Madrid. 11 mars 2004. 20 ans. 193 morts, 1858 blessés. Ni oubli ni pardon.
Madrid. 11 de marzo de 2004. Hace 20 años. 193 muertos, 1858 heridos. Ni olvido ni perdón.
Ramón Masats 1931 – 2024
Le grand photographe espagnol Ramón Masats est mort lundi 4 mars 2024 à Madrid. Il avait 92 ans.
Á Madrid, on le considérait comme un catalan et en Catalogne comme un madrilène. Il est pourtant né à Caldas de Montbuy (Province de Barcelone) le 17 mars 1931.
On le connaît surtout pour une photo de 1960 : Seminario de Madrid. Curas jugando al futbol, achetée par le MoMa de New York. Religion et football. Tout un symbole de l’Espagne franquiste d’alors et du national-catholicisme. Son regard et celui d’autres photographes de sa génération comme Gabriel Cualladó (1925–2003) Oriol Maspons (1928-2013), Santiago Ontañón (1930-2008), Carlos Pérez Siquier (1930-2021) Xavier Miserachs (1937-1998) ont su capter la réalité de l’Espagne pendant les interminables années de la dictature.
Ramón Masats n’aimait pas du tout qu’on lui rappelle sa photo la plus célèbre car son œuvre est riche et très variée. On le surnomme parfois le “ Cartier-Bresson espagnol”. Il aurait pu entrer dans l’agence Magnum, mais il manquait d’argent et son père, commerçant à Barcelone, lui avait coupé les vivres.
Il s’est installé définitivement à Madrid en 1957 pour travailler pour la revue La Gaceta ilustrada et pour d’autres organes de presse de l’époque : Mundo Hispánico, Arte y Hogar, Arriba, Ya… “Trabajaba como una mula para poder ser luego un vago”, disait-il.
Il a aussi pris des photos pendant le nombreu tournage de films en Espagne comme Viridiana de Luis Buñuel (1961), Le Cid (1961) et La Chute de l’Empire romain d’Anthony Mann (1964), Les 55 jours de Pékin de Nicholas Ray (1963).
Ses photos se distinguent par l’intérêt qu’il porte aux êtres humains, aux gens simples, mais aussi par son ironie, son humour.
La photoTomelloso (1960) et ses deux portraits du Général Franco sont aussi restés célèbres.
Il a publié de nombreux livres combinant photos et textes.
1962 Neutral Corner sur un gymnase de boxeurs à Madrid (Texte d’Ignacio Aldecoa). Barcelone. Lumen, Collection Palabra e imagen.
1963 Los Sanfermines (Texte de Rafael García Serrano). Espasa-Calpe.
1964 Viejas historias de Castilla La Vieja (Texte de Miguel Delibes). Barcelone, Lumen.
1985 Un paseo por Madrid (Texte de Luis Carandell). Barcelone. Lunwerg Editores.
1989 Andalucía (Texte de José Manuel Caballero Bonald). Barcelone. Lunwerg Editores.
1998 Toro (Texte de Joaquín Vidal). Barcelone. Lunwerg Editores.
2007 Cuenca en la mirada. Barcelone. Lunwerg Editores.
Il a reçu en 2004 le Prix national de Photographie et en 2014 le Prix photoEspaña pour l’ensemble de son œuvre.
Isabel Quintanilla 1938 – 2017
El realismo íntimo de Isabel Quintanilla.
On peut voir cette exposition du 27 février au 2 juin 2024 au Musée National Thyssen-Bornemisza de Madrid. Ouverture du mardi au dimanche. Accès gratuit de 21h à 23 h. Commissaire de l’exposition : Leticia de Cos Martín.
Pour la première fois depuis sa création en 1992, le musée madrilène consacre une exposition monographique à une artiste espagnole, Isabel Quintanilla, représentante d’une peinture figurative. Elle regroupe une centaine d’oeuvres qui couvrent l’ensemble de sa carrière. Ces tableaux et dessins n’ont jamais été vus en Espagne puisqu’ils se trouvent essentiellement dans des musées et des collections privées en Allemagne où ce peintre a rencontré un véritable succès dans les années 1970 et 1980 alors qu’en Espagne elle restait méconnue. Elle fait partie d’un groupe de peintres et sculpteurs réalistes qui se sont retrouvés dans les années 1950 à Madrid (Antonio López García 1936, Julio López Hernández 1930-2018, Francisco López Hernández 1932-2017). On les surnomme los realistas madrileños. Mais des femmes peintres comme María Moreno (1933-2020), épouse d’Antonio López, Amalia Avia (1930-2011), Esperanza Parada ( 1928- 2011) faisaient aussi partie de ce groupe. En Février -Mai 2016, l’ exposition Realistas de Madrid au Musée National Thyssen-Bornemisza a permis de les faire mieux connaître.
