Y podrás conocerte recordando del pasado soñar los turbios lienzos, en este día triste en que caminas con los ojos abiertos.
De toda la memoria, sólo vale el don preclaro de evocar los sueños.
Galerías. Otros poemas. 1910.
Et tu pourras te connaître, en te rappelant les images troubles des rêves passés, en ce jour triste où tu chemines, les yeux ouverts.
De toute la mémoire, rien ne vaut que le don merveilleux d’évoquer les rêves.
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction : Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973 ; NRF Poésie/ Gallimard n°144.
Goya et son médecin (ou Goya soigné par le docteur Arrieta (Goya atendido por el doctor Arrieta). Il s’agit d’un tableau peint par Francisco de Goya (1746-1828) en 1820. Il se trouve au Minneapolis Institute of Art (Minnesota). 117 x 79 cm.
Cette oeuvre reflète la grave maladie dont a souffert le peintre à 73 ans, entre novembre 1819 et 1820, On n’en connaît pas la cause, mais son médecin lui a sauvé la vie. Certains spécialistes parlent d’une maladie vasculaire cérébrale (athérome généralisé sur fond de crise d’insuffisance vasculaire cérébrale), d’autres d’une maladie infectieuse (fièvre typhoïde). Les symptômes : céphalée, fièvre élevée, délires et paralysie partielle. Le docteur Eugenio José García Arrieta (1770 – 1820 ?) semble lui administrer de la valériane.
Au pied de l’œuvre, une note, probablement autographe, nous explique : « Goya agradecido, á su amigo Arrieta: por el acierto y esmero con qe le salvo la vida en su aguda y peligrosa enfermedad, padecida á fines del año 1819, a los setenta y tres de su edad. Lo pintó en 1820. » « Goya reconnaissant, à son ami Arrieta : pour la compétence ingénieuse et le dévouement avec lesquelles il lui a sauvé la vie au cours de l’intense et dangereuse maladie, dont il a souffert fin 1819, à l’âge de soixante-treize ans. Il l’a peint en 1820. »
Les critiques interprètent ce tableau comme une sorte d’ex-voto pour son médecin. Il pourrait être conçu comme une Pietà laïque. Á la place habituelle de Jésus-Christ se trouve un Goya mourant, et le médecin fait office d’ange protecteur.
La vie du peintre est suspendue, comme par un fil. Il n’a presque plus de force ni de conscience. Sa tête est renversée vers l’arrière et repose sur l’épaule de son ami. Les traits de son visage sont rendus de façon spectaculaire : la bouche légèrement ouverte, le regard perdu. Ses mains s’agrippent aux vêtements qui le couvrent. Il s’accroche à la vie. La couleur et l’éclairage créent un contraste entre les tons du visage de Goya et ceux de son médecin. La robe de chambre de l’artiste est d’un blanc éclatant, comme le drap, ce qui accentue le caractère dramatique de la scène. L’utilisation de la lumière renvoie aux tableaux de Rembrandt. Pour Goya, Vélasquez et Rembrandt sont les maîtres absolus.
Les personnages sont proches du spectateur. À l’arrière-plan, on peut remarquer la silhouette de femmes, interprétées comme Les Moires (ou Parques dans la mythologie romaine), divinités maîtresses de la destinée humaine. Ces visages étranges reflètent le monde inquiétant des ombres qui hante l’artiste aragonais à cette période. Elles rappellent les Peintures noires qu’il va peindre sur les murs de sa maison de campagne des environs de Madrid (La Quinta del Sordo) de 1819 à 1823.
Le tableau nous présente un thème caractéristique du xix ème siècle : l’admiration pour la science. Dans ce cas, il n’y a pas d’intervention chrétienne ou de miracle religieux, mais plutôt le reflet de la sagesse et de la science que représente le docteur Arrieta. Goya s’écarte des satires contre les médecins, courantes à l’époque ( et que lui-même a traité dans les Caprices de 1799). Goya, ce géant de la peinture, est à l’origine de l’art moderne.
En 1820, le gouvernement espagnol aurait envoyé le Docteur Arrieta, dont la clientèle était plutôt bourgeoise, étudier la peste du Levant sur les côtes de l’Afrique. Il y serait décédé. Le vieux peintre qui avait 23 ans de plus que son médecin lui aurait survécu 8 ans malgré ses diverses maladies.
