Natalia Ginzburg (Natalia Levi) est une grande romancière italienne. Elle a été aussi traductrice, éditrice chez Einaudi et députée en 1983. Elle naît le 14 juillet 1916 à Palerme et meurt à Rome le 7 octobre 1991.
Elle publie en 1933 la nouvelle Les enfants dans la revue littéraire d’Alberto Carocci, Solaria .
Elle se marie en 1938 avec Leone Ginzburg, né à Odessa le 4 avril 1909. Il est journaliste, écrivain et professeur d’italien, actif dans le mouvement de résistance italien au fascisme Giustizia e Libertà. Elle le suit après sa condamnation à la relégation (confino) à Pizzoli, petit village reculé des Abruzzes. Ils y vivent de juin 1940 à juillet 1943. Á cette époque, naissent leurs trois enfants: Carlo, futur historien, spécialiste de la microhistoire, Andrea, économiste, et Alessandra, psychanalyste.
Ils gardent le contact avec le milieu antifasciste de Turin, En 1942, elle publie son premier roman La Route qui va en ville qu’elle signe d’un pseudonyme: Alessandra Tornimparte.
Après la chute de Mussolini le 25 juillet 1943, la famille gagne clandestinement Rome. Capturé par les Allemands, son mari Leone meurt à la prison de Regina Coeli, assassiné le 5 février 1944, après avoir été torturé par la Gestapo. Natalia exprime ses sentiments sur sa perte dans le poème Mémoire (Memoria).
Elle évoque leur période de confinement dans le texte L’hiver dans les Abruzzes qu’on peut retrouver dans Les petites vertus (Le piccole virtù, 1962. Flammarion, 1964. réédité par Ypsilon éditeur, 2018. Traduction: Adriana R.Salem)
Elle parle simplement des mois difficiles que sa famille a passé dans ce bourg misérable de montagne, où les rares choses sortant d’un ordinaire très rude sont les quelques fruits qu’on peut acheter pour Noël à un paysan rapace.
La fin de ce texte, dont j’avais parlé dans ce blog en décembre 2018, résonne curieusement aujourd’hui dans la période que nous vivons.
http://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/12/26/natalia-ginzburg-1916-1991-2/
«Il y a une certaine uniformité monotone dans les destins des hommes. Nos existences se déroulent selon des lois anciennes et immuables, suivant leur ancienne cadence uniforme. Les rêves ne se réalisent jamais ; dès que nous les voyons brisés, nous comprenons soudain que les plus grandes joies de notre vie sont en-dehors de la réalité ; dès que nous les voyons brisés, nous regrettons amèrement le moment où ils brûlaient en nous. Notre destinée s’écoule dans cette alternance d’espérances et de regrets.
Mon mari mourut à Rome dans les prisons de Regina Cœli, peu de mois après que nous eûmes quitté le village. Devant l’horreur de sa mort solitaire, devant les angoisses et les espoirs qui précédèrent sa mort, je me demande si c’est bien à nous que cela est arrivé, à nous qui achetions des oranges chez Giro et allions nous promener dans la neige. Alors je croyais en un avenir facile et joyeux, riche de désirs comblés, d’expériences et d’entreprises en commun. Mais c’était là l’époque la plus heureuse de ma vie, et c’est seulement maintenant, alors qu’elle m’a échappé pour toujours, c’est seulement maintenant que je le sais.»
Inverno in Abruzzo
«C’è una certa monotona uniformità nei destini degli uomini. Le nostre esistenze si svolgono secondo leggi antiche ed immutabili, secondo una loro cadenza uniforme e antica. I sogni non si avverano mai e non appena li vediamo spezzati, comprendiamo a un tratto che le gioie maggiori della nostra vita sono fuori della realtà. Non appena li vediamo spezzati, ci struggiamo di nostalgia per il tempo che fervevano in noi. La nostra sorte trascorre in questa vicenda di speranze e di nostalgie.
Mio marito morì a Roma nelle carceri di Regina Coeli, pochi mesi dopo che avevamo lasciato il paese. Davanti all’orrore della sua morte solitaria, davanti alle angosciose alternative che precedettero la sua morte, io mi chiedo se questo è accaduto a noi, a noi che compravamo gli aranci da Girò e andavamo a passeggio nella neve. Allora io avevo fede in un avvenire facile e lieto, ricco di desideri appagati, di esperienze e di comuni imprese. Ma era quello il tempo migliore della mia vita e solo adesso che m’è sfuggito per sempre, solo adesso lo so.»
On peut lire aussi Les voix du soir (Le vocci della sera, 1962) publié dans l’édition de poche piccolo des Editions Liana Levi en octobre 2019.