La technique et la maîtrise d’Isabel Quintanilla ont été acquises durant sa formation et toute une vie de travail. Á partir de 11 ans, elle suit des cours d’art plastique. Á 15 ans, elle entre à l’École Supérieure des Beaux-Arts dont elle sort diplômée en 1959. Elle s’est aussi consacrée à l’enseignement. Elle épouse le sculpteur Francisco López Hernández en 1960.
Isabel Quintanilla peint ses objets personnels, les pièces de ses différents domiciles et ateliers. Le travail sur la lumière est remarquable. La peinture était sa vie et sa vie était la peinture. « Las soledades me emocionan profundamente, ese teléfono solitario, ese sitio donde se trajina y de repente se ha quedado mudo. Eso me emociona tanto que lo quiero intentar pintar. », disait-elle à la fin de sa vie. Elle ne peignait pas plus de 3 ou 4 tableaux par an.
On retient particulièrement le tableau Homenaje a mi madre (1971 Munich, Pinakothek der Moderne) qui représente la machine à coudre de sa mère couturière. Cette activité permit à sa famille de subsister dans les très difficiles conditions de l’après-guerre civile. En effet, son père, José Antonio Quintanilla, ingénieur des mines et commandant de l’armée républicaine, est décédé en 1941 dans la prison de Valdenoceda (Burgos), suite aux mauvais traitements. Cette ancienne usine de farine fut utilisée de 1938 à 1943 par les franquistes. 1600 prisonniers républicains y étaient entassés alors que la capacité maximum était de 300 personnes. Les associations très actives depuis la “loi sur la mémoire historique”, votée le 31 octobre 2007, ont recensé 152 morts dues à la rudesse du climat, aux maladies et à la sous-alimentation. “Ana Faucha, madre de uno de los presos del penal, viajó desde Andalucía hasta Valdenoceda para ver a su hijo por última vez. Tras negarle la entrada en repetidas ocasiones, aparecería muerta una mañana en los alrededores de la cárcel con el paquete de comida entre las manos y cubierta de nieve. Ana Faucha se convertiría en símbolo de las madres de los presos políticos.” Marcos Ana, Decidme cómo es un árbol. Memoria de la prisión y la vida. Barcelona, Umbriel. 2007.
Roberto Juarroz
Je relis le poète argentin Roberto Juarroz (1925-1995)…
« Habría que dejar libros en todas partes. Seguramente en uno u otro momento, alguien los abrirá. Y hacer lo mismo con la poesía: dejar poemas en todas partes, ya que sin duda alguien los reconocerá en algún momento. »
« La poesía es la sinceridad con que habla en nosotros lo que no conocemos. Única vía veraz de aquello que cimienta nuestra ignorancia. »
Roberto Juarroz, Fragments verticaux, José Corti, 1993.
« Il faudrait laisser des livres partout. A un moment ou un autre quelqu’un les ouvrira sans doute. Et faire de même avec la poésie : laisser des poèmes partout, puisque quelqu’un les reconnaîtra sûrement un jour. »
« La poésie, c’est la sincérité avec laquelle parle en nous ce que l’on ne connaît pas. Unique voie véridique de ce qui cimente notre ignorance. »
21
A veces parece
que estamos en el centro de la fiesta.
Sin embargo,
en el centro de la fiesta no hay nadie.
En el centro de la fiesta está el vacío.
Pero en el centro del vacío hay otra fiesta.
Duodécima poesía vertical, 1991.
On dirait parfois
que nous sommes au centre de la fête.
Cependant
au centre de la fête il n’y a personne.
Au centre de la fête c’est le vide.
Mais au centre du vide il y a une autre fête.