La publication en Pléiade des Oeuvres poétiques d’Yves Bonnefoy m’ a incité à terminer de lire Goya, les peintures noires que le poète a publié chez William Blake & Co .Édit. en 2006. Yves Bonnefoy a choisi ce tableau pour la couverture de ce livre.
« Mais est-ce seulement l’action décisive du médecin forçant son malade à boire que Goya a voulu remémorer, dans cette peinture ? Étant donné que c’était aussi, ce moment de crise, celui où il cédait à des hallucinations en risque d’être fatales, par exemple ces trois figures parfaitement effrayantes qui, derrière lui et Arrieta, occupent la profondeur de la toile, là où pourtant dans l’alcôve sombre il n’y a rien ni personne ? Effrayants, glaçants, ces visages parce qu’ils sont presque l’ordinaire figure humaine mais non sans pourtant qu’ils ne la dévastent, de par dessous cette apparence qu’ils ont, par l’effet d’un rien qui trahit, on ne sait comment mais c’est l’évidence, qu’ils émanent d’un autre monde. Á les voir, on pense aussitôt à ces créatures de l’enfer qui se resserraient autour du moribond impénitent du tableau ancien, – impénitent ? plutôt au-delà de tout choix, du simple fait de son épouvante. Et on ne peut douter que Goya, s’il a ces yeux révulsés, c’est parce que son regard est semblablement fasciné, capté, entraîné du côté de ces goules qui se masquent d’humanité pour mieux désagréger toute foi dans les valeurs et le sens. » (page 68)
« La compassion du docteur Arrieta, son intensité en cet instant absolue, n’est en rien effaçable par les tristes preuves de la matière. De celles-ci elle n’a pas tenté, illusoirement, le déni comme faisait le rêve religieux des siècles passés, elle n’a pas pour autant baissé les yeux devant leur prétention à être le tout sinistre du monde, elle est montée d’un degré, disons, dans l’escalier qui sort des ténèbres. Et ce fait, en se produisant, a suffi pour rendre à Goya surpris, bouleversé, la force de chasser de son esprit, disons à nouveau de son âme, les démons du doute et du désespoir. Il peut revivre. Il peut, comme le tableau le suggère, rouvrir les yeux, accepter de voir. » (pages 70-71)
Le 18 juin 2023, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, le 21 février 2024, 80 ans après son exécution. Il sera accompagné de son épouse Mélinée Manouchian. Missak Manouchian est né en 1906 en Arménie. Il rejoint la France en 1925 après le génocide arménien. Écrivain et poète, il adhère au Parti communiste en 1934. En 1943, il devient le chef des FTP-MOI de la région parisienne. Le 16 novembre 1943, à l’issue d’une filature policière de plusieurs mois, il est arrêté alors qu’il avait rendez-vous avec Joseph Epstein. Interrogé et torturé, il est condamné à mort et fusillé avec ses 21 camarades au Mont-Valérien le 21 février 1944. Olga Bancic, seule femme du groupe condamnée à mort avec eux, est, elle, transférée en Allemagne et guillotinée. A travers leur entrée au Panthéon, c’est l’engagement des étrangers en résistance qui est enfin mis en lumière. (Hauts lieux de la mémoire en Île-de-France.)
Hommage à Joseph Epstein, chef des FTPF de l’Île-de-France, fusillé le le 11 avril 1944 au Mont-Valérien et à Celestino Alfonso, communiste, volontaire en Espagne républicaine, résistant FTP-MOI.
Dernière lettre écrite de Missak Manouchian à sa femme Mélinée le 21 février 1944 à la prison de Fresnes, quelques heures avant qu’il soit fusillé au fort du Mont Valérien.
21 février 1944
Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous… J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération.
Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine.
Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu.
Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel
P.S. J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène.
Cette lettre n’a été envoyée à la famille que le 28 novembre 1944.
Louis Aragon, Strophes pour se souvenir, 1955 (chanson de Léo Ferré, 1959). J’ai toujours aimé la version chantée par Marc Ogeret…
Dans le journal El País, on peut lire un très bel article de l’écrivain et journaliste Manuel Vicent après la mort soudaine de son fils Mauricio le 11 juin 2023. Ce dernier avait 59 ans et fut le correspondant de El País et de la radio Ser à La Havane de 1991 à 2011.
