur ces 185, 92 n’avaient pas la mention Mort pour la France. Ils ont obtenu la mention par décision du président le même 18 juin 2023. Et le travail continue bien entendu. »

En 2001, à l’occasion du soixantième anniversaire de sa mort, un square a été nommé en sa mémoire à Meudon (Hauts-de-Seine) où résidait son fils, José Roig, Meudonnais de longue date.

En juillet 2022, le Conseil de Paris vote pour l’apposition d’une plaque en sa mémoire située 86 rue Montorgueil.

Sources :

https://maitron.fr/spip.php?article165698 notice ROIG José par Julien Lucchini, Annie Pennetier, version mise en ligne le 2 octobre 2014, dernière modification le 12 mai 2021.

https://www.jlturbet.net/2024/03/jose-roig-aramengote-honore-ce-jour-a-paris.republicain-antifranquiste-antifasciste-il-etait-membre-de-la-grande-loge-de-france.html

Henri Farreny, Le sang des Espagnols : Mourir à Paris. Éditions Espagne au cœur, 2019.