Cesare Pavese a pu écrire aussi certains poèmes plutôt optimistes.
Agonie
J’errerai dans les rues jusqu’à l’épuisement,
je saurai vivre seule et fixer dans les yeux
les visages qui passent tout en restant la même.
Cette fraîcheur qui monte et qui cherche mes veines
est un éveil que jamais au matin je n’avais ressenti
si réel: seulement, je me sens plus forte que mon corps,
et un frisson plus froid accompagne le matin.
Ils sont loin les matins où j’avais vingt ans.
Et demain vingt-et-un: demain je sortirai dans les rues,
j’en revois chaque pierre et les franges de ciel.
Les gens dès demain me verront à nouveau
et je marcherai droite, je pourrai m’arrêter,
me voir dans les vitrines. Les matins de jadis,
j’étais jeune et ne le savais pas, je ne savais pas même
que c’était moi qui passais – une femme, maîtresse
d’elle-même. L’enfant maigre que j’étais
s’est éveillé de pleurs qui ont duré des années:
Maintenant c’est comme si jamais ils n’avaient existé.
Je désire des couleurs et c’est tout. Les couleurs ne pleurent pas,
elles sont comme un éveil: dès demain les couleurs
reviendront. Chaque femme sortira dans la rue,
chaque corps une couleur – et même les enfants.
Ce corps vêtu d’un rouge clair
après tant de pâleur retrouvera sa vie.
Je sentirai glisser les regards près de moi,
je saurai que j’existe en jetant un coup d’œil,
je me verrai dans la foule. Chaque nouveau matin,
je sortirai dans les rues en cherchant les couleurs.
Travailler fatigue (Traduction de Gilles de Van) 1969. NRF Poésie/Gallimard.
Agonia
Girerò per le strade finché non sarò stanca morta
saprò vivere sola e fissare negli occhi
ogni volto che passa e restare la stessa.
Questo fresco che sale a cercarmi le vene
è un risveglio che mai nel mattino ho provato
così vero: soltanto, mi sento più forte
che il mio corpo, e un tremore più freddo
accompagna il mattino.
Son lontani i mattini che avevo vent’anni.
E domani, ventuno: domani uscirò per le strade,
ne ricordo ogni sasso e le strisce di cielo.
Da domani la gente riprende a vedermi
e sarò ritta in piedi e potrò soffermarmi
e specchiarmi in vetrine. I mattini di un tempo,
ero giovane e non lo sapevo, e nemmeno sapevo
di esser io che passavo-una donna, padrona
di se stessa. La magra bambina che fui
si è svegliata da un pianto durato per anni
ora è come quel pianto non fosse mai stato.
E desidero solo colori. I colori non piangono,
sono come un risveglio: domani i colori
torneranno. Ciascuna uscirà per la strada,
ogni corpo un colore-perfino i bambini.
Questo corpo vestito di rosso leggero
dopo tanto pallore riavrà la sua vita.
Sentirò intorno a me scivolare gli sguardi
e saprò d’esser io: gettando un’occhiata,
mi vedrò tra la gente. Ogni nuovo mattino,
uscirò per le strade cercando i colori.
1933.
Lavorare stanca, Florence 1936.