Rien ne reste de rien (Nada fica de nada, 1932)
(Fernando Pessoa – Ricardo Reis )
Rien ne reste de rien. Et nous ne sommes rien.
Au soleil et au vent quelque peu nous nous arriérons
De l’irrespirable ténèbre qui nous grèvera
De l’humide terre imposée,
Cadavres ajournés qui procréent.
Lois promulguées, statues contemplées, odes achevées –
Tout connaît son tombeau. Si nous, amas de chairs
Qu’un intime soleil nourrit de sang, avons
Notre couchant, pourquoi pas elles ?
Nous sommes contes contant contes, rien.
*
Nada fica de nada. Nada somos.
Um pouco ao sol e ao ar nos atrasamos
Da irrespirável treva que nos pese
Da humilde terra imposta,
Cadáveres adiados que procriam.
Leis feitas, estátuas vistas, odes findas —
Tudo tem cova sua. Se nós, carnes
A que um íntimo sol dá sangue, temos
Poente, por que não elas?
Somos contos contando contos, nada.
Odes éparses.
(Merci à Marie-Laure D.)
Fernando Pessoa a créé une œuvre poétique sous différents hétéronymes en plus de son propre nom.
Les plus importants sont Alberto Caeiro (qui incarne la nature et la sagesse païenne); Ricardo Reis, (l’épicurisme à la manière d’Horace); Alvaro de Campos, (le «modernisme» et la désillusion); Bernardo Soares, modeste employé de bureau à la vie insignifiante (auteur du Livre de l’intranquillité). Il a utilisé au moins soixante-douze alias en incluant les simples pseudonymes et semi-hétéronymes.
José Saramago (Prix Nobel de littérature en 1998) a publié en 1984 un roman O Ano da Morte de Ricardo Reis, traduit en français en 1988 sous le titre de L’Année de la mort de Ricardo Reis aux Éditions du Seuil.
Les cendres de Fernando Pessoa ont été transférées en 1988 pour le centenaire de sa naissance au Monastère des Hiéronymites de Lisbonne à une centaine de pas de Camoens et de Vasco de Gama.