Douzième poésie verticale. La Différence. Collection Orphée. 1993. Traduction Fernand Verhesen.
Soria
El hormigón amenaza el Cerro de los Moros, el paraje de Soria que inspiró a Machado y a Bécquer.
Varias asociaciones vecinales critican el plan de construir 1.300 viviendas en unas lomas de gran valor cultural y paisajístico (El País, 26 février 2024).
Antonio Machado, Gustavo Alfonso Bécquer, Gerardo Diego ont été inspirés par ce magnifique paysage de Castille. La spéculation immobiliaire prévoit la construction de 1304 logements (4000 habitants). Soria est une ville de moins de 40 000 habitants. La Asociación Soriana de Defensa de la Naturaleza (Asden), los Amigos del Museo Numantino, Hacendera y Soria por el Futuro (Ricardo Mínguez, Carmen Heras, José Francisco Yusta y Luis Giménez) luttent depuis des années pour protéger cet environnement extraordinaire. Merci à eux !
http://www.lesvraisvoyageurs.com/2021/02/07/antonio-machado-y-soria/
Campos de Soria (Antonio Machado)
VIII
He vuelto a ver los álamos dorados,
álamos del camino en la ribera
del Duero, entre San Polo y San Saturio,
tras las murallas viejas
de Soria – barbacana
hacia Aragón, en castellana tierra -.
Estos chopos del río, que acompañan
con el sonido de sus hojas secas
el son del agua cuando el viento sopla,
tienen en sus cortezas
grabadas iniciales que son nombres
de enamorados, cifras que son fechas.
¡ Álamos del amor que ayer tuvisteis
de ruiseñores vuestras ramas llenas;
álamos que seréis mañana liras
del viento perfumado en primavera;
álamos del amor cerca del agua
que corre y pasa y sueña,
álamos de las márgenes del Duero,
conmigo váis, mi corazón os lleva !
Campos de Castilla, 1912.
Terres de Soria
VIII
Je suis revenu voir les peupliers dorés,
Peupliers du chemin sur le rivage
du Douro, entre San Polo et San Saturio,
au-delà des vieilles murailles
de Soria – barbacane tournée
vers l’Aragon, en terre castillane.
Ces peupliers de la rivière, qui accompagnent
du bruissement de leurs feuilles sèches
le son de l’eau, quand le vent souffle,
ont sur l’écorce,
gravées, des initiales qui sont des noms
d’amoureux, des chiffres qui sont des dates.
Peupliers de l’amour dont les branches hier
étaient remplies de rossignols;
peupliers qui serez demain les lyres
du vent parfumé au printemps;
peupliers de l’amour près de l’eau
qui coule, passe et songe,
peupliers des berges du Douro,
vous êtes en moi, mon coeur vous emporte !
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi des Poésies de la guerre. 2004. Traduction de Sylvie Léger et Bernard Sesé. NRF Poésie/ Gallimard n°144.
Antonio Machado – Raquel Lanseros
Antonio Machado est mort il y a 85 ans, le 22 février 1939 à Collioure. C’était le mercredi des Cendres. Le 5 mai 1941, il est expulsé post-mortem de sa chaire de professeur de lycée par les autorités franquistes. Il ne sera réhabilité comme professeur qu’en 1981. Son corps sera transféré le 16 juillet 1958 dans une autre tombe, achetée grâce à des dons venant du monde entier. Parmi les donateurs : Pau Casals, Albert Camus, André Malraux, René Char. Sur la pierre tombale se trouve depuis des décennies une boîte aux lettres qui ne désemplit pas.
“Hoy es siempre todavía”
CXX
Dice la esperanza: un día
la verás, si bien esperas.
Dice la desesperanza:
sólo tu amargura es ella.
Late, corazón… No todo
se lo ha tragado la tierra.
Campos de Castilla, 1907-17
CXX
Un jour tu la verras,
dit l’espérance,
si tu sais espérer.
Et la désespérance :
elle n’est rien
que ta souffrance.
Et le cœur bat…
La terre n’a pas
tout emporté.
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. NRF Poésie/Gallimard n°144. 2004. Traduction Sylvie Léger et Bernard Sesé.