El País, 18/06/2023
Mientras viva (Manuel Vicent)
Llegó la muerte sigilosamente de madrugada y con una certera puñalada se llevó al ser que más queríamos. Qué artera ha sido la muerte, que en vez de dármela a mí eligió solo herirme en ese punto que más me podía doler. Nunca hay suficientes lágrimas a la hora de enterrar a un hijo. Ningún dolor puede ser tan profundo. Sé muy bien que con el tiempo todo se desvanece, pero, mientras viva, ni el tiempo ni la muerte podrán arrebatarme nunca el amor que sentía por mi hijo y el que él me regalaba con su furiosa alegría de vivir. La gloria es la única inmortalidad que está en poder de los humanos. “No consientas ―dice Isócrates― que toda tu naturaleza sea destruida a la vez; por el contrario, ya que te tocó en suerte un cuerpo mortal, intenta dejar el recuerdo inmortal de tu espíritu”. Cuando empezó a ejercer de corresponsal en La Habana, mi hijo me pidió algunos consejos. Le dije: ”Mauri, no uses adjetivos en los que podrías verte involucrado y desprotegido. El verbo es la acción con que se definen los hechos. Así lo han usado siempre los grandes periodistas. El prestigio de un corresponsal consiste en estar bien informado. Sé leal, solidario y generoso con los compañeros. Por lo demás, hazme el favor de no vivir tan deprisa”. Eso es lo que pasó, que el fuego de su vida encontró demasiado pronto sus cenizas. Vuela ahora mi pensamiento hacia los días felices del pasado, a los veranos compartidos con los amigos en que salíamos juntos a navegar. Esta vez la quilla partirá en dos su memoria y las olas batirán con ella los costados del barco. Llegará el otoño y su silueta se confundirá con una de las hojas doradas arrastrada por el viento y luego se irán alejando su voz y sus risas hasta perderse en la niebla de un extraño aeropuerto donde se embarcan solo las almas y allí ante la última aduana le diré: buen viaje, Mauri. Llámame en cuanto llegues a La Habana.
Glenda Jackson est née le 9 mai 1936 à Birkenhead, dans le nord-ouest de l’Angleterre. Fille d’un maçon et d’une femme de ménage, elle quitte l’école à 16 ans et travaille comme préparatrice en pharmacie. Elle intègre une troupe de théâtre amateur. Malgré le manque de soutien familial, elle est reçue à la prestigieuse Académie royale d’art dramatique de Londres. Elle connaît le succès en 1964 dans Hamlet de William Shakespeare, puis dans Marat-Sade, la pièce de Peter Weiss, mise en scène par Peter Brook. Au cinéma, elle a reçu deux Oscars : en 1971 pour Love de Ken Russell (Women in Love, d’après le roman de D.H.Lawrence Femmes amoureuses) et en 1974 pour Une maîtressedans les bras, une femme sur le dos de Melvin Frank (A touch of Class)
Elle se lance en politique pour combattre Margaret Thatcher qu’elle accuse de détruire la société britannique. Entre 1992 et 2015, elle siège à la Chambre des communes comme députée travailliste de Hampstead and Highgate (district londonien de Camden). Elle consacre une attention particulière aux pauvres, aux chômeurs et aux malades. Elle est nommée sous-secrétaire d’état aux transports dans le gouvernement de Tony Blair de 1997 à 1999. Elle en devient une farouche opposante après l’invasion de l’Irak en 2003.
En avril 2013, lors des hommages parlementaires rendus à Margaret Thatcher à la suite de son décès, elle dresse la liste des dégâts matériels et moraux du thatchérisme qu’elle a pu constater dans sa circonscription : hôpitaux sans argent et sans médicaments, écoles sans moyens et sans livres pour faire cours, des milliers de sans-abris supplémentaires à la suite des fermetures d’hôpitaux psychiatriques. Elle ajoute que, pendant le mandat de Margaret Thatcher, tout ce qui était traditionnellement considéré comme un vice, comme la cupidité, l’égoïsme, le dédain pour les plus fragiles, la rapacité, était vu comme des vertus.
Elle est morte le 15 juin 2023 à 87 ans.
Je me souviens de sa présence au cinéma, de sa voix grave et de son interprétation extraordinaire dans La Casa de Bernarda Alba de Federico García Lorca, sous la direction de Núria Espert au Lyric Hammersmith en 1986 (Téléfilm de 1991. Mise en scène : Stuart Burge et Núria Espert). Elle a toujours refusé toute sophistication et recherché l’authenticité.
