Le pathétisme du roman. Dialogue entre Juan José Saer et Jorge Luis Borges. Le Magazine Littéraire n° 376. mai 1999.
« J.J.S. Cela peut-il s’apparenter à certains de vos premiers essais sur la littérature du bonheur ? Vous souvenez-vous d’un essai à propos de Fray Luis de León ?
J.L.B. Á vrai dire, la littérature du bonheur est très rare.
J.J.S. C’était exactement la thèse de ces essais.
J.L.B. Au point qu’une des causes de mon admiration pour Jorge Guillén est qu’il est un poète du bonheur ; par exemple quand il écrit : « Tout dans l’air est oiseau » … En réalité le bonheur se chante avec le sens de « Tout temps révolu était meilleur. »
Cima de la delicia ( Jorge Guillén )
¡Cima de la delicia!
Todo en el aire es pájaro.
Se cierne lo inmediato
Resuelto en lejanía.
¡Hueste de esbeltas fuerzas!
¡Qué alacridad de mozo
En el espacio airoso,
Henchido de presencia!
El mundo tiene cándida
Profundidad de espejo.
Las más claras distancias
Sueñan lo verdadero.
¡Dulzura de los años
Irreparables! ¡Bodas
Tardías con la historia
Que desamé a diario!
Más, todavía más.
Hacia el sol, en volandas
La plenitud se escapa.
¡Ya sólo sé cantar!
Cántico (1919-1950). 1. Al aire de tu vuelo. III
Cime de nos délices
Cime de nos délices !
Dans l’air tout est oiseau.
L’immédiat se dévoile
Unique en un lointain.
Bataillons, forces légères !
Quel enjouement de gamin
Sur l’espace désinvolte,
Fou de présence, comblé !
Le monde a la profondeur
Naïve de quelque miroir.
Les distances les plus claires
Rêvent d’une vérité.
Ô les années irréparables,
Et leur douceur ! Et plus tard,
les noces avec l’histoire,
Jour après jour détestée !
Encore, encore plus, encore !
Vers le soleil, en envol,
La plénitude s’échappe.
Je ne sais plus que chanter !
Cantique. NRF Gallimard, 1977. Traduction: Claude Esteban.