Raquel Lanseros est née à Jerez de la Frontera, España en 1973. Prix National de la Critique pour Matria (Madrid, Visor, 2018). Une anthologie récente : Sin ley de gravedad. Poesía reunida (2005-2022), Madrid, Visor, 2018.
22 de febrero (Raquel Lanseros)
Estos días azules y este sol de la infancia (Antonio Machado)
La poesía es azul
aunque a veces la vistan de luto.
Viento del sur escultor de cipreses
ahoga la tierra honda de dolor y de rabia.
Abel Martín, conciencia en desbandada
pájaro entre dos astros
nombrador primigenio de las cosas.
Juan de Mairena íntegro
espejo limpio donde se refleja
el rostro que tenemos de verdad.
Nos dejaste la vida
la palabra fecunda
la desnudez, la brisa.
Nos dejaste las hojas y el rocío
el mar
las instrucciones
para aprender a andar sobre las aguas.
Y después te marchaste.
Mejor dicho: te echaron a empujones.
Siempre molestan los ángeles perdidos.
Dicen que desde entonces en Collioure
no ha dejado jamás de ser invierno.
Croniria. Hiperión, Madrid, 2009. El éxodo de las nubes.
Patrick Deville – Missak Manouchian
Je lis ces jours-ci avec intérêt Viva de Patrick Deville (Éditions du Seuil, 2014. Points Seuil n°4146, 2015). Mon ami P. me l’a conseillé. Les personnages centraux sont Léon Trotsky et Malcolm Lowry, deux personnages qui ont à première vue peu de choses en commun. Le livre est construit en une trentaine de courts tableaux. Tout se passe dans le Mexique des années 30, si riche culturellement et historiquement…
On présente les livres de Patrick Deville comme des “romans d’aventures sans fiction”. En quatrième de couverture, une phrase du grand Pierre Michon : “Je relis Viva si savant, si écrit, si rapide. Chaque phrase est flèche.”
Pages 221-222 de l’édition en Points Seuil : ” Enfermé ce soir dans cette chambre, je reprends une dernière fois les carnets et les chronologies emmêlés de toutes ces pelotes. Nous sommes le 21 février 2014. C’est aujourd’hui le soixante-dixième anniversaire de l’Affiche rouge, des vingt-deux résistants étrangers fusillés par les nazis au Mont-Valérien le 21 février 1944. C’est aujourd’hui le quatre-vingtième anniversaire de l’assassinat de Sandino à Managua le 21 février 1934… On écrit toujours contre l’amnésie générale et la sienne propre…”
https://www.lesvraisvoyageurs.com/2023/06/19/missak-manouchian/
https://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/02/21/laffiche-rouge/
Je vais lire d’autres livres de Pierre Deville.
Du 13 février au 12 mai 2024, le Jeu de Paume rend hommage à Tina Modotti (1896-1942) à travers une grande exposition, la plus importante jamais consacrée à Paris à cette photographe et activiste politique d’origine italienne.
Julio Ramón Ribeyro 1929-1994
Je lis un petit livre du journaliste péruvien Daniel Titinger : Un hombre flaco retrato de Julio Ramón Ribeyro. Santiago de Chile. Ediciones Universidad Diego Portales, 2014. Colección Vidas Ajenas.
Je l’ai trouvé lors de mon séjour à Madrid, le dernier jour, à la Librairie Juan Rulfo (Librería del Fondo de Cultura Económica de España, Calle de Fernando el Católico, 86). Il ne s’agit pas d’une vrai biographie, mais plutôt d’un essai fondé sur des témoignages des proches et des amis de l’écrivain. C’est parfois agaçant. Il faut relire cet auteur péruvien que je place très haut. Il n’est pas assez connu car il n’a pas été adoubé par Carmen Balcells, l’agente littéraire espagnole qui a représenté des auteurs comme Mario Vargas Llosa, Juan Carlos Onetti, Julio Cortázar, José Donoso, Alfredo Bryce Echenique, Manuel Vázquez Montalbán, Camilo José Cela, Eduardo Mendoza ou Isabel Allende. C’est pourtant un maître de la nouvelle et son journal est passionnant (La tentación del fracaso. Diario personal 1950-1978. Seix Barral, 2003). Les deux grands écrivains péruviens de la seconde partie du XX ème siècle sont Mario Vargas Llosa et…Julio Ramón Ribeyro. ils étaient très amis, puis se sont brouillés pour des raisons politiques.