Julio Cortázar a écrit une nouvelle, publiée en 1980 Queremos tanto a Glenda que j’ai relue hier.
Nous l’aimons tant, Glenda. Traduction : Laure Guille-Bataillon et Françoise Campo-Timal, Gallimard, 1982 ; réédition, Gallimard, Folio n° 5728, 2014.
Résumé : Un groupe de fans de l’actrice Glenda Garson (adaptation du nom de l’actrice Glenda Jackson) commence à voler tous les films de l’actrice pour les remplacer par des versions éditées cherchant à montrer « la perfection de l’actrice ». Lorsque Glenda annonce sa retraite, le groupe est heureux de considérer que leur travail est terminé. Cependant, lorsque l’actrice change d’avis, ils décident de prendre des mesures drastiques.
« De golpe los errores, las carencias se nos volvieron insoportables ; no podíamos aceptar que Nunca se sabe por qué terminara así, o que El fuego de la nieve incluyera la infame secuencia de la partida de póker (en la que Glenda no actuaba pero que de alguna manera la manchaba como un vómito, ese gesto de Nancy Phillips y la llegada inadmisible del hijo arrepentido). »
Nous l’aimons tant, Glenda et autres récits.
« Soudain les erreurs, les faiblesses des mises en scène nous furent insupportables ; nous ne pouvions par accepter que On ne sait jamais pourquoi finisse ainsi et que Le feu de la neige comprenne l’infâme séquence de la partie de poker (où Glenda n’apparaissait pas, mais qui l’atteignait quand même comme une éclaboussure de vomi, ce geste de Nancy Philipps et l’inadmissible arrivée du fils repenti). »
Claudio Rodríguez est né à Zamora (Castilla y León) le 30 janvier 1934. C’est un des grands poètes espagnols de la seconde moitié du XX ème siècle. Il fait partie de la Génération de 1950 (Carlos Barral, Francisco Brines, José María Caballero Bonald, Jaime Gil de Biedma, José Agustín Goytisolo, Ángel González, José Ángel Valente). )
Il est étudiant à Madrid de 1951 à 1957 (Licence de Filología Románica). Il obtient à dix-neuf ans en 1953 l’important prix Adonáis pour Don de la ebriedad (Don de l’ébriété, Arfuyen, 2008. Traduction : Laurence Breysse-Chanet)
Il est lecteur d’Espagnol à l’Université de Nottingham (1958-1960), puis à l’Université de Cambridge (1960-1964).
Á son retour en Espagne, il se consacre à l’enseignement de la littérature espagnole et à la traduction (T.S.Eliot).
Il n’aime pas la vie littéraire. Il préfère la marche, la nature, la lumière, la Castille, les personnes simples. Il déteste le protocole (“Hoy hay mucho protoculo” “¿Pero qué es esa expresión horrible del cultivo de la imagen? Una persona es una persona, no una imagen”). Il ne manquait pas d’humour : «Si yo estuviera en un país comunista me expulsarían por falta de producción»
Il entre à la Real Academia Española en 1987, obtient le Prix Príncipe de Asturias en 1993 pour l’ensemble de son œuvre et la même année le Prix Reina Sofía de Poésie Ibéroaméricaine.
Il meurt à Madrid le 22 juillet 1999.
Como el son de las hojas del álamo
El dolor verdadero no hace ruido. Deja un susurro como el de las hojas del álamo mecidas por el viento, un rumor entrañable, de tan honda vibración, tan sensible al menor roce, que puede hacerse soledad, discordia, injusticia o despecho. Estoy oyendo su murmurado son que no alborota sino que da armonía, tan buido y sutil, tan timbrado de espaciosa serenidad, en medio de esta tarde, que casi es ya cordura dolorosa, pura resignación. Traición que vino de un ruin consejo de la seca boca de la envidia. Es lo mismo. Estoy oyendo lo que me obliga y me enriquece a costa de heridas que aún supuran. Dolor que oigo muy recogidamente como a fronda mecida sin buscar señas, palabras o significación. Música sola, sin enigmas, son solo que traspasa mi corazón, dolor que es mi victoria.
Alianza y condena, Revista de Occidente, 1954.
