Retour à André Gide.
Albert-Marie Schmidt, Á Pontigny, La NRF, Hommage à André Gide, novembre 1951.
” La nuit tombée, il se plaisait à organiser des divertissements collectifs. Superficiel à force de profondeur, ayant horreur de la pesante gravité des chefs d’école, il se jouait à lui-même la farce de se parodier. Il transformait les pans de sa jaquette en queue de chat-huant, arrondissait ses bras comme des ailerons rognés et déclamait d’une voix rauque et râpeuse Les Hiboux de Baudelaire, provoquant dans le parc, en réponse, la plainte rapide d’une hulotte. Il taillait dans une feuille de papier bristol une auréole dérisoire ; il en couronnait son front chauve et, se nichant à croupetons sous le manteau d’une cheminée, il prenait la pose cafarde et morigénée d’un saint qui trouve l’éternité trop étroite. “
Les hiboux (Charles Baudelaire)
Sous les ifs noirs qui les abritent,
Les hiboux se tiennent rangés,
Ainsi que des dieux étrangers,
Dardant leur oeil rouge. Ils méditent.
Sans remuer, ils se tiendront
Jusqu’à l’heure mélancolique
Où poussant le soleil oblique,
Les ténèbres s’établiront.
Leur attitude au sage enseigne,
Qu’il faut en ce monde qu’il craigne
Le tumulte et le mouvement.
L’homme ivre d’une ombre qui passe
Porte toujours le châtiment
D’avoir voulu changer de place.
Les Fleurs du mal, 1857.