“Quién era Julio Ramón Ribeyro? ¿El hombre que a los 44 años pesaba 46 kilos; el apesadumbrado, el triste, el tímido; el marido de una mujer con quien, al parecer, no era feliz? ¿O el que regresó en los años noventa a Lima desde Europa; el que se enamoró; el que se compró un departamento frente al mar; el que cantaba en los karaokes de esa ciudad que lo había visto nacer? El escritor peruano Julio Ramón Ribeyro es un enigma. Mencionado una y otra vez como uno de los mejores cuentistas contemporáneos de América Latina, nacido al universo literario en medio del boom, nunca fue un habitante central de ese fenómeno en cuyo vórtice brillaban figuras como Mario Vargas Llosa o Carlos Fuentes, sino un visitante discreto y fronterizo. Sin embargo, dueño de una voz única, es el autor de libros que marcaron como pocos la literatura del continente.
A través de una enorme cantidad de entrevistas con amigos, parientes, y del testimonio directo de Alida, su viuda, este libro echa luz sobre la vida y la obra de Ribeyro. Un hombre flaco es el intento de comprender quién fue este escritor que, a los veinte años y en la primera entrada de ese libro monumental, escribió: “Tengo unas ganas enormes de abandonarlo todo, de perderlo todo”. (Quatrième de couverture du livre de Daniel Titinger)
https://www.youtube.com/watch?v=P3jpWcuJnlE
Proses apatrides. Finitude, 2011. Traduit sous la direction de François Géal. épuisé.
« Que de livres, mon Dieu, et combien nous manque le temps et parfois l’envie de les lire ! Ma propre bibliothèque, où autrefois pas un livre n’entrait sans avoir au préalable été lu et digéré, s’encombre peu à peu de livres parasites, qui souvent y arrivent sans qu’on sache comment, et qui, par un phénomène d’aimantation et d’agglutination, contribuent à élever la montagne de l’illisible, et, au milieu de ces livres, perdus, ceux que j’ai moi-même écrits. Je ne dis pas dans cent ans, mais dans dix ans, dans vingt ans, que restera-t-il le tout cela ? Peut-être seulement les auteurs qui viennent de très loin, la douzaine de classiques qui traversent les siècles, bien souvent sans être beaucoup lus, mais vaillants et vigoureux, par une sorte d’impulsion élémentaire ou de droit acquis. Les livres de Camus, de Gide, qui voilà à peine deux décennies étaient lus avec tant de passion, quel intérêt ont-ils à présent, alors même qu’ils furent écrits avec tant d’amour et d’efforts ? Pourquoi dans cent ans continuera-t-on à lire Quevedo et pas Jean-Paul Sartre ? Pourquoi François Villon et pas Carlos Fuentes ? Que faut-il donc mettre dans une œuvre pour durer ? On dirait que la gloire littéraire est une loterie et la survie artistique une énigme. Et malgré cela on continue à écrire, à publier, à lire, à gloser. Entrer dans une librairie est effrayant et paralysant pour n’importe quel écrivain, c’est comme l’antichambre de l’oubli : dans ses niches de bois, déjà les livres s’apprêtent à sombrer dans un sommeil définitif, souvent même sans avoir vécu. Quel est cet empereur chinois qui détruisit l’alphabet et toute trace d’écriture ? N’est-ce pas Érostrate qui incendia la bibliothèque d’Alexandrie ? Ce qui pourrait peut-être nous redonner le goût de la lecture, ce serait de détruire tout ce qui a été écrit et de repartir, allègrement à zéro. “
“¡Cuántos libros, Dios y que poco tiempo y a veces qué pocas ganas de leerlos! Mi propia biblioteca donde antes cada libro que ingresaba era previamente leído y digerido, se va plagando de libros parásitos, que llegan allí muchas veces no se sabe cómo y que por un fenómeno de imantación y de aglutinación contribuyen a cimentar la montaña de lo ilegible y entre estos libros, perdidos, los que yo he escrito. No digo en cien años, en diez, en veinte ¡qué quedará de todo esto! Quizás solo los autores que vienen de muy atrás, la docena de clásicos que atraviesan los siglos a menudo sin ser muy leídos, pero airosos y robustos, por una especie de impulso elemental o de derecho adquirido. Los libros de Camus, de Gide, que hace apenas dos decenios se leían con tanta pasión ¿qué interés tienen ahora, a pesar de que fueron escritos con tanto amor y tanta pena? ¿Por qué dentro de cien años se seguirá leyendo a Quevedo y no a Jean Paul Sartre? ¿Por qué a Francois Villon y no a Carlos Fuentes? ¿Qué cosa hay que poner en una obra para durar? Diríase que la gloria literaria es una lotería y la perduración artística un enigma. Y a pesar de ello se sigue escribiendo, publicando, leyendo, glosando. Entrar a una librería es pavoroso y paralizante para cualquier escritor, es como la antesala del olvido: en sus nichos de madera, ya los libros se aprestan a dormir su sueño definitivo, muchas veces antes de haber vivido. ¿Qué emperador chino fue el que destruyó el alfabeto y todas las huellas de la escritura? ¿No fue Eróstrato el que incendió la biblioteca de Alejandría? Quizás lo que pueda devolvernos el gusto por la lectura sería la destrucción de todo lo escrito y el hecho de partir inocente, alegremente de cero.”