Comme le bruissement des feuilles du peuplier
La vraie douleur ne fait pas de bruit : elle laisse comme un bruissement de feuilles de peuplier agitées par le vent, une rumeur intime, d’une vibration si profonde, si sensible au moindre frôlement, qu’elle peut devenir solitude, discorde, injustice ou dépit. Je suis là à écouter ses murmures qui, loin de troubler, sont porteurs d’harmonie, si effilés et subtils, avec un tel son de spacieuse sérénité en cette fin d’après-midi, qu’ils sont presque sagesse douloureuse, résignation pure. Trahison qui est venue d’un mauvais conseil de la bouche flétrie de la jalousie. C’est égal. Je suis là à écouter ce qui me contraint et m’enrichit, au prix de blessures qui suppurent encore. Douleur que j’entends avec grand recueillement, comme le frémissement d’un feuillage sans chercher ni signes, ni mots ni sens. Musique seule, sans énigmes, murmures solitaires qui transpercent mon cœur, douleur qui est ma victoire.
Poésie espagnole. Anthologie 1945-1990. Traduction : Claude de Frayssinet. Actes Sud, 1995.
Cielo
Ahora necesito más que nunca mirar al cielo. Ya sin fe y sin nadie, tras este seco mediodía, alzo los ojos. Y es la misma verdad de antes, aunque el testigo sea distinto. Riesgos de una aventura sin leyendas ni ángeles, ni siquiera ese azul que hay en mi patria. Vale dinero respirar el aire, alzar los ojos, ver sin recompensa, aceptar una gracia que no cabe en los sentidos pero les daba nueva salud, los aligera y puebla. Vale por mi amor este don, esta hermosura que no merezco ni merece nadie. Hoy necesito el cielo más que nunca. No que me salve, sí que me acompañe.
Alianza y condena. 1965.
Un viento
Dejad que el viento me traspase el cuerpo y lo ilumine. Viento sur, salino, muy soleado y muy recién lavado de intimidad y redención, y de impaciencia. Entra, entra en mi lumbre, ábreme ese camino nunca sabido: el de la claridad. Suena con sed de espacio, viento de junio, tan intenso y libre que la respiración, que ahora es deseo me salve. Ven conocimiento mío, a través de tanta materia deslumbrada por tu honda gracia. Cuán a fondo me asaltas y me enseñas a vivir, a olvidar, tú, con tu clara música. Y cómo alzas mi vida muy silenciosamente muy de mañana y amorosamente con esa puerta luminosa y cierta que se me abre serena porque contigo no me importa nunca que algo me nuble el alma.
La Grande Librairie, une émission littéraire (sic) le 31 mai dernier sur France 5 (Présentateur : Augustin Trappenard). Faïza Guène, autrice de Kiffe Kiffe demain (Hachette littérature, 2004) éreinte La Métamorphose de Franz Kafka, tout en confondant auteur et personnage. ” En gros, c’est un mec qui se lève un matin, il a la flemme, il va pas au travail et il se transforme en cafard. ” ” J’ai envie de lui mettre un coup de baygon à la page 50. ” Philippe Besson en rajoute : « C’est un texte aussi que je supporte pas, j’ai beaucoup de mal. Je trouve ça en fait “malaisant” tout le temps c’est-à-dire, je me sens très mal avec ce type qui se débat en cafard, où y a jamais aucun espoir, je suis consterné par ça. » Médiocrité de l’époque, nullité de la télévision.
RFI ,18/04/2014
García Márquez, el autor que revelaba los secretos del escritor
García Márquez, el escritor fallecido este 17 de abril a los 87 años de edad, revelaba sin misterios las claves de la creación literaria. El Nobel colombiano evocó algunas de ellas en esta entrevista concedida a la periodista de RFI Conchita Penilla para un documental de France 3 difundido en 1998. En la intimidad del escritor y la página en blanco ocurre un misterioso proceso de creación que Gabriel García Márquez, el novelista fallecido este jueves en su residencia de Ciudad de México a los 87 años de edad, evocaba con mucha generosidad. Éste fue el caso de una de las últimas largas entrevistas que concedió a un canal de televisión. Se trata del documental “La escritura embrujada” para el programa “Un siglo de escritores” de la cadena de televisión pública francesa France 3 difundido en marzo de 1998 y realizado por la periodista de RFI Conchita Penilla. En ese encuentro con la periodista colombiana, García Márquez rinde homenaje a los autores que ejercieron una gran influencia en su obra, en particular Franz Kafka. Pero, ¿por qué el libro de un escritor de origen judío nacido en Praga en 1883 podía inspirar a un colombiano nacido cerca al mar Caribe en 1927? García Márquez explica que cuando terminó el bachillerato “ya tenía una noción de lo que era un cuento”, pero “no los sabía escribir (…) siempre les faltaba algo”. La lectura de una novela corta de Kafka le permitió superar ese obstáculo mayor.
