La Tour Magne est un monument gallo-romain situé à Nîmes (Gard). Haute de 18 m à la fin du III ème siècle, puis de 36 m de haut à l’époque romaine, elle ne mesure plus aujourd’hui que 32,50 m. Elle domine les jardins de la Fontaine sur le mont Cavalier. À l’époque romaine, par sa structure intégrée à l’enceinte, elle pouvait jouer un rôle défensif et celui d’une tour de guet ou à signaux.
La Tour Magne a été rendue célèbre par le distique holorime de Marc Monnier (1829-1885), souvent attribué à Victor Hugo :
Gall, amant de la reine, alla, tour magnanime,
Galamment de l’arène à la tour Magne, à Nîmes.
Au début de la première guerre mondiale, Guillaume Apollinaire (Guillaume Albert Vladimir, Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky) veut s’engager. Le conseil de révision ajourne sa demande car il n’a pas la nationalité française. Il est apatride. Un ami, Siégler-Pascal, lui présente Louise de Coligny-Châtillon (1881-1963) le dimanche 27 septembre 1914, lors d’un déjeuner au restaurant Bouttau dans le vieux Nice. Elle sera Lou dans Calligrammes. Elle le rejette. Il tente de nouveau une démarche pour s’engager. Positive cette fois. Il rejoint la caserne du 38e d’artillerie de campagne située route d’Uzès à Nîmes le 6 décembre 1914. Il y reste jusqu’à Pâques 1915. Du 7 au 16 décembre, Louise vient le voir. Guillaume fait le mur pour la rejoindre. Ils deviennent amants dans une chambre de l’hôtel du Midi, square de la Couronne. Ils rompent en 1915, mais continuent d’entretenir une correspondance presque quotidienne jusqu’au 18 janvier 1916. On conserve 220 lettres d’Apollinaire à Lou et 76 poèmes. Ces derniers sont regroupés pour la première fois à Genève en 1947 sous le titre Ombre de mon amour et en 1955 sous le titre Poèmes à Lou.
Un extrait mentionne la Tour Magne :
VII (Guillaume Apollinaire)
Mon Lou la nuit descend tu es à moi je t’aime
Les cyprès ont noirci le ciel a fait de même
Les trompettes chantaient ta beauté mon bonheur
De t’aimer pour toujours ton cœur près de mon cœur
Je suis revenu doucement à la caserne
Les écuries sentaient bon la luzerne
Les croupes des chevaux évoquaient ta force et ta grâce
D’alezane dorée ô ma belle jument de race
La tour Magne tournait sur sa colline laurée
Et dansait lentement lentement s’obombrait
Tandis que des amants descendaient de la colline
La tour dansait lentement comme une sarrasine
Le vent souffle pourtant il ne fait pas du tout froid
Je te verrai dans deux jours et suis heureux comme un roi
Et j’aime de t’y aimer cette Nîmes la Romaine
Où les soldats français remplacent l’armée prétorienne
Beaucoup de vieux soldats qu’on n’a pu habiller
Ils vont comme des bœufs tanguent comme des mariniers
Je pense à tes cheveux qui sont mon or et ma gloire
Ils sont toute ma lumière dans la nuit noire
Et tes yeux sont les fenêtres d’où je veux regarder
La vie et ses bonheurs la mort qui vient aider
Les soldats las les femmes tristes et les enfants malades
Des soldats mangent près d’ici de l’ail dans la salade
L’un a une chemise quadrillée de bleu comme une carte
Je t’adore mon Lou et sans te voir je te regarde
Ça sent l’ail et le vin et aussi l’iodoforme
Je t’adore mon Lou embrasse-moi avant que je ne dorme
Le ciel est plein d’étoiles qui sont les soldats
Morts ils bivouaquent là-haut comme ils bivouaquaient là-bas
Et j’irai conducteur un jour lointain t’y conduire
Lou que de jours de bonheur avant que ce jour ne vienne luire
Aime-moi mon Lou je t’adore Bonsoir
Je t’adore je t’aime adieu mon Lou ma gloire
Nîmes, le 29 décembre 1914.
Poèmes à Lou.