Julio Ramón Ribeyro 1929-1994. Les vrais voyageurs, 21 juillet 2018.
https://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/07/21/julio-ramon-ribeyro-1929-1994/
Traductions en français
Charognards sans plumes (Los gallinazos sin plumas, 1955. Nouvelles). Traduction Annie Cloulas-Brousseau. Paris, Gallimard, 1964.
Chronique de San Gabriel (Crónica de San Gabriel, 1960. Roman) Traduction Clotilde Bernadi Pradal, Paris, Gallimard, 1969.
Silvio et la roseraie (Silvio en el rosedal 1977. Nouvelles). Traduction Irma Sayol. Paris, Gallimard, 1981.
Réservé aux fumeurs (Sólo para fumadores, 1987. Nouvelles). Traduction Gabriel Iaculli, Paris, Gallimard, 1995.
Proses apatrides (Prosas apatridas, 1975. Récits). Traduction sous la direction de François Géal, Le Bouscat, Finitude, 2011.
El resistente español Celestino Alfonso ‘entra’ en el Panteón francés
” Un español en el Panteón. Un republicano, un comunista, un combatiente en la Guerra Civil, un resistente contra los nazis. Celestino Alfonso se convertirá este miércoles en el primer ciudadano de esta nacionalidad en entrar en el templo laico de las glorias francesas. Se escribe entrar en cursiva, porque físicamente sus restos seguirán en el cementerio de Ivry, al sur de París.
Pero su nombre quedará inscrito, junto a otros 22 miembros de un grupo de la Resistencia contra la ocupación alemana de Francia, a la entrada de la cripta donde el líder del grupo, el armenio Missak Manouchian, y su mujer, Mélinée, reposarán eternamente en el mismo lugar que Voltaire, Rousseau o Victor Hugo.
Francia, por iniciativa del presidente Emmanuel Macron, saldará una deuda con los extranjeros que dieron su sangre por un país que no siempre les trató como debía. Manouchian, Alfonso y otros camaradas ―apátridas, judíos, armenios, polacos, húngaros, italianos, rumanos…— protagonizaron uno de los momentos trágicos y heroicos de la II Guerra Mundial…
En Ivry hay una calle dedicada a Celestino Alfonso. Ni la familia ni los expertos consultados tienen noticia de que en España haya una placa u otra forma de conmemoración. “En su pueblo no hay nada, ni una calle, nada”, lamenta el hispanista Rabaté. “En cambio, hay una calle dedicada al general franquista Moscardó.”
(Marc Bassets. El País, 18 février 2024)
“Alfonso. Español. Rojo. Siete atentados.”
POUR CITER CET ARTICLE : https://maitron.fr/spip.php?article9851, notice ALFONSO Celestino par Gautier Mergey, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 22 novembre 2022.
CELESTINO ALFONSO
Né le 1er mai 1916 à Ituero de Azaba (Espagne), fusillé par condamnation le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; menuisier, manœuvre ; communiste, volontaire en Espagne républicaine ; résistant FTP-MOI.