‘Metamorfosis’ gracias a Kafka “Cuando entré a la facultad de derecho, en Bogotá, una noche entré a la pensión de estudiantes donde vivía. Tenía un amigo que leía mucho y me pasó un librito pequeño amarillo y me dijo: ‘Léete eso’. Yo leía mucho, leía todo lo que me caía en las manos y abrí este libro y decía: ‘Una mañana, después de un sueño tormentoso, Gregorio Samsa se encontró convertido en un gigantesco insecto’”. El Nobel de literatura olvidó la reacción física de su cuerpo en ese instante, pero recuerda en cambio la sensación que experimentó: “Fue como si me hubiera caído de la cama”. Para el joven que soñaba con convertirse en escritor, leer esa frase de Kafka fue una “revelación”. Por primera vez vislumbró la existencia de una puerta que él también podría abrir. “Antes de ese momento (la lectura de La Metamorfosis), yo probablemente había pensado que eso no se podía hacer. Y esto a pesar de que me había tragado completitas Las mil y una noches. Pero aquí había algo importante, una cuestión de método para contar algo, lo que yo no tenía. Fue una verdadera resurrección”. El novelista colombiano recuerda que luego de esa lectura se levantó y escribió su primer cuento (La tercera resignación), el primero que publicó en el diario El Espectador donde trabajó durante algunos años como periodista. A partir de ahí, todas sus lecturas se orientaron hacia la novela contemporánea. La clave de la ficción es la credibilidad Si el método es fundamental, uno de los mayores descubrimientos que hizo García Márquez durante su carrera fue el papel que desempeña el destinatario final de la obra, el lector. “Un escritor puede escribir lo que le de la gana siempre que sea capaz de hacerlo creer. El problema de la ficción, el problema de la literatura, es precisamente el problema de la credibilidad”. De algún modo llegó a la conclusión de que debía convencer a los lectores de la misma manera en que su abuela lo convencía a él cuando contaba ciertas historias imposibles de creer: “Mi abuela era capaz de decir las cosas más extraordinarias y menos verosímiles pero con una ‘cara de palo’ tal que no cabía ninguna duda de que ella lo creía y que por consiguiente era verdad”. Adoptar una ‘cara de palo’, es decir, el rostro impasible y grave del que está seguro de lo que dice, sólo es posible si el propio autor está íntimamente convencido de lo que está narrando. Por eso García Márquez lanza esta advertencia a manera de consejo a quienes se dedican a la ficción: “Lo que uno no cree, no puede hacerlo creer”. Si, de acuerdo, pero ¿cómo? ¿Cuál es el camino? Porque si el principio es relativamente fácil de entender, ponerlo en práctica parece extremadamente difícil, sólo accesible a unos pocos. García Márquez no negaba esa inmensa dificultad, ese privilegio de unos pocos. Para esto también tenía un análisis muy lúcido, basado en su propia experiencia. “A veces hay el talento sin la vocación y hay la vocación sin el talento. Cuando uno nace con esas dos virtudes no hay nada que lo detenga, yo desde que nací sabía que iba a ser escritor, quería ser escritor, tenía la voluntad, la disposición, el ánimo y la aptitud para ser escritor. Siempre escribí, nunca pensé que pudiera hacer otra cosa. Estaba dispuesto a morirme de hambre pero ser escritor”.
Lisez la biographie Kafka. Tome I. Le temps des décisions de Reiner Stach (traduction de l’allemand par Régis Quatresous, Le Cherche Midi, 956 p., 29,50 €.) et les deux tomes de La Pléiade Journaux et lettres III, IV : 1897-1924.
Un jour un missionnaire, se promenant dans la banlieue de Nankin, s’aperçut qu’il avait oublié sa montre, et demanda à un petit garçon quelle heure il était.
Le gamin du céleste Empire hésita d’abord ; puis, se ravisant, il répondit : « Je vais vous le dire ». Peu d’instants après, il reparut, tenant dans ses bras un fort gros chat, et le regardant, comme on dit, dans le blanc des yeux, il affirma sans hésiter : « Il n’est pas encore tout à fait midi. » Ce qui était vrai.
