Aujourd’hui, Luis García Montero évoque dans Infolibre le printemps, la guerre et Antonio Machado…
https://www.infolibre.es/opinion/columnas/verso-libre/primavera_129_1436782.html
Le poète est mort en exil à Collioure (Pyrénées Orientales) le 22 février 1939 des suites d’une pneumonie. Il avait 64 ans.
García Montero renvoie dans cet article à un poème écrit par Machado pendant la Guerre Civile. Celui-ci vécut avec sa famille de novembre 1936 à avril 1938 Villa Amparo (Rocafort, petit village agricole qui se trouve à sept kilomètres de Valence), dans la Huerta. Il écrivit là de nombreux articles pour la presse et quelques poèmes au service de la cause républicaine.
La primavera (Antonio Machado)
Más fuerte que la guerra -espanto y grima-
cuando con torpe vuelo de avutarda
el ominoso trimotor se encima
y sobre el vano techo se retarda,
hoy tu alegre zalema el campo anima,
tu claro verde el chopo en yemas guarda.
Fundida irá la nieve de la cima
al hielo rojo de la tierra parda.
Mientras retumba el monte, el mar humea,
da la sirena el lúgubre alarido,
y en el azul el avión platea,
¡cuán agudo se filtra hasta mi oído,
niña inmortal, infatigable dea,
el agrio son de tu rabel florido!
Poesías de guerra. Ediciones Asomante, San Juan de Puerto Rico. 1961.
Le printemps
Plus fort que la guerre — angoisse et frayeur —
quand de son lourd vol d’échassier
monte dans le ciel le trimoteur funeste
et que sur le toit inutile il s’attarde,
aujourd’hui ton salut joyeux anime la campagne,
le peuplier dans ses bourgeons garde ton vert clair.
La neige des sommets, fondue, s’écoulera
vers la glace rouge des terres brunes.
Tandis que tonne la montagne, fume la mer,
la sirène lance son hurlement lugubre,
et l’avion dans l’azur scintille,
comme parvient, aigu, à mon oreille,
mon enfant immortelle, inlassable déesse,
l’aigre son de ton rebec fleuri !
Poésies de la guerre (1936-1939).
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction : Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973 ; NRF Poésie/ Gallimard n°144.
J’ai relu un autre poème plus ancien qui parle aussi du printemps.
La primavera besaba (Antonio Machado)
La primavera besaba
suavemente la arboleda
y el verde nuevo brotaba
como una verde humareda.
Las nubes iban pasando
sobre el campo juvenil…
Yo vi en las hojas temblando
las frescas lluvias de abril.
Bajo ese almendro florido,
todo cargado de flor
-recordé-, yo he maldecido
mi juventud sin amor.
Hoy, en mitad de la vida.
me he parado a meditar…
¡Juventud nunca vivida,
quién te volviera a soñar!
Soledades, 1903.
Le printemps doucement (Antonio Machado)
Le printemps doucement
posait sur les arbres un baiser,
et le vert nouveau jaillissait
comme une verte fumée.
Les nuages passaient
sur la campagne juvénile…
J’ai vu sur les feuilles trembler
les fraîches pluies d’avril.
Dessous l’amandier fleuri,
tout chargé de fleurs,
— je m’en souviens —, j’ai maudit
ma jeunesse sans amour.
Aujourd’hui, au milieu de la vie,
je me suis arrêté pour méditer…
Oh ! jeunesse jamais vécue,
que ne puis-je encor te rêver !
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973; NRF Poésie/ Gallimard n°144.