Celestino Alfonso naquit à Ituero de Azaba, village espagnol de la région de Salamanque, près de la frontière portugaise. Ses parents, Ventura Alfonso et Faustina Matos, étaient tous deux natifs des environs. En 1927, munis d’une autorisation de séjour, Celestino Alfonso et ses parents immigrèrent en France. Ils devaient finalement s’établir à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Celestino Alfonso travailla comme menuisier et comme manœuvre jusqu’en août 1936, date de son départ pour l’Espagne en guerre. Il fut incorporé dans les Brigades internationales : il servit dans la IIIe Brigade jusqu’en avril 1937, puis dans la XIVe Brigade en qualité de commissaire politique de compagnie. En novembre de la même année, il revint en France pendant un mois en permission régulière puis retourna en Espagne où il continua à combattre jusqu’en 1939.
À son retour en France, Celestino Alfonso fut interné au camp d’Argelès (Pyrénées-Orientales). Il en sortit le 7 décembre 1939 pour intégrer une compagnie de travailleurs étrangers (CTE). En juin 1940, revenu à Paris, il travailla jusqu’au 17 janvier 1941, date à laquelle il fut arrêté et interné à la caserne des Tourelles. En février, il fut libéré et partit travailler en Allemagne jusqu’au 18 juin 1941. Par la suite, il trouva de l’embauche au camp de Satory (Seine-et-Oise, Yvelines), au garage Chaillot rue de Chaillot à Paris, et à Villacoublay (Yvelines) aux Établissements ACO. Parallèlement, il militait à la section espagnole du Parti communiste clandestin. Son rôle consistait en la diffusion de tracts. En novembre 1942, suite à l’arrestation de plusieurs de ses camarades, craignant de l’être à son tour, il quitta Paris et se rendit à Orléans (Loiret). Il aurait, selon ses dires, travaillé dans cette ville pour le compte des autorités allemandes jusqu’en juillet 1943.
De retour à Paris, Celestino Alfonso entra en contact avec Missak Manouchian, commissaire militaire des FTP-MOI : sous le pseudonyme de « Pierrot », Alfonso intégra une équipe spéciale constituée de Leo Kneller et de Marcel Rayman (« Michel »). Avec ces derniers, désigné comme tireur d’élite, il prit part à plusieurs opérations. Le 28 juillet 1943, avenue Paul-Doumer (XVIe arr.), l’équipe lança une grenade contre la voiture du général Von Schaumburg. Toutefois, cet officier nazi, commandant du Grand Paris, ne se trouvait pas, alors, dans son véhicule. Le 9 août 1943, Alfonso récupéra de l’argent et des documents chez une militante du XIIIe arrondissement. Le 19 août, au parc Monceau (XVIIe arr.), il fut désigné pour exécuter un officier allemand qui, chaque jour, venait lire son journal dans le parc. Mais l’action la plus retentissante de cette équipe spéciale demeura l’attentat du 28 septembre 1943, réalisé sous la direction de Missak Manouchian. Ce jour-là, Rayman, Kneller et Alfonso furent désignés pour exécuter un général allemand repéré et filé par les FTP depuis plusieurs mois. Rayman et Alfonso abattirent leur cible au moment où celle-ci montait dans sa voiture, rue Pétrarque (XVIe arr.). Dans les jours suivants, les résistants auraient appris, par la presse, l’identité de l’officier : il s’agissait de Julius Ritter, général SS supervisant le Service du travail obligatoire en France.
Filés par les Brigades spéciales, les FTP-MOI furent démantelés par la vague d’arrestations de l’automne 1943 : Celestino Alfonso fut appréhendé entre son domicile du 16 rue de Tolbiac (XIIIe arr.) et Ivry-sur-Seine, où habitaient ses parents. Au moment de son arrestation, il vivait maritalement avec Adoracio Arrias, native d’Espagne, dont la famille était établie à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine). Le jeune couple avait un fils prénommé Jean.