Pour moi, si je me penche vers la belle Féline, la si bien nommée, qui est à la fois l’honneur de son sexe, l’orgueil de mon cœur et le parfum de mon esprit, que ce soit la nuit, que ce soit le jour, dans la pleine lumière ou dans l’ombre opaque, au fond de ses yeux adorables je vois toujours l’heure distinctement, toujours la même, une heure vaste, solennelle, grande comme l’espace, sans divisions de minutes ni de secondes, — une heure immobile qui n’est pas marquée sur les horloges, et cependant légère comme un soupir, rapide comme un coup d’œil.
Et si quelque importun venait me déranger pendant que mon regard repose sur ce délicieux cadran, si quelque Génie malhonnête et intolérant, quelque Démon du contretemps venait me dire : « Que regardes-tu là avec tant de soin ? Que cherches-tu dans les yeux de cet être ? Y vois-tu l’heure, mortel prodigue et fainéant ? » je répondrais sans hésiter : « Oui, je vois l’heure ; il est l’Éternité ! »
N’est-ce pas, madame, que voici un madrigal vraiment méritoire, et aussi emphatique que vous-même ? En vérité, j’ai eu tant de plaisir à broder cette prétentieuse galanterie, que je ne vous demanderai rien en échange.
Le Spleen de Paris (1869).
Commentaire d’André Blanchard dans ses carnets 1988-1989. De littérature et d’eau fraîche. (septembre 1988) :
” On sait que l’oeil du chat, du fait que les Chinois y voient l’heure, inspira à Baudelaire cette splendeur : ” Oui, je vois l’heure. Il est l’éternité. ” On aimerait interpréter cette sorte d’épitaphe comme le sacre du chat, sphinx par excellence, premier des premiers à être venu sur terre, et dont les yeux furent le parchemin sur lequel sont inscrits non seulement tout le savoir depuis l’origine, mais surtout l’énigme même du monde. “
Hier, nous avons parlé avec mon ami Patrick de ce curieux texte de Borges. Merci à Manuel et à Ivan qui me l’avaient transmis.
La peluda de La Ferté Bernard
A orillas del Huisne, arroyo de apariencia tranquila, merodeaba durante la Edad Media la Peluda (La velue). Este animal habría sobrevivido el Diluvio, sin haber sido recogido en el arca. Era del tamaño de un toro; tenía cabeza de serpiente, un cuerpo esférico cubierto de un pelaje verde, armado de aguijones cuya picadura era mortal. Las patas eran anchísimas, semejantes a las de la tortuga; con la cola, en forma de serpiente, podía matar a las personas y a los animales. Cuando se encolerizaba, lanzaba llamas que destruían las cosechas. De noche, saqueaba los establos. Cuando los campesinos la perseguían, se escondía en las aguas del Huisne que hacía desbordar, inundando toda la zona. Prefería devorar los seres inocentes, las doncellas y los niños. Elegía a la doncella más virtuosa, a la que llamaban la Corderita (L’agnelle). Un día, arrebató a una Corderita y la arrastró desgarrada y ensangrentada al lecho del Huisne. El novio de la víctima cortó con una espada la cola de la Peluda, que era su único lugar vulnerable. El monstruo murió inmediatamente. Lo embalsamaron y festejaron su muerte con tambores, con pífanos y danzas.
El libro de los seres imaginarios, 1967. 1969 con Margarita Guerrero.
La Velue de La Ferté-Bernard
Aux bords de l’Huisne, rivière d’apparence tranquille, maraudait durant le Moyen Âge la Velue. Cet animal aurait survécu au Déluge, sans être recueilli dans l’Arche. Elle était de la taille d’un taureau ; elle avait une tête de serpent, un corps sphérique couvert d’un pelage vert, armé d’aiguillons dont la piqûre était mortelle. Les pattes étaient très larges, semblables à celles de la tortue ; avec la queue, en forme de serpent, elle pouvait tuer les hommes et les animaux. Quand elle se mettait en colère, elle lançait des flammes qui détruisaient les récoltes. De nuit, elle saccageait les étables. Quand les paysans la poursuivaient, elle se cachait dans les eaux de l’Huisne qu’elle faisait déborder, inondant toute la région. Elle préférait dévorer les êtres innocents, les jeunes filles et les enfants. Elle choisissait la plus vertueuse jeune fille, celle qu’on appelait l’Agnelle. Un jour, elle ravit une agnelle et elle la traîna déchirée et sanglante jusqu’au lit de l’Huisne. Le fiancé de la victime coupa avec une épée la queue de la Velue, qui était son seul endroit vulnérable. Le monstre mourut immédiatement. On l’embauma et on fêta sa mort avec des tambours, des fifres et des danses.
Le livre des êtres imaginaires. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Gonzalo Estrada, Yves Péneau et Françoise Rosset. Gallimard, L’imaginaire. 1987. Ecrit avec la collaboration de Margarita Guerrero.
La bonne nouvelle du printemps : Dominique Gaultier, directeur du Dilettante, publie un gros recueil (1008 pages) qui regroupe les carnets et chroniques d’André Blanchard qui avaient été publiés chez d’autres éditeurs : De littérature et d’eau fraîche (carnets 1988-1989), Erti, 1992 ; Messe basse (carnets 1990-1992), Erti, 1995 ; Impasse de la défense (carnets 1993-1995), Erti, 1998 ; Petites nuits (carnets 2000-2002), Maé-Erti, 2004 ; Impressions, siècle couchant (chroniques), Erti, 1998 ; Impressions, siècle couchant II (chroniques), Erti, 2001. Un grand merci à lui ! Toute l’oeuvre de cet auteur méconnu est maintenant publiée au Dilettante.
On y trouve cette lettre de l’éditeur à son auteur, décédé à Vesoul le 29 septembre 2014.
Cher André, Voilà près de quarante ans que je frime en rappelant ce qu’est un dilettante sur tous les rabats des livres que je publie : Personne qui s’adonne à une occupation, à un art en amateur, pour son seul plaisir. Personne qui ne se fie qu’à l’impulsion de ses goûts. Avec vous, pourtant, j’ai dérogé à cette règle : je me suis préoccupé de trésorerie plutôt que de plaisir et vous avez pâti de ma mesquinerie. En 1988, petit éditeur famélique, j’ai reçu votre premier manuscrit par la poste. J’ai été emballé, je l’ai publié. C’était un carnet de pensées, de lectures, de réflexions, de libertés, autant dire le carnet d’un dilettante. D’ailleurs c’était son titre : En dilettante. Nous le rebaptisâmes Entre chien et loup. J’étais emballé, mais j’étais fauché, et lucide aussi, il faut bien l’avouer – des carnets, les carnets d’un inconnu… à qui diable allais-je pouvoir les fourguer ? – aussi vous ai-je demandé, à l’avenir, de songer plutôt à un roman. Vous demander un roman ! Qu’est-ce qui m’a pris ? Vous avez essayé, je vous ai refusé et je vous ai perdu. Vous avez écrit d’autres carnets que d’autres ont publiés et que personne ou presque n’a lus. Quel dommage ! J’aurais dû vous faire confiance. Je n’aurais sans doute pas réussi beaucoup mieux sur le plan commercial, mais, du moins, vous aurais-je épargné cet humiliant refus, et à moi, le ridicule. Aujourd’hui que je suis moins fauché grâce à des romans que je n’ai jamais eu à réclamer, je peux enfin réparer cette bévue : ce précieux volume contient tout ce que j’aurais dû éditer. Vous n’êtes plus là pour le voir, hélas, mais je vais me battre pour vous trouver les lecteurs que vous méritez.
Pardonnez-moi, cher André, tout ce temps perdu.
Dominique Gaultier
Nota bene : lors de la réédition en 2007 de Entre chien et loup, André Blanchard évoqua, dans sa préface, ses débuts d’écrivain.
André Blanchard, De littérature et d’eau fraîche. Carnets 1988-1989.
« Désormais, fini de jouer l’ingénu : je garde sous le boisseau mes voeux de Premier de l’an. Que la nouvelle année n’attende rien de moi. Faisons comme si nous ne connaissions pas – ce qui ne va pas être dur. Et si d’aventure nous avons à traiter affaire ensemble, il sera assez tôt pour les présentations : – 1988 ? Ah ! Enchanté ! Moi, c’est Blanchard, avec un D comme déchéance , etc. »
” Des soucis en broussaille. “
” Des lendemains qui chantent faux. “
” Le bonheur ? Chacun sait ce que cela ne veut pas dire. “
” Retomber en enfance. – Dessine-moi une illusion.”