Incarcéré à Fresnes (Seine, Val-de-Marne), Celestino Alfonso fut condamné à mort comme ses compagnons. Il écrivit une dernière lettre pour ses parents, ses frères et sœurs, sa femme et son fils (Cf. ci-dessous). L’abbé Franz Stock qui accompagna les victimes écrivit dans son journal : « Alfonso Célestino (Espagnol), qui avait commis beaucoup d’attentats, dit toutefois à la fin : « Priez pour moi ». Au poteau, il pria avec moi le « Notre Père » et le « Je vous salue Marie », cette dernière en espagnol. Il avait fait la guerre civile en Espagne. »
Le jeune résistant espagnol a été fusillé le 21 février 1944 au fort du Mont-Valérien, avec vingt et un autres membres du groupe Manouchian. Sur la célèbre Affiche rouge publiée alors par la propagande officielle, le portrait de Celestino Alfonso apparaissait au-dessus de celui de Missak Manouchian, avec cette mention : « Alfonso – Espagnol rouge – 7 attentats ».
Après la Libération, le 18 mars 1945, la municipalité d’Ivry-sur-Seine organisa des obsèques solennelles pour dix-huit fusillés originaires de la commune. À cette occasion, la dépouille d’Alfonso fut exhumée du cimetière parisien d’Ivry pour être inhumée dans le carré des fusillés, au cimetière communal nouveau d’Ivry.
Par un avis en date du 14 mai 1945, le Secrétariat général aux Anciens Combattants décerna à Celestino Alfonso la mention « Mort pour la France ». Le 27 juillet suivant, une rue d’Ivry reçut son nom.
Dernière lettre
21 février 1944
Chers femme et fils,
« Aujourd’hui à 3 heures je serai fusillé, je ne suis qu’un soldat qui meurt pour la France. Je vous demande beaucoup de courage comme j’en ai moi-même, ma main ne tremble pas, je sais pourquoi je meurs et j’en suis très fier. Ma vie a été un peu courte, mais j’espère que la vôtre sera plus longue. Je ne regrette pas mon passé, si je pouvais encore revivre, je serais le premier. Je voudrais que mon fils est [sic] une belle instruction, à vous tous vous pourrez réussir. Ma chère femme, tu vendras mes vêtements pour te faire un peu d’argent. Dans mon colis tu trouveras 450 francs que j’avais en dépôt à Fresnes. Mille baisers pour ma femme et mon fils. Mille baisers pour tous. Adieu à tous. Celestino Alfonso. »
C.A.
Darío Villalba 1939 – 2018
Le Monde de ce jour indique que la Galerie Poggi qui se trouve maintenant dans de nouveaux locaux face au Centre Pompidou (135 rue Saint-Martin, Paris IV) présente jusqu’au 27 janvier de grands formats de Darío Villalba, peintre et photographe espagnol, peu connu en France. Ce fils de diplomate, a vécu aux États-Unis, en Allemagne, en France, en Grèce. Sa famille l’a toujours aidé même lorsqu’il a pratiqué le patinage artistique, sport qui n’existait pas dans l’Espagne franquiste d’alors. Il a participé aux Jeux Olympiques de Cortina d’Ampezzo en 1956. Il fut Prix National des Arts Plastiques en 1983 et membre de la Real Academia de Bellas Artes de San Francisco en 2002.
“Decía que pintaba cuando hacía fotografía y que hacía fotografía cuando pintaba.” Sa série la plus connue est celle des “Encapsulados”. Il s’agit d’une sorte de cocons qui contiennent des images de marginaux ( prisonniers, malades mentaux, sans-abris, personnes âgées ) qui semblent flotter dans un monde parallèle. Andy Warhol a essayé de l’enrôler dans le pop art ( pop soul) ce que Villalba a refusé. Des artistes espagnols, bien différents de lui, comme Luis Gordillo ou Eduardo Arroyo, l’ont appuyé et ont souligné son importance.
Ces jours-ci, nous avons vu au musée Carmen Thyssen de Málaga une belle exposition, Fieramente humanos. Retratos de santidad barroca. On y trouve des oeuvres des grands artistes du baroque méditerranéen (Ribera, Cano, Murillo, Giordano, Velázquez, Ribalta, Martínez Montañés, Juan de Mena), mais aussi trois oeuvres contemporaines (Equipo Crónica, Darío Villalba, Antonio Saura). Ce choix, a posteriori, me paraît judicieux étant donné l’influence qu’a eue l’art baroque sur ces artistes espagnols. L’oeuvre de Darío Villalba, peintre original, catholique et homosexuel mérite d’être davantage reconnue.